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19/02/2015 | FRANCE | N°13NT02983

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 février 2015, 13NT02983


Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2013, présentée pour la société Axa Assurances, dont le siège est 6 rue Château de l'Eraudière, BP 32835, Cedex 3 à Nantes (44328), représentée par son représentant légal, par Me Salaün, avocat au barreau de Nantes ; la société Axa Assurances demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 09-5786 du 29 août 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 62 500 euros la somme que la commune de Tramain a été condamnée à lui verser en remboursement des indemnités acquittées aux ayants droits de M.

A..., décédé à la suite d'un accident de la circulation provoqué par Mme E..., son...

Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2013, présentée pour la société Axa Assurances, dont le siège est 6 rue Château de l'Eraudière, BP 32835, Cedex 3 à Nantes (44328), représentée par son représentant légal, par Me Salaün, avocat au barreau de Nantes ; la société Axa Assurances demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 09-5786 du 29 août 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité à 62 500 euros la somme que la commune de Tramain a été condamnée à lui verser en remboursement des indemnités acquittées aux ayants droits de M. A..., décédé à la suite d'un accident de la circulation provoqué par Mme E..., son assurée ;

2°) de porter cette condamnation à la somme 295 727,62 euros, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2008 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tramain la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- subrogée dans les droits de son assurée, la veuve de M. A..., et de l'Etat, employeur de la victime, elle est fondée à exercer une action subrogatoire à l'encontre de la commune de Tramain, responsable de l'accident en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public en cause ;

- dans la mesure où elle fournit l'ensemble des justificatifs permettant de calculer le préjudice économique subi par Mme A... en tant que conjoint survivant, il appartient à la commune de lui verser la totalité de la somme de 75 168,89 euros calculée sur la base du salaire annuel de référence du défunt fixé à 34 569,21 euros par le tribunal de grande instance de Dinan dans son jugement du 27 juillet 2007, d'une part d'autoconsommation de 20 % et de la perte annuelle de revenus du conjoint survivant ;

- il revient également à la commune la charge de rembourser la somme de 158 058,73 euros, dont il est justifié, en réparation du préjudice de l'Etat qui, en qualité d'employeur de M. A..., a effectué divers versement à sa veuve ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2014, présenté pour la commune de Tramain par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes, qui conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Axa Assurances ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 29 août 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Axa Assurances la somme de 62 500 euros et à sa mise hors de cause ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la société Axa Assurances la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- dans la mesure où le préjudice dont il est demandé réparation ne résulte pas du préjudice personnel de son assurée mais du préjudice subis par des tiers, la société Axa Assurances ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-12 du code des Assurances ; la requérante ne peut pas davantage se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 1251 du code civil puisque seule son assurée a été condamnée par le jugement du tribunal de grande instance de Dinan du 27 juillet 2007 à indemniser les victimes ; la subrogation dont prétend bénéficier la requérante étant nécessairement conventionnelle, il lui appartenait de justifier des conditions prévues à l'article 1250 du code civil, qui dispose qu'elle doit être expresse et faite simultanément avec le paiement ;

- en retenant sa responsabilité alors même que le massif de plantes litigieux est situé sur une dépendance d'une voie relevant du domaine public routier du département des Côtes d'Armor, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; c'est à tort que ces derniers ont estimé, en l'absence de toute convention expresse, qu'elle était propriétaire des plantations, dont elle assurait seulement l'entretien ; ce n'est que sur le fondement de la faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police que sa responsabilité pouvait être engagée et non en raison d'un défaut d'entretien d'une voie dont elle n'est pas propriétaire ;

- aucun défaut d'entretien normal ne saurait, en tout état de cause, être retenu, dans la mesure où le massif de plantes en cause ne masquait pas la visibilité, comme en atteste le fait qu'aucune plainte n'avait été relevée parmi les usagers de la route et qu'aucun accident n'était survenu auparavant ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits retenus par le juge pénal pour relaxer Mme E... du chef d'homicide involontaire s'imposaient au juge administratif ; le comportement fautif de Mme E..., qui a manifestement manqué de prudence, est de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; l'intéressée, qui allait chercher ses enfants à l'école, connaissait nécessairement la configuration des lieux et, notamment, la présence du massif de fleurs litigieux ;

- il ressort des termes mêmes de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 19 mars 2007, comme des témoignages recueillis, que la victime circulait à une vitesse excessive en dépit des conditions climatiques difficiles, ce qui est constitutif d'une faute de nature à exonérer la commune de toute responsabilité ;

- à titre subsidiaire, la société Axa Assurances ne saurait se fonder sur des décisions de justice qui ne lui sont pas opposables et demander réparation du dommage survenu pour partie en raison de la faute commise par la victime de l'accident, ce qui aurait été retenu par la cour d'appel de Dinan si elle avait été saisie sur les dispositions civiles du jugement ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 décembre 2014, présenté pour le département des Côtes d'Armor, qui conclut au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à ce que la commune de Tramain soit condamnée à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et à ce que la société Axa Assurances lui verse une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- à supposer même que le massif litigieux se soit trouvé sur une dépendance des CD nos 712 et ou 105 il a été aménagé et entretenu par la commune de Tramain et ne saurait engager sa propre responsabilité ;

- l'accident n'a pu être provoqué que par les fautes des deux conducteurs ;

- la société Axa ne peut, en tout état de cause, se fonder sur un jugement judiciaire auquel il n'était pas partie pour chiffrer ses préjudices ;

- si la cour devait retenir sa responsabilité, il serait fondé à appeler en garantie la commune qui a procédé aux aménagements litigieux ;

Vu les mémoires, enregistrés les 12 décembre 2014 et 16 janvier 2015, présentés pour la société Axa Assurances, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que :

- en première instance elle a dirigé son action tant contre la commune de Tramain que contre le département des Côtes d'Armor ;

- le défaut d'entretien normal est parfaitement établi dès lors que le massif de plantes empêchait les automobilistes de voir les autres véhicules en provenance de la route adjacente ;

- ni Mme E... ni M. A... n'ont commis de faute ;

- l'évaluation de ses préjudices a été déterminée en fonction des règles afférentes à la responsabilité des personnes publiques ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 janvier 2015, présenté pour la commune de Tramain,

qui maintient ses précédentes écritures et conclut également au rejet des conclusions du département des Côtes d'Armor ;

elle soutient en outre que :

- si le département des Côtes d'Armor demande à ce qu'elle le garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre, il n'indique pas sur quel fondement il entend rechercher cette responsabilité et n'assortit cette demande, qui est irrecevable, d'aucun moyen de droit susceptible de lui permettre d'y répondre ;

- le massif de fleurs était implanté sur l'accotement, le long de la voie départementale n° 105, et n'étaient pas constitutif d'un ouvrage indépendant de cette voie ;

- il appartient au département de prouver l'existence d'une faute de sa part ;

- elle n'a pas reconnu avoir planté le massif de fleurs, qui était présent depuis plus de 15 ans ; si elle a pu se charger de tailler le massif, cela n'a pas eu pour effet de lui transmettre une quelconque responsabilité juridique en l'absence de toute convention expresse ;

- le département reconnaît que si le massif pouvait diminuer la visibilité, celle-ci restait suffisante ; ce n'est qu'un mois après les faits que Mme E... a indiqué que le massif de plantes pouvait expliquer l'accident ;

Vu la lettre du 21 janvier 2015, adressée aux parties, leur indiquant que le litige était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2015, présenté pour la société Axa Assurances, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens et demande expressément à la cour de condamner le département des Côtes d'Armor à lui verser la somme de 295 727,62 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2008 et de leur capitalisation, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département des Côtes d'Armor au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient en outre que :

- le département des Côtes d'Armor devra être condamné à l'indemniser des préjudices subis en raison du défaut d'entretien de son ouvrage, constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi et il incombe à la personne publique propriétaire de l'ouvrage et en charge de son entretien d'indemniser les préjudices subis par les usagers du fait de ce défaut d'entretien ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de Me B..., substituant Me Salaün, conseil de la société Axa Assurances,

- et les observations de Me C..., substituant Me Lahalle, conseil de la commune de Tramain ;

1. Considérant que, le 16 septembre 2005, le véhicule conduit par Mme E... sur la route départementale n° 105 en direction de Plénée-Jugon est entré en collision, au carrefour dit de " la Grotte ", sur le territoire de la commune de Tramain, avec la motocyclette pilotée par M. A..., gendarme en service, qui circulait sur la route départementale n° 712 ; que M. A..., né le 6 novembre 1955, est décédé des suites de ses blessures ; que Mme E..., qui a été poursuivie pour homicide involontaire devant le tribunal de grande instance de Dinan siégeant en formation correctionnelle a, par un jugement du 30 juin 2006, confirmé par arrêt du 19 mars 2007 rendu par la cour d'appel de Rennes, été relaxée dans le cadre des poursuites pénales mais condamnée au civil à verser la somme globale de 61 500 euros en réparation des préjudices moraux subis par les ayants droit de M. A... ainsi que 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que, par un jugement du 27 juillet 2007, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 16 mai 2008, Mme E... a également été condamnée à verser à Mme A..., veuve de la victime, et à l'Etat en qualité d'employeur de M. A... la somme globale de 233 227,62 euros ; que la société Axa Assurances, assureur de Mme E..., a présenté devant le tribunal administratif de Rennes une demande indemnitaire dirigée contre la commune de Tramain puis contre le département des Côtes-d'Armor ; que, par un jugement du 29 août 2013, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Tramain à verser à la société Axa Assurances la somme de 62 500 euros ainsi que celle de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande ; que la société Axa Assurances relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de la commune à cette somme, qu'elle demande à la cour de porter à 295 727,62 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Tramain conteste le principe de sa responsabilité et demande l'annulation du même jugement ; que le département des Côtes d'Armor conclut également à sa mise hors de cause, et à titre subsidiaire, à ce que la commune le garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Tramain :

2. Considérant que si la société Axa Assurances s'est prévalue de la reconstitution à

laquelle les services de gendarmerie ont procédé le 18 septembre 2005 pour soutenir que le massif de plantes situé sur le bas-côté de la route départementale n° 712 masquait la visibilité sur la droite des conducteurs provenant de la route départementale n° 105 lorsqu'ils étaient arrêtés au stop, de sorte que les véhicules circulant sur la route départementale n° 712 arrivant de ce côté n'apparaissaient dans leur champ de vision qu'à une distance de 105 mètres au lieu de 325 mètres, et s'il est constant que la commune de Tramain procédait périodiquement à l'entretien de ce massif, ces plantations étaient implantées sur l'accotement de la voirie départementale, dont l'entretien incombait à cette seule collectivité en vertu de l'article L. 131-3 du code de la voirie routière et de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que la responsabilité de la commune de Tramain était engagée à raison de la survenance de l'accident en litige et a condamné cette dernière à indemniser la société requérante ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Axa Assurances devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour ;

4. Considérant que, s'il appartenait au département des Côtes-d'Armor de veiller à l'entretien normal de son domaine routier, et en particulier de l'accotement sur lequel était implanté le massif de plantes litigieux, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des photographies figurant au dossier, que ce massif, même s'il exigeait des conducteurs une vigilance accrue, ne pouvait pas, eu égard à sa taille, être regardé comme caractérisant un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public constitué de la route départementale n° 712 et de ses accotements, alors au surplus que la vitesse était sur cette voie réduite à 70 km/h ; que par suite, en l'absence de tout défaut d'entretien normal de l'ouvrage, la société Axa Assurances n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département des Côtes d'Armor ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du département des Côtes d'Armor tendant à ce que la commune de Tramain soit condamnée à le garantir ne peuvent, en l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, qu'être en tout état de cause rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tramain et du département des Côtes d'Armor, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes demandées par la société Axa Assurances au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Axa Assurances le versement à la commune de Tramain et au département des Côtes d'Armor de la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 09-5786 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Axa Assurances devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 3 : La société Axa Assurances versera à la commune de Tramain et au département des Côtes d'Armor la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Tramain et du département des Côtes d'Armor est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa Assurances, à la commune de Tramain et au département des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2015.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02983
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL ARMEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-19;13nt02983 ?
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