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15/11/2018 | FRANCE | N°17NT00337

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 novembre 2018, 17NT00337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Atlantic Import a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007, du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 140

2309 du 21 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge, en d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Atlantic Import a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007, du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1402309 du 21 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 (article premier) et a rejeté le surplus de la demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 janvier 2017, 6 septembre 2017, 29 janvier 2018 et 12 avril 2018, la SARL Atlantic Import, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 est irrégulière dès lors que le vérificateur a implicitement mais nécessairement invoqué l'abus de droit sans mettre en place la procédure correspondante ; elle a été privée de la garantie substantielle de saisir le comité de l'abus de droit fiscal ;

- le jugement est entaché de contradiction de motifs eu égard à la motivation retenue pour écarter le moyen tiré de l'abus de droit rampant et celle retenue sur les pénalités ;

- elle a exercé son activité en tant que mandataire transparent et n'était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée que sur ses prestations de services résultant d'opérations d'entremise, ainsi que le prévoient l'instruction 3 CA-92 du 31 juillet 1992 et la réponse n°34659 faite au député M.C... ;

- subsidiairement, il n'est pas démontré que toutes les factures belges et allemandes faisaient état du régime des livraisons intracommunautaires, de sorte que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge doit être exclu ; certains premiers propriétaires des véhicules, dont tous ne sont pas identifiés, sont des particuliers, ce qui justifierait l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- les pénalités ne sont pas justifiées dès lors qu'elle n'était pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors que la déposition de M. B...ne lui a pas été communiquée dans son intégralité et que les factures belges et allemandes n'ont pas été communiquées.

Par des mémoires, enregistrés les 29 mai 2017, 20 décembre 2017 et 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Atlantic Import, qui exerce une activité de négoce de véhicules neufs et d'occasion dans le domaine automobile à Saint-Brévin Les Pins, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la qualité d'intermédiaire transparent dont la société se prévalait et lui a notifié, par trois propositions de rectification des 17 octobre 2010, 12 décembre 2011 et 18 décembre 2012, des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'assujettissement à cette taxe sur la totalité du prix de vente des véhicules. Après procédure contradictoire, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant, assortis de la majoration pour abus de droit pour la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2008 et de la majoration pour manoeuvres frauduleuses pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ont été mis en recouvrement, pour un montant total de 2 906 577 euros, le 25 juin 2013. Après le rejet, par décision du 14 janvier 2014, de sa réclamation préalable, la société a sollicité du tribunal administratif de Nantes la décharge de ces rappels. Par un jugement du 21 décembre 2016, ce tribunal n'a fait droit à sa demande que pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008. La SARL Atlantic Import relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande pour les périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 :

2. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales prévoit que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. En revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable. Cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret.

3. Par lettre du 18 février 2013 en réponse à la proposition de rectification du 18 décembre 2012 portant sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, la SARL Atlantic Import a, par l'intermédiaire de son conseil, sollicité la communication de tous les documents obtenus par l'administration fiscale auprès de tiers ou dans le cadre de l'assistance internationale qui lui ont permis de procéder aux rectifications. En réponse à cette demande, l'inspecteur des finances publiques a, par courrier du 31 mai 2013, transmis 25 feuillets correspondant, selon les mentions portées sur ce courrier, aux documents reçus dans le cadre de l'échange d'informations concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée provenant des autorités fiscales belges utilisés pendant le contrôle. Il n'est pas contesté que le procès-verbal d'audition du gérant de la SPRL Garage des Ardennes par un inspecteur principal mis à disposition de l'inspection spéciale des impôts de Namur (Belgique), joint à ce courrier et dont il a été tenu compte pour fonder les rectifications, est incomplet et a été en partie occulté, sans que l'administration fiscale fasse valoir que tel était l'état du document lorsqu'il lui a été transmis ou que les informations occultées étaient couvertes par le secret professionnel. Par ailleurs, même s'il n'était pas fait référence, dans la rubrique " informations externes " aux factures émises par des vendeurs allemands et belges à l'attention de la société espagnole Pro Service Tgna obtenues lors d'un échange spontané d'informations dans le cadre de la procédure de contrôle multilatéral FMC 53-SOCOLUX, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 18 décembre 2012 que ces factures, qui permettaient à l'administration de conclure que les véhicules ont été vendus sous couvert de l'exonération visant les livraisons intracommunautaires, ont été utilisées pour fonder les rectifications. Il s'ensuit qu'une copie de ces factures devait également être communiquée en réponse à la demande qui a été formulée, ce qui ne ressort pas du courrier du 31 mai 2013. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que les obligations qui découlent des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues et, par voie de conséquence, dès lors que cette irrégularité l'a privée d'une garantie, à solliciter la décharge des rappels qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 :

4. Aux termes du III de l'article 256 bis du code général des impôts : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné (...) au III de l'article 256 bis (...) ".

5. Pour estimer que la SARL Atlantic Import devait être regardée comme un négociant ayant personnellement acquis les véhicules d'occasion auprès de sociétés espagnoles et en déduire qu'en vertu des dispositions précitées du code général des impôts, elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total de ces véhicules, l'administration fiscale a relevé que les mandats signés avec les clients français comportaient un tel degré de précision sur les caractéristiques des véhicules qu'ils s'apparentent à des bons de commande de véhicules déjà identifiés, que la recherche de véhicules s'effectue à partir de la France par la société elle-même auprès d'entreprises allemandes ou belges, que la société procède directement à la réservation des véhicules, qu'elle n'a pu justifier du rôle joué par les sociétés intermédiaires censées proposer à la vente les véhicules souhaités par les clients, qu'elle se charge elle-même de l'acheminement des véhicules qui proviennent directement des professionnels allemands et belges et qu'elle se charge également des formalités administratives, en ayant recours à sa dispense de quitus fiscal.

6. Toutefois, il est constant que les clients français signaient avec la SARL Atlantic Import un mandat l'autorisant à rechercher et commander pour son compte un véhicule sur lequel il était mentionné que celle-ci agissait en qualité de mandataire transparent et qu'ils payaient le véhicule directement aux sociétés espagnoles, lesquelles établissaient à leur endroit une facture proforma puis un certificat de cession tandis que la SARL Atlantic Import leur facturait sa commission ainsi que les frais liés au transport du véhicule, à sa préparation et à son immatriculation provisoire. Assurer le convoyage des véhicules et rendre d'autres prestations annexes n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité d'intermédiaire transparent. Si les mandats comportaient, effectivement, un degré de précision très important sur le véhicule recherché, justifié par la société par le fait que ces mandats étaient en réalité établis une fois le véhicule trouvé, cette circonstance ne saurait révéler à elle-seule que la recherche de véhicule était réalisée uniquement par la SARL Atlantic Import. En outre, l'administration fiscale ne peut, pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 au cours de laquelle aucun véhicule en provenance du garage SPRL Garage des Ardennes n'est identifié, inférer des déclarations de ce seul gérant que la société procédait systématiquement à une recherche et négociation directe des véhicules avec les vendeurs allemands et belges. Il n'est, par ailleurs, pas établi, que la société requérante réservait directement les véhicules auprès de ces derniers pour la période en cause. Dans ces conditions, aucun des éléments évoqués par l'administration fiscale n'est incompatible avec l'exercice d'une activité d'intermédiaire transparent, qualité dont la remise en cause n'est donc pas fondée. Par conséquent, la SARL Atlantic Import est fondée à solliciter la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 qui font suite à cette remise en cause ainsi que des pénalités et amendes correspondantes.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL Atlantic Import est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ainsi que des amendes prévues à l'article 1788 A du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Atlantic Import.

DECIDE :

Article 1er : La SARL Atlantic Import est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 et du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n° 1402309 du 21 décembre 2016 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Atlantic Import une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Atlantic Import et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT00337

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00337
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET GUELOT BARANEZ et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-15;17nt00337 ?
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