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22/06/2017 | FRANCE | N°16NT00102

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 22 juin 2017, 16NT00102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C..., la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et le Gaec Land Tremor ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs à réparer les préjudices subis par eux à raison de l'accident dont a été victime M. C...le 18 juillet 2006. La mutualité sociale agricole (MSA) des Portes de Bretagne, venant aux droits de l'assurance accident des exploitants agricoles (AAEXA), a également demandé la condamnation de la commune de Saint-Brieuc-

des-Iffs à lui rembourser les débours exposés pour son assuré.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C..., la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et le Gaec Land Tremor ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs à réparer les préjudices subis par eux à raison de l'accident dont a été victime M. C...le 18 juillet 2006. La mutualité sociale agricole (MSA) des Portes de Bretagne, venant aux droits de l'assurance accident des exploitants agricoles (AAEXA), a également demandé la condamnation de la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs à lui rembourser les débours exposés pour son assuré.

Par un jugement n° 1105075 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs à verser les sommes de

5 500 euros à M.C..., de 60 370,82 euros à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et de 871 euros au Gaec Land Tremor ainsi que la somme de 28 268,85 euros à la MSA des Portes de Bretagne.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 janvier 2016 et 5 avril 2017 la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs, représentée par la SCP Depasse-Sinquin-Daugan-Quesnel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2015 ;

2°) de rejeter les demandes de M.C..., du Gaec Land Tremor et de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne ;

3°) de mettre à la charge de ceux-ci la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de contradiction et d'insuffisance de motivation ;

- sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que l'accident de la circulation résulte exclusivement d'une faute de la victime

- la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine peut être engagée en vertu des dispositions des articles L. 2212 et L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2016 M. B...C..., la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et le Gaec Land Tremor, représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs le versement à chacun de la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 avril 2016 la caisse de mutualité sociale agricole des portes de Bretagne, représentée par MeD..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué et à la condamnation de la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs à lui verser la somme totale de 68 852,52 euros ;

3°) à ce que la somme versée sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale soit portée à 1 047 euros ;

4°) à ce que soit mis à la charge de la commune le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs ne sont pas fondés ;

- elle a droit d'être indemnisée des débours versés au profit de M. C...pour un montant total de 68 852,52 euros.

Par ordonnance du 7 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2017 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gauthier,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.C..., le Gaec Land Tremor et la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne.

1. Considérant que le 18 juillet 2006, vers 14 heures, la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs a demandé à M.C..., exploitant agricole au sein du Gaec Land Tremor, ainsi qu'à d'autres exploitants agricoles d'intervenir pour lutter contre un incendie s'étant déclaré sur une parcelle de blé, située au lieu-dit " Le Breil Marin " sur le territoire de la commune, à proximité de maisons à usage d'habitation ; qu'alors qu'il se rendait sur les lieux de l'incendie au volant d'un tracteur tirant une tonne à lisier remplie d'eau, M. C... a été victime d'un accident de circulation après avoir perdu le contrôle de ce véhicule ; que la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs relève appel du jugement du 12 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi d'un recours indemnitaire, l'a condamnée à verser les sommes de 5 500 euros à M. C..., de 60 370,82 euros à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et de 871 euros au Gaec Land Tremor ainsi que la somme de 28 268,85 euros à la mutualité sociale agricole (MSA) des Portes de Bretagne ; que, par la voie de l'appel incident, la MSA des Portes de Bretagne, venant aux droits de l'assurance accident des exploitants agricoles (AAEXA), demande à la cour de porter à 68 852,52 euros la somme que la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs a été condamnée à lui verser en remboursement de ses débours ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la commune soutient que le jugement attaqué, qui a écarté la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine, est insuffisamment motivé sur ce point ; que, toutefois, ce jugement indique en son point 3 " que l'accident subi par M.C..., alors qu'il collaborait bénévolement à l'exécution d'une mission de service public de lutte contre l'incendie à la demande de la commune, est de nature à engager, même sans faute, la responsabilité de cette collectivité " et examine en ses points 4 et 5 les éventuelles causes exonératoires de la responsabilité de la commune pour conclure que, la responsabilité sans faute de la commune étant engagée, le seul retard du SDIS ne peut exonérer même partiellement la commune de sa responsabilité ; qu'ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu'il est constant que M. C...est intervenu en qualité de collaborateur bénévole du service public communal de secours et d'incendie, à l'égard duquel la responsabilité de la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs peut être engagée même sans faute ; qu'en cette matière, les règles qui régissent l'engagement de la responsabilité de la personne publique permettent à celle-ci d'invoquer l'existence d'une faute de la victime ou d'un cas de force majeure comme l'exonérant, au moins partiellement, de sa responsabilité ; que la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs soutient que l'accident de la circulation résulte exclusivement d'une faute de la victime et que la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine est également engagée ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident s'est produit alors que le tracteur et son attelage se trouvaient engagés dans une courbe à gauche sur une route étroite, sinueuse, en côte et d'une dimension proche de la largeur du tracteur et de la tonne remplie d'eau qui y était attelée ; que le rapport technique, établi de manière non contradictoire, qui a été produit en premier lieu dans la procédure, imputait l'accident à la mauvaise qualité de la soudure de la chape maintenant le vérin directionnel de la tonne, dont la rupture constituait " la seule cause crédible de l'accident " ; que cependant, en l'absence de conservation de cette chape, cette hypothèse n'a pu être confirmée par l'expertise judiciaire contradictoire ordonnée par le tribunal de grande instance de Rennes le 26 avril 2007 ; que le rapport d'expertise judiciaire déposé le 29 octobre 2007 exclut que la rupture de la soudure de la chape puisse constituer la cause de l'accident, mais relève qu'il s'agit d'une conséquence de celui-ci ; qu'il impute, pour sa part, la perte de contrôle du véhicule à une vitesse inadaptée aux caractéristiques de la route et à la sensibilité au roulis de la tonne remplie d'eau, ainsi qu'à un manque de maîtrise de la conduite du véhicule ; que cette hypothèse serait corroborée, selon cette expertise, par une trace de ripage sur vingt mètres, alors que, pour ce type de véhicule, chargé à son poids maximal, la distance maximale d'immobilisation doit être de dix mètres pour une vitesse de 20 km/heure ; que l'expert judiciaire estime, par suite, que le tracteur, dont la vitesse maximale peut atteindre 40 km/heure, roulait à une vitesse comprise entre 30 et 35 km/heure au début de la phase de perte de contrôle, vitesse qui était excessive ; que M. C...soutient, pour sa part, qu'il roulait à 22 km/heure et produit deux témoignages de passagers de la voiture qui suivait le tracteur au moment des faits, indiquant que le tracteur roulait lentement, à une vitesse comprise entre 20 et 25 km/heure selon le compteur de la voiture, dans le respect de la vitesse maximale autorisée ; qu'enfin l'expertise non contradictoire ultérieure produite par M. C...relève que les traces de ripage sur la route, la trajectoire du tracteur et les déformations constatées sur la structure de la tonne à lisier ne corroborent pas l'hypothèse d'une vitesse excessive ; qu'eu égard à l'ensemble des éléments ainsi rappelés, il ne peut être regardé comme établi que M. C...aurait commis une imprudence en roulant, eu égard au poids de son chargement, à une vitesse inadaptée au moment de la perte de contrôle de son véhicule ; qu'en tout état de cause, l'intervention de M. C... le 18 juillet 2006 s'inscrivait dans le contexte d'urgence d'une opération de secours ordonnée par l'autorité publique compétente pour qu'il soit mis fin le plus vite possible au péril imminent résultant d'un incendie menaçant des habitations ; qu'il suit de là que la commune n'est pas fondée à invoquer, dans les circonstances particulières de l'espèce, un comportement fautif du conducteur de nature à l'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales: " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2216-1, les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. / La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage " ; qu'aux termes de l'article L. 1424-3 de ce code : " Les services d'incendie et de secours sont placés pour emploi sous l'autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police " ; qu'il résulte de ces dispositions que la commune ne peut pas invoquer une faute du SDIS, qui était placé sous son autorité dans le cadre des opérations de lutte contre l'incendie survenu sur son territoire, pour s'exonérer de sa responsabilité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est par ailleurs pas entaché de contradiction, le tribunal administratif de Rennes l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M.C... ;

Sur les conclusions d'appel incident de la MSA des Portes de Bretagne:

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la somme totale de 68 852,52 euros revendiquée en appel par la MSA des Portes de Bretagne comprend les sommes déjà accordées par le tribunal au titre des dépenses médicales et pharmaceutiques pour 771,34 euros et au titre des pertes de revenus pour 4 497,16 euros ; que, par ailleurs, la MSA n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le montant de 23 000 euros arrêté par le tribunal au titre des préjudices patrimoniaux après consolidation ; que la seule circonstance qu'elle a versé à son assuré une rente accident du travail en compensation de son invalidité, dont les arrérages échus et le capital représentatif des arrérages à échoir s'élèvent, au 31 août 2015, respectivement à 19 443,64 euros et 44 103,38 euros, soit un montant total de 63 547,02 euros, ne suffit pas à lui ouvrir droit à une indemnisation de ce montant ; qu'ainsi les conclusions d'appel incident de la MSA de même, par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à l'augmentation de la somme accordée en première instance au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et du Gaec Land Tremor, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs le versement à M.C..., à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et au Gaec Land Tremor de la somme de 700 euros chacun au titre des mêmes frais ; qu'il n'y pas lieu d'accorder la somme que la MSA demande à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne devant la cour sont rejetées.

Article 3 : La commune de Saint-Brieuc-des-Iffs versera à M.C..., à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne et au Gaec Land Tremor la somme de 700 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Brieuc-des-Iffs, à M.C..., à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Loire Bretagne, au Gaec Land Tremor et à la mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Gauthier, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

E. GauthierLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00102
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LAURET PAUBLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-22;16nt00102 ?
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