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08/02/2019 | FRANCE | N°17NT01427

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 février 2019, 17NT01427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Dominique B...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement (SIAEP) de Troo à leur verser la somme de 86 305,21 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant leur maison sise 7 rue Haute à Troo. Ils ont également demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner le même syndicat à leur payer la somme provisionnelle de 41 556 euros.

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n jugement n° 1603654, 1603661 du 9 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Dominique B...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement (SIAEP) de Troo à leur verser la somme de 86 305,21 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant leur maison sise 7 rue Haute à Troo. Ils ont également demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner le même syndicat à leur payer la somme provisionnelle de 41 556 euros.

Par un jugement n° 1603654, 1603661 du 9 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo à verser à M. et Mme B...la somme de 79 130,17 euros et prononcé un non-lieu de statuer sur les conclusions à fins de versement d'une provision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mai et 10 octobre 2017, le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 9 mars 2017 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de rejeter la demande présentée par les époux B...devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire de moitié l'indemnité mise à sa charge ;

4°) de mettre à la charge des époux B...la somme de 3 000 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- des anomalies ont été mises en évidence par l'expert sur le réseau des eaux pluviales, qui est un réseau privé relevant de la responsabilité exclusive des épouxB... ; leur carence dans l'entretien de ce réseau est fautive et de nature à l'exonérer au moins partiellement de sa responsabilité ;

- l'expert a relevé des causes combinées ayant provoqué le dommage dont les époux B...ont demandé réparation, notamment une fuite sur le réseau public d'assainissement comme cause prépondérante et, comme facteurs secondaires, l'hétérogénéité des sols d'assise sous les fondations des deux façades, les anomalies du réseau d'eaux pluviales et le mode constructif de l'immeuble ; il y a lieu ainsi de retenir une cause exonératoire pour moitié ;

- la fragilité et la vulnérabilité de l'immeuble auraient dû être prises en compte pour déterminer le montant de l'indemnisation accordée aux épouxB... ; les travaux envisagés conduisent à un enrichissement des victimes.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2017 Mme et M.B..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils font valoir que les moyens présentés par le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B...sont propriétaires d'une maison de ville, construite au XVème et XVIIème siècles, située 7 rue Haute à Troo dans le département de Loir-et-Cher et dans laquelle ils exercent une activité de chambres d'hôtes. En janvier 2013, les intéressés ont constaté l'apparition de désordres intérieurs au rez-de-chaussée et au premier étage de leur maison entraînant une aggravation des fissures extérieures existantes et l'apparition de nouvelles fissures. Par une ordonnance du 27 mai 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Blois, saisi par M. et MmeB..., a désigné un expert afin de déterminer l'origine des désordres affectant la maison et d'évaluer les travaux à réaliser ainsi que leur montant. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable et d'assainissement de Troo, assurant la gestion et l'entretien du réseau d'assainissement, a été appelé à participer aux opérations d'expertise. L'expert a déposé son rapport le 21 juillet 2016. Aucun accord amiable n'a pu être trouvé à la suite des opérations d'expertise. M. et Mme B...ont saisi le tribunal administratif d'Orléans de conclusions indemnitaires dirigées contre le syndicat intercommunal. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a condamné celui-ci à verser à M. et Mme B...la somme totale de 79 130,17 euros. Le syndicat intercommunal relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

2. La responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable. La victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et ces préjudices, lesquels doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial.

3. S'agissant, en premier lieu, de la nature et de l'origine des désordres, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le juge judiciaire et du diagnostic géotechnique établi par l'agence de Tours de Ginger CEBTP à la demande de celui-ci, que les désordres objets du litige affectent, à l'extérieur, les façades sud et est, essentiellement en angle sud-est, et, à l'intérieur de la maison, le salon et la chambre " bleue " au premier étage également en angle sud-est, et se manifestent par des fissures dans les murs entraînant un affaissement de l'angle sud-est de la maison sur la rue Haute. Les constatations opérées établissent que ces désordres résultent de la diminution de portance du sol provoquée par l'infiltration dans le terrain naturel d'eaux usées provenant de la boîte de raccordement à l'égout situé au pied de la maison, en raison de l'absence de joint entre le tuyau d'évacuation et le regard de raccordement.

4. S'agissant, en second lieu, de l'imputabilité des désordres, l'expert judiciaire a identifié différents facteurs ayant concouru à la survenance du dommage. Il a, notamment, relevé l'existence d'une fuite du réseau eaux pluviales qui à long terme a pu diminuer la portance du sol. S'il a indiqué de façon ferme que la fuite du réseau public d'assainissement était la cause du sinistre, il a également relevé le rôle, qualifié d'inférieur, de la fuite sur le réseau d'évacuation des eaux pluviales dont l'entretien incombait exclusivement aux propriétaires de l'immeuble. Dans ces conditions, il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une plus exacte appréciation des causes des dommages en estimant que cette fuite a concouru à hauteur de 20% à la réalisation de l'ensemble des désordres affectant la maison des épouxB.... Enfin, aucun élément de l'instruction ne permet raisonnablement de retenir les précipitations survenues en fin d'année 2012 et début d'année 2013 comme ayant joué un rôle dans la survenance ou l'aggravation des dommages. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité du syndicat était engagée à raison de ces désordres au-delà de 80% de leur étendue.

Sur les préjudices :

5. En premier lieu, compte tenu des éléments argumentés et précis apportés, dans sa réponse aux dires du SIAEP du 3 juin 2016, par l'expert, qui s'appuie sur la date de survenue des désordres et sur leur caractère évolutif, il y a lieu d'écarter les éléments invoqués comme déterminants par le syndicat requérant relatifs à l'hétérogénéité des sols d'assise et au mode constructif de l'ouvrage ancien. Les premiers juges ont pu, par suite, sans erreur d'appréciation, ne pas tenir compte de ces éléments pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

6. En second lieu, le montant des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, comprenant les mesures conservatoires, les investigations techniques, le traitement du sol d'assise de la maison, les réparations extérieures et intérieures et du portail ainsi que les frais de maîtrise d'oeuvre, a été évalué par l'expert à la somme de 60 546,74 euros. Si le SIAEP persiste à soutenir en appel que les travaux de traitement des fissures n'impliquent pas une réfection complète des façades sous peine de procurer une plus-value à l'immeuble, il résulte de l'instruction que le traitement des fissures impose techniquement une ouverture puis un rebouchage de sorte qu'une réfection de l'enduit s'imposait en l'espèce. Le syndicat ne démontre pas plus en appel qu'en première instance que la somme précitée de 60 546,74 euros correspondrait à d'autres travaux que ceux qui sont strictement nécessaires à la remise en état de l'immeuble, ni que les procédés envisagés pour cette remise en état ne seraient pas les moins onéreux possibles. Les parties ne contestent pas, par ailleurs, les sommes de 500 euros et 2 324,96 euros retenues par les premiers juges au titre du préjudice de jouissance et du préjudice financier subis, sommes qu'il y a lieu d'ajouter au montant précité de 60 546,74 euros. Les préjudices ainsi subis par les époux B...s'élèvent à la somme globale 63 371,70 euros. Compte tenu de la part de 20% de responsabilité, retenue au point 5, restée à leur charge, le préjudice indemnisable supporté par le SIAEP doit être fixé à 50 697, 36 euros.

7. Enfin, il y a lieu également de retenir à la charge du syndicat requérant l'indemnisation des frais et honoraires de l'expert devant le tribunal de grande instance et des huissiers de justice ayant délivré les assignations en référé pour les sommes respectives de 15 651,18 euros, de 41,62 euros et de 65,67 euros non contestées, soit la somme totale de 15 758,47 euros. Compte tenu de la part de 20% de responsabilité incombant aux époux B...dans la survenue des préjudices, une somme de 12 606,77 euros doit également être mise à la charge du SIAEP.

8. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité à laquelle peuvent prétendre les époux B...s'élève en définitive à la somme de 63 304,13 (50 697, 36 + 12 606,77) euros, qui doit être mise à la charge du syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo. Le syndicat requérant est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il a mis à sa charge une somme supérieure à ce montant.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les sommes exposées et non comprises dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 79 130,17 euros que le syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo a été condamné par le tribunal administratif d'Orléans à verser à M. et Mme B...est ramenée à 63 304,13 euros.

Article 2 : Le jugement n°1603654, 1603661 du tribunal administratif d'Orléans du 9 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal d'adduction en eau potable et d'assainissement de Troo et à M. et Mme A...et DominiqueB....

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2019.

Le rapporteur

O. Coiffet

Le président

I. Perrot

Le greffier

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01427
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : COUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-02-08;17nt01427 ?
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