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19/03/2015 | FRANCE | N°13NT01249

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 mars 2015, 13NT01249


Vu le recours, enregistré le 30 avril 2013, présenté par le ministre chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102040 en date du 29 janvier 2013 du tribunal administratif de Caen en tant que cette juridiction a déchargé, à concurrence des sommes respectives de 6 250 euros et 5 696 euros, la société par actions simplifiée (SAS) Guy Degrenne Industrie des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge dans les rôles de la commune de Vire au titre des années 2007 et 2008 ainsi que de l'intérêt de retard corres

pondant ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal admin...

Vu le recours, enregistré le 30 avril 2013, présenté par le ministre chargé du budget ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102040 en date du 29 janvier 2013 du tribunal administratif de Caen en tant que cette juridiction a déchargé, à concurrence des sommes respectives de 6 250 euros et 5 696 euros, la société par actions simplifiée (SAS) Guy Degrenne Industrie des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge dans les rôles de la commune de Vire au titre des années 2007 et 2008 ainsi que de l'intérêt de retard correspondant ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen en tant qu'elle tendait à cette décharge ;

3°) de rétablir la SAS Guy Degrenne Industrie au rôle de la taxe professionnelle au titre des années 2007 et 2008 dans la commune de Vire à concurrence des sommes dégrevées en exécution du jugement attaqué ;

le ministre soutient qu'un apport partiel d'actifs constitue une cession au sens du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts dont, par conséquent, les dispositions sont applicables en l'espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2013, présenté pour la SAS Guy Degrenne Industrie, dont le siège est rue d'Aunay à Vire (14500), par Me A...et MeB..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- une cession de biens ne peut viser une opération de restructuration ; ainsi, un apport partiel d'actifs n'a pas le caractère d'une cession au sens du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ;

- si cependant un apport partiel d'actifs présentait un tel caractère, l'application à des opérations réalisées avant le 1er janvier 2007 des dispositions ajoutées à l'article 1518 B du code général des impôts par la loi de finances pour 2007 aurait une portée rétroactive, laquelle violerait l'article 1er au premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2013, présenté pour le ministre chargé du budget qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2015 :

- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que, le 23 mars 2005, la société anonyme (SA) Guy Degrenne a fait apport à sa filiale, la société par actions simplifiée (SAS) Guy Degrenne Industrie de sa branche d'activité " industrie " ; que la SAS Guy Degrenne Industrie a comptabilisé les immobilisations apportées, rattachées à l'établissement de Vire (Calvados), en faisant application de l'article 1518 B du code général des impôts ; que l'administration a procédé au rehaussement des valeurs locatives prises en compte pour le calcul de la taxe professionnelle au titre des années 2007 et 2008 sur le fondement du 3° quater de l'article 1469 du même code ; que le ministre chargé du budget demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 29 janvier 2013 en tant qu'il a déchargé, à concurrence des sommes respectives de 6 250 euros et 5 696 euros, la SAS Guy Degrenne Industrie des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à la charge de celle-ci dans les rôles de la commune de Vire au titre des années 2007 et 2008 ainsi que de l'intérêt de retard correspondant ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (...), à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) " ; qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " La valeur locative est déterminée comme suit : / (...) 3° quater Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : / a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; / b. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise (...) " ; qu'aux termes de l'article 1518 B du même code dans sa rédaction alors applicable : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. / (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que les cessions de biens qu'elles visent s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des " cessions " proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ;

4. Considérant, cependant, que la notion de cession au sens du droit civil recouvre tous les transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire, effectués à titre gratuit ou à titre onéreux, y compris ceux qui, réalisés dans le cadre d'opérations de restructuration, portent sur l'universalité du patrimoine du cédant ; que l'opération par laquelle une société apporte une partie de ses éléments d'actif à une autre société en échange de titres de cette dernière doit être regardée comme une cession à titre onéreux au sens du droit civil, dès lors que cette opération manifeste la rencontre de deux volontés, celle du cessionnaire et celle du cédant et s'applique à une situation où, après l'opération, ces deux personnes subsistent ; que, par suite, l'apport par la SA Guy Degrenne d'une branche d'activité à la SAS Guy Degrenne Industrie entre dans les prévisions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 1518 B du même code, dont l'objet est seulement de garantir aux collectivités le maintien en toute circonstance d'une valeur locative minimale ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur la circonstance que l'apport partiel d'actif de la SA Guy Degrenne à la SAS Guy Degrenne Industrie réalisé le 23 mars 2005 ne constituait pas une cession au sens des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts pour décharger, à concurrence des sommes mentionnées au point 1, cette SAS des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2007 et 2008 dans les rôles de la commune de Vire ainsi que de l'intérêt de retard correspondant ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Guy Degrenne Industrie devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour ;

6. Considérant, d'une part, que la SAS Guy Degrenne Industrie soutient que les immobilisations qu'elle a acquises en 2005 avaient, chez l'ancien exploitant, la SA Guy Degrenne, un prix de revient égal à la valeur d'apport retenue lors d'une précédente opération de fusion, valeur elle-même égale à la valeur nette comptable constatée chez l'antépénultième exploitant ; qu'elle en déduit que la valeur locative des immobilisations reçues en 2005 devait s'établir, par application des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, à un niveau inférieur à celui déterminé par application de l'article 1518 B du même code ; que, toutefois, en tout état de cause, elle n'en justifie pas ;

7. Considérant, d'autre part, que l'applicabilité des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts aux opérations visées par l'article 1518 B du même code, dont l'apport partiel d'actif, ne résulte pas de la mention, introduite par l'article 33 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 selon laquelle l'article 1518 B du code général des impôts s'applique " sans préjudice des dispositions du 3° quater de l'article 1469 " ; qu'il suit de là que la SAS Guy Degrenne Industrie ne peut utilement soutenir que l'administration a donné une portée rétroactive à cette mention, en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a déchargé à concurrence des sommes respectives de 6 250 euros et 5 696 euros la SAS Guy Degrenne Industrie des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge dans les rôles de la commune de Vire au titre des années 2007 et 2008 ainsi que de l'intérêt de retard correspondant ; que, par suite, ce jugement doit être annulé dans cette mesure et les sommes de 6 250 euros et 5 696 euros doivent être remises à la charge de la SAS Guy Degrenne ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Guy Degrenne Industrie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1102040 en date du 29 janvier 2013 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a déchargé, à concurrence des sommes de 6 250 euros et 5 696 euros, la SAS Guy Degrenne Industrie des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge dans les rôles de la commune de Vire, respectivement, au titre des années 2007 et 2008 ainsi que de l'intérêt de retard correspondant.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles la société SAS Guy Degrenne Industrie a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 s'agissant de son établissement de Vire (Calvados) ainsi que l'intérêt de retard correspondant sont remis à sa charge à concurrence, respectivement, de 6 250 euros et 5 696 euros.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société SAS Guy Degrenne Industrie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Guy Degrenne et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mars 2015.

Le rapporteur,

T. JOUNOLe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°13NT012492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01249
Date de la décision : 19/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-19;13nt01249 ?
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