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15/06/2018 | FRANCE | N°16NT01899

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 juin 2018, 16NT01899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) La Souvretoise a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Couëron à lui verser une somme de 345 960,57 euros en réparation des préjudices financiers, résultant du départ anticipé de deux de ses locataires et de l'impossibilité de louer ses locaux avant le transfert de propriété de ses biens, qu'elle estime avoir subis du fait des agissements de la commune dans le cadre de son projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté " R

ives de Loire ".

Par un jugement n° 1401049 du 8 avril 2016, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) La Souvretoise a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Couëron à lui verser une somme de 345 960,57 euros en réparation des préjudices financiers, résultant du départ anticipé de deux de ses locataires et de l'impossibilité de louer ses locaux avant le transfert de propriété de ses biens, qu'elle estime avoir subis du fait des agissements de la commune dans le cadre de son projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté " Rives de Loire ".

Par un jugement n° 1401049 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2016, la SCI La Souvretoise, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 avril 2016 ;

2°) de condamner la commune de Coüeron à lui verser une somme de 345 960,57 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Couëron, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens et une somme du même montant au titre des frais de même nature exposés en appel.

Elle soutient que :

- la lettre du maire de la commune en date du 2 février 2003 et les démarches qui l'ont entourée, notamment la modification du plan d'occupation des sols et les enquêtes réalisées par la DRIRE, sont constitutives de pressions et de manipulations visant à la contraindre de vendre ses terrains avant même l'engagement de toute procédure d'expropriation ;

- les agissements de la commune sont à l'origine du départ anticipé de deux de ses locataires ;

- elle a ainsi subi d'importants préjudices financiers correspondant à une perte de loyers entre le 1er janvier 2004 et le 31 octobre 2010, l'absence de remboursement par les locataires des taxes foncières au titre de la même période et un manque à gagner résultant de l'absence de réévaluation des loyers, de la dégradation de ses locaux demeurés vides et des démarches qu'elle a dû elle-même assurer, en l'absence de locataire, pour la gestion de ses biens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2016, la commune de Couëron, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la demande ;

- les propos tenus dans le courrier du maire du 2 février 2003 ne sont pas constitutifs de manoeuvres ;

- les préjudices allégués, dont l'existence n'est pas établie, ne lui sont pas imputables, la résiliation des baux ne présentant aucun lien de causalité avec les agissements invoqués ;

- à titre subsidiaire, elle entend opposer la prescription quadriennale.

Le ministre de l'intérieur a produit des observations par un mémoire enregistré le 18 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeD..., représentant la SCI La Souvretoise, et de MeB..., représentant la commune de Couëron.

1. Considérant que, par une délibération du 15 décembre 2003, le conseil municipal de Couëron a décidé de créer la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Rives de Loire ", d'une emprise de huit hectares, en vue de la réalisation de logements et d'équipements publics sur l'ancien site industriel de la " Tour à Plomb " ; que l'aménagement de la ZAC à été confié à la société Loire Océan Développement ; que, par un arrêté du 20 février 2008, le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique, au profit de la société Loire Océan Développement, les opérations, acquisitions et expropriations à l'intérieur du périmètre de la ZAC puis, par un arrêté du 30 septembre 2008, il a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique, au profit de la société Loire Océan Développement, les terrains nécessaires à la réalisation du projet et notamment les parcelles cadastrées BX 43, 53, 62, 63, 64, 65 et 76, formant une unité foncière de 8 686 mètres carrés située quai Emile Paraf et appartenant à la société civile immobilière (SCI) La Souvretoise ; que, par une ordonnance du 9 juillet 2009, le juge de l'expropriation a prononcé le transfert de propriété de ces parcelles, fixé au 31 octobre 2010 ; que la SCI La Souvretoise relève appel du jugement du 8 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Couëron à lui verser une somme de 356 960,57 euros en réparation des préjudices, correspondant à la perte de loyers et à diverses autres pertes locatives constatées au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 octobre 2010, qu'elle soutient avoir subies du fait des agissements de la commune de Couëron avant l'engagement de la procédure d'expropriation ;

Sur l'exception d'incompétence du juge administratif :

2. Considérant qu'il résulte de l'article L. 13-3, devenu L. 321-1, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, que l'indemnité d'expropriation fixée par le juge de l'expropriation doit en principe couvrir tous les dommages matériels subis par l'exproprié du fait de l'opération ; que, toutefois, la juridiction administrative est compétente pour connaître de conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'administration à raison des préjudices qu'auraient causés ses agissements ; que la SCI La Souvretoise demande la réparation de préjudices qu'elle estime non couverts par l'indemnité d'expropriation mise à la charge de la société Loire Océan Développement et qu'elle impute à une " manoeuvre " de la commune de Couëron antérieure à la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation ; que, par suite, l'exception d'incompétence opposée par la commune de Couëron doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

3. Considérant que les terrains dont la SCI La Souvretoise était propriétaire accueillaient des bâtiments à usage industriel et commercial donnés à bail ; que la requérante soutient que les agissements de la commune de Couëron sont à l'origine du départ anticipé de deux de ses trois locataires, intervenu en 2004, et de la vacance consécutive de ses locaux jusqu'au transfert de propriété prononcé par le juge de l'expropriation, ayant généré une perte de loyers, un manque à gagner et des frais supplémentaires, au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2004 et le 31 octobre 2010 ;

4. Considérant, en premier lieu, que, par un courrier du 2 février 2003, le maire de Couëron, après avoir indiqué qu'une ZAC serait approuvée au cours du premier semestre 2003 et qu'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique serait par la suite poursuivie, puis mentionné le départ de l'un des locataires et la cessation d'activité d'un second, a invité la SCI La Souvretoise à " engager [...] sur la base de l'estimation du Service des Domaines, les négociations en vue de l'acquisition des bâtiments [lui] appartenant " ; qu'il a également fait état de la " très forte pollution " du site représentant un " danger pour la santé humaine et donc pour les actuels occupants " et rappelé que les règles issues de la révision du plan d'occupation des sols, intervenue en 2000, " ne permettaient pas l'installation de nouvelles activités économiques " ; que la circonstance que le maire ait ainsi fait connaître ses intentions avant même que la création de la ZAC soit approuvée et l'expropriation pour cause d'utilité publique autorisée ne saurait être regardée comme une pression exercée à l'encontre de la société requérante ; qu'en outre, il résulte des éléments de l'instruction, notamment de la fiche extraite de la base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif (BASOL) ainsi que de la note de synthèse réalisée par le bureau d'études Arcadis, que les services de l'Etat, compétents en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, ont demandé en 1995 la réalisation d'une évaluation de la qualité des sols et d'une surveillance des eaux souterraines sur l'ancien site industriel exploité par la société Tréfimétaux, quai Emile Paraf à Couëron ; que les résultats de ces analyses ont mis en évidence la présence dans les sols de taux élevés de métaux lourds, notamment de plomb et d'arsenic ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, les parcelles dont elle était propriétaire ont été impactées par la pollution résultant des activités antérieures de métallurgie exploitées dans le secteur ; qu'elles ont, d'ailleurs, fait l'objet d'une servitude d'utilité publique destinée à assurer l'absence de risque sanitaire pour la population instituée par un arrêté du préfet de Loire-Atlantique du 6 mars 2012 ; que, dans ces conditions, le maire ne peut être regardé comme ayant fait état d'informations inexactes en vue de tromper la SCI La Souvretoise et d'obtenir, dans des conditions déséquilibrées, une cession à l'amiable de ses terrains et bâtiments ;

5. Considérant, en second lieu, que la seule circonstance que le courrier du 2 février 2003 évoque la révision du plan d'occupation des sols de la commune, l'intervention de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et le départ ou la cessation d'activité des locataires de la SCI La Souvretoise ne permet d'établir ni que le classement en zone d'urbanisation future des parcelles de la requérante, auparavant situées en zone urbaine, ait été décidé dans le but d'inciter les locataires à quitter les locaux et terrains loués à la SCI et de dissuader l'arrivée de nouveaux occupants, ni que le déplacement sur les lieux des services de la DRIRE aurait été motivé par la volonté de la commune d'effrayer la population ;

6. Considérant, enfin, que, d'une part, alors que la commune de Couëron fait valoir sans être contredite que le courrier du 2 février 2003 n'a été adressé qu'à la requérante, il ne résulte d'aucun des éléments de l'instruction que le souhait de la société Sauvager de ne pas reconduire le bail commercial conclu avec la SCI La Souvretoise et arrivant normalement à terme le 11 décembre 2003, de même que le congé donné par le garage Lourdais soient imputables à ce courrier ; que si la requérante soutient qu'elle s'est ensuite heurtée à la difficulté de trouver de nouveaux preneurs en raison de la situation d'incertitude dans laquelle l'aurait placée la lettre du maire et " de la bonne foi nécessaire vis-à-vis de ses éventuels co-contractants ", elle n'apporte aucun élément de nature à justifier de la réalité de cette difficulté ; que, d'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le départ de deux des trois locataires avant le transfert de propriété prononcé par le juge de l'expropriation ait été motivé par les craintes, quant à l'existence de risques sanitaires, qu'auraient suscitées les visites de la DRIRE ou par l'impossibilité de développer leurs activités économiques ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI La Souvretoise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Couëron, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme que demande la SCI La Souvretoise au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la requérante le versement à la commune de Couëron de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI La Souvretoise est rejetée.

Article 2 : La SCI La Souvretoise versera à la commune de Couëron la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière La Souvretoise, à la commune de Couëron et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

M.A...'hirondel, premier conseiller,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 juin 2018.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le greffier,

K. BOURON

Le président,

A. PEREZ

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01899
Date de la décision : 15/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET BASCOULERGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-15;16nt01899 ?
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