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16/07/2018 | FRANCE | N°17NT00320

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juillet 2018, 17NT00320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du harcèlement moral dont elle estime avoir fait l'objet depuis 2006 et plus généralement des fautes commises par l'administration à son égard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2014 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1405929 du 7 décembre 2016, le tribunal

administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du harcèlement moral dont elle estime avoir fait l'objet depuis 2006 et plus généralement des fautes commises par l'administration à son égard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2014 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1405929 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 et 29 novembre 2017, Mme B...A..., représentée par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 décembre 2016 ;

2°) de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2014 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner le département de la Loire-Atlantique aux entiers dépens de l'instance ;

4°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la situation professionnelle dans laquelle elle a été placée à compter de l'année 2006 est constitutive de harcèlement moral et révèle une faute générale d'organisation du service.

- ses conditions de travail lui ont causé, d'une part, un préjudice physique et moral qui peut être évalué à 15 000 euros et d'autre part un préjudice financier qui peut être évalué à 5 000 euros en raison des déménagements qu'elle a été amenée à effectuer suite aux différentes mutations dont elle a fait l'objet ainsi que de l'entrave causé à son déroulement de carrière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2017, le département de la Loire-Atlantique, représenté par MeC..., demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de mettre à la charge de Mme A...le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dépens et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- et les observations de Me Deniau, avocat de MmeA..., et de Me Pequignot, avocat du département de la Loire-Atlantique.

1. Considérant que MmeA..., adjointe technique principale de première classe (spécialité cuisine), exerçant ses fonctions auprès du département de la Loire-Atlantique depuis 2006, relève appel du jugement du 7 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de ce département à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a fait l'objet et des fautes commises par l'administration à son égard ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (....). Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ; qu'en vertu de ces dispositions, aucune mesure ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération le fait qu'il ait subi ou refusé de subir des faits et agissements constitutifs de harcèlement moral ; que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ;

3. Considérant, en premier lieu, que Mme A...soutient que le département de la Loire-Atlantique a volontairement procédé à son égard depuis 2006 à des changements successifs d'affectation, notamment au sein d'" équipes volantes ", afin de lui nuire, notamment après son malaise cardiaque du 21 juin 2010 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, alors que la requérante ne démontre aucunement l'impact de ces contraintes de déplacement sur sa santé, que cette gestion des affectations a été dictée par les problèmes relationnels répétés qu'elle a rencontrés vis-à-vis de ses collègues, de sa hiérarchie, voire des élèves des différents établissements dans lesquels elle a été affectée, où il a pu être observé qu'elle était sujette à des accès de colère faisant craindre pour la sécurité physique des personnels ; que Mme A...n'est pas davantage fondée à soutenir que l'interruption du versement de la nouvelle bonification indiciaire constituerait une manifestation du harcèlement moral dont son employeur a fait part à son égard, dès lors que la modification des fonctions à l'origine de cette interruption, les conditions réglementaires de versement de cette prime n'étant plus remplies, n'est que la conséquence des changements d'affectation induits, ainsi qu'il vient d'être dit, par son propre comportement ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...ne démontre pas que l'annulation, par le gestionnaire de l'établissement dans lequel elle était affectée de 2008 à 2010, de commandes de nourriture effectuées par ses soins révélerait un comportement de harcèlement moral à son encontre, alors qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée éprouvait de réelles difficultés dans la gestion des commandes de la cuisine ; que la circonstance que le tribunal administratif de Nantes ait retenu à tort que ces faits s'étaient déroulés au sein du collège du Pouliguen en lieu et place du collège de La Montagne est sans effet sur l'absence de matérialité des faits de harcèlement allégués ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si Mme A...produit un certificat médical de son médecin traitant daté du 12 janvier 2009, les éléments qu'il comporte, qui se limitent à rapporter les faits décrits par l'intéressée et qui font au demeurant état " d'absence de lésion visible ", ne sont pas de nature, en l'absence de témoignages, à établir la réalité de l'agression dont elle allègue avoir été victime de la part de l'une de ses collègues de cuisine ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que si le conseil général de la Loire-Atlantique a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme A..., avant d'y renoncer, le caractère abusif de cette procédure ne résulte pas de l'instruction, au regard des faits relatés dans les différents rapports produits et dont la véracité ne peut, contrairement à ce que soutient la requérante, être sérieusement contestée ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme A...soutient que le bénéfice d'un congé de longue maladie ou d'une retraite pour invalidité lui a été refusé dans le but de lui nuire, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait commis des agissements constitutifs d'un harcèlement moral, dès lors qu'il n'est pas contesté que la requérante ne remplissait pas les conditions pour bénéficier des mesures qu'elle sollicitait ;

8. Considérant, en sixième et dernier lieu, que si la requérante soutient que son affectation au sein du collège de Sainte-Pazanne constitue une " mise en placard " dès lors que les missions confiées n'étaient pas effectives et ne correspondaient pas à son grade, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des faits allégués ;

9. Considérant que, compte tenu de l'ensemble des motifs exposés aux points 3 à 8, Mme A...ne peut être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que pour les mêmes motifs elle n'apporte pas d'indices justifiant de l'existence d'une faute dans l'organisation du service ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) " ; que la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions du département de la Loire-Atlantique en ce sens ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Loire-Atlantique, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande Mme A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement au département de la Loire-Atlantique d'une somme au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au président du conseil départemental de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17NT00320 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00320
Date de la décision : 16/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-16;17nt00320 ?
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