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08/12/2017 | FRANCE | N°17NT01729

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 décembre 2017, 17NT01729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...G..., Mme C...F...veuve A...J...et Mme B... F...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à leur verser d'une part, la somme de 46 000,31 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution de l'arrêt du 2 octobre 2008 de la cour d'appel de Rennes les condamnant à restituer cette somme aux occupants de la propriété dont elles sont usufruitières et nue-propriétaires et d'autre part, les sommes de 7 000 et 15 000 euros au titre de leur frais de procédure et de leur préj

udice moral.

Par un jugement n° 1200231 du 12 mai 2014, le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...G..., Mme C...F...veuve A...J...et Mme B... F...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à leur verser d'une part, la somme de 46 000,31 euros au titre du préjudice résultant de l'exécution de l'arrêt du 2 octobre 2008 de la cour d'appel de Rennes les condamnant à restituer cette somme aux occupants de la propriété dont elles sont usufruitières et nue-propriétaires et d'autre part, les sommes de 7 000 et 15 000 euros au titre de leur frais de procédure et de leur préjudice moral.

Par un jugement n° 1200231 du 12 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14NT01832 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête des consorts G...-F... tendant à l'annulation de ce jugement du tribunal administratif de Rennes.

Par une décision n° 394424 du 31 mai 2017 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par Mme K...G..., a annulé l'arrêt du 2 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 juillet 2014, 5 juin 2015 et 10 juillet 2017, les consorts G...-F..., représentés par MeI..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1200231 du 12 mai 2014 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser d'une part, la somme de 46 720,48 euros au titre des loyers non percus, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2011, date de réception de la demande préalable indemnitaire et, d'autre part, les sommes de 7000 euros au titre des frais de procédure et de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- leurs préjudices découlent directement de l'illégalité des dispositions des articles 9 et 10 des arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 4 mai 1998 et 25 mars 1991 qui ont été déclarés illégaux par le tribunal administratif de Rennes ; en qualité de bailleurs elles ne pouvaient déterminer seules le montant du loyer d'habitation de leur propriété située au lieudit Montgerheux à Domalain en l'absence de minima et de maxima fixés légalement par arrêté préfectoral ;

- la responsabilité de l'État est engagée du fait de l'illégalité des arrêtés pris en 1991 et 1998 par le préfet d'Ille-et-Vilaine en vue de fixer les minima et maxima prévus par le code rural, et du délai mis par ce même préfet à prendre un nouvel arrêté le 29 juin 2004 ; ces manquements sont à l'origine de l'obligation qui leur a été faite de restituer aux locataires les loyers perçus entre 2000 et 2008 ;

- elles étaient dans l'impossibilité de demander la fixation du loyer de leur bien dès la publication du nouvel arrêté préfectoral du 29 juin 2004 car à cette date le litige qui les opposait à leurs locataires était toujours pendant ;

- elles justifient du montant de leur préjudice financier par la saisie-attribution dont elles font l'objet ; elles ont subi les tracas de procédures inutiles depuis l'année 2000, à l'origine d'un préjudice fixé à 7 000 euros, ainsi qu'un préjudice moral qu'elles évaluent à 15 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mai 2015 et 29 septembre 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et la forêt conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- si à défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux peut être saisi, les parties peuvent cependant se rapprocher et convenir ensemble un prix ; qu'en conséquence, la circonstance que les arrêtés des 25 mars 1991 et 4 mai 1998 ne prévoyaient pas de maximum, pour les logements respectant les normes d'habitation prévues par le décret du 6 mars 1987, ni de minimum pour les autres habitations, ne faisait pas obstacle à la fixation, par accord à l'amiable des parties, d'un loyer pour la maison d'habitation comprise dans le bail rural ; de même, la circonstance qu'aucun accord amiable n'ait été conclu ne faisait pas obstacle à la fixation provisoire d'un loyer pour les bâtiments d'habitation ; rien ne s'opposait à ce que les consorts G...-F... et leurs fermiers s'accordent pour déterminer avec précision la part du montant du loyer portant sur les bâtiments d'exploitation et ce, en cours de bail et dès l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1988 ; les consorts G...-F... étaient ainsi en mesure de saisir à nouveau le tribunal paritaire des baux ruraux de Vitré afin de lui demander de redéfinir le montant des loyers depuis l'édiction de l'arrêté préfectoral du 29 juin 2004 par lequel le préfet d'Ille-et-vilaine a modifié l'arrêté du 4 mai 1998 pour se conformer aux dispositions de l'article L.411-11 du code rural, ce qui n'a pas été fait ; la faute de l'Etat tenant à l'illégalité des arrêtés des 25 mars 1991 et 4 mai 1998 relatifs au loyer des bâtments d'habitation concernant le statut du fermage n'a pas été la cause déterminante du préjudice dont se prévalent les requérantes ;

- le préjudice né des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral ainsi que des frais et honoraires dépensés " en pure perte " est totalement étranger à la faute commise par l'Etat dans la fixation des fermagers mais est liée à la procédure judiciaire qui oppose les requérants à leurs fermiers ;

- pour le surplus que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant les consorts G...-F....

1. Considérant que les consorts G...-F... ont donné à bail aux consorts D...la ferme située au lieudit Montgerheux à Domalain à compter du 31 décembre 1978 ; que, dans un arrêt du 2 octobre 2008, la cour d'appel de Rennes a annulé le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 27 novembre 2000 en tant qu'il fixait les loyers de ces biens sur la base de deux arrêtés préfectoraux des 25 mars 1991 et 4 mai 1998 déclarés illégaux par le tribunal administratif de Rennes par deux jugements définitifs des 16 avril 2003 et 25 octobre 2007, a débouté les consorts G...-F... de leur demande de fixation des loyers, et leur a fait obligation de rembourser aux consorts D...la somme de 37 391,21 euros au titre des loyers versés pour la période du 1er mai 1996 au 30 avril 2009 ; que, par un jugement du 12 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes de 46 000,31 euros au titre du préjudice ayant résulté de l'exécution de cet arrêt de la cour d'appel de Rennes du 2 octobre 2008, de 7 000 euros au titre des frais de procédure et de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral ; que par un arrêt n° 14NT01832 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement ; que, saisie d'un pourvoi en cassation par MmeG..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par une décision n° 394424 du 31 mai 2017, annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 17NT01729 ; que, dans le dernier état de leurs écritures, les requérantes ont porté à 46 720,48 euros la somme qu'elles demandent au titre du préjudice ayant résulté de l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable avant le 10 décembre 2004 : " Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d'une clause de reprise éventuellement en cours de bail, de l'état et de l'importance des bâtiments d'habitation et d'exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué. Ce prix est constitué, d'une part, du loyer des bâtiments d'habitation et, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues. Le loyer des bâtiments d'habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative. (...) A défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail. " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 411-11, le préfet fixe, par arrêté publié au recueil des actes administratifs de la préfecture : 1° Les maxima et minima exprimés en monnaie des loyers des bâtiments d'habitation compte tenu de l'état et de l'importance de ceux-ci ; (...) " ;

3. Considérant que l'illégalité des arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 25 mars 1991 et 4 mai 1998, sur laquelle s'est fondée la cour d'appel de Rennes pour rendre son arrêt du 2 octobre 2008, constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des consorts G...-F... ; que, par suite, ces derniers sont en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu en résulter pour eux ;

4. Considérant toutefois que les requérantes auraient pu, dès l'édiction le 29 juin 2004 d'un nouvel arrêté préfectoral conforme aux dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, et à défaut d'un accord amiable avec leurs locataires, saisir le tribunal paritaire des baux ruraux en vue de la fixation du loyer de leur bien, l'existence d'une instance pendante entre elles-mêmes et les consorts D...au sujet de ce loyer ne faisant nullement obstacle, contrairement à ce qu'elles soutiennent, à une telle action ; que le montant de ce loyer pouvait également être fixé préalablement à titre provisoire et régularisé, le cas échéant, pour être conforme au nouvel arrêté préfectoral ; qu'enfin, Mmes G...-F... avaient également la possibilité d'agir contre leurs locataires sur le fondement de l'enrichissement sans cause pour obtenir le versement d'une indemnité représentant tout ou partie du montant des loyers qu'elles ont dû restituer ; que, compte tenu de ce défaut de diligence de leur part, il y a lieu d'exonérer l'Etat de 50 % de sa responsabilité ;

Sur l'évaluation des préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, que si les consorts G...-F... soutiennent qu'ils sont en droit d'être indemnisés à hauteur de 46 720,48 euros, soit la somme établie par huissier le 9 septembre 2011 augmentée des 1 000 euros versés au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il ressort de l'instruction que seule la somme de 37 391,21 euros est directement liée au remboursement des trop perçus de loyers en raison de l'illégalité des arrêtés préfectoraux ; que les 9 329,27 euros restants sont relatifs à des frais d'huissier et des intérêts cumulés dus au refus des intéressés de payer la somme mise à leur charge ; que, dans ces conditions, il y a lieu de limiter le préjudice financier des consorts G...-F... à la somme de 37 391,21 euros ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si les consorts G...-F... demandent à la cour de condamner l'Etat à leur verser une somme globale et forfaitaire de 7 000 euros à titre de remboursement des frais engagés pour les procédures inutiles qu'elles ont été contraintes d'engager, elles n'assortissent pas cependant leur demande des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien fondé ; que, par suite, ce chef de préjudice doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que les requérantes soutiennent qu'elles ont subi les tracas de procédures inutiles depuis l'année 2000 et un préjudice moral qu'elles évaluent à 15 000 euros ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la longueur de la procédure est pour une large part due à leur refus d'exécuter l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 2 octobre 2008, évoqué au point 1 ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'elles ont subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 4, de condamner l'Etat à verser aux requérantes une indemnité d'un montant de 19 695,60 euros en réparation des préjudices subis par ces dernières à raison de l'illégalité des arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 25 mars 1991 et 4 mai 1998 ;

Sur les intérêts :

9. Considérant que la somme de 19 695,60 euros, mentionnée au point 8, allouée aux requérantes doit être augmentée, ainsi qu'elles le demandent, des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2011, date de réception de leur demande indemnitaire préalable par le préfet d'Ille-et-Vilaine ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts G...-F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté en totalité leurs conclusions indemnitaires et a solliciter qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 19 695,60 euros assortie des intérêts dans les conditions rappelées au point précédent ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérantes de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200231 du tribunal administratif de Rennes en date du 12 mai 2014 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser aux consorts G...-F... la somme de 19 695,60 euros. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2011.

Article 3 : L'Etat versera aux consorts G...-F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et des conclusions d'appel des consorts G...-F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K...G..., à Mme C...A...J..., à Mme B...F...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Le Bris, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 décembre 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17NT017292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01729
Date de la décision : 08/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : PETIT-LE DRESSAY et LECLERCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-08;17nt01729 ?
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