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22/10/2015 | FRANCE | N°14NT00710

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 22 octobre 2015, 14NT00710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300681 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mars 2014 et le 25 septembre 2014, M. et Mme A...C...,

représentés par MeB..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300681 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mars 2014 et le 25 septembre 2014, M. et Mme A...C..., représentés par MeB..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 janvier 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a détourné de son objet la procédure prévue à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en réalisant des investigations et copies de sa comptabilité informatisée qui n'étaient pas autorisées dans le cadre de cette procédure ;

- en n'utilisant pas la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration les a privés de la possibilité de se faire assister d'un conseil lors du contrôle inopiné ;

- les opérations de vérification de comptabilité ont été engagées dès le 4 avril 2011, lors de la remise de l'avis de vérification le jour du contrôle inopiné, de sorte que M. C...n'a pas pu bénéficier du délai nécessaire pour se faire assister d'un conseil ;

- dès lors que le vérificateur a obligé M. C...à procéder lui-même à l'extraction de fichiers de sa comptabilité informatisée le jour du contrôle inopiné, sans l'informer de la possibilité de refuser de procéder à cette opération, l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses est contraire aux stipulations du §1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui interdisent à l'administration de contraindre le contribuable à contribuer à sa propre incrimination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme C...n'est fondé.

Par ordonnance du 21 juillet 2015, prise en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juillet 2015.

Un mémoire présenté par le ministre des finances et des comptes publics a été enregistré le 7 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que M. C...exploite à Elancourt une entreprise individuelle de commerce de détail de produits pharmaceutiques ; que l'autorité judiciaire a transmis à l'administration fiscale, en application des dispositions des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, un rapport d'expertise informatique au terme duquel le logiciel comptable Alliance Plus utilisé par M. C...à titre professionnel disposait d'une fonction permettant à l'utilisateur de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations et notamment les encaissements d'espèces ; que cette même autorité a également communiqué à l'administration fiscale une liste de pharmacies ayant expressément demandé le mot de passe permettant d'accéder à la commande de suppression des opérations de caisse, laquelle comprenait la pharmacie exploitée par M.C... ; que le 4 avril 2011, l'administration a effectué un contrôle inopiné dans les locaux de la pharmacie de M. C...pour procéder à des constatations matérielles dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et lui a remis à cette occasion un avis de vérification de comptabilité, mentionnant le 28 avril 2011 comme date de début des opérations de contrôle portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ; que cette vérification de comptabilité s'est déroulée du 28 avril au 11 octobre 2011 ; qu'à la suite de ce contrôle sur place mis en oeuvre sur le fondement des dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, l'administration a mis en évidence, grâce aux traitements informatiques effectués, une rupture de séquentialité dans les numéros de factures liée à l'utilisation des fonctionnalités du logiciel et la suppression de plus de 3 000 encaissements au titre de chacun des exercices litigieux ; que cette comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés présentant de graves irrégularités, le vérificateur l'a écartée et a reconstitué le montant des recettes dissimulées au titre de chaque exercice ; que, par une proposition de rectification du 24 octobre 2011, M. et MmeC..., domiciliés à Broutigny-Prouais (Eure-et-Loir), ont été informés des conséquences des rehaussements de l'activité exercée par M. C...en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 et de l'application de la pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses au titre de chaque année ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement en date du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. " ;

3. Considérant, d'une part, qu'un contrôle inopiné a été effectué dans les locaux professionnels de M. C...le 4 avril 2011, au cours duquel l'administration lui a remis en mains propres un avis de vérification de comptabilité prévoyant un début de contrôle des documents comptables le 28 avril suivant ; qu'il résulte de l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné, signé par M.C..., que l'administration a procédé à des constatations portant sur les moyens humains et informatiques mis en oeuvre dans l'officine pharmaceutique ; qu'en ce qui concerne les moyens informatiques de l'exploitation, il ressort du même document que l'administration a demandé à M. C...de procéder à des sauvegardes, dans un dossier dénommé " dgfip " créé à cet effet, des données brutes contenues dans les fichiers informatisés gérés par l'application Alliance Plus et d'ouvrir notamment le fichier " a_futil.d ", récapitulant les opérations supprimées, afin que soient relevés les dates de première et dernière interventions ainsi que le nombre de lignes enregistrées ; qu'enfin est mentionné sur ce document établi de façon contradictoire qu'aucun support de sauvegarde ni aucune copie de fichiers n'a été emporté par le vérificateur ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'une copie de ces fichiers a été gravée le même jour sur un cd-rom non réinscriptible, placé dans une enveloppe fermée sur laquelle a été apposé le cachet de la brigade de vérification, et laissé à la disposition de M. C...dans ses locaux professionnels ne caractérise pas l'existence d'un début des opérations de vérification de comptabilité à cette date ;

4. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales n'interdisent pas à l'administration, lorsqu'elle effectue un contrôle inopiné d'une entreprise dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, de demander au contribuable de procéder à une sauvegarde des éléments informatiques de l'exploitation à cette date afin de pouvoir les consulter et les exploiter ensuite lors des opérations de contrôle sur place ; que, dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 3, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir qu'en exigeant la copie des fichiers informatiques et leur conservation, l'administration a détourné la procédure de contrôle inopiné prévue au quatrième alinéa de cet article ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...a reçu le 4 avril 2011 l'avis de vérification de comptabilité de son entreprise individuelle ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les opérations réalisées le même jour par l'administration ne constituaient pas une vérification de comptabilité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette vérification aurait débuté avant le 28 avril 2011 ; qu'ainsi, M. C...a disposé, conformément aux dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, d'un délai suffisant pour pouvoir se faire assister d'un conseil ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'alors même qu'elle a reçu de l'autorité judiciaire le rapport d'expertise mettant en évidence la fonctionnalité permettant de faire disparaître des écritures des documents comptables et la liste des pharmacies concernées, l'administration n'avait pas l'obligation de mettre en oeuvre la procédure de visite domiciliaire prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que le service, en demandant à M. C...de procéder à l'extraction puis à la copie des fichiers bruts du logiciel Alliance Plus sur un cd-rom laissé à sa disposition, n'a pas procédé à une saisie de documents au sens de cet article ;

Sur les pénalités :

7. Considérant que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts prévoient que les insuffisances, omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations souscrites ou dans les actes présentés sont sanctionnées par l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du même code, assorti d'une majoration de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ;

8. Considérant que l'administration a relevé que les traitements effectués dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité menée sur le fondement du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ont montré une utilisation récurrente d'un procédé informatique conçu par le fournisseur de logiciel de gestion de l'officine pharmaceutique permettant au cas présent de supprimer 3 000 règlements effectués en espèces environ au titre de chaque année ; que cette manipulation informatique, subordonnée à l'utilisation d'un mot de passe fourni par le concepteur du logiciel, a été effectuée par M. C...qui a obtenu, à sa demande, ce mot de passe le 23 septembre 2004 ; que, dans ces conditions, l'administration, qui supporte la charge de la preuve, établit l'existence, de la part de M.C..., de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles ; qu'en demandant à M. C...d'extraire et de sauvegarder les fichiers contenant les informations à l'origine des rehaussements, l'administration ne l'a pas contraint à s'incriminer en méconnaissance de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. et Mme C...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2015.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00710
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SCP JOB TREHOREL BONZOM BECHET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-22;14nt00710 ?
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