La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2020 | FRANCE | N°19NT00843

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 avril 2020, 19NT00843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une requête enregistrée sous le n°1800081, M. C... F...-G... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie en décembre 2016, de condamner la commune de Torigny-les-villes à

verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-ville...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une requête enregistrée sous le n°1800081, M. C... F...-G... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie en décembre 2016, de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral qui résulterait de l'abattage des tilleuls restants situés Pont Bénédict, secteur du camping, lieu-dit le Champêtre, et route départementale 974 et de condamner la commune de Torigny-les-villes à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice écologique, historique, culturel, environnemental et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie en décembre 2016.

II. Par une requête enregistrée sous le n°1800085 l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche, a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie, en décembre 2016 et de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial, écologique et moral qui résulterait de l'abattage des tilleuls restants situés pont Bénédict, secteur du camping, lieu-dit le Champêtre et route départementale 974.

Par un jugement n°s 1800081,1800085 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 27 février 2019, sous le n°19NT00843, l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche représentée par Me F...-G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie, en décembre 2016 ;

3°) de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial, écologique et moral qui résulterait de l'abattage des tilleuls restants situés pont Bénédict, secteur du camping, lieu-dit le Champêtre et route départementale 974 ;

4°) Subsidiairement, d'annuler la décision du 8 février 2017 de l'architecte des bâtiments de France ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Torigny-les-villes la somme de 3 000 euros, à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de n'avoir évoqué ni la valeur historique et écologique des tilleuls détruits ni certaines attestations produites par des arboristes grimpeurs ni les propos de Francis Hallé ;

- l'article L. 341-1 du code de l'environnement a été méconnu ;

- le maire a commis une faute en décidant de l'abattage des arbres sans recueillir préalablement l'autorisation prévue par les articles L. 621-30, L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine, sans faire procéder à une expertise préalable qui eût établi que ces arbres présentaient un danger et sans avoir prévu de mesures compensatoires, au sens et pour l'application de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, sans avoir effectué une déclaration préalable et sans délibération du conseil municipal ; le maire n'était pas compétent pour décider seul de l'abattage des arbres ;

- la commune a commis une faute résultant de deux erreurs manifestes d'appréciation en décidant, d'une part, de l'abattage de la majeure partie des arbres anciens de la commune au lieu de mettre en oeuvre un plan de gestion qui les aurait préservés, d'autre part de l'abattage de tilleuls dont un expert préconisait la conservation et qui pour la moitié d'entre eux étaient en bon état ;

- la commune a commis une faute par violation des dispositions des articles L. 350-3 du code de l'environnement et L. 621-30 L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine ;

- elle est fondée à demander réparation du préjudice écologique, environnemental, historique et culturel subi, du fait de l'abattage des cent-un tilleuls séculaires situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie, à hauteur de la somme d'un million d'euros ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 mai 2019 et le 21 février 2020, la commune de Torigny-les-villes, représentée par Me Giren-Azzis, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association ne sont pas fondés et que les conclusions indemnitaires aux sommes de 20 000 euros s'agissant du préjudice personnel de M. F...-G... pour les travaux effectués en décembre 2016 et celui lié aux travaux sur les tronçons 6 à 9 sont irrecevables car il n'y a pas eu de demande préalable et d'autre part de la même somme s'agissant de ces derniers travaux, car ces conclusions sont nouvelles en appel.

II. Par une requête enregistrée le 27 février 2019, sous le n°19NT00845, M. F...-G... représenté par Me Jourdan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie, en décembre 2016 ;

3°) de condamner la commune de Torigny-les-villes à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial, écologique et moral qui résulterait de l'abattage des tilleuls restants situés pont Bénédict, secteur du camping, lieu-dit le Champêtre et route départementale 974 ;

4°) de condamner la commune de Torigny-les-villes à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice écologique, historique, culturel, environnemental et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie en décembre 2016 ;

5°) Subsidiairement, d'annuler la décision du 8 février 2017 de l'architecte des bâtiments de France ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Torigny-les-villes la somme de 3 000 euros, à verser à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de n'avoir évoqué ni la valeur historique et écologique des tilleuls détruits ni certaines attestations produites par des arboristes grimpeurs ni les propos de Francis Hallé.

- l'article L. 341-1 du code de l'environnement a été méconnu ;

- le maire a commis une faute en décidant de l'abattage des arbres sans recueillir préalablement l'autorisation prévue par les articles L. 621-30, L. 621-31 et L. 621-32 du code de patrimoine, sans faire procéder à une expertise préalable qui eût établi que ces arbres présentaient un danger et sans avoir prévu de mesures compensatoires, au sens et pour l'application de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, sans avoir effectué une déclaration préalable et sans délibération du conseil municipal ; le maire n'était pas compétent pour décider seul de l'abattage des arbres ;

- la commune a commis une faute résultant de deux erreurs manifestes d'appréciation en décidant, d'une part, de l'abattage de la majeure partie des arbres anciens de la commune au lieu de mettre en oeuvre un plan de gestion qui les aurait préservés, d'autre part de l'abattage de tilleuls dont un expert préconisait la conservation et qui pour la moitié d'entre eux étaient en bon état ;

- la commune a commis une faute par violation des dispositions des articles L. 350-3 du code de l'environnement et L. 621-30 L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine ;

- elle est fondée à demander réparation du préjudice écologique, environnemental, historique et culturel subi, du fait de l'abattage des cent-un tilleuls séculaires situés au pied du mur Grimaldi et rue de l'Orangerie, à hauteur de la somme d'un million d'euros ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 mai 2019 et le 21 février 2020, la commune de Torigny-les-villes, représentée par Me Giren-Azzis, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. F...-G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association ne sont pas fondés et que les conclusions indemnitaires aux sommes de 20 000 euros s'agissant du préjudice personnel de M. F...-G... pour les travaux effectués en décembre 2016 et celui lié aux travaux sur les tronçons 6 à 9 sont irrecevables car il n'y a pas eu de demande préalable et s'agissant de ces derniers travaux, ces conclusions sont nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Giraud,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me C...-G..., représentant l'association défense du patrimoine arboré de Torigny les villes et des communes de la Manche, et les observations de Giren-Azziz, représentant la commune de Torigny les Villes.

Considérant ce qui suit :

1. Par lettre du 23 septembre 2018, M. F...-G..., en son nom propre et en qualité de membre du conseil d'administration de l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche, a présenté à la commune de Torigny-les-villes une réclamation indemnitaire en réparation des préjudices subis par lui-même et par l'association, du fait de l'abattage de cent-un tilleuls le long du mur Grimaldi et de la rue de l'Orangerie à Torigny-surVire en décembre 2016, et des éventuels préjudices que l'association subirait du fait de l'abattage des arbres centenaires restants, situés au pont Bénédict, au camping, route départementale 974, et au lieu-dit Le Champêtre. La commune a opposé un refus express à cette réclamation par lettre du 17 novembre 2017. M. C... F...-G... et l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche relèvent appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

2. Les requêtes de M. C... F...-G... et de l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche portent sur le même litige. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". L'alinéa 2 de l'article R. 741-2 de ce code prévoit que la décision de justice " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

4. Si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. Ainsi, si le tribunal administratif n'a mentionné ni la valeur historique et écologique des tilleuls détruits ni certaines attestations produites par des arboristes grimpeurs ni les propos de Francis Hallé, il a répondu au moyen tiré de ce que la décision de la commune de procéder à la taille des arbres aurait constitué une faute. Par suite, il a suffisamment motivé son jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué:

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. (...) Les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords ". Aux termes des dispositions de l'article L.341-1 du code de l'environnement " Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier, l'inscription sur la liste est prononcée par arrêté du ministre chargé des sites et, en Corse, par délibération de l'Assemblée de Corse après avis du représentant de l'Etat. L'inscription entraîne, sur les terrains compris dans les limites fixées par l'arrêté, l'obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d'exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d'entretien en ce qui concerne les constructions sans avoir avisé, quatre mois d'avance, l'administration de leur intention. ".

6. Les requérants ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ont été méconnues, celles-ci n'étant pas applicables s'agissant de l'alignement au droit du mur Grimaldi situé aux abords du château dont les arbres font l'objet d'une protection au titre des abords d'un monument historique, dès lors que le 5° des dispositions précitées de l'article L. 621-30 prévoit que les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine: " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable ". Aux termes de l'article R. 621-96 du même code: " L'autorisation prévue à l'article L. 621-32 est régie par la présente sous-section ". Aux termes de l'article R. 621-62-1 de ce code : " Pour les travaux non soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme concernant un immeuble inscrit adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, la demande d'autorisation prévue au II de l'article L. 621-32 tient lieu de la déclaration prévue à l'article L. 621-27 ". Aux termes de l'article R. 621-96-8 de ce code: " Le maire conserve un exemplaire du dossier et, dans la semaine qui suit le dépôt de la demande, transmet un exemplaire de la demande et du dossier au préfet, et un exemplaire au service déconcentré chargé de l'architecture et du patrimoine ". Aux termes de l'article R. 621-96-9 de ce code: " Lorsque le dossier est complet, le silence gardé par le préfet pendant plus de quarante jours à compter du dépôt de la demande vaut décision de rejet, conformément au sixième alinéa de l'article L. 621-32 ". Il résulte des dispositions précitées que les travaux sur des sites inscrits au titre des abords d'un monument historique doivent faire l'objet d'un accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques. Cet accord est implicitement donné au terme d'un silence du préfet de quarante jours à compter du dépôt de la demande.

8. D'une part, comme indiqué précédemment, les arbres situés le long du mur Grimaldi et de la rue de l'Orangerie, dans le périmètre du château Grimaldi, font l'objet d'une protection au titre des abords d'un monument historique, sur le fondement de l'article L. 621-30 précité du code du patrimoine. Il résulte de l'instruction que l'architecte des bâtiments de France, sollicité deux fois par la commune, sous couvert du préfet de région, par des lettres des 15 septembre 2016 et 3 février 2017, a donné un accord tacite né le 23 octobre 2016 qu'il a confirmé par lettre du 8 février 2017 aux travaux liés à la quatrième phase d'abattage-reconstruction menée par la commune portant sur les arbres du site des Etangs. Par ailleurs, les abattages et les coupes sur les tronçons 6 à 8, envisagés, n'ont pas été réalisés.

9. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que cet abattage aurait dû faire l'objet d'une déclaration préalable sur le fondement du code de l'urbanisme, et notamment sur les dispositions des articles R. 421-23 invoquées par les requérants relatifs à des secteurs sauvegardés qui prévoient que " doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) g) Les coupes et abattages d'arbres dans les bois, forêts ou parcs situés sur le territoire de communes où l'établissement d'un plan local d'urbanisme a été prescrit, ainsi que dans tout espace boisé classé en application de l'article L. 113-1 ; h) Les travaux ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a identifié, en application de l'article L. 151-19 ou de l'article L. 151-23, comme présentant un intérêt d'ordre culturel, historique, architectural ou écologique ; (...) ". En effet, d'abord, il ne résulte pas de l'instruction que les coupes et abatages aient porté sur un espace boisé classé prévu au point g). Ensuite, aucun plan local d'urbanisme n'est en cours d'élaboration sur le territoire de la commune. Enfin, les travaux mentionnés au point h) ne concernent pas les coupes et abattages. Par ailleurs, les dispositions de l'article R. 421-24 ne sont pas utilement invocables dès lors que les arbres abattus ne se trouvaient pas dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité.

10. Par suite, les moyens tirés du défaut de déclaration préalable, du défaut de recueil préalable de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine et de la violation des dispositions combinées des articles L.621-30, L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine doivent être écartés.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (...) / 4° De diriger les travaux communaux ; 5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ".

12. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'entretien du patrimoine arboré de la commune aurait dû faire l'objet d'une délibération du conseil municipal. En tout état de cause, par une délibération du 12 avril 2016, le conseil municipal a approuvé le report d'un crédit de 142 628 euros au titre des dépenses d'investissement pour la " plantation d'arbres et d'arbustes ", qui a fait l'objet d'une information lors de la séance de la commission " travaux " du 8 mars 2016. Par une décision modificative du 29 novembre 2016, le conseil municipal a approuvé une ligne budgétaire de 38 000 euros au titre de " Plantation d'arbres et d'arbustes ". Par suite, le moyen tiré de ce que le conseil municipal aurait dû délibérer préalablement à la décision d'abattage des arbres doit être écarté.

13. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'un rapport commandité par la commune à un expert et rendu en 2002 a préconisé, sur la base de l'observation du degré de dégradation des sujets, la mise en oeuvre d'un " plan de régénération " des 550 arbres situés autour de l'étang des Grimaldi, consistant dans le renouvellement de 425 d'entre eux, l'abattage sans replantation d'un nombre indéterminé d'autres et la conservation à long terme, soit à l'horizon 2017, de 142 autres, parmi lesquels les tilleuls du " mur Grimaldi " plantés en 1733, toutes préconisations qui ont été partiellement suivies par l'autorité communale, qui en tout état de cause n'était pas liée par celles-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune aurait commis une faute en suivant ce " plan de régénération " au lieu d'un prétendu " plan de gestion ", dont les requérants ne précisent pas au demeurant le contenu, doit être écarté.

14. Les requérants soutiennent également que la commune ne devait pas abattre les 83 tilleuls du mur Grimaldi, dont le rapport précité préconisait la conservation. Toutefois, la commune n'était pas liée par les termes de ce rapport et les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu'une erreur de fait aurait été commise. De plus, selon les termes du rapport Bazin daté du 15 septembre 2016, le même expert a constaté que beaucoup de ces arbres avaient été fragilisés, notamment par des tailles maladroites et intempestives, ce que confirme une élagueuse citée par le requérant, et que leur renouvellement s'imposerait " à court ou moyen terme ". Si les requérants font valoir que les souches des arbres abattus sont saines pour la plupart, un autre expert, mandaté par les requérants, refuse de se prononcer, à partir de ce fait, sur l'état de santé des arbres et notamment leur dangerosité, qui lui est liée. La commune fait valoir par ailleurs que, si plusieurs arbres étaient encore sains, l'abattage de l'ensemble s'imposait pour préserver la cohérence d'ensemble de l'alignement qu'ils composaient et qui était précisément menacée par la dégradation de nombre d'entre eux. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune aurait commis une faute, compte tenu de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision d'abattage des tilleuls du mur Grimaldi, doit être écarté.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 350-3 du code de l'environnement : " Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures. Des dérogations peuvent être accordées par l'autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. Le fait d'abattre ou de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres donne lieu, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l'entretien ultérieur ".

16. D'une part, s'agissant de la caractérisation du danger représenté par les arbres du mur Grimaldi, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de risque établi par la société Aubépine, le 16 novembre 2017, que le risque pour les personnes, présenté par des arbres parmi lesquels bon nombre souffraient de problèmes mécaniques, était particulièrement important, compte tenu de la fréquentation du lieu. S'agissant de la préservation de la biodiversité, il est constant que l'abattage des arbres du mur Grimaldi a été suivi de la plantation de jeunes pousses. Si les requérants font valoir à cet égard que la plantation de jeunes pousses n'est pas équivalente au maintien de vieux sujets, les dispositions de l'article L. 350-3 prévoient toutefois explicitement une telle mesure.

17. D'autre part, si les requérants font grief à la commune de ne pas avoir prévu de mesures compensatoires à l'abattage des arbres situés mur Grimaldi et rue de l'Orangerie, il résulte de l'instruction que l'abattage des arbres contesté doit être suivi d'une replantation.

18. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 350-3 du code de l'environnement doit être écarté.

19. En sixième lieu, les conclusions dirigées contre la décision de l'architecte des bâtiments de France du 3 février 2017 qui ne sont assorties d'aucun moyen sérieux, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ni d'examiner les fin de non-recevoir opposées en défense, que l'Association La défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche et M. F...-G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Torigny-les-villes, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement aux requérants de la somme que ceux-ci demandent. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Association la défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche et M. F...-G... le versement, chacun, à la commune de Torigny-les-villes d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de l'Association La défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche et de M. F...-G... sont rejetées.

Article 2 : L'Association La défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche versera à la commune de Torigny-les-villes, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. F...-G... versera à la commune de Torigny-les-villes 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F...-G..., l'Association la défense du patrimoine arboré de Torigny-les-villes et des communes de la Manche et à la commune de Torigny-les-villes.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur,

T. GiraudLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19NT00843-19NT00845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00843
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : MARIE-DOUTRESSOULLE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;19nt00843 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award