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28/06/2019 | FRANCE | N°18NT04485

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 juin 2019, 18NT04485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1302294 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NT03628 du 18 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M.A....

Par une déc

ision n° 412475 du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1302294 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NT03628 du 18 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M.A....

Par une décision n° 412475 du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par M.A..., a annulé cet arrêt et a renvoyé, dans la limite l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er décembre 2015, 9 février 2017, 15 mars 2017 et 19 mars 2019, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2015 ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- pour apprécier le droit au bénéfice de l'exonération de plus-value prévue à l'article 151 septies du code général des impôts, le montant des recettes à prendre en compte est, sur le terrain de la loi, la quote-part des recettes de l'associé dans la société à la clôture des exercices compris dans la période de référence définie au IV de cet article et non, comme l'a jugé à tort le tribunal, la quote-part des droits dans les bénéfices comptables à la date de réalisation de la plus-value ni à celle de la clôture de l'exercice au cours duquel elle est intervenue ; n'étant pas associé du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) au cours de la période de référence, la quote-part de son chiffre d'affaires à retenir est nécessairement nulle ;

- il se prévaut sur ce point de l'instruction n° 148 publiée au BOI 5 E-3-08 du 11 avril 2008 (paragraphe 22), de l'instruction du 13 mai 2009 publiée au BOI 5 K-1-09 (paragraphes 106 et 108) et du BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 du 12 septembre 2012 (paragraphes 160 à 190) reprenant notamment les paragraphes 64 et 69 de l'instruction du 13 mai 2009 ;

- il a participé à l'activité du GAEC avant l'opération de cession ;

- il se prévaut de l'instruction BOI 5-E-3-08 (paragraphe 13) et du BOI-BA-BASE-20-20-30-20 (paragraphe 20) et du BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 § 10 et 20

- à titre subsidiaire, il est fondé à demander l'application à titre rétroactif de l'abattement de 50 % au résultat imposable au titre de l'exercice clos le 31 mars 2010, prévu par le deuxième alinéa de l'article 73 B du code général des impôts ; contrairement à ce que soutient le ministre, et du fait de l'effet interruptif de prescription de la proposition de rectification, sa demande ne porte pas sur une période prescrite ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de ce que les conditions d'exercice de l'activité au sein du GAEC ne seraient pas réalisées sur une exploitation viable ;

- il se prévaut de la détermination du résultat imposable tel qu'il est défini par le point 1 de l'instruction BOI 5 E 3-05 du 22 avril 2005 et le point 20 du BOI BA BASE 30-10-10.

Par des mémoires, enregistrés les 17 février 2016, 20 février 2017, 22 mars 2017, 20 février 2019 et 26 mars 2019, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, dans le cas où le bien-fondé de l'argumentation principale du requérant serait admis, la condition tenant au montant des recettes, prévue par le sixième alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts, n'est pas remplie ;

- le contribuable n'a pas exercé une activité agricole au sein du GAEC pendant au moins cinq ans antérieurement à la réalisation des plus-values litigieuses et, par suite, n'entre pas dans le champ d'application du régime d'exonération.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code rural ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Ville Caro, dont M. A...et M. B...ont acquis, le 9 mars 2010, les parts à hauteur de la moitié chacun, l'administration fiscale a, par proposition de rectification du 13 février 2012, remis en cause le bénéfice de l'exonération de taxation des plus-values réalisées par le GAEC à la suite de la cession de ses éléments d'actifs en vertu de l'article 70 du code général des impôts et de l'abattement prévu en faveur des jeunes agriculteurs par l'article 73 B du même code dont M. A...s'était prévalu et l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010, à hauteur de ses droits dans le groupement. Les impositions supplémentaires, s'élevant, en droits et pénalités, à la somme totale de 154 960 euros, ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2012. Après le rejet, par décision du 18 avril 2013, de sa réclamation préalable, l'intéressé a sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes la décharge de ces impositions. Par un jugement du 30 septembre 2015, ce tribunal a rejeté sa demande. M. A...ayant relevé appel de ce jugement, la cour a, par un arrêt du 18 mai 2017, rejeté sa demande. Par une décision n° 412475 du 19 décembre 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Sur les conclusions relatives au bénéfice de l'exonération prévue à l'article 70 du code général des impôts :

2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010 : " Sous réserve des dispositions du VII, les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel ". En vertu du II de ce même article, certaines plus-values de cession réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées en totalité ou en partie si le montant des recettes annuelles est inférieur ou égal à certains seuils. Aux termes du premier alinéa du IV de ce même article : " Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent l'exercice de réalisation des plus-values ". Aux termes du second alinéa de l'article 70 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à cette même année d'imposition : " Pour l'application de l'article 151 septies, les plus-values réalisées par une société civile agricole non soumise à l'impôt sur les sociétés sont imposables au nom de chaque associé visé au I de l'article 151 nonies selon les règles prévues pour les exploitants individuels en tenant compte de sa quote-part dans les recettes de la société ".

3. En premier lieu, M. A...n'ayant acquis les parts du GAEC de la Ville Caro que le 9 mars 2010, il ne remplissait pas, sur le fondement de la loi, la condition de durée minimale d'activité de cinq ans prévue par les dispositions citées au point précédent.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 du présent arrêt que l'associé d'une société civile agricole qui n'a pas exercé, pendant la période de référence définie au premier alinéa du IV de l'article 151 septies du code général des impôts, d'activité agricole au moyen des éléments d'actif dont la cession est à l'origine de la plus-value ne peut pas être regardé comme ayant exercé une activité dont les recettes annuelles, calculées conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 70 du même code, sont inférieures aux seuils prévus au II de l'article 151 septies du code général des impôts. Par conséquent, M.A..., qui n'était pas associé du GAEC de la Ville de Caro pendant la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009, n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de la loi, de ce que les recettes annuelles du GAEC de la Ville Caro ne dépassaient pas les seuils prévus pour le bénéfice de l'exonération de la plus-value de cession réalisée à l'occasion de la cessation d'activité du GAEC.

5. En troisième lieu, si M. A...est fondé à se prévaloir, en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation donnée par le paragraphe 13 de l'instruction BOI 5-E-3-08 du 11 avril 2008, par ailleurs reprise au paragraphe 20 du BOI-BA-BASE-20-20-30-30 et aux paragraphes 10 et 20 de l'instruction BOI-BIC-40-10-10-20, pour soutenir que la condition relative à la durée d'exercice de l'activité devait être regardée, sur le fondement de l'interprétation administrative de la loi, comme remplie, il n'est, en revanche, pas fondé, en l'absence de disposition régissant l'hypothèse d'un changement d'associé et alors qu'il n'était pas associé du GAEC de la Ville de Caro pendant la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009, à se prévaloir du paragraphe 22 de l'instruction BOI 5-E-3-08 et des paragraphes 106 et 108 de l'instruction BOI 5-K-1-09 qui ne lui sont pas applicables.

6. En dernier lieu, M. A...n'est pas fondé à invoquer le paragraphe 64 de l'instruction du 13 mai 2009, repris au paragraphe 190 du BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 publié le 3 février 2016, qui commente les dispositions du V de l'article 151 septies du code général des impôts relatives aux plus-values réalisées à la suite d'une expropriation ou de la perception d'indemnités d'assurance, dans les prévisions desquelles il ne rentre pas.

Sur les conclusions relatives au bénéfice de l'abattement prévu par l'article 73 B du code général des impôts :

7. Aux termes de l'article 73 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I.- Le bénéfice imposable des exploitants soumis à un régime réel d'imposition qui bénéficient des prêts à moyen terme spéciaux ou de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs prévus par les articles D. 343-9 à D. 343-16 du code rural, est déterminé, au titre des soixante premiers mois d'activité, à compter de la date d'octroi de la première aide, sous déduction d'un abattement de 50 p. 100. Cet abattement est porté à 100 % au titre de l'exercice en cours à la date d'inscription en comptabilité de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs. / Ces exploitants peuvent demander l'application de l'abattement sur les bénéfices des exercices non prescrits, clos avant l'attribution de ces aides (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, que le bénéfice de l'abattement qu'elles prévoient n'est pas lié au statut juridique de l'exploitation dans laquelle est exercée l'activité agricole mais est subordonné à l'exercice de cette activité sur une exploitation économiquement viable notamment au regard de la surface, des moyens de production et du projet de développement économique.

8. Il résulte de l'instruction que le préfet des Côtes d'Armor a accordé à M. A...une aide à l'installation des jeunes agriculteurs par arrêté du 16 février 2010, soit antérieurement à l'acquisition des parts sociales du GAEC de la Ville Caro. Cette dotation lui a été attribuée, en vertu de l'article D. 343-5 du code rural, au vu de présentation d'un projet d'installation viable au terme de la cinquième année suivant l'installation sur la base d'un plan de développement de l'exploitation, dont l'administration fiscale a eu communication, dont il ressort des éléments cités qu'il était bâti sur le projet de constituer une nouvelle entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) entre deux jeunes agriculteurs pour effectuer la production et les investissements et de transformer le GAEC de la Ville Caro en SCI pour la gestion de l'immobilier repris. M. A... expose, par ailleurs, sans être contredit, que l'acquisition par l'EARL A...-B..., immatriculée le 22 mars 2010 avec un commencement d'activité le 1er mars 2010, des actifs mobiliers du GAEC de Ville Caro constituait un élément favorisant l'installation en permettant, à la différence de l'acquisition des parts sociales, de régénérer les bases d'amortissement. Par conséquent, l'acquisition des parts sociales du GAEC doit être regardée comme ayant été effectuée dans le cadre de l'installation d'une exploitation agricole économiquement viable. Il s'ensuit que les bénéfices réalisés du fait de la cessation d'activité du GAEC peuvent être regardés comme issus de l'activité agricole au titre de laquelle M. A...a bénéficié d'une dotation d'installation. Par suite, ces conditions étant remplies et aucune prescription ne s'y opposant dès lors que M. A...s'en était initialement prévalu, le requérant est fondé à obtenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, le bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 73 B du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes lui a refusé le bénéfice de l'abattement prévu par l'article 73 B du code général des impôts.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. A...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010 à concurrence de la réduction du bénéfice imposable émanant du GAEC de la Ville Caro par application de l'abattement prévu par l'article 73 B du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n°1302294 du 30 septembre 2015 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à M.A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président,

- Mme Malingue, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°18NT04485

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04485
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-28;18nt04485 ?
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