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13/03/2020 | FRANCE | N°18NT03377

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 mars 2020, 18NT03377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A..., Mme F... A..., son épouse, agissant en leur nom propre et en qualité de parents de Gérôme A..., ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser diverses indemnités en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge médicale fautive de M. H... A... dans cet établissement. La caisse primaire d'assurances maladie (CPAM) du Calvados est intervenue à l'instance pour demander le rembour

sement des débours exposés par elle à l'occasion de la prise en charge méd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A..., Mme F... A..., son épouse, agissant en leur nom propre et en qualité de parents de Gérôme A..., ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser diverses indemnités en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge médicale fautive de M. H... A... dans cet établissement. La caisse primaire d'assurances maladie (CPAM) du Calvados est intervenue à l'instance pour demander le remboursement des débours exposés par elle à l'occasion de la prise en charge médicale de M. A....

Par un jugement n°1600049 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Caen a partiellement accueilli les demandes des consorts A..., en condamnant le CHU de Caen à leur verser la somme totale de 50 441,83 euros et a rejeté les conclusions de la CPAM du Calvados.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018 sous le n°18NT03377, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 13 juillet 2018 du tribunal administratif en ce qu'il n'a pas accueilli sa demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 52 670,43 euros au titre des débours occasionnés par la prise en charge de M. A... ou, subsidiairement, la somme de 43 336,43 euros, ces sommes portant intérêts et capitalisation, ainsi qu'une indemnité forfaitaire de gestion de 1 066 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dès lors que les débours qu'elle a exposés pour le compte de M. A... sont en relation directe, certaine et exclusive avec les complications nées du comportement fautif du CHU ;

- l'infection dont a été victime M. A... existait à compter de février 2011 et les débours dont elle demande le remboursement doivent être pris en compte à partir de ce moment, pour un montant total de débours de 52 670, 43 euros ;

- subsidiairement, la période à prendre en compte ne peut pas remonter au-delà du mois de mars 2012, et le montant des débours s'élève alors à 43 336,43 euros ;

- elle est également fondée à obtenir une indemnité forfaitaire de gestion.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2019 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que ;

- la demande de la CPAM est irrecevable dès lors qu'il n'est aucunement justifié du lien entre les débours dont il est demandé le remboursement et les actes médicaux fautifs qui lui sont imputés ;

- les moyens invoqués par la CPAM du Calvados ne sont pas fondés.

II) Par une requête enregistrée le 14 septembre 2018 sous le n° 18NT03468

M. H... A..., représenté par Me I..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Caen en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande relative à l'indemnisation de son préjudice relatif au besoin permanent d'assistance par tierce personne ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser une somme complémentaire de 253 664,20 euros au titre de ce préjudice ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas justement apprécié les conséquences qu'ont provoqué sur son état de santé général les différentes interventions qu'il a subies au CHU de Caen ; en effet son état de santé après consolidation est aggravé par rapport à celui qui était le sien à l'issue de l'implantation du neuro-stimulateur réalisée en novembre 2008 ;

- cette mauvaise appréciation de son état de santé actuel a conduit le tribunal administratif à se tromper dans son évaluation du besoin d'assistance par tierce personne ;

- l'expert judicaire a reconnu un besoin d'assistance d'une heure par jour, ce qui correspond à un préjudice de 253 664,20 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2019 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me I..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., auquel a été implanté en novembre 2008 un neuro-stimulateur interne afin de soulager d'importantes douleurs lombaires et des membres inférieurs, a subi le

27 septembre 2010 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen une intervention en vue du remplacement d'une électrode cassée à la suite d'une chute. En raison d'un début d'ischémie cutanée et sous cutanée, une autre intervention a eu lieu le 14 février 2011 afin de déplacer le boîtier du neuro-stimulateur. La persistance des douleurs et un nouveau début d'ischémie ont rendu nécessaire une troisième intervention, qui a eu lieu le 19 août 2011. Une extériorisation de fil et de la pointe du boîtier accompagnées d'un écoulement séro-sanglant ont conduit à une nouvelle intervention réalisée le 3 novembre 2011. Les douleurs persistant, un diagnostic d'infection au niveau de la pile du stimulateur a été posé le 16 mars 2012. Cette dernière a été enlevée le 19 mars 2012 et M. A... a fait l'objet pendant plusieurs mois d'un traitement par antibiotiques. L'électrode du neuro-stimulateur a également été enlevée, par précaution, le 26 octobre 2012. M. A... a été déclaré guéri de l'infection au 18 décembre 2012. Il a demandé en août 2014 au juge des référés du tribunal administratif de Caen de désigner un expert afin de se prononcer sur les conditions dans lesquelles il avait été pris en charge par le CHU de Caen et sur les éventuels préjudices en ayant résulté. Ce rapport a été remis au mois de mars 2015. M. A..., son épouse, tous deux agissant également pour le compte de leur fils alors mineur, ont déposé en janvier 2016 des conclusions indemnitaires devant le tribunal administratif de Caen. La CPAM du Calvados est intervenue à l'instance pour réclamer au CHU le remboursement des débours exposés pour son assuré M. A.... Par un jugement du 13 juillet 2018 le tribunal administratif a partiellement accueilli les conclusions des consorts A... et rejeté celles de la caisse. Par deux requêtes n°18NT03377 et

n° 18NT03468 qu'il y a lieu de joindre, M. A... et la CPAM du Calvados relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité du CHU de Caen :

2. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté en appel que la responsabilité du CHU de Caen a été reconnue à raison de l'infection nosocomiale survenue au cours de l'intervention pratiquée sur M. A... le 3 novembre 2011.

Sur les droits de la CPAM du Calvados :

3. Les premiers juges ont rejeté les conclusions de la CPAM du Calvados au motif qu'en se bornant à produire un état de ses dépenses à compter du 14 février 2011 celle-ci n'établissait pas de lien d'imputabilité entre les frais dont elle demandait le remboursement et les seules conséquences de l'infection nosocomiale dont avait été victime M. A....

4. En dépit de ce qui précède, et alors même qu'elle relève appel de ce jugement, la caisse s'est limitée à produire devant la cour deux attestations d'imputabilité signées par un de ses médecins conseils et deux états des débours, tous datés du 6 septembre 2018, qui font respectivement état d'un montant de dépenses de 43 336,43 euros et de 52 670,43 euros, selon que les frais d'hospitalisation de M. A... en 2011 sont ou non pris en compte. Dans la mesure où la caisse n'est en droit de se faire rembourser que les débours exposés pour M. A... qui sont en lien direct avec la faute commise par le CHU de Caen et l'infection nosocomiale qui en est résulté, ces documents, qui se présentent sous la forme d'un décompte global par grandes masses de dépenses, ne permettent pas à la cour de vérifier que les sommes réclamées sont effectivement en lien avec les faits médicaux fautifs dont M. A... a été victime.

5. Il appartient par suite à la cour, au vu du caractère insuffisant des documents qui lui ont été présentés, d'ordonner avant dire droit une mesure supplémentaire d'instruction afin de faire produire par la CPAM du Calvados des éléments suffisamment détaillés pour permettre de déterminer le quantum des débours supportés directement lié à la faute commise par le CHU de Caen le 3 novembre 2011.

Sur les préjudices de M. A... :

6. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que le besoin d'assistance par tierce personne de M. A... a été fixé, à partir de la date de consolidation de son état de santé, à une heure par jour. Contrairement à ce qu'indique le tribunal administratif au point 16 de son jugement, l'état consolidé de M. A... n'est pas équivalent à son état avant que ne lui ait été posé, en novembre 2008, un neuro-stimulateur interne, l'intéressé ne disposant plus aujourd'hui d'un tel appareil mais seulement d'un

neuro-stimulateur externe, qu'il ne peut faire fonctionner que de manière temporaire, de sorte que sa capacité fonctionnelle est réduite en raison des conséquences de l'infection nosocomiale. M. A... est, par suite, fondé, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, à demander l'indemnisation de ce préjudice.

7. L'état de santé de M. A... étant consolidé au 18 décembre 2012, le préjudice de l'intéressé au titre de son besoin en assistance par tierce personne jusqu'au 13 mars 2020, date de lecture du présent arrêt, s'élève, sur la base de 2 898 jours indemnisables et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche et des jours fériés fixé à 13,52 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, à 39 181 euros, dont il y aura lieu de déduire, le cas échéant, les sommes perçues par M. A... au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne ou de tout autre allocation ayant le même objet au cours de cette période.

8. Il y a lieu en outre, au titre des dépenses futures que M. A... devra supporter pour son besoin d'assistance quotidienne, lequel a été maintenu à une heure par jour par l'expert, de prendre en compte un taux horaire de 14 euros, intégrant les charges sociales, et de mettre à la charge du CHU de Caen une rente versée par trimestre échu d'un montant de 1 442 euros, sous déduction le cas échéant des sommes que percevrait M. A... au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne ou de tout autre allocation ayant le même objet au cours de chaque trimestre et dont il devra justifier au préalable auprès du CHU. Cette rente sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

9. Il résulte de ce précède que M. A... est fondé à demander la réformation du jugement attaqué dans la mesure définie aux points 7 et 8.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Caen une somme de 1 500 euros au profit de M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le CHU de Caen a été condamné à verser à M. A... par le tribunal administratif de Caen est portée à 89 622,83, sous les réserves définies dans les motifs du présent arrêt.

Article 2 : Le CHU de Caen versera par trimestre échu à M. A... une rente trimestrielle d'un montant de 1 442 euros, sous les réserves définies dans les motifs du présent arrêt. Cette rente sera revalorisée par application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement n°1600049 du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2.

Article 4 : Le CHU de Caen versera 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Il sera procédé, avant de statuer sur la requête de la CPAM du Calvados, à un supplément d'instruction visant à la production par elle, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, d'un état de ses débours et d'une attestation d'imputabilité faisant apparaître de manière détaillée le quantum de ses débours en lien direct avec la faute imputable au CHU de Caen.

Article 6 : Tous droits et moyens de la CPAM du Calvados sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, au centre hospitalier universitaire de Caen, à M. H... A..., à Mme F... A..., à M. D... A..., à la Société mutuelle Premavals Gfp et à la Société mutuelle santé Groupama centre Manche.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 mars 2020.

Le rapporteur

A. C...

Le président

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 18NT03377, 18NT03468 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03377
Date de la décision : 13/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-13;18nt03377 ?
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