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28/01/2019 | FRANCE | N°17NT03947

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 janvier 2019, 17NT03947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Banque de France à lui verser les sommes de 107 365,72 euros au titre d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite et de 772 960,04 euros, ou subsidiairement de 291 607,66 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office à l'âge de 63 ans.

Par un jugement n° 1102644 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à la demande de M.B..., le renvoy

ant devant la Banque de France pour la liquidation du montant des indemnités qui l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Banque de France à lui verser les sommes de 107 365,72 euros au titre d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite et de 772 960,04 euros, ou subsidiairement de 291 607,66 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office à l'âge de 63 ans.

Par un jugement n° 1102644 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à la demande de M.B..., le renvoyant devant la Banque de France pour la liquidation du montant des indemnités qui lui étaient dues.

Procédure devant la cour :

Par une décision du 18 décembre 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 14NT00755 de la cour du 5 avril 2016 en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes et rejeté les seules conclusions de la demande de M. B...relatives à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office à l'âge de 63 ans, et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour, où elle est désormais enregistrée sous le numéro 17NT03947.

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 19 mars 2014, 5 mai 2014, 1er octobre 2014, 20 janvier 2015 et 29 février 2016, la Banque de France, représentée par la SCP Guillaume et AntoineC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 janvier 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement omet de répondre à ses écritures tendant à démontrer que les dispositions du code du travail invoquées par M. B...étaient incompatibles avec son statut et ses missions de service public ;

- en vertu des dispositions de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier et de la jurisprudence, l'application du code du travail aux agents de la banque de France n'est admise qu'à titre d'exception lorsque les dispositions de ce code ne sont pas incompatibles avec le statut de personne publique de la Banque de France et ses missions de service public ;

- les agents de la banque de France bénéficient d'un régime spécial de retraite caractérisé par le lien qui est fait entre les règles relatives, d'une part, à l'âge de la retraite ainsi qu'à l'allocation de départ à la retraite et, d'autre part, les règles relatives à la pension de retraite ; ces dispositions réglementaires sont compatibles avec la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ; le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 n'est ni entaché d'incompétence ou de vice de forme ni contraire au principe général de droit communautaire de non discrimination fondée sur l'âge, à l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, au droit d'obtenir un emploi et au principe constitutionnel d'égalité ;

- les dispositions du code du travail relatives à l'âge de départ à la retraite et à l'allocation de départ à la retraite sont incompatibles avec le statut et les missions de service public de la Banque de France ;

- aucune illégalité n'ayant été commise, sa responsabilité n'est pas engagée ;

- le préjudice est inexistant ;

- en tout état de cause, si le code du travail devait être appliqué, le préjudice devrait être évalué conformément aux dispositions de ce code en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et non en suivant les règles de la jurisprudence Deberles.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet et 7 novembre 2014, 27 mars 2015, 9 février 2016 et 26 janvier 2018, M. B...conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation des articles 2 et 3 du jugement et à la condamnation de la Banque de France à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 271 657, 98 euros, soit 119 247, 66 euros au titre du préjudice de rémunération jusqu'à ses 65 ans et 152 410,32 euros au titre du différentiel de pension, sommes à assortir des intérêts au taux légaux à compter du 13 avril 2011, date de sa demande préalable. Il demande également que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la Banque de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en le plaçant à la retraite d'office à l'âge de 63 ans la Banque de France a commis une faute ;

- la différence pécuniaire entre la pension qu'il a perçue pendant deux ans et le traitement qu'il aurait pu percevoir s'élève à 119 247,66 euros ;

- il peut prétendre à la somme de 152 410,32 euros au titre du différentiel de pension calculé sur la base de 8 trimestres complémentaires cotisés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

- le code monétaire et financier ;

- le code du travail ;

- la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953 ;

- le décret n° 53-711 du 9 août 1953 ;

- le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 ;

- le décret n° 2007-262 du 27 février 2007 ;

- l'arrêté du conseil général de la Banque de France du 6 mai 1976 portant adoption des statuts révisés des personnels de la Banque de France et de l'échelle de leur traitement ;

- l'arrêté n° 2007-262 du conseil général de la Banque de France du 19 janvier 2007 modifiant les statuts du 6 mai 1976 ;

- l'arrêté du 30 novembre 2007 du Gouverneur de la Banque de France, modifié le 16 juillet 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- les observations de MeC..., représentant la Banque de France ;

- et les observations de MeD..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

Les faits, la procédure

1. Par une décision du 29 mai 2009, prenant effet au 1er août 2009, M. A...B..., né le 31 juillet 1946, directeur hors classe assurant les fonctions de directeur régional de la Banque de France pour la région Bretagne et de directeur de la succursale de Rennes, a été placé d'office à la retraite à l'âge de 63 ans. Invoquant le bénéfice des dispositions de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, dans leur rédaction issue de la décision du 19 janvier 2007 du conseil général de la Banque de France, approuvée par le ministre chargé de l'économie, applicable à compter du 1er avril 2007 et fixant à 65 ans la limite d'âge des agents pour le départ à la retraite, l'intéressé a sollicité l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 29 mai 2009, relatifs, d'une part, à la perte des revenus d'activité et, d'autre part, à la perte de ses droits à pension consécutivement à son placement d'office à la retraite à l'âge de 63 ans. Il a également demandé la réévaluation de l'indemnité de départ qui lui avait été accordée à l'occasion de son départ à la retraite.

2. Par un jugement du 22 janvier 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit sur le principe à l'ensemble des demandes de M.B..., renvoyant ce dernier devant la Banque de France pour le calcul de la liquidation du montant des indemnités lui étant dues. La Banque de France a relevé appel de ce jugement, tandis que M.B..., par la voie de l'appel incident, a sollicité la réévaluation de son préjudice. Par un arrêt du 5 avril 2016 cette cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes et rejeté la demande de première instance de M. B.... Par une décision du 18 décembre 2017 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes et rejeté les demandes de M. B...relatives à la perte des revenus d'activité et à la perte de ses droits à pension, et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la responsabilité de la Banque de France à raison de la mise à la retraite d'office de M. B...à l'âge de soixante-trois ans :

En ce qui concerne la faute commise par la Banque de France en empêchant M. B... de demeurer agent titulaire jusqu'à soixante-cinq ans :

3. En vertu de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, la fixation des limites d'âge des agents de la Banque de France relève du pouvoir réglementaire. Le décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, pris pour l'application de cette loi, a fixé les conditions générales de mise à la retraite des agents de la Banque de France et prévu que les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises par des règlements d'administration publique. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction applicable au 29 mai 2009, date de la décision plaçant d'office M. B...à la retraite : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre soixante ans minimum et soixante-cinq ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire, stagiaire ou auxiliaire, sauf s'ils ont été admis à l'un des concours dont les résultats ont été publiés avant cette date ".

4. Pour l'application de ces dispositions une décision du 19 janvier 2007 du conseil général de la Banque de France, approuvée par le ministre chargé de l'économie, a modifié les dispositions de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, ainsi que celles de l'article 404 du même statut, qui prévoyaient une limite d'âge de soixante-trois ans pour le départ à la retraite de ces agents. Aux termes de la nouvelle rédaction de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, issue de cette décision du 19 janvier 2007, applicable à compter du 1er avril 2007 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. Sous réserve de dispositions transitoires fixées par un règlement du gouverneur, ils doivent prendre leur retraite (...) dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans. / Sauf cas de sanction disciplinaire ou de réforme les agents ne peuvent être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans ". Ces dispositions, qui fixent, à compter du 1er avril 2007, la limite de départ à la retraite des agents titulaires de la Banque de France à soixante-cinq ans, font, en principe, obstacle à ce qu'un agent soit mis à la retraite d'office avant d'avoir atteint cet âge.

5. Toutefois, le gouverneur de la Banque de France a, par un arrêté du 30 novembre 2007 modifié le 16 juillet 2008, fixé, au titre des dispositions transitoires qu'il lui était loisible de définir sur le fondement des nouvelles dispositions, citées ci-dessus, de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, des modalités d'application progressive du nouvel âge limite de départ à la retraite. Cette décision distingue les agents ayant atteint l'âge de soixante ans entre le 1er juillet 2007 et le 1er juillet 2009, ou entre le 1er juillet 2009 et le 1er juillet 2013, ou entre le 1er juillet 2013 et le 1er juillet 2015. Il résulte toutefois des termes mêmes de cet arrêté qu'il ne prévoit aucune disposition transitoire pour les agents qui, comme M.B..., ont atteint l'âge de soixante ans avant le 1er juillet 2007. Par suite, à défaut de telles dispositions transitoires qui leur seraient applicables, les agents titulaires de la Banque de France qui ont atteint l'âge de soixante ans avant le 1er juillet 2007 relèvent, à compter du 1er avril 2007, des seules dispositions générales de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France citées au point précédent, lesquelles fixent l'âge limite de départ à la retraite à soixante-cinq ans.

6. Ainsi, qu'il a été dit aux points 2 à 4 ci-dessus, les dispositions de l'article 241 des statuts du personnel, telles qu'elles étaient applicables à M. B..., faisaient obstacle à ce que la Banque de France lui impose de partir à la retraite avant l'âge de soixante-cinq ans. La Banque de France n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé qu'en prenant la décision du 29 mai 2009, elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la faute qu'aurait commise la Banque de France en empêchant M. B... de demeurer agent titulaire au-delà de soixante-cinq ans :

7. M. B...soutient, en outre, que les dispositions de l'article 241 des statuts du personnel sont, en ce qu'elles fixent une limite d'âge à soixante-cinq ans, incompatibles avec les objectifs fixés par la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

8. Cette directive, qui vise à lutter contre les discriminations fondées notamment sur l'âge, précise à son article 6, paragraphe 1, que " les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les objectifs légitimes mentionnés par la directive se distinguent, par leur caractère général, des motifs purement individuels qui sont propres à la situation de l'employeur, tels que la réduction des coûts ou l'amélioration de la compétitivité. Au nombre de ces objectifs légitimes figurent, compte tenu de la marge d'appréciation dont disposent les Etats membres en matière de politique sociale, la politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations. Le caractère approprié et nécessaire d'une différence de traitement fondée sur l'âge s'apprécie en tenant compte notamment de la circonstance que les personnes concernées bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d'une compensation financière au moyen de l'octroi d'une pension de retraite dont le montant, compte tenu de la perception éventuelle d'allocations subsidiaires, ne saurait être considéré comme déraisonnable.

9. En premier lieu, la fixation d'un âge auquel un agent est mis en inactivité à l'initiative de son employeur constitue une différence de traitement en fonction de l'âge. Toutefois, en déterminant un âge auquel les agents titulaires de la Banque de France peuvent, comme l'ensemble des agents relevant d'un statut réglementaire et bénéficiant de régimes spéciaux de retraite, être mis en inactivité à l'initiative de son employeur, et en relevant cet âge de soixante-trois à soixante-cinq ans, le conseil général de la Banque de France a, par son arrêté du 19 janvier 2007, mis en oeuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre. Un tel objectif, répondant notamment aux exigences de la politique de l'emploi et du marché du travail et à la nécessité, dans le cadre de la garantie d'emploi offerte par le statut du personnel de la Banque de France, de permettre une meilleure distribution des emplois concernés entre les générations, est légitime et justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge, telle que celle prévue par l'arrêté du 19 janvier 2007.

10. En second lieu, l'âge limite de soixante-cinq ans fixé par cet arrêté du 19 janvier 2007 est également celui auquel est ouvert le droit à pension des agents concernés, en vertu des dispositions du décret du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France. La disposition litigieuse, qui confère à l'agent le droit de poursuivre son activité au sein de l'organisme qui l'emploie jusqu'à son soixante-cinquième anniversaire, notamment pour augmenter les revenus sur la base desquels sa pension de retraite sera calculée et ainsi augmenter le montant de cette dernière, n'a pas pour effet de le contraindre à se retirer définitivement du marché du travail au-delà de l'âge de soixante-cinq ans. Le statut du personnel de la Banque de France prévoit en outre le recul de cet âge de mise en inactivité lorsqu'un agent a encore un ou plusieurs enfants à charge ou lorsque les services admissibles en liquidation sont inférieurs à ceux qui sont nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein, sous réserve de l'intérêt du service et de l'aptitude physique de l'agent.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que les dispositions du statut des personnels de la Banque de France qui fixent une limite d'âge de soixante-cinq ans pour le départ à la retraite des agents titulaires revêtent un caractère approprié et nécessaire et ne sont, par suite, pas incompatibles avec les objectifs de la directive du 27 novembre 2000. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a jugé qu'en ce qu'elle lui refuse la poursuite de son activité au-delà de l'âge de soixante-cinq ans, la décision de mise à la retraite d'office du 29 mai 2009 n'est pas entachée d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la Banque de France.

Sur l'évaluation des préjudices subis par M.B... :

12. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. La Banque de France ne peut dès lors soutenir utilement qu'il subsisterait une part d'incertitude, dont il conviendrait de tenir compte, relativement au souhait de l'intéressé de différer effectivement son départ à la retraite jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans, si la possibilité lui en avait été laissée.

13. En premier lieu, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doivent être prises en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

14. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B...devait être maintenu en activité jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans. Il est, dès lors, fondé à demander la réparation de la perte de traitement qu'il a subie du fait de son éviction irrégulière, qui présente un lien direct et certain avec la faute commise par la Banque de France, pour la période comprise entre le 1er août 2009, date à laquelle il a été effectivement placé d'office à la retraite, et le 1er août 2011, date du premier jour du mois suivant l'anniversaire de ses soixante-cinq ans, auquel il aurait dû être admis à la retraite pour limite d'âge. Il résulte de l'instruction que le préjudice subi par M. B... à ce titre, résultant de la différence entre les revenus nets qu'il aurait dû percevoir et les revenus nets qu'il a effectivement perçus sur cette période, s'élève à la somme non contestée de 119 247,66 euros. Par ailleurs, M. B...a droit aux intérêts au taux légal afférents à cette somme à compter du 13 avril 2011, date de sa réclamation préalable à la Banque de France.

15. En deuxième lieu M. B...a droit à ce que soit réparé son préjudice résultant de ce que l'absence de cotisations au régime de retraite des agents de la Banque de France entre le 1er août 2009 et le 1er août 2011 l'a empêché de bénéficier d'une majoration de sa pension de retraite. Il y a lieu de lui allouer à ce titre une somme correspondant à la différence entre la pension liquidée à la date à laquelle il a été admis à la retraite et celle qu'il aurait dû percevoir à compter du 1er août 2011 s'il avait cotisé en tant qu'agent titulaire pendant la période où la responsabilité de l'Etat est engagée. Pour procéder à ce calcul, il y a lieu de retenir que M. B... aurait cotisé pendant huit trimestres supplémentaires et que la rente annuelle payable à terme échu qu'il convient de lui verser à compter du 1er août 2011 est revalorisée dans les conditions prévues à l'article 61 du règlement annexé au décret du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France. M. B...est renvoyé devant la Banque de France afin qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement des sommes dues selon les modalités définies ci-dessus, dans la limite de la somme de 152 410,32 euros sollicitée par M. B... par la voie de l'appel incident. Par ailleurs M. B...a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme qui sera calculée par la Banque de France selon les modalités fixées ci-dessus pour régulariser les pensions qui lui ont été versées depuis le 1er août 2011.

16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que la Banque de France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à indemniser M. B...des préjudices consécutifs à la mise à la retraite d'office irrégulièrement décidée à son encontre et, d'autre part, que M. B...est fondé à voir réévalué le montant des sommes mises à la charge de son ancien employeur en réparation de ces mêmes préjudices.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Banque de France le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La Banque de France est condamnée à verser à M. B...une somme de 119 247,66 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2011 au titre de son préjudice de traitement.

Article 2 : M. B...est renvoyé devant la Banque de France pour le calcul et le versement de l'indemnité réparant le préjudice de pension, assortie des intérêts légaux à compter du 1er août 2011, selon les modalités définies au point 14 du présent arrêt.

Article 3 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 janvier 2014 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La Banque de France versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Banque de France et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

-M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03947
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BERNIER-DUPREELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-28;17nt03947 ?
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