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12/03/2015 | FRANCE | N°13NT02175

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 mars 2015, 13NT02175


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la société Saupiquet, dont le siège est 11 avenue Dubonnet à Courbevoie Cedex (92407), par Me Vannini, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la société Saupiquet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3057 du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 8 décembre 2010 par le trésorier payeur général du Finistère pour un montant de 3 009 911,01 euros ;

2°) d'annuler le titre de per

ception litigieux ainsi que la décision implicite du trésorier payeur général du F...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la société Saupiquet, dont le siège est 11 avenue Dubonnet à Courbevoie Cedex (92407), par Me Vannini, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la société Saupiquet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3057 du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 8 décembre 2010 par le trésorier payeur général du Finistère pour un montant de 3 009 911,01 euros ;

2°) d'annuler le titre de perception litigieux ainsi que la décision implicite du trésorier payeur général du Finistère rejetant sa réclamation préalable ;

3°) de prononcer la décharge de la somme de 3 009 911,01 euros ;

4°) d'ordonner le remboursement de cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation ;

5°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en appréciation de la validité de la décision de la Commission européenne n° 2008/936/CE du 20 mai 2008, et de surseoir à statuer dans l'attente de cette décision ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen qui mettait en cause la possibilité pour la Commission d'imposer la récupération des aides et donc la validité de sa décision ;

- pour écarter la violation du principe d'égalité, le tribunal n'a pas expliqué en quoi les entreprises qui n'ont pas fait l'objet d'une récupération des aides versées se trouvaient dans une situation différente ;

- le titre de perception litigieux a été émis à l'issue d'une procédure irrégulière, contraire au principe général de droit communautaire relatif au respect des droits de la défense repris à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, dès lors qu'aucune véritable procédure contradictoire préalable lui permettant de faire valoir ses observations sur sa qualité de débiteur ainsi que sur le chiffrage ou la méthode de calcul du montant à restituer n'a été mise en oeuvre ;

- le titre de perception, qui se borne à mettre à sa charge la somme de 3 009 911,01 euros, est insuffisamment motivé et contraire au principe général du droit de l'Union européenne qui figure désormais au point 2. c) de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- en émettant un titre de perception sept ans après l'instauration du Fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) et le versement des indemnités au titre de l'" assurance gazole " aux entreprises de pêche, l'Etat a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- la créance est dans son principe totalement infondée puisqu'il existe un doute sérieux sur la validité de la décision de la Commission qui en constitue le fondement et qui justifie le renvoi d'une question préjudicielle en appréciation de sa validité à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ;

- la décision de la Commission est insuffisamment motivée quant à la qualification et à l'ampleur de l'avantage consenti au FPAP ainsi qu'à la condition d'affectation des échanges entre les Etats membres pour ce qui concerne l'aide aux entreprises de pêche ;

- elle est contraire à l'article 107 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans la mesure où elle a identifié une aide au seul bénéfice des entreprises de pêche alors que d'autres opérateurs économiques ont pu être bénéficiaires des aides en cause ;

- elle est également contraire à l'article 107 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans la mesure où la Commission a estimé que l'intégralité des indemnités versées aux pêcheurs avait été financée par des ressources d'Etat et qu'il s'agissait d'une mesure imputable à l'Etat alors-même que le FPAP n'était pas contrôlé par l'Etat et décidait seul de l'affectation effective de ses ressources ;

- elle est contraire aux principes applicables à la récupération des aides dans la mesure où la méthode de calcul de l'aide à restituer par les entreprises de pêche conduit à leur imposer de restituer des montants supérieurs aux avantages dont elles ont effectivement bénéficié ;

- en enjoignant à la France de procéder à la récupération des sommes en litige la Commission va à l'encontre de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/2009 et porte atteinte au principe de confiance légitime ;

- l'administration a quant à elle commis plusieurs erreurs dans la détermination du montant de la créance de restitution mise à sa charge en ne prenant pas en compte le montant des aides dont la restitution incombait au FPAP, en n'appliquant pas la méthode de calcul fournie par la Commission et en méconnaissant le principe d'égalité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 juin 2014 au ministre des finances et des comptes publics, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 juin 2014 au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la société Saupiquet, qui a été informée le 14 décembre 2009 de la décision de la Commission du 20 mai 2008 et a été invitée à prendre contact avec la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture pour faire valoir tous les documents ou justificatifs qu'elle souhaitait, n'est pas fondée à soutenir que la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, seules applicables en l'espèce, n'aurait pas été respectée ;

- le titre de perception contesté est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- en l'absence de circonstances exceptionnelles, la société Saupiquet ne peut utilement invoquer le principe de sécurité juridique et de confiance légitime dès lors que les aides litigieuses ont été mises en oeuvre sans notification préalable à la Commission ;

- la somme réclamée à la société Saupiquet est égale aux montants qui lui ont été versés par le FPAP, qui n'a joué qu'un rôle d'intermédiaire entre l'Etat et les pêcheurs ou sociétés pour le versement de l'aide, duquel ont été déduites les cotisations qu'elle lui a versées ainsi que les impôts dont elle s'est acquittée sur ces montants ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté dès lors que les aides inférieures à 30 000 euros, qui remplissaient les critères du règlement de minimis, n'étaient pas illégales et n'avaient pas à être récupérées ;

- il est exclu que la société Saupiquet soit déchargée des sommes en litige si le titre de perception du 8 décembre 2010 devait être annulé pour vice de forme ou de procédure ;

- il s'en remet à la sagesse de la cour pour apprécier s'il y a lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 décembre 2014, présenté pour la société Saupiquet, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre que la jurisprudence Scott SA, Kimberly Clark c/ ville d'Orléans ( C-210/09) de la Cour de justice de l'Union européenne invoquée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas transposable au cas d'espèce et ne saurait faire obstacle à la décharge des sommes mises à sa charge par le titre de perception à la suite de son annulation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment son article 41 ;

Vu le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE ;

Vu le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE ;

Vu le règlement (CE) n° 875/2007 de la Commission du 24 juillet 2007 relatif à l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et modifiant le règlement (CE) n° 1860/2004 ;

Vu la décision n° 2008/936/CE de la Commission européenne du 20 mai 2008 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Moraïtou, avocat de la société Saupiquet ;

1. Considérant que le Fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP) a été constitué en 2004 sous la forme d'un syndicat professionnel entre la Coopérative maritime, la centrale d'achat et de développement Cécomer, le centre de gestion de la pêche artisanale et deux personnalités du monde de la pêche ; que son objet était de développer des produits permettant à ses adhérents, les entreprises de pêche, de faire face aux risques liés notamment à la fluctuation du prix du gazole ; que le FPAP devait en effet prendre en charge le coût du carburant supérieur à un prix de référence alors que, dans la situation inverse, les entreprises devaient verser une contribution au fonds ; que le prix du carburant étant resté au dessus du prix de référence, le FPAP s'est trouvé rapidement à court de liquidités ; que l'Etat est intervenu en signant trois conventions avec ce fonds pour l'octroi de 65 millions d'euros sous forme d'avances remboursables à un taux de 4,45 %, lesquelles lui ont été versées par l'intermédiaire de l'office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (Ofimer) ; que la Commission européenne, qui a eu connaissance de ces avances, a, le 8 mars 2006, ouvert la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 108 paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et par l'article 6 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ; que, par une décision n° 2008/936/CE du 20 mai 2008, elle a estimé que les avances remboursables litigieuses, dont les échéances de remboursement étaient dépassées, étaient constitutives d'une aide d'Etat illégale tant à l'égard du FPAP que des entreprises de pêche ; qu'en application de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999, elle a enjoint à la France de procéder à la récupération de ces avances auprès de leurs bénéficiaires ; que, par un courrier du 24 janvier 2011, le préfet du Finistère a notifié à la société Saupiquet un titre de perception émis à son encontre le 8 décembre 2010 par le trésorier payeur général du Finistère pour un montant de 3 009 911,01 euros ; que cette société a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de ce titre de perception ; qu'elle relève appel du jugement du 24 mai 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que la société Saupiquet soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen " qui mettait en cause (...) la possibilité même pour la Commission d'imposer la récupération des aides et donc la validité de la décision de la Commission elle-même " ; que les juges de première instance ont toutefois estimé que la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne ne s'imposait pas dès lors que la Commission avait, pour qualifier d'aide d'Etat les apports de fonds publics litigieux, procédé à une analyse fondée sur les quatre critères énoncés par la jurisprudence communautaire ; qu'ils ont ainsi estimé qu'il n'existait pas de difficulté sérieuse quant à la validité de la décision de la Commission du 20 mai 2008 ; qu'il suit de là que le tribunal administratif doit être regardé comme ayant répondu, et de manière suffisamment motivée, au moyen soulevé ;

3. Considérant, en second lieu, que si la société Saupiquet soutient que le tribunal administratif de Rennes n'a pas expliqué en quoi les entreprises de pêche qui devaient rembourser les avances litigieuses se trouvaient dans une situation différente de celles qui en avaient été dispensées, le tribunal, en qualifiant d'irrégulières les aides accordées aux entreprises de pêche désignées pour en assurer leur remboursement a implicitement mais nécessairement estimé que les aides versées aux autres entreprises étaient régulières et qu'elles ne se trouvaient pas dans la même situation ; que, par suite, le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé sur ce point ;

Sur la légalité du titre de perception contesté :

En ce qui concerne les droits de la défense :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 14 du règlement susvisé (CE) n° 659/1999 : " (...) 3. (...) la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire. " ; que la société Saupiquet soutient que le titre de perception litigieux a été émis à l'issue d'une procédure irrégulière, contraire au principe général de droit communautaire relatif au respect des droits de la défense repris à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, si la société requérante n'a pas eu connaissance des échanges qui ont débuté à compter du 25 août 2005 entre la Commission et les autorités françaises, il est constant que la décision de la Commission d'engager la procédure formelle d'examen, qui a été adressée à la France le 8 mars 2006, a été publiée au journal officiel de l'Union européenne le 19 avril 2006 ; que cette décision indiquait clairement que les parties intéressées pouvaient présenter leurs observations dans un délai d'un mois à compter de la date de cette publication et que leurs observations seraient transmises à la France ; que, par ailleurs, la décision n° 2008/936/CE du 20 mai 2008 de la Commission déclarant contraires au droit communautaire les avances remboursables consenties par l'Etat au FPAP et aux entreprises de pêche a été publiée au journal officiel de l'Union européenne le 12 décembre 2008 ; que son article 4 prévoyait expressément le remboursement par leurs bénéficiaires des aides litigieuses jugées incompatibles avec le marché commun ; que la France était d'ailleurs invitée à communiquer à la Commission la liste des entreprises de pêche qui avaient reçu une aide, le montant total perçu par chacune d'elles ainsi que les documents démontrant que les bénéficiaires avaient été mis en demeure de rembourser l'aide ; que le Gouvernement français a informé le 31 octobre 2008 les représentants de la filière pêche de la décision de la Commission ; qu'enfin, la société Saupiquet a elle-même été directement informée le 14 décembre 2009 par le préfet du Finistère de la décision de la Commission du 20 mai 2008 et invitée à prendre contact avec la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture pour faire valoir tous les documents ou justificatifs qu'elle souhaitait et vérifier le montant des aides dont elle avait bénéficié ; que, dans ces conditions, la société requérante, en dépit de la circonstance qu'elle n'aurait eu connaissance ni du montant de l'aide à récupérer auprès du FPAP ni du montant total des indemnités versées par cet organisme aux entreprises de pêche au titre de l'" assurance gazole ", et n'aurait pas été informée de la dissolution du FPAP, doit être regardée comme ayant été mise à même de présenter ses observations au sens des dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, seules invocables en l'espèce ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que le titre de perception litigieux aurait été émis en méconnaissance des droits de la défense ;

En ce qui concerne l'obligation de motivation :

5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 81 du décret susvisé du 29 décembre 1962 alors applicable : " Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation. " ; que le titre de perception contesté indique le montant total de la somme due, le service chargé de la liquidation et celui chargé du recouvrement avec leurs coordonnées, la désignation de la ligne de recettes concernée et porte en objet : " En application de la décision de la Commission européenne du 20 mai 2008 (2008/936/CE) (aide d'Etat C 9/06) et du règlement (CE) n° 794/2004 du 21 avril 2004 : reversement des aides octroyées à partir de 2004 aux entreprises de pêche par le Fonds de prévention des aléas de pêche (FPAP) à partir de subventions de l'Etat. / Entreprise : Le Thon Saupiquet (...) créance 3 009 911,01 euros principal 2 513 611,87 euros intérêts 496 299,14 euros (...) " ; qu'il précise en outre qu'il est rendu exécutoire en vertu de l'article 85 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié ; qu'il est par ailleurs constant que la décision de la Commission constituant le fondement de ce titre de perception, qui comportait toutes les précisions complémentaires utiles à la société Saupiquet, notamment en ce qui concerne le mode de calcul des sommes à reverser, et renvoyait au règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission pour le calcul des intérêts appliqués, avait été préalablement adressée à l'entreprise ; que, dans ces conditions, la société requérante, qui en outre a été mise en mesure, ainsi qu'il a été rappelé au point 4, de solliciter toutes informations complémentaires auprès de l'administration, notamment sur le montant des aides à récupérer auprès du FPAP et le montant total des indemnités versées par cet organisme aux entreprises de pêche au titre de l'" assurance gazole ", n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception émis à son encontre serait insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne le principe de sécurité juridique et de confiance légitime :

6. Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union, des espérances fondées ; que, toutefois, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est finalement adoptée ; qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus la décision de la Commission d'engager la procédure formelle d'examen, adressée à la France le 8 mars 2006, a été publiée au journal officiel de l'Union européenne le 19 avril 2006 ; que, par suite, la société Saupiquet ne pouvait, à compter de cette date, ignorer le risque auquel elle était exposée de devoir reverser les aides qu'elle avait perçues ; que cette société, qui ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle qui aurait pu légitimer sa confiance dans le caractère régulier de l'aide perçue, n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en émettant un titre de perception sept ans après l'instauration du FPAP et les premiers versements des indemnités litigieuses au titre de " l'assurance gazole " aux entreprises de pêche l'Etat, qui était tenu de procéder à la restitution des aides litigieuses sous peine de condamnation dans le cadre d'un recours en manquement, aurait méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

En ce qui concerne la validité de la décision de la Commission du 20 mai 2008 :

7. Considérant que la société Saupiquet, qui n'était pas directement et individuellement mentionnée dans la décision du 20 mai 2008 de la Commission citée plus haut conteste, ainsi qu'elle est en droit de le faire par la voie de l'exception, la validité de cette décision et demande à la cour de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 87 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. 2. Sont compatibles avec le marché intérieur : (...) b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, que si la société Saupiquet soutient que la décision du 20 mai 2008 n'est pas suffisamment motivée quant à la qualification et l'ampleur de l'avantage consenti au FPAP, la Commission s'est expressément référée à une enquête effectuée par la Chambre nationale des conseils et experts financiers auprès de 35 banques pour estimer que même le Crédit Maritime, partenaire naturel de la filière pêche, n'aurait pas prêté au FPAP les sommes litigieuses qui, compte tenu de leurs dates rapprochées et de leur identité d'objet, constituaient un tout indivisible, sans avoir préalablement acquis l'assurance de sa solvabilité à l'échéance du prêt ; qu'elle a ajouté que le montant estimé des recettes provenant des diverses cotisations des adhérents n'aurait pas permis au FPAP d'intervenir sur un marché à terme sans un apport de fonds extérieurs ; que si la société requérante, qui fait valoir qu'elle n'intervenait que dans le secteur du thon tropical et ne pêchait pas dans les eaux communautaires, tout en reconnaissant cependant que d'autres entreprises européennes et notamment espagnoles exerçaient la même activité qu'elle dans le même secteur et par conséquent de manière concurrentielle, soutient également que la décision de la Commission est insuffisamment motivée quant à la condition d'affectation des échanges entre les Etats membres relatifs aux produits de la pêche, la Commission a toutefois rappelé que la valeur globale des exportations de produits de la pêche et de l'aquaculture de la France vers le reste du monde atteignait 1 290 millions d'euros en 2005, dont 80 % à destination de pays membres de l'Union européenne et que la valeur globale des importations de cette catégorie de produits en France s'élevait en 2005 à 3 693 millions d'euros, dont 40 à 60 %, en provenance de pays membres et que le volume des échanges entre la France et le reste de l'Europe pesait d'un poids considérable dans son bilan d'approvisionnement en produits de la pêche et de l'aquaculture ; que, dans ces conditions, et alors même que certains adhérents du FPAP étaient de petits armateurs commercialisant leurs produits sur des marchés locaux, la Commission a estimé que des mesures visant à favoriser un nombre important d'entreprises de pêche françaises (plus de 30 % de la flotte) par la réduction de leurs coûts de production avaient nécessairement un impact sur les échanges entre Etats membres dans le domaine de la pêche ; qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société Saupiquet, le moyen tiré de ce que la décision du 20 mai 2008 de la Commission serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la société Saupiquet soutient que la décision de la Commission est contraire à l'article 107 paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans la mesure où la Commission a identifié une aide au seul bénéfice des entreprises de pêche alors que d'autres opérateurs économiques, tels que Cécomer et les courtiers du FPAP, ont pu être bénéficiaires des aides en cause ; qu'ainsi qu'il a été dit, la Commission a distingué les aides en faveur du FPAP et celles en faveur des entreprises de pêche ; que ces deux types d'aides ont été rendus possibles grâce aux avances de l'Etat, aux produits des cotisations des adhérents et aux bénéfices tirés d'opérations spéculatives sur le marché à terme des produits pétroliers ; que l'acquisition d'options sur ce marché par le FPAP, qui rétrocédait ensuite le carburant acheté à terme à la centrale d'achats des coopératives maritimes Cécomer, laquelle n'avait pas vocation à réaliser des marges pour son propre compte, a permis aux entreprises adhérentes au FPAP d'acheter du carburant à un prix inférieur à celui du marché ordinaire ; que les bénéfices que le FPAP a pu dégager de cette première activité étaient destinés à financer les mesures prises en faveur des entreprises de pêche ; que la Commission a d'ailleurs évoqué la possibilité de récupérer l'aide litigieuse auprès du FPAP pour la part qui n'aurait pas été transférée aux entreprises de pêche mais qui aurait servi à financer les frais de fonctionnement de cet organisme ou aurait été conservée dans sa trésorerie, mais que cet organisme a été dissous le 27 février 2008 ; que la circonstance que l'Etat français a en définitive neutralisé ce paramètre est sans incidence sur la validité de la décision de la Commission ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la société Saupiquet soutient également que la décision du 20 mai 2008 est contraire à l'article 107 paragraphe 1 du TFUE dans la mesure où la Commission a estimé que l'intégralité des indemnités versées aux pêcheurs aurait été financée par des ressources d'Etat et qu'il s'agirait d'une mesure imputable à l'Etat alors même qu'elle a expressément constaté que le FPAP n'était pas contrôlé par l'Etat et décidait seul de l'affectation effective de ses ressources ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut la fourniture de carburant aux entreprises de pêche à un prix inférieur à celui du marché ordinaire n'a été possible que grâce aux avances consenties par l'Etat ; que la première convention conclue le 12 novembre 2004 pour un montant de 15 millions d'euros indique d'ailleurs clairement que l'" avance de trésorerie a pour objet la mise en place d'un mécanisme de couverture contre les fluctuations des cours internationaux du pétrole à compter du 1er novembre 2004 " ; que les conventions conclues les 27 mai et 11 octobre 2005 pour des montants respectifs de 10 et 40 millions d'euros ont poursuivi cet objectif ; qu'ainsi, et alors même que l'Etat n'est pas intervenu dans les choix opérés par le FPAP pour faire fructifier les fonds mis à sa disposition, le moyen tiré de ce que la Commission n'aurait pu qualifier ces avances d'aides imputables à l'Etat compte tenu de l'origine de leur financement ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que la société Saupiquet soutient que la décision de la Commission est contraire aux principes applicables en matière de récupération des aides dans la mesure où la méthode de calcul des restitutions à opérer par les entreprises de pêche conduit à leur réclamer des montants supérieurs au montant des avantages dont elles ont effectivement bénéficié ; qu'il est toutefois constant que la Commission a retenu comme base de calcul des sommes à reverser par chaque entreprise l'indemnité reçue par elle au titre de " l'assurance gazole " ; que si la société requérante affirme qu'elle n'aurait pas acheté de carburant à Cécomer, elle ne conteste cependant ni avoir acheté du carburant à une autre coopérative, qui elle-même aurait acheté ce carburant à Cécomer, ni avoir bénéficié d'une indemnité compensant partiellement ses dépenses de carburant dite " assurance gazole " ; que la Commission a estimé que les aides dont ont bénéficié les entreprises de pêche et le montant total des avances de l'Etat transférées aux entreprises de pêche n'étaient imputables à l'Etat que dans la limite du montant de ces avances ; que selon ses indications, qui ne sont pas sérieusement contestées, les entreprises qui ont bénéficié de prix préférentiels pour leur carburant étaient les mêmes que celles qui avaient bénéficié d'indemnités au titre de l'" assurance gazole " et dans des proportions identiques ; que la société Saupiquet indique d'ailleurs elle-même avoir perçu des indemnités à hauteur de 2,6 millions d'euros entre les mois de novembre 2004 et de décembre 2006 ; qu'elle n'établit pas que cette méthode de chiffrage aurait conduit à lui imposer, indépendamment des intérêts qui lui ont été appliqués, la restitution d'une somme supérieure à l'avantage réellement perçu ; que, par suite, le moyen précité ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 14 du règlement susvisé n° 659/1999 : " 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée "décision de récupération"). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire. 2. L'aide à récupérer en vertu d'une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération. (...) " ; que la société Saupiquet soutient que les dispositions précitées font obligation à la Commission, lorsqu'elle prend une décision en matière d'aides d'Etat, de ne pas imposer à l'Etat membre la récupération lorsque celle-ci irait à l'encontre d'un principe général du droit communautaire ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6, la société requérante n'est pas fondée à invoquer une violation du principe de sécurité juridique et de confiance légitime ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par la Commission européenne n'est pas fondé ;

En ce qui concerne la détermination du montant de la créance de restitution mise à la charge de la société requérante :

14. Considérant que la société Saupiquet soutient que l'administration a commis plusieurs erreurs dans l'exécution de la décision de la Commission et notamment que, pour établir le montant de la somme qui lui est réclamée, elle n'a pas pris en compte le montant des aides dont la restitution incombait au FPAP, ni appliqué la méthode de calcul proposée par la Commission ; que le ministre chargé de l'écologie affirme cependant que la somme réclamée à la société Saupiquet est égale aux seuls montants qui lui ont été versés par le FPAP, desquels ont été déduites les cotisations versées par elle ainsi que les impôts dont elle s'est acquittée sur ces montants ; que, par ailleurs, il est constant que l'Etat a neutralisé le montant à récupérer auprès du FPAP, qui a été dissous le 27 février 2008, et que cet organisme, qui avait été constitué sous la forme d'un syndicat professionnel, n'avait d'autre finalité que de réaliser des bénéfices destinés à être reversés à ses adhérents ; que, par suite, le moyen tiré du caractère erroné du montant de la créance réclamée par l'Etat ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 875/2007 de la Commission du 24 juillet 2007 : " 1. Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 87, paragraphe 1, du traité et comme non soumises, de ce fait, à l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité les aides qui satisfont aux conditions énoncées dans le présent article et dans les articles 4 et 5 du présent règlement. 2. Le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 30 000 EUR sur une période de trois exercices fiscaux. Ce plafond s'applique quels que soient la forme et l'objectif des aides. La période à prendre en considération est déterminée en se référant aux exercices fiscaux de l'État membre concerné. 3. Si le montant total d'une aide excède ce plafond, ce montant ne peut bénéficier du présent règlement, même pour la fraction n'excédant pas ce plafond. En pareil cas, le bénéfice du présent règlement ne peut être invoqué pour cette mesure ni au moment de l'octroi de l'aide, ni ultérieurement. 4. Le montant cumulé d'aide octroyé aux diverses entreprises du secteur de la pêche n'excède pas la valeur par État membre fixée en annexe sur une période de trois exercices fiscaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : " Le présent règlement s'applique aux aides accordées avant son entrée en vigueur si elles remplissent toutes les conditions fixées aux articles 1er à 3 ( ...) " ; que la société Saupiquet estime qu'en émettant le titre de perception litigieux l'Etat a méconnu le principe d'égalité dès lors qu'il a dispensé de restitution de nombreuses entreprises en faisant une application rétroactive des dispositions précitées du règlement n° 875/2007 et en ne poursuivant pas la récupération auprès des entreprises ayant acquis les actifs des entreprises ayant cessé leur activité ; que, toutefois, l'article 3 de ce règlement, qui est d'application immédiate, prévoit expressément que les aides dont le montant n'excède pas le plafond de 30 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ne sont pas soumises à l'obligation de notification préalable à la Commission ; que par suite, et ainsi que le souligne le ministre, ces aides n'étaient pas illégales, contrairement à celles excédant ce montant qui ont été accordées aux entreprises de pêche, et notamment à la société requérante, laquelle au surplus n'est, selon les termes mêmes du 3. de l'article 3 précité du règlement (CE) n° 875/2007, pas fondée à solliciter la déduction de la somme de 30 000 euros du montant global qui lui est réclamé ; que, par ailleurs, le ministre indique que les autorités françaises ont systématiquement vérifié les conditions de cession des actifs des entreprises bénéficiaires des aides visées afin de s'assurer que le bénéfice de l'aide n'avait pas pu être transféré à l'acquéreur de manière indirecte dans le cadre de la procédure de transfert d'actifs ; qu'il suit de là que la société Saupiquet n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu le principe d'égalité en ne demandant pas à certaines entreprises le reversement des aides qu'elles avaient perçues ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu, en l'absence de difficulté sérieuse quant à la validité de la décision de la Commission du 20 mai 2008, de saisir, sur ce point, la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Saupiquet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que les conclusions de la société requérante tendant au remboursement de la somme de 3 009 911,01 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation ne peuvent, dans ces conditions, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Saupiquet de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Saupiquet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Saupiquet, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 février 2015, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02175
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-12;13nt02175 ?
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