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04/12/2014 | FRANCE | N°13NT01690

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 décembre 2014, 13NT01690


Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2013, présentée pour la SARL Tweed, dont le siège est 69 rue Charlet à Bourges (18000), par Me Lerasle, avocat au barreau de Bourges ; la SARL Tweed demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-3629 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bourges à lui verser une somme de 69 399 euros en réparation des préjudices résultant des travaux réalisés pour la création d'un ensemble commercial dénommé " Avaricum " à Bourges ;

2°) de cond

amner la commune de Bourges à lui verser cette somme, et de la condamner aux entie...

Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2013, présentée pour la SARL Tweed, dont le siège est 69 rue Charlet à Bourges (18000), par Me Lerasle, avocat au barreau de Bourges ; la SARL Tweed demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-3629 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bourges à lui verser une somme de 69 399 euros en réparation des préjudices résultant des travaux réalisés pour la création d'un ensemble commercial dénommé " Avaricum " à Bourges ;

2°) de condamner la commune de Bourges à lui verser cette somme, et de la condamner aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire et de référé expertise ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bourges une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la réalisation des travaux publics pour la création d'un centre commercial dénommé " Avaricum " lui a causé une perte d'exploitation dès l'exercice allant de juillet 2007 à juin 2008 ;

- la mise en place d'une palissade en juin 2007 a supprimé l'accès au parking situé en face de son magasin et a limité la visibilité de son enseigne, les interdictions de circulation et les travaux de voirie effectués dans la rue Sous les Ceps ont empêché les livraisons de mobiliers de dimension importante, les parkings situés à proximité du magasin étaient saturés et le rapport d'expertise judiciaire ordonné par le tribunal administratif d'Orléans établit le lien de causalité entre les travaux et le préjudice commercial qu'elle invoque ;

- ce préjudice revêt un caractère anormal et spécial ;

- le rapport d'expertise évalue le préjudice à une somme de 32 760 euros de perte de marge brute et une somme de 31 639 euros de perte de valeur de son fonds de commerce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2013, présenté pour la commune de Bourges, par Me Casadei, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SARL Tweed au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société AIG Chartis Europe Limited à la garantir intégralement des condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre et à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le préjudice allégué par la SARL Tweed ne revêt pas de caractère anormal et spécial ;

- le lien de causalité entre les travaux et le préjudice invoqué par la SARL Tweed n'est pas établi dès lors que la baisse de son chiffre d'affaires est postérieure à la date du début des travaux en juin 2007 ;

- la clientèle de l'intéressée est principalement constituée de clients institutionnels qui n'ont pas été affectés par ces travaux, l'accès au magasin a été maintenu pendant les travaux de voirie et il n'y a pas eu de baisse de fréquentation, enfin la restriction de la circulation automobile s'est limitée à 55 jours entre le 2 octobre 2006 et le 22 janvier 2010 et des parkings situés à proximité du magasin permettaient le stationnement de la clientèle ;

- la SARL Tweed ne pouvait ignorer le projet de construction du centre commercial lors de son installation en 2006, son secteur d'activité a été confronté à une conjoncture économique défavorable et le conjoint de la gérante de la SARL Tweed exerçait une activité concurrente à l'adresse même du siège de la société susceptible d'entraîner des transferts d'activité entre les deux entités ;

- le préjudice allégué par la SARL Tweed qui n'est ni inéluctable, ni imprévisible, ne peut relever des exclusions de garantie prévues dans les conditions particulières de la police d'assurance souscrite avec la société AIG Chartis Europe Limited et elle est donc fondée à appeler en garantie cette dernière ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2014, présenté pour la société AIG Chartis Europe Limited, par Me Briand, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête de la SARL Tweed et de l'appel en garantie formé par la commune de Bourges et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Bourges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de ce litige dans la mesure où les travaux en litige ne revêtent pas le caractère de travaux publics ;

- le lien de causalité entre les travaux et le préjudice invoqué par la SARL Tweed n'est pas établi ; en effet le chiffre d'affaires de cette société et la fréquentation du magasin sont restés stables jusqu'en juin 2008, le rapport d'expertise évaluant les préjudices n'a pas tenu compte de la conjoncture économique et l'accès au magasin et le stationnement à proximité de celui-ci ont toujours été assurés ;

- le préjudice allégué par la SARL Tweed ne revêt pas de caractère anormal et spécial ;

- la perte alléguée de chiffre d'affaires constitue une charge normale que doit subir un riverain au titre des travaux de la voie publique ; la perte de valeur du fonds de commerce n'est pas établie ;

- le préjudice invoqué par la SARL Tweed n'est pas garanti par la police d'assurance souscrite par la commune de Bourges ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2014, présenté pour la SARL Tweed, qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2014, présenté pour la commune de Bourges, qui maintient ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que la fin de non-recevoir opposée par la société AIG sera écartée dès lors que le contrat qui les lie est un contrat de droit public, que le litige porte sur des travaux publics et que la ZAC Avaricum est réalisée en régie sans l'intermédiaire d'un concessionnaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Tweed exploite un commerce de vente de mobiliers, luminaires et objets contemporains dans un immeuble situé 7 rue Sous les Ceps, à Bourges ; que la commune a décidé de créer une zone d'aménagement concertée dénommée ZAC " Avaricum " englobant en partie cette rue ; que, par une délibération du 25 février 2008, la commission départementale d'équipement commercial du Cher a autorisé la SCI Avaricum à créer un ensemble commercial de 13 000 m² dénommé " Avaricum " au sein de la ZAC ; que les travaux de démolition des logements existants nécessaire à la réalisation de cet équipement ont débuté en juin 2007 ; que les travaux de construction ont été prolongés au-delà de l'année 2011 en raison de travaux de fouilles archéologiques qui ont dû être réalisés sur le site sous la maîtrise d'ouvrage de la commune ; que la SARL Tweed, constatant une baisse de son chiffre d'affaires, a saisi le 30 juin 2011 le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'expertise comptable pour évaluer les préjudices commerciaux qu'elle estimait avoir subis du fait de ces travaux ; que, par une ordonnance du 27 juillet 2011 du président du tribunal administratif d'Orléans, M. B...a été désigné en qualité d'expert ; qu'il a déposé son rapport au greffe du tribunal le 9 juillet 2012 ; que la SARL Tweed demande à la cour d'annuler le jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bourges à lui verser une somme de 69 399 euros en réparation des préjudices qu'elle invoque ; que la commune de Bourges conclut à ce que la société AIG Chartis Europe Limited, son assureur, soit condamnée à la garantir intégralement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par la société AIG Chartis Europe Limited :

2. Considérant que la circonstance, à la supposer établie, qu'une partie des travaux qui sont à l'origine des dommages invoqués a été réalisée pour le compte d'une société privée est sans incidence dès lors que ces travaux répondaient à une mission de service public tendant à promouvoir le développement économique du territoire ; qu'ils ont de ce fait revêtu le caractère de travaux publics ; qu'il s'ensuit que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande indemnitaire de la SARL Tweed ; que l'exception d'incompétence opposée à nouveau en appel par la société AIG Chartis Europe Limited doit, dès lors, être écartée ;

Sur la responsabilité de la commune de Bourges :

3. Considérant qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi par M. B...que si l'accès au parking situé en face du magasin de la SARL Tweed a été supprimé en raison de la mise en place d'une palissade de chantier en juin 2007, l'enseigne du magasin est toujours restée visible et sa fréquentation stable ; que la baisse de chiffre d'affaires invoquée par l'intéressée n'est apparue qu'en juin 2008, soit un an après le début des travaux, et s'explique par une baisse du montant moyen des achats par client et par une conjoncture économique défavorable pour le secteur de l'ameublement au cours de la période 2008-2011 ; qu'il ressort de l'instruction que l'accès aux piétons est demeuré possible pendant la durée des travaux ; que la circonstance que la circulation automobile a été interdite dans la rue Sous les Ceps à plusieurs reprises, et notamment du 27 février au 3 avril 2009, et que pour des raisons qui n'ont pas été explicitées par la société requérante le chiffre d'affaires du mois de mars 2009 ne s'est élevé qu'à 180 euros ne suffit pas à elle seule à caractériser un dommage anormal et spécial ; que les parkings situés à proximité du magasin étaient accessibles et, s'ils connaissaient des saturations rendant le stationnement difficile pour la clientèle, ce phénomène était de nature à affecter tout le quartier concerné et non de manière spécifique le commerce en litige ; qu'en outre la SARL Tweed ne conteste pas qu'à la date à laquelle elle s'est installée en 2005-2006 elle avait connaissance du projet d'aménagement de ce quartier ; qu'enfin la commune soutient sans être contredite que les principaux clients de la société sont constitués d'" institutionnels ", qui représentent la part essentielle de son chiffre d'affaires et étaient peu susceptibles d'être affectés par l'environnement du magasin ; que, dans ces conditions, la SARL Tweed n'établit pas avoir subi un préjudice anormal et spécial à l'occasion des travaux d'aménagement de l'ensemble commercial dénommé Avaricum à proximité de son magasin ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Tweed n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et a mis les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 793.57 euros, à sa charge définitive ;

Sur les conclusions de la commune de Bourges :

6. Considérant qu'à défaut de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions de la commune de Bourges tendant à la condamnation de son assureur, la société AIG Chartis Europe Limited, à la garantir se trouvent dépourvues d'objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de la commune de Bourges, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la SARL Tweed et la société AIG Chartis Europe Limited demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante, ni de la société AIG Chartis Europe Limited, les sommes que la commune de Bourges demande au titre de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Tweed est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 793.57 euros TTC, par une ordonnance du 6 août 2012 du président du tribunal administratif d'Orléans, sont laissés à la charge définitive de la SARL Tweed.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par la commune de Bourges et les conclusions de la société AIG Chartis Europe Limited sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Tweed, à la commune de Bourges et à la société AIG Chartis Europe Limited.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01690
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LERASLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-04;13nt01690 ?
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