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15/09/2017 | FRANCE | N°15NT03666

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 septembre 2017, 15NT03666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sodisfal a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 200 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 8 mars 2010 du ministre du travail l'autorisant à licencier MmeB....

Par un jugement n° 1401289 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société Sodisfal une somme de 5 292, 30

euros en réparation du préjudice découlant de l'illégalité fautive de la décision du mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sodisfal a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 200 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 8 mars 2010 du ministre du travail l'autorisant à licencier MmeB....

Par un jugement n° 1401289 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société Sodisfal une somme de 5 292, 30 euros en réparation du préjudice découlant de l'illégalité fautive de la décision du ministre du travail du 8 mars 2010 avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2014 et capitalisation de ces intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2015 et 22 août 2017, la société par actions simplifiée (SAS) Sodisfal, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 novembre 2015;

2°) de porter la somme de 5 292,30 euros que l'Etat a été condamné à lui verser à 23 200 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat est pleinement engagée à l'égard de la société à raison de l'illégalité de la décision du ministre autorisant le licenciement de sa salariée ;

- il ne saurait être reproché à la société d'avoir mal apprécié les agissements de la salariée dès lors que l'autorisation de licenciement du 8 mars 2010 a été nécessairement accordée à la société au motif que le ministre a lui-même considéré que les faits reprochés à la salariée étaient établis et qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour autoriser le licenciement envisagé ; les motifs du jugement du conseil des prud'hommes du 16 décembre 2013 ne sauraient être utilisés pour minimiser la responsabilité de l'Etat et ses conséquences indemnitaires ;

- l'annulation de l'autorisation de licenciement étant fautive, la société est en droit de réclamer le remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle a payées sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail et ce sans qu'il y ait lieu de procéder à un partage de responsabilité ;

- la requalification par les juges des prud'hommes du licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse est la conséquence de l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement ; la société est fondée à solliciter le remboursement par l'Etat de la somme de 13 200 euros versée au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce sans qu'il y ait lieu de procéder à un partage de responsabilité ;

- la condamnation à verser à Mme B...une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral est en lien direct avec l'autorisation de licenciement irrégulièrement accordée par le ministre ; la société est fondée à en obtenir le remboursement et ce, sans qu'il y ait lieu à un partage de responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'Etat à verser la somme de 1 250 euros à la société Sodisfal au titre du préjudice moral des salariés.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Sodisfal ne sont pas fondés et que l'indemnité que le tribunal administratif a accordée à la société en réparation de son préjudice moral n'est pas liée à l'illégalité de la décision du 8 mars 2010.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.

1. Considérant que par un jugement du 29 mars 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a annulé, pour non respect de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, la décision du 8 mars 2010 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville avait accordé à la société Sodisfal l'autorisation de licencier MmeB..., déléguée syndicale ; que la société Sodisfal avait procédé le 30 mars 2010 au licenciement de l'intéressée en conséquence de la décision du 8 mars 2010 ; qu'au vu du jugement du tribunal administratif, le conseil des prud'hommes de Caen a jugé que le licenciement de Mme B...était sans cause réelle et sérieuse et a condamné par jugement du 16 décembre 2013 la société Sodisfal à lui verser à une somme globale de 4 713,37 euros à titre de rappel de salaires et des congés payés y afférents, 13 200 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une somme de 2 500 euros à titre de préjudice moral ; que la société Sodisfal, qui a également été condamnée à payer les charges sociales et patronales sur la somme de 4 713,37 euros ainsi que des frais de justice sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a formé le 17 juin 2014 auprès du ministre chargé du travail une demande d'indemnisation du préjudice résultant de cette condamnation et a demandé le 18 juin 2014 au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 200 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation de ses préjudices ; que la société Sodisfal relève appel du jugement du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a limité à la somme de 5 292,30 euros la condamnation sollicitée, et demande à la cour de réformer ce jugement et de porter cette somme à 23 200 euros ; que, par la voie de l'appel incident le ministre demande que ce jugement soit réformé en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Sodisfal la somme de 1250 euros au titre du préjudice moral des salariés ;

2. Considérant qu'en application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative ; que l'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, quelle que puisse par ailleurs être la responsabilité encourue par l'employeur lui-même ; que ce dernier est alors en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale ;

3. Considérant, en premier lieu, que le jugement annulant la décision du ministre du 8 mars 2010 autorisant le licenciement de Mme B...au motif de la méconnaissance de la procédure contradictoire imposée par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, est devenu définitif ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision administrative est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. " ; qu'il résulte de l'instruction, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, par un jugement du conseil des prud'hommes de Caen du 16 décembre 2013, la société requérante a été condamnée à payer à MmeB..., en application des dispositions précitées de l'article L. 2422-4 du code du travail, la somme totale de 4 713, 37 euros au titre des rappels de salaires et des congés payés ainsi que la somme de 3 371,27 euros au titre des charges sociales et patronales y afférentes ; que le préjudice subi par la société Sodisfal résultant du versement de cette indemnité est en lien direct avec l'illégalité fautive dont est entachée l'autorisation de licenciement annulée par le jugement du tribunal administratif de Caen du 29 mars 2011 ; que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la circonstance que la société Sodisfal aurait elle-même commis une faute n'est pas de nature à exonérer l'Etat de sa propre responsabilité ; que, dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 4 042,30 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en remboursement de l'indemnité qu'elle s'est trouvée contrainte de payer à Mme B...en application des dispositions précitées du code du travail ; que cette somme doit être portée à 8 084,60 euros ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail ; qu'il résulte du jugement du conseil des prud'hommes qu'une somme de 13 200 euros a été mise à la charge de la société requérante au profit de Mme B...à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions ci-dessus évoquées du code du travail ; que cette condamnation trouve son origine dans l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de MmeB..., constatée par le conseil des prud'hommes dans un jugement devenu définitif, et ne résulte pas de l'illégalité de l'autorisation administrative de licenciement accordée par le ministre chargé du travail ; que, par suite, l'obligation pour la société Sodisfal de verser à Mme B...cette somme de 13 200 euros à titre de dommages et intérêts n'est pas la conséquence directe de l'illégalité dont était entachée la décision ministérielle du 8 mars 2010 autorisant son licenciement ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que l'Etat ne pouvait être condamné, même partiellement, à réparer le préjudice résultant du versement de cette somme par la société Sodisfal à sa salariée ;

6. Considérant, en dernier lieu, que le tribunal administratif de Caen a accordé la somme de 1 250 euros à la société Sodisfal en réparation du préjudice résultant de sa condamnation à indemniser Mme B...à raison du préjudice moral qu'elle avait subi ; que dans son jugement du 16 décembre 2013 le conseil des prud'hommes de Caen a toutefois relevé que Mme B...s'était retrouvée dans l'incertitude concernant son avenir professionnel et avait dû retrouver un emploi dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour quelques semaines et que les nombreux recours de son employeur et son licenciement notifié le lendemain de son annulation par le tribunal administratif de Caen étaient de nature à attester de la forte pression qu'elle avait subie ; qu'ainsi, et eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, le ministre du travail est fondé à soutenir que cette indemnité n'est pas liée à l'illégalité de la décision du 8 mars 2010 ; que dès lors, il y a lieu de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a alloué la somme de 1 250 euros à la société requérante ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 5 292,30 euros que l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Caen à verser à la société Sodisfal doit être portée à 8 084,60 euros ; que le surplus des conclusions de la requête de la société doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Sodisfal de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 5 292,30 euros que l'Etat a été condamné à verser à la société Sodisfal est portée à 8 084,60 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1401289 du tribunal administratif de Caen du 5 novembre 2015 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sodisfal est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sodisfal et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 29 août 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2017.

Le rapporteur,

V. GELARD Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°15NT036662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03666
Date de la décision : 15/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL SALMON BAUGE ALEXANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-09-15;15nt03666 ?
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