La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2018 | FRANCE | N°17NT00093

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 juillet 2018, 17NT00093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...et Mme C...G..., épouseD..., ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser, en leur qualité de représentants légaux de leur fils, Paul Da Rocha, la somme de 11 972 euros au titre des préjudices subis par celui-ci du fait des conditions de sa prise en charge par cet établissement de santé en 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1502196 du 23 novembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen

à verser à M. et Mme D...la somme de 1 140 euros en réparation des préjudices ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...et Mme C...G..., épouseD..., ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser, en leur qualité de représentants légaux de leur fils, Paul Da Rocha, la somme de 11 972 euros au titre des préjudices subis par celui-ci du fait des conditions de sa prise en charge par cet établissement de santé en 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1502196 du 23 novembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser à M. et Mme D...la somme de 1 140 euros en réparation des préjudices subis par leur fils.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2017 et régularisée le 19 janvier 2017 et des mémoires enregistrés les 7 mars 2018 et 7 juin 2018, M. et Mme D..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 23 novembre 2016 ;

2°) de condamner le CHU de Caen à leur verser la somme de 8 380 euros en réparation des préjudices subis par leur fils, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre les frais d'expertise à la charge définitive du CHU de Caen ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité pour faute du CHU de Caen est engagée ;

- le taux de perte de chance doit être porté à 70% ;

- des sommes de 1 730 euros, 1 400 euros, 2 450 euros et 2 800 euros doivent leur être accordées au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique, des souffrances endurées et du préjudice d'agrément.

La requête a été communiquée le 31 janvier 2017 à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados qui n'a pas produit de mémoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2018, le CHU de Caen, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Caen a fait une appréciation exacte du taux de perte de chance de Paul Da Rocha d'éviter le dommage qu'il a subi en le fixant à 30% ;

- le tribunal a fait une juste appréciation du montant de l'indemnité due aux requérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

1. Considérant que le jeune H...a été admis une première fois le 26 octobre 2013 au service des urgences du CHU de Caen après s'être blessé au coude ; qu'il a été plâtré jusqu'au 29 novembre 2013 sur une suspicion de petite fracture mais que son coude droit est resté raide et douloureux ; qu'entre le 16 avril et le 14 mai 2014, il a été plâtré une nouvelle fois avec immobilisation du coude dans ce même établissement de santé après s'être fait une blessure au poignet ; que ce n'est qu'en janvier 2015, à la suite d'examens réalisés à l'hôpital Robert Debré à Paris, qu'a été diagnostiquée sa pathologie : une arthrite juvénile idiopathique dont il conserve, en dépit des traitements dont il a bénéficié, des douleurs et une gêne fonctionnelle ; que M. et MmeD..., en leur qualité de représentants légaux de Paul Da Rocha, relèvent appel du jugement du 23 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a fait que partiellement droit à leur demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis par leur fils en raison des conditions de sa prise en charge par le CHU de Caen ;

Sur la responsabilité du CHU de Caen :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;

3. Considérant que le tribunal administratif de Caen a jugé que la responsabilité du CHU de Caen était engagée en raison du retard de diagnostic de la pathologie de Paul Da Rocha et d'une prise en charge inadaptée à celle-ci à l'occasion des soins prodigués à partir du 16 avril 2014 ; que cette appréciation n'est pas contestée en appel par les parties ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement de première instance sur ce point ;

Sur le taux de perte de chance d'éviter le dommage :

4. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Caen a estimé à 70% la perte de chance de Paul Da Rocha d'éviter le dommage qu'il a subi après avoir constaté qu'un " diagnostic plus précoce aurait pu limiter l'importance des lésions que présente le coude droit de Paul " ; que s'il résulte de l'instruction que la pathologie de Paul Da Rocha présentait un caractère agressif et que le traitement administré à partir de 2015, une fois le bon diagnostic posé, n'a pas eu l'effet positif attendu, ces circonstances ne suffisent cependant pas à mettre en doute l'exactitude de l'appréciation portée par l'expert ; que, par suite, il y a lieu de porter à 70% le taux de perte de chance d'éviter le dommage subi qui avait été fixé à 30% par les premiers juges ;

Sur les préjudices :

6. Considérant qu'en l'absence de consolidation de l'état de santé de leur fils, les époux D...demandent la réparation du déficit fonctionnel temporaire qu'il a subi jusqu'au 4 juin 2016, date du rapport d'expertise ; qu'il y a lieu, comme l'a jugé le tribunal administratif de Caen, d'indemniser ce chef de préjudice à compter du 16 avril 2014, date à partir de laquelle la responsabilité du CHU de Caen doit être regardée comme engagée ; que, pour la période considérée, l'expert a estimé à 10% le niveau de ce déficit fonctionnel ; que, dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la somme de 1 300 euros allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice ;

7. Considérant que Paul Da Rocha a subi un préjudice esthétique temporaire réduit, résultant de la limitation de l'amplitude circulaire du coude droit et d'une cicatrice, qui a été évalué à 1,5 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert ; qu'il y a lieu de confirmer la somme de 500 euros accordée en première instance au titre de ce chef de préjudice ;

8. Considérant que les souffrances endurées par Paul Da Rocha ont été évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert ; que les premiers juges ont suffisamment réparé ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ;

9. Considérant que la réalité du préjudice d'agrément invoqué n'est pas davantage justifiée en appel qu'en première instance par les épouxD... ; qu'il n'y a donc pas lieu de leur accorder une indemnité au titre de ce chef de préjudice ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par application du taux de 70% retenu au point 5, il y a lieu de condamner le CHU de Caen à verser aux requérants la somme de 2 660 euros ; que, par suite, M. et Mme D...sont fondés, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à la somme de 1 140 euros la réparation des préjudices subis par leur fils et, d'autre part, a en demander la réformation dans cette mesure ;

Sur les frais d'expertise :

11. Considérant qu'il y a lieu de mettre définitivement à la charge du CHU de Caen les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros par le président du tribunal administratif de Caen ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Caen le versement à M. et Mme D... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 140 euros que le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser à M. et Mme D...est portée à 2 660 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1502196 du 23 novembre 2016 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros par le président du tribunal administratif de Caen, sont définitivement mis à la charge du CHU de Caen.

Article 4 : Le CHU de Caen versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... D..., à Mme C...G..., épouseD..., au CHU de Caen et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juillet 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00093
Date de la décision : 20/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP CREANCE FERRETTI HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-20;17nt00093 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award