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07/06/2017 | FRANCE | N°15NT02349

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 juin 2017, 15NT02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire de Caen a demandé au tribunal administratif de Caen,

d'une part, de condamner solidairement les sociétés Sextant architecture, Novorest et Ginger Etco à lui verser la somme de 142 885,64 euros HT, en réparation du préjudice subi du fait de la contamination des réseaux d'eau de son unité centrale de production de repas, la somme de 4 679 euros HT en réparation du préjudice subi du fait de problèmes d'odeur et la somme de 19 000 euros HT en réparation du dommage

résultant de la condensation dans le vide sanitaire, d'autre part, de fixer le s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire de Caen a demandé au tribunal administratif de Caen,

d'une part, de condamner solidairement les sociétés Sextant architecture, Novorest et Ginger Etco à lui verser la somme de 142 885,64 euros HT, en réparation du préjudice subi du fait de la contamination des réseaux d'eau de son unité centrale de production de repas, la somme de 4 679 euros HT en réparation du préjudice subi du fait de problèmes d'odeur et la somme de 19 000 euros HT en réparation du dommage résultant de la condensation dans le vide sanitaire, d'autre part, de fixer le solde des décomptes généraux et définitifs des sociétés Sextant architecture, Novorest et Ginger Etco respectivement aux sommes de 118 060,51 euros HT, 126 609,51 euros HT et 100 920 euros HT en sa faveur, et de condamner ces sociétés à lui verser ces sommes.

Par un jugement n° 1301061 du 13 mai 2015 le tribunal administratif de Caen a :

1° condamné solidairement les sociétés Grontmij et Sextant architecture à verser au centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 161 085,08 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de la contamination de son réseau d'eau ;

2° condamné la société Grontmij à garantir la société Sextant architecture de la somme de 161 085,08 euros TTC ;

3° fixé le solde du marché de la société Grontmij à la somme de 44 332,73 euros TTC en faveur de cette société, augmentée des intérêts moratoires à compter du 23 avril 2015 ;

4° fixé le solde du marché de la société Novorest à la somme de 7 435,29 euros TTC en faveur de cette société, augmentée des intérêts moratoires à compter du 22 mars 2007 et de la capitalisation des intérêts à compter du 23 décembre 2013 ;

5° fixé le solde du marché conclu avec la société Sextant architecture à la somme de 12 736,86 euros TTC en faveur de cette société, augmentée des intérêts moratoires à compter du 16 mai 2007 et de la capitalisation des intérêts à compter du 3 janvier 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2015 et le 13 janvier 2017, la société Grontmij, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 13 mai 2015 en tant qu'il prononce des condamnations à son encontre (articles 1,2, 6 et 7) ;

2°) de rejeter la demande formée par le centre hospitalier universitaire de Caen devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) d'assortir la condamnation du centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 44 332,73 euro en paiement du solde de son marché des intérêt moratoires à compter du 10 avril 2006, ainsi que de la capitalisation des intérêts ;

4°) subsidiairement, de condamner in solidum les sociétés Ozenne, Novorest et Sextant architecture à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen, ou subsidiairement à la charge solidaire des sociétés Ozenne, Novorest et Sextant architecture la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dés lors qu'il appartenait au CHU de Caen d'assurer la maintenance de ses installations à partir du moment où il avait réceptionné et pris possession de l'ouvrage, date à laquelle aucune contamination n'avait été ni constatée ni même soupçonnée, sa responsabilité ne pouvait être retenue ;

- à tout le moins, c'est à tort que le tribunal a écarté toute responsabilité du CHU alors que l'expert lui imputait 20% de la responsabilité en raison de la non utilisation des points de puisage ayant créé des zones de stagnation d'eau ;

- dés lors que le problème ne concerne que le réseau d'eau froide potable et non le réseau d'eau chaude sanitaire, l'expert ne peut pas lui reprocher d'avoir laissé poser des vannes incompatibles avec des mesures curatives sur le réseau d'eau chaude ;

- les travaux préconisés par l'expert constituent une amélioration de l'ouvrage ;

- à tout le moins le chiffrage retenu ne peut excéder celui de l'expert ;

- si, effectivement, la pose de vannes non adaptées aux chocs thermiques sur le réseau d'eau chaude est à l'origine du sinistre, la responsabilité principale incombe à l'entreprise Ozenne, qui a approvisionné et posé ces vannes ;

- au sein de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, il n'était pas le seul en charge de la direction de l'exécution des travaux et de la conception ;

- les conclusions d'appel incident du CHU de Caen, qui ne sont pas dirigées contre les articles 1,2, 6 et 7, seuls en cause dans son appel principal, ne sont pas recevables ;

- en tout état de cause, ses demandes relatives aux odeurs nauséabondes et à la condensation dans le vide-sanitaire ne peuvent engager ni la responsabilité décennale ni la responsabilité contractuelle des constructeurs.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2015, la société Sextant architecture conclut au rejet de la requête et demande, à titre subsidiaire, la condamnation in solidum du centre hospitalier universitaire de Caen et de la société Grontmij à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre. Elle demande également que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la partie perdante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'expert ne retient aucune faute de sa part et la société Grontmij n'établit pas qu'elle aurait commis des fautes.

Par deux mémoires, enregistrés le 26 octobre 2015 et le 17 janvier 2017, la société Novorest conclut au rejet de la requête et demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Grontmij à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Elle demande également que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire de la société Grontmij et de toute autre partie perdante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Grontmij ne précise pas quelles sont les fautes qu'elle aurait commises ;

- le groupement était conjoint et non solidaire, de sorte qu'elle ne peut être responsable en raison du contrat de maîtrise d'oeuvre ;

- les désordres affectant les réseaux d'eau, qui étaient prévisibles, doivent être considérés comme apparents ;

- sa responsabilité décennale ne peut pas être engagée pour ces désordres ;

- les autres désordres ne peuvent engager ni sa responsabilité décennale ni sa responsabilité contractuelle ;

- elle n'est débitrice envers le CHU de Caen d'aucune somme, de sorte que le solde de son marché s'établit, ainsi que l'a jugé le tribunal à 7 435,29 euros ;

- les conclusions d'appel incident présentées par le CHU de Caen à son encontre sont irrecevables.

Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2015, la société Ozenne conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Grontmij au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que dés lors qu'elle a respecté les préconisations du bureau d'études ETCO, sa responsabilité ne peut pas être engagée.

Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2015, le centre hospitalier universitaire de Caen conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, d'une part que le solde du décompte de la société Grontmij soit fixé à 32 839,71 euros TTC, et d'autre part la condamnation in solidum des sociétés Grontmij, Novorest et Sextant architecture à lui verser la somme de 28 320 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait des problèmes d'odeur et de condensation du vide sanitaire. Il demande également que les sociétés Sextant architecture, Novorest et Grontmij soient condamnées aux dépens et que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de ces mêmes sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les trois sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre doivent être condamnées solidairement à la réparation intégrale des désordres nés de la contamination du réseau d'eau ;

- à supposer qu'il existe un défaut d'entretien, qui n'est pas établi, il est dépourvu de tout lien de causalité avec la contamination des réseaux ;

- les autres désordres engagent la responsabilité contractuelle des membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre ;

- au vu du récapitulatif des acomptes déjà versés, le solde du décompte de la société Grontmij est erroné.

Par une ordonnance du 3 février 2017, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Guerin, avocat de la société Novorest.

1. Considérant que, par une convention signée le 9 octobre 2002, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen a délégué à la société d'économie mixte (SEM) du Grand Caen la maîtrise d'ouvrage des travaux de construction d'une unité centrale de production pour la fabrication de repas à destination de ses patients ; que, par un contrat signé le 20 juin 2003, la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à un groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre composé de la société Sextant architecture, mandataire, de la société Novorest, bureau d'études techniques cuisine, et de la société Ginger Etco, bureau d'études techniques économiste, aux droits de laquelle vient la société Grontmij ; que la réception des travaux a été prononcée avec effet au 10 avril 2006 ; qu'en raison de désordres affectant notamment le réseau de distribution d'eau froide, deux expertises ont été ordonnées, à la demande du CHU, par le tribunal administratif de Caen ; que l'expert a déposé ses rapports au greffe de ce tribunal le 29 janvier 2008 et le 22 septembre 2009 ; que par un jugement du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné solidairement les sociétés Grontmij et Sextant architecture à verser au CHU de Caen la somme de 161 085,08 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de la contamination de son réseau d'eau (article 1), a condamné la société Grontmij à garantir la société Sextant architecture de l'intégralité de cette somme (article 2), a fixé le solde des marchés des sociétés Grontmij, Novorest et Sextant architecture (articles 3, 4 et 5) et a rejeté les demandes du CHU tendant à la réparation de désordres nés d'odeurs nauséabondes et de condensation du vide sanitaire ; que la société Grontmij demande la réformation des articles 1 et 2 du jugement, ainsi que de ses articles 6 et 7 relatifs aux dépens et de son article 3 s'agissant du point de départ des intérêt moratoires dus sur le solde de son marché ; que, par la voie de l'appel incident, le CHU de Caen demande, d'une part, que le solde du marché de la société Grontmij soit ramené de 44 332,73 euros à 32 839,71 euros TTC, et d'autre part, que les sociétés Grontmij, Novorest et Sextant architecture soient condamnées in solidum à lui verser la somme de 28 320 euros au titre du préjudice subi du fait des problèmes d'odeurs et de condensation du vide sanitaire ;

Sur les conclusions d'appel principal relatives à la contamination du réseau d'eau :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. Considérant que, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination survenus dans le délai de dix ans à compter de la réception sont imputables, même partiellement, à un constructeur, celui-ci en est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, sauf pour le constructeur à s'exonérer de sa responsabilité ou à en atténuer la portée en établissant que les désordres résultent d'une faute du maître d'ouvrage ou d'un cas de force majeure ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que peu après la mise en production de l'unité centrale de préparation de repas du CHU, le 24 septembre 2006, a été mise en évidence une contamination du réseau d'eau froide par des bacilles pyocyaniques ; que le CHU n'a pas réussi, notamment par des chocs thermiques préconisés pour ce type de contamination, à endiguer et mettre fin à cette contamination, de sorte qu'il a dû avoir recours à de l'eau en bouteille pour les préparation de produits alimentaires nécessitant de l'eau froide sans traitement thermique ; que l'expertise a mis en évidence que le CHU n'avait pas été en mesure de traiter efficacement par des chocs thermiques la contamination survenue, en raison de ce que la conception des réseaux d'eau, notamment du réseau d'eau froide, n'avait pas pris en compte le besoin, nécessaire pour l'hygiène d'un milieu hospitalier, de réaliser fréquemment des chocs thermiques afin d'éliminer ou d'éviter une contamination par des bactéries du type des bacilles pyocyaniques ; que, par suite, si comme le soutient la société Grontmij, la contamination du réseau d'eau froide ne lui est pas imputable, l'impossibilité pour le centre hospitalier d'y remédier facilement, qui constitue un désordre de nature décennale, dès lors qu'elle rend l'équipement impropre à sa destination, et qui n'était pas apparent au moment de la réception, lui est en revanche imputable ; qu'il suit de là que le désordre résultant de l'impossibilité pour le CHU de lutter contre la prolifération de bactéries dans ses réseaux d'eau par des chocs thermiques est de nature à engager la responsabilité décennale de la société Grontmij, ainsi que celle de la société Sextant architecture ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la prolifération des bacilles pyocyaniques a été facilitée par le CHU, qui n'a pas, ou trop peu, utilisé les points de puisage, alors que ceux-ci doivent normalement faire l'objet de manoeuvres et puisages réguliers afin d'éviter la constitution de zones de stagnation d'eau et les contaminations qui peuvent en résulter ; que le CHU a ainsi, en ne mettant pas en place les procédures d'hygiène nécessaires, contribué aux difficultés qu'il a rencontrées pour lutter efficacement contre la contamination de son réseau d'eau froide ; que cette faute est de nature à exonérer les constructeurs à hauteur de 20% de leur responsabilité ;

En ce qui concerne le préjudice :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le CHU a présenté une facture des travaux de reprise d'un montant de 135 432,44 euros TTC, cette facture ne renvoie pas au devis mentionné par l'expert, d'un montant de 105 769,68 euros TTC, mais à un autre devis établi postérieurement, dont le détail n'est pas fourni ; qu'en outre, la somme de 11 518,71 euros TTC correspondant à la réalisation de chocs thermiques et à des puisages aux points d'utilisation, qui doivent être régulièrement réalisés par le CHU pour éviter les contaminations et leur prolifération, ne peut être incluse dans la réparation du désordre imputable aux constructeurs, qui consiste, ainsi qu'il a été dit au point 3, non pas dans la contamination elle-même mais dans l'impossibilité d'y remédier facilement ; qu'en revanche, si la contamination observée en 2006 a concerné le réseau d'eau froide et si le réseau d'eau chaude est en principe, par nature, protégé des contaminations par les bacilles pyocyaniques, le CHU doit pouvoir prévenir et lutter facilement contre les contaminations qui peuvent toucher son réseau d'eau froide comme son réseau d'eau chaude ; que, par suite, tant le bouclage bactéricide des réseaux d'eau froide que le remplacement des vannes thermiques par des vannes standard sur le réseau d'eau chaude sanitaire sont nécessaires pour remédier aux désordres ; qu'il suit de là que le montant des travaux de reprise des désordres en cause s'élève à la somme de 94 250,97 euros, à laquelle doit être ajoutée le coût de l'analyse de l'eau après ces travaux, d'un montant non contesté de 819,26 euros TTC ; que par ailleurs, le centre hospitalier a dû faire réaliser de petits travaux pour la pose de clapets anti-retour, la pose de vidanges et la modification des réseaux en chaufferie, pour un montant total non contesté de 2 360,82 euros TTC ; qu'enfin, pour ce qui est de l'achat d'eau en bouteilles, qui résulte directement de la prolifération de la bactérie et de l'impossibilité de l'éliminer, si le CHU fait état d'un préjudice de 22 472,56 euros TTC, il résulte des factures qu'il produit qu'une moitié d'entre elles concernent les années 2009 et 2010, alors que les travaux de reprise préconisés par l'expert étaient réalisés fin janvier 2009 ; qu'il suit de là qu'il n'y a lieu de retenir que la somme de 9 742,71 euros TTC estimée par l'expert, qui correspond globalement aux frais d'eau en bouteilles pour les années 2007 et 2008 ; qu'ainsi, le montant total du préjudice indemnisable du CHU doit être évalué à la somme de 107 173,76 euros TTC ;

6. Considérant qu'il résulte de la part de responsabilité de 20% laissée au maître d'ouvrage que le montant du préjudice devant être mis à la charge solidaire des sociétés Sextant architecture et Grontmij s'élève à 85 739 euros TTC ;

En ce qui concerne les frais d'expertise :

7. Considérant, d'une part, que les frais de l'expertise déposée le 29 janvier 2008, qui concerne les désordres résultant de la contamination du réseau d'eau froide, doivent être mis à la charge solidaire et définitive des sociétés Sextant architecture et Grontmij à hauteur de 80%, soit un montant de 6 955,35 euros, et laissés à la charge du CHU de Caen pour les 20% restant, représentant la somme de 1 738,84 euros ;

8. Considérant, d'autre part, que la seconde expertise, déposée le 22 septembre 2009, concerne des désordres différents, pour lesquels le tribunal administratif de Caen n'a pas retenu la responsabilité des constructeurs ; que les frais de cette expertise, d'un montant de 26 905,98 euros doivent donc être laissés à la charge définitive du CHU de Caen ;

En ce qui concerne les appels en garantie :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bureau d'études techniques Etco, au droit duquel vient la société Grontmij était chargé de la conception du projet s'agissant du lot plomberie sanitaire ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, les désordres retenus trouvent leur origine dans un défaut de conception des réseaux d'eau, qui ne permettent pas de prévenir et traiter les contaminations, alors que l'hygiène nécessaire à une unité de production de repas en milieu hospitalier l'impose ; que, par suite, la société Ozenne, qui a posé les vannes thermiques du réseau d'eau chaude sanitaire, ainsi que le préconisait son marché, n'a commis aucune faute ; qu'il en est de même des sociétés Sextant architecture et Novorest, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre dont il n'est ni établi ni même soutenu qu'ils auraient participé à la conception des réseaux d'eau ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Grontmij à garantir la société Sextant architecture à hauteur de 100% des condamnations prononcées à son encontre et qu'ils ont rejeté les appels en garantie formés par la société Grontmij contre les sociétés Ozenne, Sextant architecture et Novorest ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Grontmij est fondée à demander que la somme de 161 085,08 euros que l'article 1er du jugement du 13 mai 2015 la condamne à verser au CHU de Caen en réparation du préjudice subi du fait de la contamination de son réseau d'eau soit ramenée à 85 739 euros TTC , et que la somme totale de 35 600,17 euros que l'article 6 du jugement met à sa charge définitive au titre des frais d'expertise soit ramenée à la somme de 6 955,35 euros ;

Sur les conclusions d'appel principal et d'appel incident relatives au solde du décompte de la société Grontmij :

11. Considérant que la société Grontmij a présenté, dans son appel principal, des conclusions tendant à ce que les intérêts moratoires accordés sur la somme due en paiement du solde de son marché commencent à courir à compter du 10 avril 2006 ; que, par suite, les conclusions d'appel incident du CHU de Caen tendant à ce que le solde de ce marché soit fixé à 32 839,71 euros TTC ne sont pas relatives à un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal ; qu'elles sont donc recevables ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le CHU de Caen a payé à la société requérante, le 27 avril 2007, l'acompte correspondant à sa note d'honoraires n° 16, d'un montant de 9 294,18 euros TTC ; que par suite, le solde du marché s'établit à la somme de 32 839,71 euros TTC en faveur de la société requérante ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage délégué a reçu le 7 mai 2007 le projet de décompte général faisant état du solde et reprenant les précédents acomptes non encore payés ; que la société requérante ne produit aucun élément de nature à établir que ses notes d'honoraires n° 17 et 18, datées respectivement des 31 octobre 2006 et 2 avril 2007, auraient été reçues par le maître d'ouvrage ou son représentant avant le 7 mai 2007 ; que, par suite, dès lors que les articles 5.2.4 du cahier des clauses administratives particulières et 10.3 de l'acte d'engagement prévoient que le paiement doit s'effectuer dans les 45 jours qui suivent la réception de la facture ou du projet de décompte, le point de départ des intérêts moratoires sur la somme de 32 839,71 euros doit être fixé 45 jours après le 7 mai 2007, soit le 21 juin 2007 ; qu'ainsi que le demande la société Grontmij, les intérêts échus seront capitalisés au 21 juin 2008 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

14. Considérant qu'il résulte des points 11 à 13, d'une part, que le CHU de Caen est fondé à demander que le solde du marché de la société Grontmij fixé par l'article 3 du jugement du 13 mai 2015 soit ramené de 44 332,73 euros TTC à 32 839,71 euros TTC, et d'autre part, que la société Grontmij est fondée à demander que le point de départ des intérêts moratoires dus sur cette somme, fixé par ce même article au 23 avril 2015, soit ramené au 21 juin 2007 et que les intérêts échus soient capitalisés au 21 juin 2008 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions d'appel incident relatives aux odeurs nauséabondes et aux condensations :

15. Considérant que le CHU de Caen présente, devant la cour, des conclusions d'appel dirigées contre l'article 8 du jugement du 13 mai 2015, qui rejette le surplus de ses conclusions et notamment celles relatives aux désordres tenant aux odeurs nauséabondes et aux condensations ; que ces conclusions, présentées après expiration du délai d'appel et dirigées contre les sociétés Grontmij, Novorest et Sextant architecture, constituent des conclusions d'appel incident et d'appel provoqué irrecevables car soulevant un litige distinct de celui dont se trouve saisie la cour par l'appel principal de la société Grontmij, qui tend uniquement à la réformation, d'une part, des articles 1er et 2 du jugement relatifs à la contamination du réseau d'eau, d'autre part, de ses articles 6 et 7 relatifs aux dépens et enfin de son article 3 relatif au solde du décompte du marché de la société Grontmij ; qu'il suit de là que ces conclusions ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par les sociétés Novorest et Sextant architecture :

16. Considérant qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les appels en garantie présentés, au demeurant à titre subsidiaire, par les sociétés Sextant architecture et Novorest ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le CHU de Caen et par les sociétés Grontmij, Sextant architecture, Novorest et Ozenne ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 161 085,08 euros TTC que les sociétés Grontmij et Sextant architecture ont été solidairement condamnées, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Caen du 13 mai 2015, à verser au CHU de Caen en réparation du préjudice subi du fait de la contamination de son réseau d'eau est ramenée à 85 739 euros TTC.

Article 2 : Le solde du marché conclu avec la société Grontmij est fixé à 32 839,71 euros TTC en faveur de cette société. Cette somme sera assortie des intérêts moratoires à compter du 21 juin 2007 et les intérêts échus seront capitalisés au 21 juin 2008 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge solidaire des sociétés Grontmij et Sextant architecture à hauteur de 6 955,35 euros et à la charge du CHU de Caen à hauteur de 28 644,82 euros.

Article 4 : La société Grontmij est condamnée à garantir la société Sextant architecture de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre par les articles 1 et 3 du présent arrêt.

Article 5 : Les articles 1, 2, 3 et 6 du jugement du tribunal administratif de Caen du 13 mai 2015 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles 1 à 4 du présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Caen et aux sociétés Grontmij, Sextant architecture, Novorest et Ozenne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. GUERIN

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02349
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-07;15nt02349 ?
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