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12/10/2017 | FRANCE | N°15NT03742

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 octobre 2017, 15NT03742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Caen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401326 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2015, M. et MmeA..., représentés par MeF..., demandent à la cour :<

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1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Caen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401326 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2015, M. et MmeA..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales et des énonciations des instructions 13 L-1513 n° 75 du 1er juillet 2002 et BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 du 12 septembre 2012 ;

- l'administration ne leur a pas communiqué toutes les pièces obtenues auprès de tiers en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et des énonciations des instructions 13 L-6-06 n° 12 du 21 septembre 2006 et BOI-CF-PGR-30-10 n° 310 du 12 septembre 2012 ;

- la vérification de comptabilité de la société Erivam, gestionnaire des sociétés en participation dont ils sont associés, est irrégulière ;

- il résulte tant des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts que de la doctrine administrative 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 et des récentes réponses ministérielles que la réduction d'impôt prévue est acquise l'année où l'investissement est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail, ce qui est le cas en l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme A...ont bénéficié au titre des années 2009 et 2010 d'une réduction d'impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer en qualité d'associés de sociétés en participation (SEP) consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés à responsabilité limitée (SARL) en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause ces réductions d'impôt au motif que les investissements ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 13 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification du 5 novembre 2012 notifiées à M. et Mme A... précise les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour remettre en cause les réductions d'impôt accordées au titre des investissements en litige ; que la circonstance que le tableau, annexé à cette proposition de rectification, listant les demandes de raccordement des sociétés exploitantes au réseau EDF ne mentionnait pas la date à laquelle ces demandes avaient été regardées comme recevables est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation dès lors que cette absence de précision n'a pas pu induire en erreur les contribuables sur la nature des redressements opérés par le service ni ne les a privés de la possibilité de présenter leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait le 2 janvier 2013 ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales doivent être écartés ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour établir les impositions et notamment ceux dont elle s'est prévalue au cours de la procédure de redressement ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour établir les redressements litigieux, l'administration s'est notamment fondée sur les renseignements qu'elle a obtenus auprès d'Electricité de France (EDF) ; que le service a pu, au vu de ces renseignements, constater l'absence de raccordement au réseau électrique des centrales photovoltaïques acquises par les SEP dont les requérants étaient associés et l'absence de certificat de conformité visé par le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité ; que ces renseignements ont été portés à la connaissance des contribuables dès lors qu'ils ont été annexés à la proposition de rectification ; qu'il ne résulte pas des circonstances relevées par le service pour justifier les redressements en cause que ceux-ci seraient fondés sur d'autres éléments ou documents obtenus de tiers ; que, dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 75 de la documentation administrative référencée 13 L-1513 du 1er juillet 2002, reprises au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-IOR-10-40, ni de celles du paragraphe 12 de l'instruction 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, reprises au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-PGR-30-10, qui sont relatives à la procédure d'imposition ;

6. Considérant, en quatrième lieu, M. et Mme A...reprennent en appel le moyen tiré de ce que l'administration a irrégulièrement vérifié la comptabilité de la société Erivam, ils n'apportent sur ce point aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Caen ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. " ; qu'aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...). " ; qu'en vertu de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code, la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail ;

8. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que, par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date ;

9. Considérant qu'il est constant que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi les SEP, dont les requérants étaient associés, n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité à la date du 31 décembre 2009 et du 31 décembre 2010 ; que, par suite, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes, l'administration a pu, et pour ce seul motif, sur le fondement de la loi fiscale estimer que les investissements en cause ne pouvaient ni être effectivement exploités ni être productifs de revenus au 31 décembre des années 2009 et 2010 et remettre en cause la réduction d'impôt au titre de ces années ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Considérant, d'une part, que les requérants se prévalent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 aux termes duquel : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. " ; que ces dispositions sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque les conditions posées par l'instruction sont remplies, notamment celle qui est énoncée au paragraphe 22, qui définit les investissements ouvrant droit à réduction d'impôt dans les termes suivants : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. " ; qu'il ne ressort pas des énonciations de l'instruction du 30 janvier 2007 que l'administration ait entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, une interprétation du texte fiscal différente de celle qui figure au point 10 ci-dessus, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant, d'autre part, que si M. et Mme A...ont entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à M. E...B..., député, publiée au Journal Officiel du 12 mars 2013, de la réponse ministérielle faite à M.G..., député, publiée au Journal Officiel du 2 juillet 2013 et de la réponse ministérielle faite à M. E...C..., député, publiée au Journal Officiel du 4 juin 2013, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures que des interprétations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration ; qu'en l'espèce, les interprétations invoquées sont postérieures tant aux impositions primitives qu'au délai de déclaration et ne peuvent dès lors faire échec à l'application de la loi fiscale à la situation des requérants ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que M. et Mme A...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. BatailleLe greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15NT037422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03742
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SCP GAUDIN JUNQUA-LAMARQUE et CALONI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-12;15nt03742 ?
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