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01/06/2017 | FRANCE | N°15NT02316

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 juin 2017, 15NT02316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Régie Networks a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la somme de 27 740 euros correspondant à la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision acquittée au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 par quatre sociétés aux droits et obligations desquelles elle vient, après avoir, le cas échéant, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Par un jugement n

1201550 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Régie Networks a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la somme de 27 740 euros correspondant à la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision acquittée au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 par quatre sociétés aux droits et obligations desquelles elle vient, après avoir, le cas échéant, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Par un jugement n° 1201550 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2015, la société Régie Networks, représentée par Me A...et par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 juin 2015 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) le cas échéant, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du dispositif de son arrêt C- 333/07 Société Régie Networks du 22 décembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont estimé à tort que sa réclamation ne relevait pas des dispositions du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 22 décembre 2008 a ouvert un nouveau délai de réclamation ; c'est d'ailleurs en raison de l'évènement que cet arrêt était susceptible de constituer que les autorités françaises ont demandé à la Cour de limiter les effets de sa décision dans le temps ;

- la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas limité les effets dans le temps de son arrêt par référence aux réclamations présentées par des entreprises avant sa date de lecture mais par référence aux entreprises ayant présenté des réclamations relatives à la taxe avant cette date, quelles que soient les années sur lesquelles ces réclamations ont porté ; son arrêt a été interprété en ce sens dans une ordonnance du Tribunal de l'Union européenne du 14 mai 2013 dans l'affaire T-273/11, Société Régie Networks ; à défaut de retenir cette interprétation de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, la cour devra la saisir d'une question préjudicielle s'y rapportant ;

- en jugeant que l'application de la règle de forclusion prévue par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne portait pas atteinte au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'ils venaient d'écarter l'application de cet article, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs ;

- étant titulaire d'une créance sur l'Etat certaine et exigible ou, pour le moins, d'une espérance légitime, elle est fondée à se prévaloir d'une atteinte portée à des biens dont le respect est garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'atteinte portée à son droit patrimonial est pour le moins contraire au principe de proportionnalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Régie Networks ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt du 22 décembre 2008, C-333/07, Régie Networks de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- le décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aubert,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société Régie Networks, qui exerce une activité de régie publicitaire des médias, relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge de la somme de 27 740 euros correspondant à la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision acquittée au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 par les sociétés Régie Networks Centre Ouest, Régie Networks Est, Régie Networks Normandie et Régie Networks Sud-Est aux droits et obligations desquelles elle vient, après avoir, le cas échéant, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du dispositif de son arrêt C-333/07 Société Régie Networks du 22 décembre 2008 ;

Sur la recevabilité de la demande :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 décembre 1997 portant création d'une taxe parafiscale au profit d'un fonds de soutien à l'expression radiophonique codifié à l'article 365 de l'annexe II au code général des impôts : " Il est institué, à compter du 1er janvier 1998 et pour une durée de cinq ans, une taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision destinée à financer un fonds d'aide aux titulaires d'une autorisation de service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. / Cette taxe a pour objet de favoriser l'expression radiophonique " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " La taxe est assise sur les sommes, hors commission d'agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires à destination du territoire français " ; qu'aux termes de l'article 365 C de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe est assise, liquidée et recouvrée, pour le compte du fonds, par la direction générale des impôts selon les mêmes règles, garanties et sanctions que celles qui sont prévues pour la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'il résulte de ces dispositions que les délais de réclamation applicables à la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision sont définis par le livre des procédures fiscales ;

3. Considérant qu'aux termes des troisième à cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre dans sa rédaction alors applicable : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas: / (...) 3/ b. Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c. De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / (...) " ;

4. Considérant que, par l'arrêt du 22 décembre 2008 Régie Networks, C-333/07, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision, instituée par l'article 1er du décret du 29 décembre 1997, faisait partie intégrante du régime des aides à l'expression radiophonique qu'elle servait à financer, que la Commission devait prendre en considération cette taxe lors de l'examen du régime d'aides et qu'elle n'avait pas examiné le mode de financement de ces aides ; qu'elle a jugé, en conséquence, que la décision de la Commission du 10 novembre 1997 de ne pas soulever d'objection à l'encontre du régime d'aide en faveur des stations de radio locales était invalide et qu'il y avait lieu de tenir en suspens les effets de ce constat d'invalidité jusqu'à l'adoption d'une nouvelle décision par la Commission, sauf pour les entreprises ayant introduit avant la date du prononcé de son arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente portant sur la perception de la taxe ; que cet arrêt de la Cour n'a ainsi pas révélé directement l'incompatibilité avec le droit communautaire du décret du 29 décembre 1997 ; qu'il suit de là qu'il ne constitue pas un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ouvrant un nouveau délai de réclamation et permettant de demander la restitution des taxes acquittées au cours de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ;

5. Considérant que cet arrêt de la Cour ne constituant pas un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la société Régie Networks, pour obtenir la restitution de la taxe contestée, devait présenter sa réclamation dans le délai prévu au b de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, l'invalidité de la décision de la Commission du 10 novembre 1997 étant en elle-même sans effet sur le délai de prescription ; qu'il est constant que sa réclamation relative aux années 1998 à 2000 n'a été présentée que le 29 décembre 2010, après l'expiration de ce délai ; qu'il suit de là qu'elle est tardive ;

6. Considérant que la circonstance que l'arrêt Régie Networks rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 22 décembre 2008 mentionne que sont exceptées de la limitation des effets dans le temps qu'il énonce les entreprises qui ont introduit, avant la date du prononcé de l'arrêt, un recours en justice ou une réclamation équivalente quant à la perception de la taxe parafiscale, n'a pas pour effet de permettre à ces entreprises de demander, après l'intervention de cet arrêt, la décharge de cotisations portant sur des périodes au titre desquelles elles n'ont présenté aucune réclamation dans le délai prévu par le b de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, au motif qu'elles auraient présenté, dans ce délai, une réclamation portant sur une période postérieure ; que, dès lors, la circonstance que la société Régie Networks avait présenté en 2003, soit avant l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 22 décembre 2008, une réclamation portant sur la taxe acquittée au titre des années 2001 à 2003, n'est pas utilement invoquée ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ; que le délai de réclamation de deux ans à compter du versement de la taxe tel qu'il résulte de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales est suffisant pour permettre aux contribuables de faire valoir utilement leurs droits ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que l'application des dispositions du b de cet article méconnaît les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, par voie de conséquence, que l'atteinte portée à son droit patrimonial est disproportionnée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Régie Networks n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demandé ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Régie Networks demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Régie Networks est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Régie Networks et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juin 2017.

Le rapporteur,

S. AubertLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02316

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02316
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-01;15nt02316 ?
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