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30/04/2019 | FRANCE | N°17NT02388

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 30 avril 2019, 17NT02388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...J..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les préjudices résultant pour M. J... de son accident du 15 octobre 2010, et à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à leur verser la somme globale de 322 504,73 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1404499 du 27 juin 2017, le tribunal administrat

if d'Orléans a condamné l'Etat à supporter les frais d'expertise, à verser à M. J....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...J..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les préjudices résultant pour M. J... de son accident du 15 octobre 2010, et à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à leur verser la somme globale de 322 504,73 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1404499 du 27 juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à supporter les frais d'expertise, à verser à M. J... la somme de 670 euros, sous déduction des sommes perçues au titre de sa pension d'invalidité ( articles 1 et 2), ainsi que la somme globale de 1 700 euros au titre de ses souffrances endurées et de son préjudice esthétique.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, M. et Mme J..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, représentés par Me SiMohamed, demandent à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 juin 2017 ;

2°) d'ordonner une expertise aux fins de déterminer leurs préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à leur verser la somme globale de 345 381,23 euros en réparation de l'ensemble de leurs préjudices ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il est nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise dès lors que le docteur F...n'a pas pris en compte les dires n° 1 de leur conseil du 22 janvier 2015 ainsi que les pièces qui y étaient annexées, qu'il existe un jugement du tribunal des pensions militaires d'Orléans fondé sur le rapport du docteur D...estimant que M. J...avait subi des séquelles suite à l'accident du 15 octobre 2010 et un jugement du tribunal administratif d'Orléans fondé sur le rapport du docteur F...concluant au contraire, que plusieurs autres médecins ont admis que l'accident avait eu des conséquences physiologiques pour M. J...et que le docteur F...ne s'est pas prononcé sur les répercussions psychologiques de l'accident, lesquelles peuvent expliquer la persévérance de son impotence ;

- en obligeant M. J...à participer à l'exercice du 15 octobre 2010, alors qu'il n'avait reçu aucune formation, ne bénéficiait d'aucun entraînement physique, et n'avait pas été nominativement désigné par une note de service pour prendre part à cet entraînement, son supérieur hiérarchique a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; à ce titre, ils peuvent prétendre à la réparation intégrale de leurs préjudices ;

- en tout état de cause, ils peuvent prétendre à la prise en charge de leurs préjudices extrapatrimoniaux ;

S'agissant des préjudices patrimoniaux de M. J...:

- il peut se prévaloir d'une perte de gains professionnels futurs de 201 759,73 euros ;

- l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 52 000 euros au titre de la perte subie résultant de la vente anticipée de son fonds de commerce ;

- ne pouvant plus conduire une voiture équipée d'une boîte de vitesse manuelle, il peut prétendre à une indemnisation de 13 245 euros au titre de ses frais de véhicule ;

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires de M. J...:

- son déficit fonctionnel temporaire peut être évalué à 5 876,50 euros ;

- son préjudice esthétique doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros ;

- il a subi des souffrances tant physique que moral dont la réparation doit être fixée à 15 000 euros ;

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents de M. J...:

- son déficit fonctionnel permanent peut être évalué à 20 500 euros ;

- son préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;

S'agissant des préjudices des autres membres de la famille :

- l'accident de M. J...a eu des répercussions sur son épouse et leurs enfants, qui peuvent prétendre aux sommes respectives de 7 000 euros et de 2 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme J... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 octobre 2010, M.J..., militaire détenant le grade de sergent, a été victime d'un accident de service sur la base aérienne 705 de Tours alors qu'il participait à un entraînement de maintien de l'ordre (dit " Basex 10 "). Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 21 juin 2011 puis jusqu'au 31 janvier 2011 pour un traumatisme du coude gauche sans fracture. Le 8 avril 2014, M.J..., qui se plaint d'une impotence fonctionnelle globale de son bras gauche, a présenté une réclamation préalable auprès de la ministre de la défense, qui a rejeté sa demande le 22 mai 2014. Le 3 juillet 2014, l'intéressé a présenté un recours préalable devant la commission des recours des militaires. Le 11 septembre 2014, M. J...a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande d'expertise, laquelle a été confiée, par une ordonnance du 16 octobre 2014, au docteurF..., chirurgien orthopédiste au centre hospitalier du Mans. L'expert a rendu son rapport définitif le 15 février 2015, dans lequel il concluait à l'absence d'incapacité de l'intéressé à mouvoir son coude. Le 27 novembre 2014, M. J... et son épouse, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants de leurs quatre enfants mineurs, ont saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant, à titre principal, à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise aux fins de déterminer les préjudices résultant pour M. J... de son accident du 15 octobre 2010, et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme globale de 322 504,73 euros en réparation de leurs préjudices. Ils relèvent appel du jugement du 27 juin 2017 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à verser à M. J... la somme de 670 euros, sous déduction des sommes perçues au titre de sa pension d'invalidité, ainsi que la somme de 1 700 euros en réparation des préjudices non réparés par cette pension.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une nouvelle expertise :

2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. ".

3. M. J...soutient que l'expert désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans n'a pas pris en compte les pièces annexées à son courrier du 19 février 2015. Il ressort toutefois du rapport établi par le docteurF..., que ce dernier a consulté les pièces médicales figurant au dossier de l'intéressé et notamment, les rapports du docteurB..., chirurgien orthopédiste de M.J..., en date des 4 et 28 avril 2011, 20 novembre 2013 et 6 décembre 2014 ainsi que de l'attestation de son kinésithérapeute. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'expert aurait omis de prendre en compte d'autres éléments médicaux portés à sa connaissance qui auraient pu modifier le sens de ses conclusions. Si ce médecin, a émis des doutes sur la réelle " coopération " de M. J...au cours de cet examen, il s'est également étonné, à plusieurs reprises, de l'importance des séquelles de cet accident et de leur durée. Par ailleurs, l'intéressé a lui-même admis que s'il avait su, " il serait allé au bout des exercices demandés par l'expert ". A l'appui de ses conclusions, le requérant se prévaut également du rapport d'expertise du docteurD..., chirurgien orthopédiste du centre hospitalier de Tours, désigné par le tribunal des pensions d'Orléans, selon lequel " les séquelles constatées sont effectivement très évocatrices d'une atteinte par étirement du plexus brachial ". Toutefois, ce médecin a au préalable souligné la difficulté de poser un diagnostic certain, le docteur B...hésitant lui-même avant de retenir définitivement ce diagnostic. Pour sa part, le docteur F...a réfuté cette thèse en se fondant tant sur les résultats négatifs des électromyogrammes réalisés à plusieurs reprises en 2011 et 2013 par le docteurE..., neurologue, que sur la nature du choc subi le 15 octobre 2010 par l'intéressé, ce choc direct pouvant selon ce médecin être à l'origine d'une fracture mais pas d'une élongation du plexus brachial. Enfin, le requérant soutient que l'expert F...n'a pas pris en compte les répercussions psychologiques de son accident. Le docteur I...psychiatre, commis comme sapiteur par le tribunal de grande instance de Tours, a toutefois conclu dans son rapport du 21 juin 2016, que si aucune explication physiopathologique n'expliquait les difficultés du patient, plusieurs facteurs psychologiques pouvaient en être à l'origine. Il a notamment souligné une histoire personnelle douloureuse ainsi que la découverte à la fin de l'année 2015 d'une maladie grave engageant le pronostic vital de sa fille alors âgée de 3 ans. Par suite, eu égard à l'ensemble des expertises déjà réalisées depuis 2010 par de nombreux médecins spécialistes, en orthopédie, neurologie et en psychiatrie, qui contrairement à ce que soutient M. J...ne contredisent pas tous les conclusions du docteurF..., l'intéressé n'est pas fondé à solliciter une nouvelle expertise.

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) ".

5. Eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille. Lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne.

6. En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. En outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 4122-1 du code de la défense : " Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l'exécution des missions qui leur sont confiées. / Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales (...) ". Aux termes de l'article D. 4122-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout militaire peut être appelé soit à donner des ordres en tant que chef, soit à en recevoir en tant que subordonné. L'une ou l'autre de ces situations comporte les obligations générales suivantes : 1° Membre des armées et des formations rattachées, le militaire doit : a) Obéir aux ordres reçus conformément à la loi (...) 2° Exerçant une fonction dans sa formation, il doit : a) Apporter son concours sans défaillance ; b) S'instruire pour tenir son poste avec compétence et contribuer à la valeur collective de sa formation ; c) S'entraîner en vue d'être efficace dans l'action ; d) Se préparer physiquement et moralement au combat. ". En vertu de ces dispositions, tout militaire doit, d'une part, obéissance aux ordres légaux de ses supérieurs hiérarchiques et, d'autre part, s'instruire et s'entraîner afin de pouvoir assurer la défense des intérêts de la Nation.

8. M.J..., qui exerçait à la date de l'accident les fonctions de responsable du service rémunération-pension et qui, dans un premier temps, avait refusé de participer à l'exercice du 15 octobre 2010, soutient qu'il tenait mal son bouclier car il n'avait pas appris à le faire, et qu'il n'avait pas bénéficié de la formation dispensée à tous les membres de la compagnie " Eglantine " à laquelle il n'appartenait pas. Il met également en avant le fait que chaque participant à l'entraînement Basex 10 devait être nominativement désigné par une note de service, ce qui, selon ses dires, n'était pas son cas. Dans sa décision du 26 janvier 2015, faisant suite à l'avis du conseil de recours des militaires, le ministre de la défense précise toutefois sans être contredit que " l'auteur du recours avait été désigné pour intégrer la compagnie " Eglantine " ". Par ailleurs, le requérant ne démontre par aucune pièce qu'il aurait dû suivre une formation avant de participer à cet exercice ou qu'une telle formation lui aurait été refusée. Enfin, il ne peut utilement soutenir qu'il ne bénéficiait d'aucun entraînement physique dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la pièce n° 58 produite en appel, qu'il pratiquait au moins jusqu'en décembre 2009 du karaté à un niveau international et présentait en avril 2011 selon les mentions figurant dans un certificat médical une musculature extrêmement puissante. Par suite, le requérant, qui en sa qualité de militaire devait obéir aux ordres légaux de sa hiérarchie, n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat à l'occasion de l'accident qu'il a subi le 15 octobre 2010.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

9. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 6, M. J...est fondé à rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat à raison des préjudices résultant de l'accident subi le 15 octobre 2010 alors qu'il participait à un exercice d'entraînement de l'armée.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices subis par M. J...que sa pension militaire d'invalidité a pour objet de réparer :

10. M.J..., qui a créé une société " Le Coupe Faim " détenue à parts égales avec un associé, dans le but d'exploiter un restaurant à Château Renault à compter du mois d'octobre 2011, soutient que l'Etat doit être condamné à lui verser une somme de 52 000 euros au titre de la perte subie à raison de la vente anticipée de son fonds de commerce le 29 juin 2013 au prix de 46 000 euros alors qu'il avait été estimé 150 000 euros. Il résulte toutefois des pièces du dossier que le chiffre d'affaires de ce restaurant, qui employait deux salariés, était pour la période du 22 octobre 2011 au 30 septembre 2012 de 146 677 euros HT pour un résultat négatif de 16 971 euros. Enfin, la circonstance que l'intéressé aurait vendu ce restaurant " n'ayant plus (...) assez de courage ou assez d'allant pour mener cette activité à terme ", et qu'il a également revendu, en juin 2014, le second restaurant plus petit acheté en janvier de la même année, ne suffit pas à établir la relation entre la cession de ces fonds de commerce et l'accident litigieux. Le requérant ne peut ainsi se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre.

11. En se prévalant de ses revenus des années 2009 à 2011 puis de ceux perçus de 2012 à 2015, M. J...invoque une perte de gains professionnels futurs de 201 759,73 euros. Toutefois, il est constant que dès le mois de septembre 2010, l'intéressé avait sollicité un congé de reconversion en vue de quitter l'armée. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne justifie pas d'un lien de causalité entre la cession de ces fonds de commerce et l'accident du 15 octobre 2010. Le requérant ne justifie ainsi d'aucune perte de gains professionnels futurs en lien avec l'accident.

12. Selon les conclusions de l'expert " [l']état de M. J...est stabilisé à la date de la consolidation médico-légale du 31.12.2010 ". Son déficit fonctionnel temporaire a été de 50 % du 15 octobre 2010 au 5 novembre 2010, soit durant vingt-deux jours, de 25 % du 6 au 30 novembre 2010, soit durant vingt-cinq jours et de 10 % du 1er au 30 décembre 2010, soit durant trente jours. Ce préjudice peut ainsi être évalué à la somme de 465,75 euros sur la base d'une somme de 23 euros par jour.

13. Si, pour évaluer son déficit fonctionnel permanent à 20 500 euros, le requérant se prévaut du rapport du médecin du 13 juin 2016, selon lequel " il existe une séquelle neurologique avec atteinte partielle du nerf cubital et amyotrophie partielle du membre supérieur gauche qui peut être évalué à 10% ", l'expert a quant à lui indiqué que " l'atteinte permanente à une ou plusieurs fonctions imputables à l'accident est estimée à zéro ". Le requérant ne peut ainsi se prévaloir d'un quelconque déficit fonctionnel permanent.

14. D'une part, la ministre des armées soutient sans être contredite que le capital représentatif de la pension servie à M. J...en vertu du jugement du tribunal des pensions d'Orléans du 12 mai 2017 sur la base d'un taux de 10 % avec effet rétroactif au 18 octobre 2010 au titre de l'infirmité " douleur du membre supérieur gauche et limitation de l'amplitude des doigts de la main gauche " s'élève à 21 279,75 euros. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que M. J...ne peut se prévaloir d'une quelconque perte de revenus liée à l'accident du 15 octobre 2010, ni d'un déficit fonctionnel permanent et que son déficit fonctionnel temporaire peut être évalué à la somme de 465,75 euros. Ce chiffre étant inférieur à celui du capital représentatif de la pension, l'intéressé ne peut prétendre, pour ces préjudices, à une indemnité complémentaire à la pension militaire d'invalidité qu'il perçoit et qui répare l'ensemble de ces préjudices.

En ce qui concerne les préjudices de M. J...que sa pension militaire d'invalidité n'a pas pour objet de réparer :

15. M. J...soutient qu'il ne peut plus conduire de voiture équipée d'une boîte de vitesse manuelle et que ce préjudice représente une somme de 13 245 euros compte tenu de son espérance de vie et de la nécessité de changer de véhicule tous les six ans environ. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du rapport du docteurF..., que l'intéressé ne conserve aucune séquelle de son accident. Par suite, M. J...ne peut prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice.

16. Il ressort du rapport d'expertise du docteurF..., que les souffrances endurées par M. J..., à raison du port d'une attelle pendant trois semaines à la suite de son accident, peuvent être évaluées à 1,5 sur une échelle de 7 et que l'intéressé ne conserve aucune séquelle de son accident. Par ailleurs, il ressort de la lecture du rapport d'expertises que M. J...n'a pas subi de préjudice esthétique permanent. Par suite, en lui accordant, au titre de ces préjudices, les sommes de 1200 euros et de 500 euros, le tribunal administratif d'Orléans n'a pas fait une inexacte appréciation du montant permettant de les indemniser. Dans ces conditions, les conclusions de M. J...tendant à ce que les sommes en cause soient portées aux montants respectifs de 15000 euros et de 2 000 euros ne peuvent qu'être écartées.

17. M. J...invoque un préjudice d'agrément, résultant des difficultés qu'il rencontre dans la vie de tous les jours, de l'impossibilité de pratiquer les activités sportives auxquelles il s'adonnait avant l'accident, de s'occuper de ses parents malades ou de prendre ses enfants dans ses bras. S'il est constant que l'intéressé pratiquait du karaté à un niveau international avant son accident, le docteur F...a indiqué dans son rapport d'expertise qu'il n'existait " aucun retentissement objectif des conséquences de l'accident du 15/10/2010 sur ce poste " de préjudice. Par suite, l'intéressé ne peut prétendre à l'indemnisation de 20 000 euros qu'il sollicite à ce titre.

En ce qui concerne les préjudices des autres membres de la famille :

18. Il résulte des termes du rapport d'expertise qu'" il n'existe aucun chef de préjudice subi par la famille " à raison de l'accident dont a été victime M. J...le 15 octobre 2010. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à solliciter la condamnation de l'Etat à verser les sommes de 7 000 euros à Mme J...et de 2 000 euros à chacun de leurs quatre enfants, en réparation de leur préjudice moral.

19. Il résulte de ce qui précède, que M. et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme J... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme J... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...J...et Mme H... J...et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 17NT02388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02388
Date de la décision : 30/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP EVIDENCE - SELATNA, DE MATOS, SI MOHAMED

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-30;17nt02388 ?
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