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09/02/2018 | FRANCE | N°16NT01351

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 février 2018, 16NT01351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... I...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Rennes et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser des sommes de 3 501,83 euros, hors arrérages échus et rentes capitalisées au jour du jugement, 31 674 euros et 8 000 euros en réparation du dommage dont elle a été victime à la suite de la pose de prothèse du genou qu'elle a subie le 18

janvier 2008.

Par un jugement n° 1304164 du 3 mars 2016, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... I...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Rennes et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser des sommes de 3 501,83 euros, hors arrérages échus et rentes capitalisées au jour du jugement, 31 674 euros et 8 000 euros en réparation du dommage dont elle a été victime à la suite de la pose de prothèse du genou qu'elle a subie le 18 janvier 2008.

Par un jugement n° 1304164 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 avril 2016, le 9 mai 2016, le 15 juin 2016 et le 26 octobre 2017, Mme I..., représentée par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 mars 2016 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Rennes et l'ONIAM à lui verser 6 511,43 euros au titre de son préjudice patrimonial, 31 674 euros au titre de son préjudice extra-patrimonial et 8 000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande indemnitaire préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre solidairement à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes et de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il a rejeté sa demande sans avoir préalablement analysé l'anormalité et la gravité de son dommage ;

- le handicap dont elle souffre depuis son opération du genou est anormal au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé public et lui ouvre donc le droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- les complications qu'elle a subies sont en lien avec l'erreur médicale survenue lors de la première opération de son genou ;

- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes est engagée au titre du défaut d'information.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 août 2016 l'ONIAM, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme I... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme I...ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 28 décembre 2016, le 13 avril 2017 et le 27 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me A...C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à lui verser la somme de 14 937,42 euros au titre de ses débours ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt et la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rennes à lui verser la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le centre hospitalier universitaire de Rennes est entièrement responsable des conséquences dommageables des complications médicales subies par MmeI....

Par des mémoires en défense enregistrés le 24 octobre 2017, le 3 novembre 2017 et le 18 décembre 2017, le centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- Mme I...a majoré sa demande indemnitaire en appel et que cette majoration n'est pas recevable ;

- les moyens soulevés par Mme I... ne sont pas fondés.

Mme I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 25 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code civil ;

- l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., représentant MmeI....

1. Considérant que MmeI..., née le 15 juillet 1950, a fait une chute à son domicile le 31 juillet 2007 à la suite de laquelle elle a ressenti une douleur de la face interne du genou gauche ; qu'un examen effectué le 20 août 2007 a révélé l'existence de lésions dégénératives du compartiment fémoro-tibial interne ; qu'un traitement antalgique lui a été prescrit sans succès ; qu'une prothèse totale du genou lui a alors été proposée et finalement posée le 18 janvier 2008 au centre hospitalier universitaire de Rennes ; que les suites de cette intervention ont été marquées par la persistance de fortes douleurs et par une raideur marquée du genou ; qu'une arthrolyse effectuée le 12 mars 2008 n'a permis d'améliorer que provisoirement la mobilité du genou de MmeI... et que, malgré un traitement spécifique et des séances de rééducation, les douleurs ont persisté ; que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Bretagne, saisie le 23 novembre 2010 par Mme I...d'une demande d'indemnisation, a confié une expertise au docteur Boisrenoult, praticien hospitalier en chirurgie orthopédique et traumatologique, qui a remis son rapport le 1er mars 2011 ; que, le 15 mars 2012, la CRCI de Bretagne a émis un avis défavorable sur la demande indemnitaire de MmeI... ; que Mme I...relève appel du jugement du 3 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Rennes et l'ONIAM soient solidairement condamnés à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'intervention chirurgicale du 18 janvier 2008 ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier universitaire de Rennes :

2. Considérant que l'article R. 811-2 du code de justice administrative dispose que : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue. " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ; que, d'une part, la requête de Mme I...a été enregistrée le 26 avril 2016 au greffe de la cour administrative de Nantes, avant l'expiration du délai de recours, intervenue le 11 mai 2016 ; que la circonstance que le mémoire introductif d'instance de la requérante ne comportait aucun moyen d'appel est sans influence sur le respect de ce délai ; que, d'autre part, Mme I...a régularisé son mémoire en produisant le 9 mai 2016, avant l'expiration du délai de recours, un second mémoire contenant l'exposé de moyens de droit ; qu'ainsi, les fins de non-recevoir tirés de ce que la requête de Mme I...serait à la fois tardive et dépourvue de moyens ne peut qu'être écartée ;

3. Considérant que, dès lors que les conclusions indemnitaires présentées par Mme I... en première instance incluaient, au titre du besoin d'assistance par tierce personne, une demande de versement des " arrérages échus et rentes capitalisées au jour du jugement " qui a été abandonnée en appel, le centre hospitalier universitaire de Rennes n'est pas fondé à soutenir que Mme I...aurait majoré ses prétentions indemnitaires en appel et que cette majoration revêtirait le caractère de conclusions nouvelles irrecevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. " ;

5. Considérant que Mme I...soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans la mesure où il a écarté l'obligation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale sans avoir préalablement examiné la gravité et l'anormalité de ses préjudices ; que, toutefois, le tribunal administratif ayant jugé que l'intéressée n'avait pas été victime d'un accident médical non fautif directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soin mais d'un échec thérapeutique, il n'avait à statuer ni sur la gravité ni sur l'anormalité des préjudices de l'intéressée ; que, par suite, Mme I...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et particulièrement du rapport de l'expert que la décision de proposer à Mme I...la pose d'une prothèse totale du genou était justifiée, que l'intervention chirurgicale du 18 janvier 2008 a été réalisée dans les règles de l'art et que, si au cours de l'opération le chirurgien a provoqué une fracture parcellaire du condyle qu'il a immédiatement traitée, cet incident n'a eu aucune conséquence sur les performances de la prothèse ; que celle-ci a été correctement posée ainsi qu'il ressort des différentes vérifications réalisées ultérieurement ; que les soins reçus par Mme I...après l'intervention litigieuse, notamment pour traiter ses douleurs persistantes et son manque de mobilité, ont également été conformes aux règles de l'art ; qu'il s'ensuit que, comme l'a estimé l'expert, le dommage subi par MmeI..., alors même qu'il est survenu immédiatement après l'intervention chirurgicale litigieuse, doit être regardé comme le résultat d'un échec thérapeutique, qui n'ouvre pas droit à réparation au titre de la solidarité nationale ; que, par suite, les conclusions de Mme I...tendant à ce que l'ONIAM soit condamné à indemniser ses préjudices doivent être écartées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rennes pour défaut d'information :

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus " ; que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent écarter l'existence d'une perte de chance ; qu'il appartient au juge, pour se prononcer en ce sens, de rechercher dans quel délai une évolution vers des conséquences graves était susceptible de se produire si le patient refusait de subir dans l'immédiat l'intervention ;

8. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que le dommage subi par Mme I... est un mauvais résultat fonctionnel de la prothèse totale du genou gauche associant des douleurs inexpliquées importantes, une flexion du genou limitée à 90° et une inégalité de longueur fonctionnelle des jambes mesurée à 10 mm ; que selon ce même expert, " le taux d'insatisfaction des prothèses du genou est estimé dans la littérature entre 11% et 19%. Dans ce groupe, environ 6,5% des patients souffrent de douleurs inexpliquées. Ils représentent donc environ 0,7 à 1,2% de l'ensemble des patients subissant une prothèse totale du genou. " ; qu'il résulte également d'un article en ligne rédigé par un chirurgien spécialiste du genou et produit par la requérante que dans environ 10% des cas des " douleurs séquellaires gênantes " persistent malgré la pose d'une prothèse ; que s'il résulte des termes du rapport de l'expert qu'une information relative à la plupart des complications habituelles liées à la pose de prothèse du genou, notamment les risques infectieux, a été délivrée à MmeI..., le centre hospitalier universitaire de Rennes ne démontre pas, ainsi qu'il lui incombe, qu'il a également informé l'intéressée du risque d'échec fonctionnel de la prothèse, dont la fréquence est significative, et de ses conséquences, parmi lesquelles figure l'apparition de douleurs inexpliquées ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'avant l'intervention chirurgicale du 18 janvier 2008, Mme I...conservait, même après sa chute, une autonomie de mouvement lui permettant de se déplacer sans aide à la marche avec toutefois une limitation du périmètre de marche à 500 mètres ; que, selon l'expert, l'absence d'intervention aurait seulement entraîné une dégradation de son état fonctionnel et une perte d'autonomie progressives, dont il ne fixe pas le terme, mais dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient eu un caractère imminent ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il est constant que la pose de prothèse totale du genou était la seule indication thérapeutique envisageable, l'intervention litigieuse ne peut être regardée comme ayant eu un caractère d'impérieuse nécessité à la date à laquelle elle a été pratiquée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme I...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a écarté la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Rennes pour manquement à son obligation d'information ;

11. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions indemnitaires présentées par Mme I...devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour ;

En ce qui concerne les préjudices indemnisables :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été rappelé aux points 7, 8 et 9 que du fait du manquement par le centre hospitalier à son obligation d'information, Mme I...a été privée d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention pratiquée le 18 janvier 2008; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par la patiente en cas de renonciation à celle-ci, la perte de chance doit être fixée à 20% ;

13. Considérant que si Mme I...demande à être remboursée des frais d'avocat qu'elle a supportés pendant la phase amiable d'examen de sa demande indemnitaire devant la CRCI de Bretagne, elle ne justifie pas de l'utilité de ces frais pour la résolution du présent litige, dès lors que l'obligation de l'ONIAM a été écartée ;

14. Considérant que l'expert a fixé à trois heures par semaine le besoin en assistance par tierce personne non spécialisée de Mme I...à partir du 30 avril 2008 et de manière permanente ; que, d'une part, il sera fait une juste appréciation de ce besoin pour la période allant du 30 avril 2008 à la date du présent arrêt en l'évaluant, sur une base de 365 jours par an, dès lors que la requérante ne justifie pas avoir salarié une tierce personne, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, à la somme de 19 899,36 euros ; que, d'autre part, pour le futur, en tenant compte d'un besoin annuel calculé sur une base de 400 jours par an incluant les congés payés pour préserver la possibilité de Mme I...de recourir à un emploi salarié, compte tenu de son âge à la date du présent arrêt, soit 67 ans, et du prix de l'euro de rente tel que défini par le barème de capitalisation actualisé en 2016 et d'un taux d'intérêt de 1,04%, soit 17,881 euros, il y a lieu d'estimer à 41 877,30 euros la somme qui est due à la requérante ;

15. Considérant que l'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 50% du 30 avril 2008 au 30 janvier 2009, date de consolidation de l'état de santé de MmeI... ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 800 euros ;

16. Considérant que les souffrances endurées par Mme I...après l'opération litigieuse du 18 janvier 2018 et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ont été estimées par l'expert à 3 sur une échelle allant de 1 à 7 ; que ce chef de préjudice sera suffisamment indemnisé en allouant à l'intéressée une somme de 3 620 euros ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent de MmeI..., directement lié au dommage qu'elle a subi, est de 15% ; que, compte tenu de l'âge de la requérante à la date de la consolidation de son état de santé, son préjudice pourra être évalué à la somme de 19 000 euros ;

18. Considérant que Mme I...souffre d'un préjudice esthétique permanent lié à sa claudication ; que ce préjudice, qui a été évalué par l'expert à 2 sur une échelle allant de 1 à 7, sera réparé en accordant à l'intéressée une indemnité de 1 800 euros ;

19. Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 1 500 euros le montant de la réparation due à Mme I...au titre de la souffrance morale endurée uniquement, faute de justification d'un préjudice d'impréparation ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par Mme I... s'élève à la somme de 89 496,66 euros ; que, compte tenu du coefficient de perte de chance retenu au point 12, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Rennes à verser à Mme I...la somme de 17 899,33 euros ;

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

21. Considérant que Mme I...a droit aux intérêts sur la somme de 17 899,33 euros à compter du 14 novembre 2013, date de sa demande au greffe du tribunal administratif de Rennes ;

22. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 novembre 2013 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 14 novembre 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine :

23. Considérant que contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Rennes, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine justifie de la matérialité et de l'imputabilité des débours dont elle demande le remboursement et pour lesquels elle produit un relevé actualisé et détaillé et une attestation d'imputabilité établie par un médecin conseil ; qu'ainsi, il y a lieu de prendre en compte la somme de 14 937,42 euros pour établir le montant total des dépenses de santé qui doivent être mises à la charge du centre hospitalier ; que tenant compte du taux de perte de chance fixé ci-dessus à 20 %, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes la somme totale de 2 987,48 euros ;

24. Considérant que même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution ; que, par suite, la demande de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du présent arrêt, des intérêts au taux légal sur la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée ;

25. Considérant qu'à la date du présent jugement il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de rejeter la demande de capitalisation des intérêts présentée par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ;

26. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) " ; que la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine a droit à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par lesdites dispositions ; que le centre hospitalier universitaire de Rennes lui versera à ce titre la somme de 995,83 euros correspondant au tiers de la somme dont elle a obtenu le remboursement ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes des sommes de 1 500 euros à verser à Mme I...et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée au même titre par MmeI... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme I...la somme demandée au même titre par l'ONIAM ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304164 du tribunal administratif de Rennes en date du 3 mars 2016 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Rennes est condamné à verser à Mme I... la somme de 17 899,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2013. Les intérêts échus le 14 novembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Rennes est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine la somme de 2 987,48 ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale d'un montant de 995,83 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Rennes versera à Mme I...et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme I...et par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...I..., au centre hospitalier universitaire de Rennes, à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 février 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01351
Date de la décision : 09/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DI PALMA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-09;16nt01351 ?
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