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26/12/2018 | FRANCE | N°17NT01299

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 26 décembre 2018, 17NT01299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Maine-et-Loire (SDIS 49) à lui verser la somme globale de 45 311 euros en réparation des préjudices résultant du nombre d'heures de travail effectué au cours des années 2008 à 2014.

Par un jugement n° 1308719 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné le SDIS 49 à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices.

Pr

océdure devant la cour :

I, par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Maine-et-Loire (SDIS 49) à lui verser la somme globale de 45 311 euros en réparation des préjudices résultant du nombre d'heures de travail effectué au cours des années 2008 à 2014.

Par un jugement n° 1308719 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné le SDIS 49 à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

I, par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 avril 2017 et 2 février 2018, sous le n° 17NT01299, M. D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2017 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 6 000 euros ;

2°) de porter cette somme à 45 311 euros ;

3°) de mettre à la charge du SDIS 49 le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la violation de la directive communautaire 2003/88 l'a conduit à ne pas pouvoir bénéficier du temps de repos légal ;

- il peut prétendre à une indemnisation en raison du surcroit de travail résultant des heures indument effectuées ou, à tout le moins, à ce que son préjudice son préjudice moral tienne compte de cette absence de rémunération et ne peut se limiter à 6 000 euros ;

- en sa qualité de chef de garde, sa sollicitation était permanente durant 24 h ;

- ce rythme de travail a eu des conséquences sur sa santé, sa sécurité et a induit des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le SDIS 49, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

II, par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 avril 2017 et 27 mars 2018, sous le n° 17NT01339, le SDIS 49, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. D...;

3°) de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que si M. D...a été astreint à un nombre d'heures de " garde " supérieur à 2 256 heures par an, ces heures de " garde " ne correspondent pas à du " temps de travail " ; seuls les temps consacrés aux interventions effectives doivent être comptabilisés comme temps de travail ; le temps de travail effectif de M.D..., comprenant les temps d'interventions effectives, est en réalité inférieur à 2 256 heures, de sorte que l'intéressé ne pouvait prétendre à une indemnisation " en raison du surcroît de travail ayant résulté pour lui du dépassement du seuil annuel de 2 256 h " ainsi que l'a jugé le tribunal administratif.

Par des mémoires, enregistrés les 25 octobre 2017 et 2 février 2018, M. D..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le SDIS 49 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 modifié ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de M.D...,

- et les observations de MeB..., représentant le SDIS 49.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...est sapeur-pompier professionnel depuis le 1er janvier 2000 au sein du service départemental d'incendie et de secours du Maine-et-Loire. En tant qu'adjudant-chef, il a exercé les fonctions de chef de garde du centre d'incendie et de secours de Cholet jusqu'au début de l'année 2013 et disposait d'un logement de fonction pour nécessité absolue de service au sein de la caserne. Estimant que sa durée de travail excédait le seuil maximal de 2 400 heures par an fixé par la directive communautaire 2003/88 du 4 novembre 2003 puis celui de 2 256 heures fixé par le décret susvisé du 18 décembre 2013, l'intéressé a présenté une réclamation préalable auprès de son employeur. Suite au rejet implicite de cette réclamation, il a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'indemnisation des heures indument effectuées au titre des années 2008 à 2014. Par un jugement du 1er mars 2017, le tribunal administratif a condamné le SDIS 49 à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices. Par une requête enregistrée sous le n° 17NT01299, M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 6 000 euros qu'il demande à la cour de porter à 45 311 euros. Le SDIS 49 a également contesté ce jugement par une requête distincte enregistrée sous le n° 17NT01339. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui présentent à juger les mêmes questions.

2. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction applicable au présent litige, pris en application du même article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 issu de l'article 21 de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé et comprend : / 1. Le temps passé en intervention ; / 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manoeuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; / 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation définies par arrêté du ministre de l'intérieur dont les durées sont supérieures à 8 heures, et les services de sécurité ou de représentation. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : "Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique./ Ce temps de présence est suivi obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale. / Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er ne doit pas excéder 8 heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à effectuer les interventions.". Enfin, aux termes de l'article 4 de ce décret : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2160 heures ni excéder 2400 heures ". Enfin, cette durée ne peut excéder 1 128 heures par semestre en vertu du décret du 18 décembre 2013 mentionné dans les visas.

3. D'autre part, aux termes de l'article 6 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ". Aux termes de l'article 16 de cette directive : " Les Etats membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / Les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le calcul de la moyenne (...) " ;

4. Le régime d'horaire d'équivalence institué par les dispositions précitées de l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 constitue un mode particulier de comptabilisation du travail effectif pour les sapeurs-pompiers astreints à des gardes de 24 heures qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction. Si le règlement intérieur adopté le 9 décembre 2005 par le conseil d'administration du SDIS de Maine-et-Loire a prévu que les sapeurs-pompiers logés devaient réaliser 110 gardes de 24 heures et 17 gardes de 12 heures, soit 2 844 heures par an, sans pour autant fixer le régime d'équivalence prévu à l'article 4 du décret susvisé, le SDIS 49 ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a jugé cette décision illégale et de nature à engager sa responsabilité.

5. Il résulte de l'instruction que M. D...a accompli, au sens de la durée du travail définie par l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 mentionné au point 2, 2 448 heures en 2008, 2 436 heures en 2009, 2 688 heures en 2010, 2 676 heures en 2011, 2 496 heures en 2012, 1 356 heures en 2013 et 1 344 heures en 2014. Il n'est pas contesté qu'en l'absence de régime d'équivalence adopté par le conseil d'administration du SDIS 49, M. D...n'a pas été indemnisé au titre des heures effectuées en sus des limites fixées par l'article 4 du même décret et peut, en conséquence, prétendre à une indemnisation à ce titre. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi en mettant à la charge du SDIS 49 une somme globale de 10 000 euros.

6. En revanche, M. D...ne démontre pas qu'il se serait trouvé privé, dans des conditions irrégulières, de la possibilité de bénéficier du repos hebdomadaire prévu par l'article 5 de la directive du 4 novembre 2003 en application duquel " tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures ", alors qu'il peut être dérogé à ces dispositions en application de l'article 17 de la même directive " pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service (...), notamment lorsqu'il s'agit : des services (...) de sapeurs-pompiers ou de protection civile (...) ", ni même qu'il n'aurait pas pu prendre ses congés annuels. Néanmoins, il résulte de l'instruction que l'intéressé a connu des problèmes de santé notamment au cours de l'année 2013, et a subi un préjudice moral ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence à raison de ces conditions de fonctionnement illégales qui ont perduré durant plusieurs années. Dans ces conditions, il y a lieu de maintenir la somme de 6 000 euros allouée par les premiers juges en réparation de ces préjudices.

7. Il résulte de ce qui précède, que M. D... est fondé, dans la limite mentionnée au point 5, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à 6 000 euros la somme que le SDIS 49 a été condamné à lui verser. Il s'en déduit qu'il y a lieu de porter cette indemnisation à une somme globale de 16 000 euros.

8. Il résulte également de ce qui précède que les conclusions présentées par le SDIS 49 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.D..., qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, le versement au SDIS 49 de la somme que ce dernier demande au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SDIS 49 le versement à M. D...de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 6 000 euros que le SDIS 49 a été condamné à verser à M. D...par le tribunal administratif de Nantes est portée à 16 000 euros.

Article 2 : La requête du SDIS 49 ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le jugement n° 1308719 du tribunal administratif de Nantes en date du 1er mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le SDIS 49 versera la somme de 1 500 euros à M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au service départemental d'incendie et de secours du Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 décembre 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 17NT01299, 17NT01339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01299
Date de la décision : 26/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : EUVRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-26;17nt01299 ?
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