La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2015 | FRANCE | N°13NT02140

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 02 avril 2015, 13NT02140


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Evolia, dont le siège est situé route de Saint-Michel à L'Aiguillon-sur-Mer (85460), représentée par son gérant, par MeA... ; la SARL Evolia demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005084 du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction à hauteur de 314 318 euros de la cotisation d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'exercice clos en 2007 ;

2°) de prononcer la ré

duction de l'imposition en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de ...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Evolia, dont le siège est situé route de Saint-Michel à L'Aiguillon-sur-Mer (85460), représentée par son gérant, par MeA... ; la SARL Evolia demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005084 du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction à hauteur de 314 318 euros de la cotisation d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'exercice clos en 2007 ;

2°) de prononcer la réduction de l'imposition en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- elle est fondée, en application de l'article 38 du code général des impôts, à imputer sur son résultat fiscal au titre de l'exercice clos en 2007 la moins-value à court terme constatée lors l'échange des titres qu'elle détenait dans la société Boide Holding, à raison de l'opération de fusion entre cette société, dont elle détenait 100 % du capital social, et sa fille la société Saig ;

- les titres de la nouvelle société Saig reçus en échange des titres de la société Boide Holding doivent être inscrits pour leur valeur réelle à l'actif du bilan ;

- elle est fondée à se prévaloir, en application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une part des paragraphes 149 et suivants de l'instruction 4 I-2-00 du 3 août 2000 qui n'a pas été rapportée par l'administration fiscale et d'autre part de la documentation professionnelle spécialisée ;

- la réglementation comptable issue du règlement n° 2004-01 du comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable des fusions et opérations assimilées et de l'avis 2006-B du 5 juillet 2006 du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité afférent aux modalités d'application de ce règlement n'est pas opposable, dès lors qu'elle concerne le sort des sociétés concernées par les opérations de fusion et qu'elle ne comporte l'interprétation d'aucun texte fiscal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- les dispositions de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts prévoient que les entreprises doivent, pour la détermination de leur résultat fiscal, respecter les définitions édictées par le plan comptable général ;

- pour les opérations de fusions réalisées depuis le 1er janvier 2005, la transcription des opérations de fusion dans les comptes sociaux doit être obligatoirement réalisée dans le respect des normes comptables issues du règlement n° 2004-01 du Comité de la réglementation comptable du 4 mai 2004 relatif au traitement comptable des fusions et opérations assimilées, et notamment du point 4.3 de l'annexe " Principe de détermination de la valeur d'apport" qui prévoit que seule la valeur comptable doit être retenue pour l'évaluation des apports lorsque les opérations à l'endroit ou à l'envers impliquent des sociétés sous contrôle commun ;

- dès lors qu'en l'espèce la fusion a été réalisée par absorption de sociétés sous contrôle commun, la valorisation devait se faire à la valeur comptable et ce, quel que soit le sens de la fusion ;

- aucune moins-value comptable entre la valeur des actions de la société Boide Holding que la société requérante a acquises et la valeur des titres de la société Saig reçus en échange des actions ne pouvait être comptabilisée dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2007 ;

- la société Evolia ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative 4 1-2-00 du 3 août 2000, au demeurant antérieure au règlement n° 2004-01, dès lors que celle-ci ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il lui a été fait application ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêté du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du Garde des sceaux, ministre de la justice et du secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire du 7 juin 2004 portant homologation du règlement n° 2004-01 du 4 mai 2004 relatif au traitement comptable des fusions et opérations assimilées ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Evolia exploite à l'Aiguillon-sur-Mer (Vendée) un supermarché ; qu'elle a acquis le 1er janvier 2006 l'intégralité du capital de la société Boide Holding, soit 178 656 actions, pour un prix de 8 548 044 euros ; que le 31 décembre 2007, la société Boide Holding a fusionné avec sa filiale la société Saig, dont elle détenait 99,92 % du capital social ; qu'à la suite de cette opération de fusion, dite " à l'envers ", la société Evolia a reçu, en échange des 178 656 titres de participation de la société Boide Holding, 5 717 actions de la nouvelle société Saig, représentant 99,93 % du capital, qu'elle a inscrites en comptabilité pour leur valeur réelle évaluée à 7 604 995 euros ; que la société Evolia, détenant depuis moins de deux ans les titres de la société Boide Holding au jour de l'échange, a constaté la réalisation d'une moins-value à court terme de 934 049 euros, déterminée par la différence entre la valeur d'acquisition des titres de la nouvelle société Saig soit 7 604 995 euros et la valeur nette comptable des titres annulés de la société Boide Holding soit 8 548 044 euros ; qu'elle n'a cependant pas déduit cette moins-value de son résultat fiscal imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2007 ; que la réclamation qu'elle a formée le 22 décembre 2009 en vue de la réduction de sa cotisation d'impôt sur les sociétés a été rejetée par l'administration fiscale le 20 mai 2010 ; que la société Evolia relève appel du jugement en date du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction à hauteur de 314 318 euros de la cotisation d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'exercice clos en 2007 ;

2. Considérant, d'une part, qu'en application du 1. de l'article 38 du code général des impôts, auquel renvoie l'article 209 de ce code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ; que l'article 39 duodecies du même code dispose que : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. " ; qu'en application des dispositions du 1. de l'article 39 quaterdecies de ce code, le montant net des plus-values à court terme, lequel s'entend de l'excédent de ces plus-values sur les moins-values de même nature qui ont été effectivement subies au cours du même exercice, peut être réparti par parts égales sur l'année de leur réalisation et sur les deux années suivantes ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts dispose que " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt " ; que l'article 38 quinquies de la même annexe prévoit, en son 1., que les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine ; que cette valeur d'origine s'entend, selon le a., pour celles acquises à titre onéreux, comme la valeur du coût d'acquisition et que ce coût d'acquisition " pour les biens acquis en échange d'un ou plusieurs biens " correspond à " la valeur vénale " ;

4. Considérant que l'administration a remis en cause la réalisation de la moins-value issue de l'opération d'échange en se fondant sur l'avis 2006-B du 5 juillet 2006 du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité, afférent aux modalités d'application du règlement n° 2004-01 relatif au traitement comptable des fusions et opérations assimilées, aux termes duquel, en cas d'échange d'actions dans le cadre d'opérations de fusion entre entités détenues à 100%, placées sous contrôle commun, comme c'est le cas en l'espèce : " s'agissant de l'opération de remise des actions par la société bénéficiaire de l'apport, à sa société mère, après annulation des actions de la société absorbée, le comité considère qu'au cas particulier d'opérations de fusion intervenant entre sociétés détenues à 100%, pour lesquelles les apports sont évalués à leur valeur comptable, les actions de la société absorbante, remises en échange des actions de la société absorbée, sont évaluées à la valeur comptable de ces dernières. " ; que l'administration a déduit de ces règles d'évaluation qu'aucun résultat ne pouvait être dégagé dans les comptes de la société requérante, la valeur des titres de la nouvelle société Saig étant égale à la valeur des titres de la société Boide Holding absorbée ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue de l'opération de fusion décrite au point 1, la société Evolia a reçu en échange de l'intégralité des titres de la société Boide Holding des titres de la nouvelle société Saig qu'elle a inscrits à l'actif de son bilan pour leur valeur vénale, à hauteur de 7 604 995 euros, comme le lui imposaient les dispositions du a. du 1. de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ; que l'administration ne conteste pas la valorisation de la nouvelle société Saig ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration se prévaut du règlement n° 2004-01 du 4 mai 2004 relatif au traitement comptable des fusions et opérations assimilées qui prévoit que, dans trois des quatre types d'opérations distinguées par le règlement, et notamment lorsque la fusion est réalisée par absorption de sociétés sous contrôle commun, la valeur d'apport dans les comptes de la société bénéficiaire est celle de l'évaluation des apports à la valeur comptable pour laquelle ils figuraient dans les comptes de la société absorbée ; que toutefois les règles qu'il édicte ne concernent que les sociétés parties au traité de fusion et non les associés de ces sociétés ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, eu égard aux dispositions impératives de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts, l'administration ne pouvait pas, pour s'écarter des règles d'évaluation fixées par la loi fiscale, se fonder sur l'interprétation du règlement comptable du 4 mai 2004 telle qu'issue de l'avis 2006-B du 5 juillet 2006 du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité ;

8. Considérant, en conséquence, que pour la détermination de la moins-value à court terme résultant de l'opération d'échange de titres de participation au titre de l'exercice clos en 2007, la société Evolia était fondée, sur le terrain de la loi fiscale, à retenir la valeur vénale des titres de la société Saig reçus en échange lors de l'opération de fusion ;

9. Considérant qu'il résulte ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SARL Evolia est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Evolia et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 23 mai 2013 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la SARL Evolia la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 à hauteur de la somme de 314 318 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Evolia une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Evolia et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2015.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13NT02140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02140
Date de la décision : 02/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SCP TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-04-02;13nt02140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award