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02/04/2019 | FRANCE | N°17NT02608

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 02 avril 2019, 17NT02608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du président du conseil général de la Manche rejetant son recours gracieux du 20 octobre 2015 tendant à ce que les soins dont elle a bénéficié à compter du 12 mai 2015 soient reconnus imputables à son accident de service du 5 juillet 2008 ainsi que la décision du 17 décembre 2015 par laquelle il a fixé le taux de son incapacité permanente partielle (IPP) à 8 %.

Par un jugement n° 1600342 du 22 juin 2017

, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite du président du conseil général de la Manche rejetant son recours gracieux du 20 octobre 2015 tendant à ce que les soins dont elle a bénéficié à compter du 12 mai 2015 soient reconnus imputables à son accident de service du 5 juillet 2008 ainsi que la décision du 17 décembre 2015 par laquelle il a fixé le taux de son incapacité permanente partielle (IPP) à 8 %.

Par un jugement n° 1600342 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 août 2017, 16 juillet et 2 août 2018, Mme D..., représentée par la SCP d'avocats Créance Ferretti Hurel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 22 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite rejetant son recours gracieux du 20 octobre 2015 ainsi que celle du 17 décembre 2015 ;

3°) de fixer son taux d'IPP à 12 % ;

4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de dire que les séquelles et conséquences de l'accident de service qu'elle a subi justifient la poursuite de soins postérieurement à sa consolidation et de donner un avis sur le taux d'IPP imputable à cet accident ;

5) de mettre à la charge du département du Calvados le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision implicite rejetant son recours gracieux du 20 octobre 2015 est illégale dès lors que les soins, mêmes postérieurs à sa consolidation, doivent être pris en charge par le département ;

- le taux d'IPP de 8 % est inférieur au barème indicatif d'incapacité en accident du travail qui propose, pour des lésions de l'astragale, un taux de 12 à 35 % en fonction de l'importance des séquences fonctionnelles or l'expert qui l'a examiné a constaté une limitation de sa fonction articulaire, l'importance de ses phénomènes douloureux et une limitation de son périmètre de marche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2018, le département de la Manche, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 portant modification du décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris pour l'application de l'article L. 28 (3e alinéa) du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant MeE..., représentant le département de la Manche.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 juillet 2008, MmeD..., rédacteur territorial, affectée au service du développement touristique du département de la Manche, a été victime d'une chute alors qu'elle participait à une randonnée " découverte " des activités proposées par un partenaire touristique. Cette chute a été à l'origine d'une contusion de l'astragale et une rupture du ligament latéral externe de sa cheville gauche, qui a justifié un arrêt de travail du 7 juillet au 4 août 2008. Par une décision du 1er décembre 2008, le président du conseil général a reconnu cet accident imputable au service. Sa rechute, qui a fait l'objet d'un arrêt de travail du 5 au 13 juillet 2012, a également été regardée comme imputable au service. A la demande de la commission de réforme, Mme D...a été examinée par le docteur C...le 12 mai 2015, lequel a estimé que son état était consolidé à cette date et que son taux incapacité permanente partielle (IPP) était de 5%. La commission de réforme, réunie le 3 juillet 2015, a émis un avis favorable à une date de consolidation au 12 mai 2015 mais proposé un taux d'IPP de 8%. Cette dernière proposition a été suivie par le président du conseil général, qui par une décision du 8 juillet 2015, a accepté de prendre en charge les soins dont a bénéficié l'intéressée jusqu'au 12 mai 2015. Cette décision a été retirée mais confirmée sur le fond le 14 septembre 2015. Le 20 octobre 2015, Mme D...a formé un nouveau recours gracieux contre cette décision. Le 17 décembre 2015, le président du conseil général a confirmé son taux d'IPP de 8%. L'intéressée relève appel du jugement du 22 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant son recours gracieux du 20 octobre 2015 et de la décision du 17 décembre 2015.

Sur le rejet de son recours gracieux du 20 octobre 2015 :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) ". Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service ".

3. Mme D...se prévaut du rapport du docteur F...du 1er octobre 2012 indiquant que " l'évolution [de son état de santé] a été marquée par la pérennisation des douleurs et par la gêne fonctionnelle importante, nécessitant de nombreuses consultations spécialisées, chirurgicales et rhumatologiques, des examens radiologiques répétées, et notamment des IRM, mais aussi des arthroscanners, mettant en évidence un oedème osseux sur les clichés initiaux, puis une évolution vers une zone de nécrose astragalienne. Il préconise des soins complémentaires et notamment " 20 séances annuelles de rééducation de la cheville, à titre d'entretien ", puis une intervention chirurgicale suivie alors d'une rééducation active. Il est toutefois constant que ce rapport précède l'expertise réalisée par le docteur C...et concerne des soins antérieurs à la consolidation de l'état de santé de MmeD.... Ils ont d'ailleurs été reconnus imputables au service. De son côté, si le docteur C...n'a pas nié les douleurs résiduelles de l'intéressée, il n'a pas fait état de la nécessité de poursuivre des soins au-delà du 12 mai 2015. Par ailleurs, la requérante produit également un certificat de son médecin traitant du 22 juin 2015 indiquant qu'elle se plaint d'une douleur de la cheville gauche déclenchée après l'examen du docteurC..., cette consultation a été réalisée plus d'un mois auparavant et l'intéressée ne justifie d'aucune prescription médicamenteuse ou de séances de kinésithérapie à cette date. Elle se prévaut enfin d'une expertise réalisée à sa demande le 21 juillet 2017 par le professeur Vabret du centre hospitalier universitaire de Caen, expert près la cour d'appel. Il indique, suivant ainsi les dires de l'intéressée, que " l'évolution [de son état de santé] est marquée par la persistance de phénomènes douloureux " et ajoute que " progressivement, la blessée a développé des douleurs chroniques qui sont aujourd'hui handicapantes. Les différents examens paracliniques ont constaté la réalité et la sévérité de cette évolution initiale et la constitution d'une zone d'ostéonécrose avec une répercussion sur l'articulation tibio-talienne ". Toutefois, lors de l'examen des chevilles de Mme D...ce dernier a seulement constaté que " la station monopodale gauche est plus difficile ainsi que la mise en tension de l'articulation par élévation monopodale. L'accroupissement s'effectue avec décollement des talons. La marche s'effectue sur quelques pas à plat, sans réelle asymétrie ". Les feuilles de soins produites par la requérante, établies par son médecin traitant les 10 juin 2015 et 22 juin 2015, se bornent à indiquer que ces consultations étaient en relation avec son accident du 5 juillet 2008. Par suite, Mme D...n'établit pas que des soins postérieurs à la date de sa consolidation présentant un caractère direct et certain avec son accident initial n'auraient pas été pris en charge par le département. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant son recours gracieux présenté le 20 octobre 2015 le président du conseil général aurait entaché sa décision d'illégalité.

Sur la décision du 17 décembre 2015 :

4. Aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 2 mai 2005 : " Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, leurs conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé. / Le pouvoir de décision appartient, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse des dépôts et consignations, à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. ". Selon le barème figurant en annexe du décret susvisé du 31 janvier 2001 applicable aux blessures du pied : " II-8 cas particulier du pied. Compte tenu des complexités anatomiques de la région, il est difficile d'en dissocier des segments fonctionnels. Les critères d'appréciation sont la douleur, la mobilité et la stabilité :- quelques douleurs à la marche, mouvements normaux ou légèrement freinés, absence de claudication : 0 à 3 % ;- douleurs intermittentes, limitation modérée des mouvements des diverses articulations, légère claudication, mais stabilité du pied : 3 à 8 % ;- douleurs à la marche cédant au repos, limitation modérée des mouvements, quelques troubles circulatoires, claudication limitant la marche, laquelle peut s'effectuer sans canne : 9 à 15 % ;- ankylose des articulations tibio-tarsiennes et sous-astragaliennes en position de fonction, n'entraînant pas de douleurs : 15 % ; - douleurs assez vives, raideur importante ou léger équinisme, troubles trophiques modérés, marche limitée nécessitant l'usage d'une canne : 15 à 25% (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la détermination du taux d'invalidité donnant droit au versement d'une allocation temporaire implique, à l'exclusion de toute autre méthode d'évaluation, l'utilisation obligatoire du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite tel qu'il résulte du décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001, et, par suite, exclut de faire référence au barème indicatif prévu par l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale. Par suite, Mme D...n'est pas fondée à se prévaloir du taux d'IPP de 12 % proposé par le professeur Vabret lequel s'est fondé sur le barème figurant à l'annexe I de l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale applicable aux accidents du travail des salariés de droit privé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, que le docteur C...a indiqué lors de l'examen de l'intéressée le 12 mai 2015, qu'elle présentait une " très discrète limitation d'amplitude des mouvements de la cheville, globalement -15° par rapport au côté opposé avec douleur à la mobilisation " mais " pas de signe d'instabilité ". Il a ajouté qu'" après sept ans d'évolution et de multiples séances de rééducation, l'état clinique [de MmeD...] est inchangé marqué par des douleurs et une discrète limitation d'amplitude des mouvements. ". La requérante n'apporte aucun autre élément de nature à attester qu'elle souffre de " douleurs à la marche cédant au repos, limitation modérée des mouvements, quelques troubles circulatoires, claudication limitant la marche, laquelle peut s'effectuer sans canne " au sens de l'annexe au décret du 31 janvier 2001, le professeur Vabret ayant lui-même préconisé le taux le plus bas de la rubrique " lésions de l'astragale, séquelles de fracture et de contusion ". Dans ces conditions, Mme D...n'établit pas qu'en fixant un taux d'IPP à 8 % le président du conseil général aurait entaché sa décision du 17 décembre 2015 d'illégalité.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Manche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... le versement au département de la Manche d'une somme au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Manche tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et au département de la Manche.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02608
Date de la décision : 02/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP CREANCE FERRETTI HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-02;17nt02608 ?
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