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11/10/2019 | FRANCE | N°18NT03437

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 octobre 2019, 18NT03437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Bourges avait rejeté sa réclamation préalable reçue le 20 mai 2016 tendant à l'indemnisation de ses préjudices subis en raison des fautes de nature contractuelle commises par la commune de Bourges dans la gestion de la fourrière communale depuis le 1er juillet 2002 et, d'autre part, de condamner la commune de Bourges à lui verser la somme de 1 996 328,47 euros en réparation de

ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Bourges avait rejeté sa réclamation préalable reçue le 20 mai 2016 tendant à l'indemnisation de ses préjudices subis en raison des fautes de nature contractuelle commises par la commune de Bourges dans la gestion de la fourrière communale depuis le 1er juillet 2002 et, d'autre part, de condamner la commune de Bourges à lui verser la somme de 1 996 328,47 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2004 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1603041 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la commune de Bourges à verser à M. A... la somme de 2 407 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2018, et des mémoire, enregistrés le 30 juillet 2019 et le 18 septembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses prétentions ;

2°) de condamner la commune de Bourges à lui verser la somme de 1 996 328,47 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2004 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bourges la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les créances dont il se prévaut ne sont pas atteintes par la prescription quadriennale ;

- un expert mandaté dans le cadre d'une autre instance a listé les véhicules mis en fourrière sur décision du maire de Bourges, à savoir 303 véhicules, et chiffré le préjudice résultant de l'absence d'indemnisation de leur gardiennage à 1 996 238,47 euros ; cette appréciation a été reprise à son compte par le tribunal administratif d'Orléans dans un jugement du 30 décembre 2014, lequel est revêtu de l'autorité de la chose jugée, bien qu'il ne statue pas sur un litige opposant les mêmes parties ; la commune de Bourges ne démontre pas que son maire aurait pris les décisions de mainlevée et de destruction nécessaires, s'agissant de ces 303 véhicules ; pour ces véhicules, le préjudice résulte de deux fautes contractuelles, à savoir l'absence de décisions de mainlevée et l'absence de paiement des frais de gardiennage ; ces frais de gardiennage doivent être évalués en retenant comme prix de garde une somme de 3,85 euros HT par jour pour les véhicules dotés de quatre roues et de 2,51 euros HT pour les deux roues en application des stipulations de l'article 4 de la convention conclue avec la commune ;

- les termes de la convention portant sur la fourrière municipale sont analogues à ceux retenus par la convention portant sur la fourrière départementale ; cette circonstance, de nature à induire une incertitude dans l'esprit du requérant sur la portée de ses obligations, est la marque d'un comportement déloyal de la part de l'administration ;

- M. A... n'a pas participé à la réalisation du préjudice dont l'indemnisation est demandée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, et un mémoire, enregistré le 12 septembre 2019, la commune de Bourges, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, demande, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a condamné la commune de Bourges à verser à M. A... la somme de 2 407 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et sollicite qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à supposer que, comme le soutient le requérant, les demandes indemnitaires adressées au préfet aient interrompu la prescription, leur rejet aurait dû être contesté dans un délai raisonnable, ce qui n'a pas été le cas ; la demande de première instance est donc tardive ;

- les créances dont M. A... se prévaut pour des véhicules mis en fourrière antérieurement au 1er janvier 2012 sont atteintes par la prescription quadriennale depuis le 31 décembre 2015 au plus tard ; en effet, premièrement, aucun courrier adressé à la commune antérieurement à l'année 2016 n'est venu interrompre cette prescription ; deuxièmement, les demandes indemnitaires adressées antérieurement au préfet du Cher, et qui n'avaient pas à être transmises à la commune, portaient exclusivement sur l'inexécution de la convention de fourrière conclue avec l'Etat ; troisièmement, ces demandes ont été adressées au préfet du Cher par des courriers dont il n'est pas établi qu'ils aient été réceptionnés par ce dernier ;

- en condamnant la commune à une indemnité de 1000 euros en réparation d'un préjudice résultant de l'absence d'édiction de décisions de mainlevée, les premiers juges ont statué ultra petita car il ne leur était demandé l'indemnisation que du seul préjudice résultant du défaut de paiement de frais de gardiennage ;

- les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 200-321 du 12 avril 2000 ;

- l'arrêté du 14 novembre 2001 fixant les tarifs maxima des frais de fourrière pour automobiles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. A..., et de Me E..., représentant la commune de Bourges.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été désigné par le maire de Bourges comme gardien de la fourrière municipale de véhicules par une convention en date du 1er juillet 2002. Cette convention était, d'après son article 6, applicable pour une durée de deux ans et " renouvelable par tacite reconduction ". M. A... avait préalablement été inscrit par le préfet du Cher sur la liste des gardiens de fourrière agréés et avait été désigné par cette autorité, par une convention applicable à compter du 10 juin 2002, comme gardien de la fourrière départementale de véhicules. Par un courrier notifié le 22 février 2012, le maire de Bourges a informé M. A... de la résiliation de la convention portant sur la fourrière municipale, avec effet au 30 juin 2012. Le 20 mai 2016, M. A... a demandé à la commune de Bourges de lui verser une indemnité de 1 996 328,47 euros en réparation du préjudice résultant, selon lui, de l'absence de paiement de frais de gardiennage de véhicules dus en application de la convention du 1er juillet 2002 portant sur la fourrière municipale et de l'absence d'adoption de décisions de mainlevée s'agissant de 303 véhicules mis en fourrière. Un refus ayant été opposé à cette demande, M. A... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de condamnation de la commune de Bourges au paiement de cette somme, majorée des intérêts de retard au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement du 12 juillet 2018, le tribunal n'a fait droit que partiellement à cette demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à ses prétentions, tandis que, par la voie de l'appel incident, la commune de Bourges demande l'annulation de l'article 1er du jugement, la condamnant au versement d'une indemnité de 2 407 euros augmentée des intérêts et de leur capitalisation.

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. M. A..., évoquant un jugement " statuant infra petita ", doit être regardé comme soutenant que les premiers juges ont omis de statuer sur certaines des conclusions qui leur étaient soumises. Mais ce moyen manque en fait.

En ce qui concerne l'exception de chose jugée :

3. M. A... soutient que, par un jugement du 30 décembre 2014, rendu dans une instance indemnitaire l'opposant à l'Etat, le tribunal administratif d'Orléans a admis le bien-fondé de ses prétentions à l'égard de la commune de Bourges. Il en déduit que l'autorité de la chose jugée, qui s'attache à ce jugement n'ayant pas été frappé d'appel, impose qu'il soit pleinement fait droit à sa demande indemnitaire.

4. Toutefois, ce jugement n'est revêtu que de l'autorité relative de la chose jugée. Ainsi, en l'absence d'identité de parties, d'objet et de cause entre le litige sur lequel il statuait et le présent litige, il ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que les conclusions indemnitaires du requérant ne soient pas intégralement accueillies.

En ce qui concerne l'exception de prescription :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...) ".

6. M. A... soutient que, contrairement à ce que fait valoir la commune de Bourges, aucune des créances dont il se prévaut, et qui correspondent, selon lui, au prix de prestations de gardiennage de véhicules mis en fourrière en application de la convention conclue avec cette commune le 1er juillet 2002 et à l'indemnisation de l'absence de décision de mainlevée concernant 303 véhicules mis en fourrière, n'est atteinte par la prescription quadriennale.

7. Il résulte de l'instruction que ce n'est qu'au cours de l'année 2016 que M. A... a, pour la première fois, demandé l'indemnisation par la commune du préjudice résultant, selon lui, de l'absence de paiement de l'activité de gardiennage de véhicules mis en fourrière, déléguée par la convention du 1er juillet 2002, ainsi que du défaut d'édiction de mesures de mainlevée. En effet, d'une part, ainsi qu'il résulte des termes des courriers qu'il a adressés au préfet du Cher les 22 mars 2004, 15 février 2005 et 26 février 2006, il s'est, en tout état de cause, borné à demander à celui-ci l'indemnisation de frais de gardiennage de véhicules qui lui avaient été confiés en application d'une convention distincte, conclue avec l'Etat le 10 juin 2002 et concernant la seule fourrière départementale. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que des courriers adressés par M. A... à la commune de Bourges antérieurement à l'année 2016 auraient tendu à obtenir le paiement de frais de gardiennage de véhicules demeurés impayés ou l'indemnisation d'un préjudice résultant de l'absence d'adoption, par le maire de Bourges, de décisions de mainlevée de mesures de mise en fourrière concernant la fourrière municipale. Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Cher n'était aucunement tenu de transmettre à la commune de Bourges, en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 aujourd'hui codifié à l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, les demandes pécuniaires dont il a été saisi dès lors que celles-ci ne visaient que l'application de la convention du 10 juin 2002 concernant la fourrière départementale pour laquelle le représentant de l'Etat était fondé à s'estimer seul compétent.

8. En conséquence, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, parmi les créances revendiquées par M. A..., seules celles dont le fait générateur est postérieur au 1er janvier 2012 ne sont pas atteintes par la prescription quadriennale.

En ce qui concerne les préjudices allégués :

S'agissant du cadre juridique :

9. En premier lieu, d'une part, le I de l'article R. 325-12 du code de la route, dans sa rédaction applicable, dispose que la mise en fourrière est le transfert d'un véhicule en un lieu désigné par l'autorité administrative ou judiciaire en vue d'y être retenu jusqu'à décision de celle-ci, aux frais du propriétaire de ce véhicule. Cette mesure intervient, en vertu de l'article L. 325-1 de ce code, à la demande et sous la responsabilité du maire, qui a lui-même ainsi que ses adjoints la qualité d'officier de police judiciaire, ou de l'officier de police judiciaire territorialement compétent. L'article R. 325-31 du même code précise que la mise en fourrière est notifiée par l'auteur de cette mesure au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule. Cette notification s'effectue, selon le I de l'article R. 325-32, dans le délai maximal de cinq jours ouvrables suivant la mise en fourrière du véhicule. Parmi les mentions obligatoires que comporte cette notification, figure, selon le 5° du II du même article, la mise en demeure au propriétaire de retirer son véhicule avant l'expiration d'un délai qui, hors le cas des véhicules déclarés hors d'état de circuler dans des conditions normales de sécurité, est fixé à trente jours. L'article L. 325-7 du code de la route dispose que sont réputés abandonnés les véhicules laissés en fourrière à l'expiration de ce délai.

10. D'autre part, l'article R. 325-19 du code de la route dispose que chaque fourrière relève d'une autorité publique unique, laquelle désigne le gardien de la fourrière sur la liste des gardiens de fourrière agréés par le préfet. Lorsque, conformément à l'article R. 325-21 du même code, la fourrière a été fixée dans un lieu privé, cette autorité publique unique est celle ayant désigné l'occupant des lieux comme gardien de la fourrière. Le I de l'article L. 325-8 du même code prévoit que cette autorité remet au service chargé du domaine les véhicules gardés en fourrière dont elle a constaté l'abandon à l'issue du délai de trente jours précité, en vue de leur mise en vente et ajoute que ceux d'entre eux que le service chargé du domaine estime invendables et ceux qui ont fait l'objet d'une tentative de vente infructueuse sont livrés, sans délai, par l'autorité dont relève la fourrière, à la destruction.

11. Enfin, l'article R. 325-42 du code de la route prévoit qu'aucun véhicule mis en fourrière ne peut être remis au service des domaines en vue de son aliénation ou à une entreprise de démolition en vue de sa destruction sans que la mainlevée de cette mesure ait été préalablement prononcée à l'une ou l'autre de ces fins. Cette décision de mainlevée est, d'après le I de l'article R. 325-38 du code de la route, celle par laquelle toute prescription de mise en fourrière prend fin. Elle émane, selon le II de ce même article, de l'autorité qui a prescrit la mise en fourrière ou de l'officier de police judiciaire chargé d'exécuter cette mesure. Hors le cas des sorties provisoires de véhicules, le véhicule est placé, en vertu de l'article R. 325-23, sous la garde juridique du gardien de la fourrière jusqu'à la date d'effet de la mainlevée.

12. En second lieu, les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. Cette action est ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée d'exécution de celui-ci.

13. En l'espèce, en se bornant à alléguer " la rédaction approximative et déloyale " de la convention du 1er juillet 2002, le requérant n'établit pas que celle-ci serait entachée d'une illégalité telle que le présent litige ne pourrait être réglé sur le fondement de ce contrat. En particulier, d'une part, contrairement à ce qu'il soutient, cette convention ne concerne pas la " fourrière départementale ", qu'elle ne mentionne d'ailleurs dans aucune de ses stipulations, et comporte, notamment dans les clauses financières figurant à son article 4, une rédaction différente de celle du 10 juin 2002 qu'il a par ailleurs conclue avec le représentant de l'Etat. D'autre part, la circonstance que soit visé en tête de la convention du 1er juillet 2002 l'ancien article R. 289-1 du code de la route, abrogé en 2001, est sans influence sur la régularité de celle-ci, alors surtout que le contenu de cette disposition a été repris au paragraphe VI de l'article R. 325-29 de ce code dans sa rédaction applicable à la date de signature du contrat. Au surplus, la durée d'exécution de la convention du 1er juillet 2002 était déjà largement expirée lorsque M. A... a présenté sa demande indemnitaire auprès de la commune de Bourges et il ne peut dès lors plus, en application de la règle rappelée au point précédent, en contester la régularité. Dans ces conditions, la convention du 1er juillet 2002 ne peut être écartée pour régler le présent litige.

14. Ainsi, d'une part, en vertu de l'article 3 de la convention du 1er juillet 2002, la commune de Bourges s'engage à mettre en oeuvre tous les moyens juridiques mis à sa disposition pour limiter le plus possible les délais de garde des véhicules mis en fourrière. S'agissant des véhicules non réclamés par leurs propriétaires, elle apporte la plus grande diligence aux procédures de mise en demeure de ces derniers. D'autre part, il résulte des termes de l'article 4 de cette convention que M. A..., en sa qualité de gardien de la fourrière municipale, est rémunéré par la commune de Bourges, pour la garde des véhicules mis en fourrière, de manière forfaitaire. Le forfait lui étant dû par la commune de Bourges, inchangé durant la période d'exécution de la convention, s'élève à 10 fois le tarif maximal de la garde journalière fixé par un arrêté ministériel du 14 novembre 2001 pour la garde de tout véhicule dont la valeur vénale est inférieure à 765 euros et à 45 fois ce même tarif pour la garde de tout autre véhicule.

S'agissant des préjudices résultant de l'absence de paiement de frais de gardiennage :

15. D'une part, il résulte d'une attestation circonstanciée établie conjointement par le maire de Bourges et le comptable public le 1er mars 2017 que les sommes portées sur neuf factures établies par M. A... au titre de l'année 2012, non prescrite, ont fait l'objet d'un règlement. D'autre part, si l'expert désigné dans le cadre d'une instance opposant M. A... à l'Etat a indiqué que, faute pour le maire de Bourges d'avoir émis des " bons d'enlèvement " de 303 véhicules mis en fourrière, la commune de Bourges était redevable à M. A... d'une somme de 1 996 328,47 euros, cette indication, d'ailleurs insuffisamment étayée, procède notamment d'une inexacte interprétation des stipulations de l'article 4 de la convention liant M. A... à la commune de Bourges, sur l'exécution de laquelle ne portaient d'ailleurs pas les opérations d'expertise. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément justifiant que des frais de garde en fourrière dus par la commune de Bourges au titre de la période non prescrite n'auraient pas fait l'objet d'un règlement, le moyen tiré de ce que la commune de Bourges devait verser à M. A... l'intégralité de la somme précitée, évaluée par l'expert pour la garde de 303 véhicules, doit être écarté.

S'agissant des préjudices résultant de l'absence de décisions de mainlevée :

16. Ainsi qu'il a été dit au point 14, la rétribution attribuée contractuellement à M. A... pour la garde des véhicules mis en fourrière est forfaitaire. Elle n'a pas vocation à augmenter à mesure que la durée de garde augmente, même si cette augmentation est imputable à l'autorité publique dont relève la fourrière. Par conséquent, à supposer même que le maire de Bourges ait effectivement omis de prononcer des décisions de mainlevée des mesures de mise en fourrière, cette circonstance, dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'elle ait modifié l'équilibre économique de la convention, n'est pas de nature à justifier une majoration des frais de garde dus à M. A.... Ainsi ce dernier n'est pas fondé à invoquer une prétendue " saturation de la fourrière " et à se prévaloir de ce que 303 véhicules auraient été mis en fourrière sur demande du maire de Bourges sans, par la suite, faire l'objet de décisions de mainlevée en vue de leur remise au service des domaines, alors qu'ils n'avaient pas été réclamés par leurs propriétaires, et à en déduire que l'absence de décision de mainlevée constituerait une faute contractuelle lui ayant causé un préjudice supérieur à celui indemnisé par les premiers juges par l'allocation d'une somme de 1 000 euros.

Sur les conclusions d'appel incident :

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les premiers juges se sont mépris en estimant que, pour les vingt-six véhicules mentionnés au point 13 du jugement attaqué, les frais de garde en fourrière n'avaient pas été réglés et restaient dus, pour une somme totale de 1 407 euros toutes taxes comprises, en dépit de la prescription des créances contractuelles de M. A... nées antérieurement au 1er janvier 2012. En effet, d'une part, il est établi en appel, par la production de mandats et de tableaux récapitulatifs précis attestant de la concordance entre les factures reçues et les mandats de paiement émis par l'ordonnateur de la commune, que, pour l'ensemble de ces véhicules, les frais de garde ont été réglés et, d'autre part, qu'au surplus, le fait générateur de la créance revendiquée par M. A... s'agissant des véhicules immatriculés 9382 RP 18 et 4016 SE 18 se rapporte à la période couverte par la prescription quadriennale. Ainsi que le soutient la commune de Bourges, c'est donc à tort que les premiers juges ont alloué à M. A... une indemnité de 1 000 euros en réparation d'un préjudice résultant de ce que le maire de Bourges aurait omis de prononcer des décisions de mainlevée concernant seize véhicules.

18. En second lieu, d'une part, si l'article 3 de la convention du 1er juillet 2002 impose à la commune de Bourges de prendre les mesures nécessaires pour réduire le plus possible la durée de garde des véhicules mis en fourrière, il n'est pas établi qu'au titre de la période non prescrite, la commune ait manqué à cette obligation contractuelle. En particulier, il résulte des éléments produits en appel que l'intégralité des véhicules mentionnés par les premiers juges au point 11 du jugement attaqué ont fait l'objet d'arrêtés de destruction en 2012, ce qui implique que la mainlevée de la mesure de mise en fourrière avait, s'agissant de ces véhicules, été préalablement prononcée. D'autre part, et au surplus, ainsi qu'il résulte des énonciations du point 11 du présent arrêt, l'autorité prononçant la mainlevée d'une mesure de mise en fourrière ne correspond pas nécessairement, s'agissant d'une fourrière municipale, à l'autorité dont relève la fourrière. Or il n'est pas établi que, pour les véhicules mentionnés par M. A... et mis en fourrière alors qu'ils se trouvaient sur le territoire communal, un éventuel défaut d'adoption d'une décision de mainlevée soit imputable au maire.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, d'une part, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande et, d'autre part, que la commune de Bourges est fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée, par ce même jugement, à verser à M. A... une somme de 2 407 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourges, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., au titre de ces mêmes dispositions, le versement à la commune de Bourges de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 1603041 du 12 juillet 2018, par lequel la commune de Bourges a été condamnée à verser à M. A... la somme de 2 407 euros augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, est annulé.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Bourges une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune de Bourges.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2019.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT03437

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03437
Date de la décision : 11/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SALOMON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-11;18nt03437 ?
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