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24/03/2015 | FRANCE | N°13NT02269

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 mars 2015, 13NT02269


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2013 et régularisée le 12 août 2013, présentée pour la commune de Bernières-sur-Mer, représentée par son maire dûment habilité, par Me A... ; la commune de Bernières-sur-Mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200411 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'entreprise Patrick Lepère et M. B... à lui verser la somme de 62 784,82 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du pr

éjudice né des désordres consécutifs à la construction d'une école maternelle a...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2013 et régularisée le 12 août 2013, présentée pour la commune de Bernières-sur-Mer, représentée par son maire dûment habilité, par Me A... ; la commune de Bernières-sur-Mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200411 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'entreprise Patrick Lepère et M. B... à lui verser la somme de 62 784,82 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice né des désordres consécutifs à la construction d'une école maternelle ainsi que la somme de 15 000 euros en raison des troubles de jouissance subis et des frais de déménagement engagés ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement l'entreprise Patrick Lepère et M. B... à lui verser la somme de 62 784,82 euros TTC augmentée des intérêts à compter du 31 mars 2009 ou, à titre subsidiaire, à compter du 17 avril 2009 et de la capitalisation des intérêts à compter du 1er janvier 2010 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'entreprise Patrick Lepère à lui verser la somme de 58 393, 29 euros TTC et M. B... à lui verser la somme de 6 391,53 euros TTC augmentées des intérêts à compter du 31 mars 2009 ou, à titre subsidiaire, à compter du 17 avril 2009 et de la capitalisation des intérêts à compter du 1er janvier 2010 ;

4°) de condamner solidairement l'entreprise Patrick Lepère et M. B... à lui verser la somme de 10 000 euros en raison des troubles de jouissance qu'elle estime avoir subis et la somme de 5 000 euros au titre des frais de déménagement ;

5°) de condamner l'entreprise Patrick Lepère et M. B... à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à supporter la charge des frais d'expertise ;

elle soutient que :

- les premiers juges, qui ont rejeté ses conclusions indemnitaires sur le seul fondement de la garantie décennale alors qu'ils étaient également saisis au titre de la garantie de parfaitement achèvement, ont omis de statuer sur une partie de sa demande ; son dernier mémoire en réponse en première instance visait d'ailleurs les articles 1792 et suivants du code civil ; elle devait donc être regardée comme saisissant le juge administratif au titre de ces deux fondements ;

- la réception des travaux ayant eu lieu le 4 avril 2009 et des observations sur les désordres ayant été formulées le 16 avril 2009, les conditions d'engagement de la garantie de parfait achèvement sont remplies ;

- la responsabilité décennale peut également être retenue ; les désordres consistants en des boursouflures sont apparus sur la quasi-totalité des sols de l'école maternelle et sont ainsi de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; ils s'aggravent avec le temps ;

- elle est fondée à réclamer à l'entreprise Patrick Lepère la somme de 58 393,29 euros TTC et celle de 6 391,53 euros TTC à M. B... avec intérêts à compter du jour de la réception des travaux, le 31 mars 2009, ou à titre subsidiaire à compter de la mise en demeure de remédier aux désordres du 17 avril 2009 ainsi qu'une somme de 10 000 euros en raison des troubles de jouissance subis pendant quatre ans et celle de 5 000 euros au titre des frais de déménagement engagés ;

- les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la partie qui succombe ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2014, présenté pour l'entreprise Patrick Lepère qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise ;

elle fait valoir que :

- les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur la garantie de parfait achèvement, la collectivité requérante n'ayant pas formellement et clairement invoqué ce fondement ;

- le moyen tiré de la responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement est nouveau en appel et repose sur une cause juridique distincte de celle du fondement de responsabilité invoqué en première instance ;

- étant ponctuels, les désordres n'ont pas un caractère décennal ; l'expert désigné n'a pas conclu au caractère impropre à sa destination de l'ouvrage ;

- la dangerosité des désordres pour les occupants des locaux n'est pas établie ; la commission de sécurité ne s'est pas opposée à l'exploitation des locaux ; l'école est utilisée depuis le lendemain de la réception, soit le 8 avril 2009 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2014, présenté pour la société Bostick qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer le versement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'un litige relatif à son éventuelle responsabilité, la vente de matériaux à l'entreprise Patrick Lepère étant un contrat de droit privé ;

- l'engagement de la responsabilité sur le fondement de la garantie de parfait achèvement par la commune de Bernières-sur-Mer repose sur une cause juridique nouvelle en appel ;

- les conditions d'engagement de la garantie décennale ne sont pas remplies ;

- l'utilisation de ses produits n'est pas en cause ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2014, présenté pour M. B... qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur la garantie de parfait achèvement ;

- le moyen tiré de la responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement est nouveau en appel et repose sur une cause juridique distincte de celle du fondement de responsabilité invoqué en première instance ;

- les désordres constatés ne relèvent pas de la garantie décennale, les décollements en litige étant légers et très localisés ; l'expert n'a pas indiqué qu'ils présentent un danger rendant l'ouvrage impropre à sa destination ;

- le rapport d'expertise n'impute pas l'origine des désordres à une défaillance de sa part ;

Vu l'ordonnance du 1er juillet 2014 fixant la clôture d'instruction au 1er août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 juillet 2014, présenté pour la commune de Bernières-sur-Mer qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- le moyen tiré de la responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement, dont elle s'était prévalue en première instance, n'est pas nouveau en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2015 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que la commune de Bernières-sur-Mer a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la construction d'une école maternelle ; que l'entreprise Patrick Lepère s'est vue confier, par acte d'engagement signé le 21 novembre 2006, le lot n° 15 " Revêtements de sol souples ", la maitrise d'oeuvre étant assurée par M. B..., architecte ; que ces revêtements ayant présenté des désordres, la commune a agi en responsabilité contre cet entrepreneur et le maître d'oeuvre et demandé la résiliation du marché s'y rapportant ; qu'elle relève appel du jugement du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'entreprise Patrick Lepère et M. B... à lui verser la somme de 62 784,82 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice né de ces désordres ainsi que la somme de 15 000 euros en raison des troubles de jouissance subis et des frais de déménagement engagés ;

Sur l'exception d'incompétence :

2. Considérant que si la société Bostick soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige né du contrat de fourniture qu'elle a conclu avec l'entreprise Patrick Lepère, les conclusions à fin d'indemnisation des parties ne sont pas fondées sur ce contrat de droit privé ; qu'alors même qu'aucune conclusion n'a été dirigée à son encontre, l'exception d'incompétence ainsi invoquée doit, dès lors et en tout état de cause, être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Bernières-sur-Mer, il ressort des pièces du dossier que celle-ci a fondé son action sur la seule garantie décennale et non sur la garantie de parfait achèvement ; qu'il suit de là qu'en n'examinant sa demande que sur le fondement de la garantie décennale, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'omission à statuer ;

Sur la garantie décennale :

4. Considérant qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, applicables au litige, que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;

5. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les désordres affectant le revêtement des sols, qui consistent en des boursouflures linéaires des joints entre lés sur une largeur de l'ordre de deux à trois centimètres et en un décollement du revêtement linoléum devant les menuiseries extérieures, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou présentent un danger pour les usagers de l'école maternelle ; que la commune ne produit pas davantage d'éléments de nature à établir que l'ouvrage serait ainsi rendu impropre à sa destination ; qu'il n'est pas établi qu'ils présenteraient un caractère évolutif tel que leur aggravation serait susceptible de leur conférer un caractère décennal ; que la commune de Bernières-sur-Mer n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. B... et de l'entreprise Patrick Lepère sur le fondement de la garantie décennale ;

Sur la garantie de parfait achèvement :

6. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, la demande de première instance de la commune était seulement fondée sur la garantie décennale ; qu'il suit de là que ses conclusions tendant à la condamnation de M. B... et de l'entreprise Patrick Lepère sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, qui relèvent d'une cause juridique distincte de celle de la garantie décennale, sont nouvelles en appel ; qu'elles sont, dès lors, irrecevables ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bernières-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'entreprise Patrick Lepère et M. B..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement à la commune de Bernières-sur-Mer de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette commune et au même titre le versement, respectivement à l'entreprise Patrick Lepère et à M. B..., de la somme de 1 500 euros ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bernières-sur-Mer le versement de la somme demandée par la société Bostick au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bernières-sur-Mer est rejetée.

Article 2 : La commune de Bernières-sur-Mer versera respectivement à l'entreprise Patrick Lepère et M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Bostick tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bernières-sur-Mer, à l'entreprise Patrick Lepère, à M. B... et à la société Bostick.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. C..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 mars 2015.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02269
Date de la décision : 24/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP LANGER NETTER ADLER (LNA)

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-24;13nt02269 ?
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