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05/04/2016 | FRANCE | N°14NT00755

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 avril 2016, 14NT00755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Banque de France à lui verser, d'une part, la somme de 107 365,72 euros à titre d'indemnité de mise à la retraite, et d'autre part, une somme de 772 960,04 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de sa mise à la retraite.

Par un jugement n° 1102644 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné la Banque de France à verser à M.B..., d'une part une indemnité de dép

art à la retraite et d'autre part des indemnités réparant son préjudice financier et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Banque de France à lui verser, d'une part, la somme de 107 365,72 euros à titre d'indemnité de mise à la retraite, et d'autre part, une somme de 772 960,04 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de sa mise à la retraite.

Par un jugement n° 1102644 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné la Banque de France à verser à M.B..., d'une part une indemnité de départ à la retraite et d'autre part des indemnités réparant son préjudice financier et son préjudice lié au montant de sa pension de retraite, les modalités de calcul de ces indemnités étant précisées par les motifs du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 19 mars 2014, 5 mai 2014, 1er octobre 2014 et 20 janvier 2015, la Banque de France, représentée par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 janvier 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement omet de répondre à ses écritures tendant à démontrer que les dispositions du code du travail invoquées par M. B...étaient incompatibles avec son statut et ses missions de service public ;

- en vertu des dispositions de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier et de la jurisprudence, l'application du code du travail aux agents de la banque de France n'est admise qu'à titre d'exception lorsque les dispositions de ce code ne sont pas incompatibles avec le statut de personne publique de la Banque de France et ses missions de service public ;

- les agents de la banque de France bénéficient d'un régime spécial de retraite caractérisé par le lien qui est fait entre les règles relatives, d'une part, à l'âge de la retraite ainsi qu'à l'allocation de départ à la retraite et, d'autre part, les règles relatives à la pension de retraite ; ces dispositions réglementaires sont compatibles avec la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ; le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 n'est ni entaché d'incompétence ou de vice de forme ni contraire au principe général de droit communautaire de non discrimination fondée sur l'âge, à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, au droit d'obtenir un emploi et au principe constitutionnel d'égalité ;

- les dispositions du code du travail relatives à l'âge de départ à la retraite et à l'allocation de départ à la retraite sont incompatibles avec le statut et les missions de service public de la Banque de France ;

- aucune illégalité n'ayant été commise, sa responsabilité n'est pas engagée ;

- le préjudice est inexistant ;

- en tout état de cause, si le code du travail devait être appliqué, le préjudice devrait être évalué conformément aux dispositions de ce code en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et non en suivant les règles de la jurisprudence Deberles.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet 2014, 7 novembre 2014, 27 mars 2015 et 9 février 2016, M. B...conclut au rejet de la requête et, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation des articles 2 et 3 du jugement et la condamnation de la Banque de France à lui verser, à titre principal la somme de 772 960 euros, et à titre subsidiaire, la somme de 291 608 euros, ces sommes étant assorties des intérêts. Il demande également que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Banque de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est de jurisprudence constante que le code du travail trouve à s'appliquer aux agents de la Banque de France ;

- les dispositions du code du travail en matière de retraite trouvent bien à s'appliquer dés lors que n'est établie aucune incompatibilité avec le statut de la Banque de France et ses missions de service public ;

- M. B...ne pouvait, ni au regard du code du travail, ni au regard des dispositions spécifiques à la Banque de France, être mis à la retraite avant 65 ans ; l'article 1er du décret du 29 mars 1968 est contraire au principe général du droit communautaire de non discrimination fondée sur l'âge, à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi qu'au principe constitutionnel d'égalité et au droit d'obtenir un emploi ; ce décret du 29 mars 1968, qui aurait dû être un règlement d'administration publique, est entaché d'incompétence ou, à tout le moins d'un vice de forme manifeste ; les dispositions du statut du personnel de la Banque de France sont contraires à la directive n° 2000/78/CE ;

- au regard de l'article 241 du statut du personnel dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 janvier 2007, il ne pouvait légalement être mis à la retraite d'office à 63 ans ; cette illégalité fautive lui ouvre droit à l'indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions des articles L. 1234-9, R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail ;

- il aurait pu rester en activité jusqu'à 70 ans, de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu, pour les modalités de calcul de son préjudice, que celui-ci n'était établi que jusqu'à 65 ans ;

- si l'indemnité du préjudice d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixée, par les textes, à un minima de 6 mois de salaire, le juge prud'homal alloue habituellement 2 ans de salaires, soit ici la somme de 291 600 euros.

Par ordonnance du 29 février 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Un mémoire, présenté pour la Banque de France, a été enregistré le 29 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- le code du travail ;

- le code monétaire et financier ;

- la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953 ;

- Le décret n° 53-711 du 9 août 1953 ;

- le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 ;

- le décret n° 2007-262 du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France ;

- l'arrêté n° 2007-262 du conseil général de la Banque de France du 19 janvier 2007 ;

- la délibération du conseil général de la Banque de France du 6 mai 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France et celles de Me Bernier Dupréelle, avocat de M.B....

1. Considérant que M.B..., né le 31 juillet 1946, employé à la Banque de France depuis le 18 novembre 1969 et en dernier lieu directeur hors classe à la succursale de Rennes, a, par décision du 29 mai 2009, été placé d'office à la retraite à compter du 1er août 2009 pour avoir atteint la limite d'âge ; qu'il a perçu à cette occasion une indemnité de départ à la retraite de 37 425 euros, en application des dispositions du statut des agents de la Banque de France ; que par un courrier du 12 avril 2011, M. B...a sollicité, d'une part, l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de sa mise à la retraite à 63 ans, et d'autre part une indemnité égale à la différence entre l'indemnité de départ à la retraite qu'il estimait lui être due en application des dispositions du code du travail et l'indemnité de départ effectivement perçue ; que par un jugement du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Rennes a condamné la Banque de France à verser à M.B..., d'une part une indemnité de départ à la retraite, et d'autre part des indemnités réparant le préjudice financier tenant à la perte de revenus d'activité et de droits à pension de retraite, les modalités de calcul de ces indemnités étant précisées par les motifs du jugement ; que la Banque de France relève appel de ce jugement ; que par la voie de l'appel incident, M. B...demande la réformation des articles 2 et 3 de ce jugement en tant qu'ils retiennent, pour le calcul des indemnités allouées, un départ à la retraite à 65 ans et non à 70 ans ;

Sur l'appel principal, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne le versement d'une indemnité complémentaire de départ à la retraite :

2. Considérant que la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, qui n'a pas cependant le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre de ces caractéristiques figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, la fixation des limites d'âge des agents de la Banque de France relève du pouvoir réglementaire ; que le décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, pris pour l'application de cette loi, a fixé les conditions générales de mise à la retraite des agents de la Banque de France et prévu que les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises par des règlements d'administration publique ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction applicable au 29 mai 2009 : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre soixante ans minimum et soixante-cinq ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire, stagiaire ou auxiliaire, sauf s'ils ont été admis à l'un des concours dont les résultats ont été publiés avant cette date " ; que ce texte, comme l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires régissant l'institution, est partie intégrante du statut de la Banque de France ; qu'en application de ce statut, la Banque de France est tenue de mettre un terme aux fonctions des agents atteints par la limite d'âge ; qu'en revanche, l'article L. 1237-5 du code du travail prévoit seulement la faculté pour l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; qu'il suit de là que M. B...avait seulement droit à l'indemnité de départ à la retraite propre aux agents de la Banque de France et ne pouvait prétendre à l'indemnité prévue par l'article L. 1237-7 du code du travail ; que par suite, la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. B...la différence entre l'indemnité de départ qu'il aurait perçue sur le fondement du code du travail et celle qu'il a effectivement perçue ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices du fait de la décision de placement à la retraite :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que M. B...ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail, qui sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; que par suite, la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a fait application à M. B...de ces dispositions pour juger qu'elle n'avait pu légalement le mettre à la retraite à l'âge de 63 ans sans faire application au préalable de la procédure prévue par l'article L. 1237-5 du code du travail et qu'elle avait ainsi commis une illégalité de nature à engager sa responsabilité ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. B...pour démontrer l'illégalité de sa mise à la retraite à l'âge de 63 ans et par suite la faute de la Banque de France de nature à engager sa responsabilité ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 21 du décret du

30 juillet 1963 susvisé, en vigueur lors de l'adoption du décret susvisé du 29 mars 1968 : " Sont portés à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire du Conseil d'Etat ou, sur décision du vice-président, après avis du président de la section ou de la commission compétente, à l'ordre du jour de l'assemblée générale plénière du Conseil d'Etat : (...) Les projets de règlements d'administration publique ainsi que les affaires sur lesquelles il doit être statué en vertu -d'une disposition spéciale par décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique; (...) Toutefois, le vice-président du Conseil d'Etat peut, sur proposition du président de la section ou de la commission compétente, décider de ne pas porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale certains des projets mentionnés aux 2 et 3 ci-dessus " ;

7. Considérant que M. B...excipe de l'illégalité du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction applicable au 29 mai 2009, qui constitue la base légale de la décision le mettant à la retraite ; qu'il soutient que ce décret n'a pas été soumis pour avis à l'assemblée générale du Conseil d'Etat ; que, toutefois, le décret en litige a été pris " le Conseil d'Etat (section finances) entendu " ; que le vice-président du Conseil d'Etat a pu légalement, en application des dispositions précitées de l'article 21 du décret du 30 juillet 1963 et sur la proposition qui lui a été faite par le président de la section des finances, décider de ne pas porter le projet de décret dont s'agit à l'ordre du jour de l'assemblée générale du Conseil d'Etat ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'assemblée générale du Conseil d'Etat n'a pas été consultée sur ce projet et que le décret du 29 mars 1968 serait entaché d'incompétence doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 142-2 du code monétaire et financier : " Le conseil général administre la Banque de France. Il délibère des statuts du personnel. Ces statuts sont présentés à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 du même code : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction issue d'une délibération du conseil général du 6 mai 1976 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. / Ils doivent prendre leur retraite - sous réserve des dérogations prévues à l'article 242 ci-après - dès qu'ils ont atteint la limite d'âge fixée, pour chaque grade ou emploi, entre 60 ans minimum et 65 ans maximum, par décision du conseil général approuvée par le ministre de l'économie et des finances (...) " ; qu'aux termes de l'article 404 du même statut, relatif au personnel des cadres, issu de la même délibération : " Les agents du personnel de cadres (...) doivent prendre leur retraite - sous réserve des dispositions de l'article 241 et des dérogations prévues à l'article 242 - dès qu'ils ont atteint l'âge de : - 60 ans révolus, pour les agents des trois premiers degrés, - 61 ans révolus, pour les agents des 4e et 5e degrés, - 63 ans révolus, pour les agents des 6e, 7e et 8e degrés. (...) " ;

9. Considérant qu'un arrêté n° 2007-01 du conseil général du 19 janvier 2007 a abrogé l'article 404 précité et modifié l'article 241 précité pour fixer l'âge de départ à la retraite de tous les agents de la Banque de France, sous réserve des dérogations prévues à l'article 242 du même statut, à 65 ans ; que, d'une part, en vertu de son article 3, cet arrêté du 19 janvier 2007 est entré en vigueur le jour de l'entrée en vigueur du règlement des retraites, soit, en vertu du décret du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France, le 1er avril 2007 ; que, d'autre part, cet arrêté du 19 janvier 2007 prévoyait, pour l'application de la nouvelle limite d'âge de 65 ans, des dispositions transitoires, qui ont été adoptées par une décision réglementaire n° 2269 du gouverneur de la Banque de France du 30 novembre 2007, modifiée par une décision réglementaire n° 2008-12 du 16 juillet 2008 ; que ces dispositions transitoires déterminent l'âge auquel les agents qui atteignent l'âge de 60 ans à partir du 1er juillet 2007 devront partir à la retraite ; que si les dispositions transitoires ne mentionnent pas les agents qui ont atteint l'âge de 60 ans avant le 1er juillet 2007, ce silence ne peut, sans méconnaître les principes d'égalité et de non-rétroactivité des actes administratifs, avoir pour effet de leur rendre applicable, dès le 1er avril 2007, la nouvelle limite d'âge de 65 ans ; que dans ces conditions, M.B..., qui a atteint l'âge de 60 ans le 31 juillet 2006, n'est pas fondé à soutenir que la décision le mettant à la retraite à 63 ans serait contraire au statut du personnel de la Banque de France ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. B...fait valoir que les dispositions précitées du décret du 29 mars 1968 et du statut du personnel de la Banque de France, qui prévoient que les agents de la Banque de France doivent prendre leur retraite à un âge compris, selon le grade et l'emploi, entre 60 et 65 ans, sont constitutives d'une discrimination au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; qu'aux termes de l'article 2 de cette directive : " Concept de discrimination 1. Aux fins de la présente directive, on entend par "principe de l'égalité de traitement" l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er./ 2 .Aux fins du paragraphe 1 : a) une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er; b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que : i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même directive : " Les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. (...) " ;

11. Considérant que la limite d'âge des agents titulaires de la Banque de France, comprise entre 60 et 65 ans selon l'emploi et le grade avant l'arrêté précité du 29 janvier 2007, a été progressivement fixée à 65 ans pour tous à partir de l'entrée en vigueur de ce texte ; que par ailleurs, le statut du personnel prévoit des possibilités de report d'âge notamment pour les agents qui ont eu la charge de plusieurs enfants ; que, d'une part, ces dispositions ne constituent pas, en tant que telles, une discrimination selon l'âge dès lors qu'elles concernent sans distinction l'ensemble des agents soumis au statut en cause, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge qui leur est applicable en vertu de ce même statut ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, que ces dispositions, qui prennent en compte les différences de situation des agents selon leur emploi et leur grade, et qui ont évolué après l'intervention de la directive du 27 novembre 2000, ne répondent pas à l'objectif légitime, invoqué par la Banque de France, d'assurer le renouvellement des cadres et d'atteindre une structure d'âge équilibrée afin de favoriser l'emploi ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, en méconnaissance de la directive du 27 novembre 2000, doit être écarté ; que, pour le même motif, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général de droit communautaire de non discrimination par l'âge issu de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut également qu'être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que si M. B...invoque la violation du principe posé par les dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. (...) ", il n'assortit ce moyen d'aucune précision alors que ce principe ne s'impose que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français soit, en l'espèce de la loi du 11 juillet 1953 susvisée ;

13. Considérant, enfin, que M. B...n'est pas fondé à invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité dès lors que la différence de traitement entre les agents de la Banque de France et les salariés du secteur privé est justifiée, ainsi qu'il a été dit précédemment, par l'intérêt général qui s'attache notamment à favoriser l'emploi ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision plaçant M. B...à la retraite à 63 ans n'est pas entachée d'une illégalité fautive, de nature à engager la responsabilité de la Banque de France ; que, par suite, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. B...des indemnités réparant les préjudices nés de cette décision ;

Sur l'appel incident :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel incident de M. B...doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B...doivent, dès lors, être rejetées ;

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Banque de France et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 janvier 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes et son appel incident devant la cour sont rejetés.

Article 3 : M. B...versera à la Banque de France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 avril 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINE

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00755
Date de la décision : 05/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BERNIER-DUPREELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-05;14nt00755 ?
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