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11/06/2020 | FRANCE | N°18NT00083

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 juin 2020, 18NT00083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 auxquels il a été assujetti.

Par un jugement n° 1504401 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 9 janvier et 5 septembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 auxquels il a été assujetti.

Par un jugement n° 1504401 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 janvier et 5 septembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il est entaché d'une contradiction concernant le prix moyen d'achats revendus de produits à 4,50 euros, que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la lettre recommandée du 28 novembre 2013, prorogeant de trois à six mois le délai de vérification sur place en application de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales et que le jugement mentionne l'article 52 et non L. 52 de ce livre ;

- le jugement méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- l'administration n'a pas respecté les droits de la défense ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas respecté son obligation d'adresser préalablement à l'engagement de la vérification de comptabilité un avis de vérification satisfaisant aux conditions prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et la charte du contribuable vérifié dans les conditions prévues par l'article L. 10 du même livre ; il se prévaut de la doctrine administrative 13 L-1513 n°19 du 1er avril 1995, de la documentation BOI-CF-PGR-20-10 n° 1, 20 et 30 du 22 mai 2015 et de la note 13 L-10-77 du 30 décembre 1977 ;

- l'administration ne lui a pas adressé au moins une mise en demeure avant l'imposition : il se prévaut des instructions 13 L-1-78 du 17 janvier 1978, 13 L-65-86 du n°19 du 10 octobre 1986, 13 L-7-88 du 6 mai 1988 et 5 B-8211 n°s 28 et 29 du 15 mai 1991 et 13 L-1451 n° 78 du 1er juillet 1989 ; elle ne démontre pas préalablement la présence d'irrégularités importantes dans la comptabilité pour retenir la qualification de graves irrégularités au sens de l'instruction 13 L-10-08 n° 3 du 18 décembre 2008 et de la documentation BOI-CF-PGR-20-30 n° 1, 10, 100 et 140 du 20 décembre 2017 ;

- elle n'a pas respecté son obligation de communiquer les documents en sa possession en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle n'a pas engagé un véritable débat oral et contradictoire comme le prévoient la réponse ministérielle Bourg-Broc du 1er juin 1987, p. 3171, n° 21014, l'instruction 4 G-223 n°5 du 15 mai 1993 et les doctrines BOI-IS-DECL-30-40-20-20 n° 150 du 12 septembre 2012, BOI-IS-DECL-30-10-40 n° 260 du 12 septembre 2012 et BOI-CF-PGR-30-10 n° 200 et suivants du 12 septembre 2012 ; la proposition de rectification ne mentionne pas l'existence d'un tel débat ; l'administration a ainsi manqué à son devoir de loyauté ;

- s'agissant de l'envoi d'un avis de vérification et d'une charte du contribuable vérifié avant l'engagement du contrôle, la signature portée sur l'accusé de réception n'est pas la sienne ; de plus, l'administration a commis une erreur sur son adresse ;

- la prorogation du délai de vérification de comptabilité n'est pas suffisamment motivée dans la lettre du 28 octobre 2013 dont il conteste avoir été régulièrement destinataire dans la mesure où il ne l'a pas réceptionnée ; les mises en demeure avant la taxation d'office ont été envoyées à une adresse qui n'est pas la sienne ; l'administration a méconnu les dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; il se prévaut de l'instruction 13 L-1008 n° 3 et 5 du 18 décembre 2008 et des documentations BOI-CF-PGR-20-30 n° 140 du 20 décembre 2017, BOI-CF-IOR-10-50 n° 640 du 20 décembre 2017, BOI-CF-PGR-20-30 n°1, 10, 100 et 140 du 20 décembre 2017 ;

- il n'a pas reçu de mise en demeure avant la procédure de taxation d'office ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne la remise en cause du caractère probant de la comptabilité et la reconstitution du chiffre d'affaires ;

- la réponse de l'administration à ses observations n'est pas suffisamment motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- le caractère probant de la comptabilité résulte des documents comptables et des pièces équivalentes qu'il a pu présenter ;

- relevant du régime dit micro-entreprise prévu par les articles L. 123-12 et suivants du code de commerce, les pièces complémentaires prévues aux articles L. 123-12 du même code, qui ont été demandées par l'administration, ne lui étaient pas applicables ;

- eu égard aux conditions d'exercice de son activité individuelle et au fait que le montant unitaire des opérations enregistrées était inférieur à 76 euros, il pouvait inscrire le montant global de ses recettes saisonnières en fin de journée ; l'administration a méconnu les dispositions du 3° de l'article 286 du code général des impôts qui prévoient que peuvent être inscrites globalement en fin de chaque journée les recettes au comptant d'un tel montant unitaire ;

- la globalisation des sommes en fin de journée suffisait à assurer la régularité de sa comptabilité dont seule la valeur probante a été remise en cause ;

- les diverses irrégularités de comptabilité ou anomalies mineures n'autorisaient pas l'administration à remettre en cause le caractère régulier, probant et sincère de la comptabilité ;

- l'administration n'a pas opéré plusieurs méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires comme le prévoit la documentation 4 G-3342 n°6 du 25 juin 1998 ; il existe une erreur de calcul dans la détermination des pertes et offerts ;

- il se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 40 de la documentation administrative BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 n°40 du 17 mars 2014, de la documentation de base 4 G-3342 n° 4 du 25 juin 1998, qui précise que les renseignements donnés par les contribuables doivent être retenus s'ils sont jugés acceptables, et des réponses ministérielles des 21 septembre 1957 et 22 juin 1972 aux questions écrites de MM. D... et B..., députés, selon lesquelles les commerçants qui procèdent à l'inscription globale en fin de journée de leurs recettes peuvent être dispensés d'en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement tenue ;

- il remet en cause l'application des taux de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne la taxe collectée dès lors que l'administration s'est fondée sur les factures d'un seul fournisseur ; celle-ci n'a pas pris en compte la taxe déductible ;

- les redressements des bénéfices industriels et commerciaux sont manifestement excessifs ;

En ce qui concerne les pénalités :

- la proposition de rectification ne précise ni la base ni le calcul de l'imposition retenue et ne cite pas l'article 1727 du code général des impôts ; elle ne mentionne pas le montant des redressements pratiqués chaque année d'imposition ; les dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors que la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée sur les intérêts de retard et que les bases servant au calcul des impositions d'office n'ont pas été connues avant le recouvrement ; la procédure est irrégulière du fait d'une irrégularité substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- l'application des intérêts de retard méconnaît les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le taux annuel de l'intérêt de retard devait être limité au taux annuel de l'intérêt légal ;

- il conteste la majoration de 40 % en application du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement :

- l'avis de mise en recouvrement du 13 novembre 2014 ne se réfère à aucun texte de loi pour la taxe sur la valeur ajoutée et ne donne pas de précisions suffisantes pour une meilleure compréhension ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mai 2018 et 25 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exploite depuis 2008 un fonds de commerce de bar et de petite restauration-sandwicherie à l'enseigne " Lolly Papaye " sur la plage de Saint-Dieu à Lancieux, a opté pour le régime de la franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée et celui dit des micro-entreprises en matière de bénéfices industriels et commerciaux, prévu à 1'article 50-0 du code général des impôts. Compte tenu du chiffre d'affaires déclaré de 91 668 euros en 2011, qui a dépassé le seuil de 89 600 euros au titre de l'année 2011, prévu à l'article 50-0 du code général des impôts, M. C... ne pouvait plus bénéficier en matière de taxe sur la valeur ajoutée du droit de la franchise en base à compter du premier jour du mois de dépassement, soit le 1er janvier 2011 ainsi que du régime dit des micro-entreprises en matière de bénéfices industriels et commerciaux pour les années 2011 et 2012. Il relevait, à compter de la même date, de plein droit du régime simplifié d'imposition, régi par l'article 302 septies A bis du même code. Alors qu'il était désormais tenu de souscrire, au titre des années 2011 et 2012, les déclarations annuelles de résultats en matière de bénéfices industriels et commerciaux et les déclarations annuelles modèle CA12, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, il ne l'a pas fait, malgré les mises en demeure du 25 juillet 2013 qui lui ont été adressées par le service. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 au cours de laquelle le vérificateur a rejeté la comptabilité de M. C... et reconstitué son chiffre d'affaires, M. C... a fait l'objet d'une taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'une évaluation d'office en matière de bénéfices industriels et commerciaux. Par un jugement du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement, en mentionnant que pour la reconstitution du chiffre d'affaires, le vérificateur a appliqué, s'agissant des produits dits " paninis ", aux achats revendus un prix moyen de 4,50 euros, inférieur à la moyenne des prix pratiqués sur la gamme qui allait de 4 à 7 euros, ne comporte aucune contradiction chiffrée entre le prix moyen et la moyenne des prix dans la mesure où le prix de 4,50 euros est effectivement inférieur à la moyenne de la gamme de produits allant de 4 à 7 euros, soit 5,50 euros. Ce moyen, qui relève au demeurant du bien-fondé du jugement et non de sa régularité, doit être écarté.

3. En deuxième lieu, M. C... soutient que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la lettre recommandée du 28 novembre 2013, prorogeant de trois à six mois le délai de vérification sur place en application de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Toutefois, ce moyen n'a pas été invoqué en première instance.

4. Enfin, si le jugement mentionne l'article 52 et non L. 52 du livre des procédures fiscales, cette erreur matérielle ne rend pas insuffisante la motivation du jugement.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé au sens de l'article L. 9 du code de justice administrative, n'est pas irrégulier.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu (...) ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ".

7. Lorsque le contribuable soutient que l'avis d'accusé de réception d'un pli recommandé, portant notification de l'engagement d'une vérification de comptabilité, n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. Dans le cas où le contribuable n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire des avis litigieux et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli.

8. M. C... soutient qu'il n'a été destinataire ni d'un avis de vérification ni de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Toutefois, l'administration produit l'accusé de réception postal, qui lui a été retourné, portant les mentions " AR 3927 + Charte ", " avisé " le 29 juillet 2013, " distribué " le 30 juillet 2013, et sur lequel est apposée une signature du requérant. Si M. C... affirme que cette signature n'est pas la sienne, il ne le démontre pas. Le pli recommandé a été envoyé, sans erreur, à l'adresse située rue de Saint-Sieu Plage à Lancieux. M. C... n'établit pas avoir fait des démarches pour obtenir l'avis de vérification du 25 juillet 2013 et la charte. Ainsi, l'administration doit être regardée comme ayant satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions des articles L. 10 et L. 47 du livre des procédures fiscales.

9. En deuxième lieu, M. C... n'établit pas qu'au cours des rencontres avec l'administration, le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues sur les éléments ayant permis la reconstitution du chiffre d'affaires des exercices vérifiés. Il n'est pas nécessaire que le service mentionne qu'il y a eu un débat oral et contradictoire. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière, en l'absence de débat oral et contradictoire sur les éléments recueillis dans le cadre du droit de communication, ne peut qu'être écarté. Il suit de là que l'administration n'a pas manqué à son devoir de loyauté.

10. En troisième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'administration soit tenue, au cours de la procédure d'imposition, d'informer le contribuable des motifs pour lesquels elle a recours aux dispositions du livre des procédures fiscales l'autorisant à prolonger la vérification de comptabilité au-delà du délai de trois mois. Il suit de là que le défaut de motivation de cette prolongation ou les irrégularités affectant une telle motivation sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition et ne sont en outre pas de nature à affecter le caractère interruptif de prescription des propositions de rectification. Les moyens tirés du défaut ou de l'irrégularité de la motivation du prolongement de la durée de vérification ne peuvent par suite qu'être écartés.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1º à l'impôt sur le revenu les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67. ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1º et 4º de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. (...) ". Pour être régulière, la mise en demeure adressée au contribuable en application de ces dispositions doit être notifiée à la dernière adresse qu'il a officiellement communiquée à l'administration fiscale. En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse. En l'espèce, M. C..., qui soutient que les mises en demeure avant la taxation d'office ont été envoyées à une adresse qui n'est pas la sienne, n'établit pas avoir fait de telles diligences.

12. Dans sa réponse aux observations du contribuable, l'administration a précisé que l'examen de la comptabilité a révélé que des irrégularités concernent notamment les fiches de caisse, l'absence de ventilation des produits vendus et l'absence de caisse enregistreuse et a relevé donc l'absence de justification suffisante des recettes, et qu'elle a écarté les éléments apportés par M. C... en matière d'évaluation du chiffre d'affaires. Cette réponse satisfait en tout état de cause aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales alors même que les procédures de taxation et d'évaluation d'office ont été suivies.

13. En sixième lieu, M. C... reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau en droit et en fait, les moyens soulevés en première instance et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B et du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, de la motivation insuffisante de la proposition de rectification, de la méconnaissance des droits de la défense et de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement du 13 novembre 2014 du fait d'une insuffisante motivation. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.

14. Enfin, toutes les instructions administratives dont se prévaut le requérant ont trait uniquement à la procédure d'imposition et ne peuvent par suite être invoquées utilement sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions d'impôt sur le revenu et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

15. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".

16. Lors de la vérification de comptabilité, M. C... n'a présenté que le livre de recettes ventilé en fonction des modes de règlement, les pièces justificatives des achats et des frais généraux et les relevés bancaires sur la période vérifiée alors que, ayant dépassé le seuil du régime dit des micro-entreprises prévu à 1'article 50-0 du code général des impôts et étant alors sous le régime du régime réel d'imposition depuis le 1er janvier 2011, il devait présenter d'autres documents comme un livre-journal permettant l'enregistrement chronologique et journalier de chaque opération affectant le patrimoine de son entreprise, un grand livre des comptes, un inventaire arrêté à la date de clôture des exercices 2011 et 2012, un bilan et un compte de résultats pour chaque exercice. De plus, les recettes étaient globalisées en fin de journée sans information détaillée sur la consistance des recettes. Or, la comptabilisation globale des recettes sans pièces justificatives constitue une irrégularité suffisante à elle seule pour fonder le rejet de la comptabilité. Les circonstances qu'il a tenu un livre de recettes, prévu à l'article L. 123-28 du code de commerce, et remis les pièces justificatives des achats et des frais généraux pour remplacer le registre annuel récapitulatif du détail des achats ne sauraient pallier les carences de documents comptables.

17. M. C... soutient qu'eu égard aux conditions d'exercice de son activité individuelle et au fait que le montant unitaire des opérations enregistrées était inférieur à 76 euros, il pouvait inscrire le montant global de ses recettes saisonnières en fin de journée.

18. Aux termes du premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. ". Aux termes du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts : " (...) les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues au I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales. (...) ". En vertu de l'article 3 du décret du 29 novembre 1983 pris en application de la loi n° 83-353 du 30 avril 1983 et relatif aux obligations comptables des commerçants repris à l'article R. 123-174 du code de commerce, les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique. La possibilité ainsi ouverte ne permet au contribuable de justifier de l'exactitude des recettes déclarées à l'administration fiscale qu'à la condition qu'en cas de contrôle, et conformément à l'article 54 du code général des impôts, puissent être produits un relevé détaillé ou des pièces permettant de détailler la consistance exacte des chiffres de recettes déclarées et d'en justifier l'exactitude. Dans ces conditions, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que la globalisation des sommes en fin de journée suffisait à assurer la régularité de sa comptabilité dont seule la valeur probante a été remise en cause.

19. Les dispositions du 3° de l'article 286 du code général des impôts, si elles prévoient que peuvent être inscrites globalement en fin de chaque journée les recettes au comptant d'un montant unitaire inférieur à 76 euros, n'exonèrent pas non plus le contribuable de l'obligation de produire des pièces justificatives des recettes ainsi globalisées.

20. Si M. C... peut être regardé comme se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base 4 G-3334 n° 6 du 25 juin 1998 qui indique que " (...) pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail, lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, il est admis que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise pas à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats et notamment le bénéfice brut qu'elle accuse soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ", cette instruction précise toutefois que la faculté ainsi offerte aux assujettis d'inscrire globalement, en fin de journée, leurs recettes, ne les dispense pas de tenir correctement leur comptabilité et, par suite, de produire tous documents propres à justifier de ce montant en fin de journée.

21. Si le requérant se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 40 de la documentation administrative BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 n° 40 du 17 mars 2014 qui admet, pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail, " lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats - et notamment le bénéfice brut qu'elle accuse - soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ", il résulte de ce qui vient d'être dit que la comptabilité de M. C... n'était pas, par ailleurs, bien tenue.

22. L'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G-3342 n° 4 du 25 juin 1998, qui précise que les renseignements donnés par les contribuables doivent être retenus s'ils sont jugés acceptables, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales

23. Faute d'avoir présenté les pièces justificatives de ses recettes quotidiennes, le requérant ne pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles des 21 septembre 1957 et 22 juin 1972 aux questions écrites de MM. D... et B..., députés, selon lesquelles les commerçants qui procèdent à l'inscription globale en fin de journée de leurs recettes peuvent être dispensés d'en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement tenue. Pour le même motif, l'intéressé ne rentre pas dans les prévisions de la documentation référencée BOI-BIC-PDTSK-10-10 n° 20 du 12 septembre 2012 selon laquelle les bordereaux de banque constituent un des justificatifs de recettes de nature à conférer une force probante aux documents comptables.

24. Il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère non probant et non sincère de la comptabilité et a ainsi pu procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de M. C....

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

25. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". Ayant été régulièrement taxé d'office, M. C... supporte, en application de ces dispositions, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige.

26. Pour reconstituer le chiffre d'affaires, l'administration a pris en compte les conditions réelles de l'exploitation en appliquant une méthode particulière à chaque famille de produits (boissons, crêperie, viandes, paninis-sandwichs, glaces) et en tenant compte de certaines spécificités de produits (bière pression, rhumerie, viandes). Plus particulièrement, elle a pris en compte un poids moyen de 200 grammes pour la part individuelle de viande, les dosages, la composition des plats et un taux de 5 % pour le taux de perte retenu dans le calcul de la reconstitution de la bière de pression. Puis le vérificateur a taxé la différence entre 102 033 euros après reconstitution et 89 600 euros, qui est le seuil prévu à l'article 50-0 du code général des impôts, soit 12 433 euros en 2011, à la taxe sur la valeur ajoutée. Sur la base des factures du principal fournisseur, le vérificateur a ventilé entre le taux réduit de 5,5 % et le taux normal de 19,6 %, ce dernier taux s'appliquant pour les boissons alcoolisées comme le vin, le cidre, la bière et les apéritifs, soit 85 % des boissons au taux de 19,6 % et 15 % des boissons (jus de fruit, sodas, eau, limonade) au taux de 5,5 %. Le taux réduit, qui a été porté à 7 %, a été appliqué sur la différence entre le chiffre d'affaires total et celui des seules boissons, soit 39 085 euros.

27. M. C..., qui ne propose pas de méthode alternative et qui n'apporte aucun élément remettant en cause la ventilation dans l'application des taux de taxe sur la valeur ajoutée pour chaque période niaucun élément pour justifier de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ou la réalité des dépenses portées en charges supplémentaires en matière de bénéfices industriels et commerciaux, n'établit pas le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue qui tient compte des données propres à l'entreprise dans toute la mesure où elles ont pu être connues et reconstituées par l'administration.

28. Si M. C... se fonde sur le paragraphe 4 de la documentation de base 4 G-3342 du 25 juin 1998 pour reprocher au vérificateur de n'avoir pas mis en oeuvre plusieurs méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires, ce commentaire administratif ne comporte pas, comme il a été dit au point 22, une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application.

29. M. C... n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation référencée 4 A-1085 du 10 septembre 1985 qui ne comporte pas davantage une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application.

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

30. Les bénéfices industriels et commerciaux ont été évalués d'office. M. C... n'apporte aucun élément pour justifier de la réalité des dépenses portées en charges supplémentaires. Ainsi, le caractère exagéré de l'imposition de ces bénéfices n'est pas démontré.

Sur les intérêts de retard :

31. La proposition de rectification en tant qu'elle est relative aux intérêts de retard, fait référence à l'article 1727 du code général des impôts, indique le taux de 0,40 % par mois et précise les modalités de calcul du montant des intérêts de retard. Dès lors, elle est suffisamment motivée. Est sans influence sur cette motivation l'absence de citation de l'article 1727 du code général des impôts. Il suit de là qu'elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dès lors que les bases servant au calcul des impositions d'office ont été connues avant le recouvrement.

32. Les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts ne constituent pas une sanction mais la seule réparation du préjudice subi par le Trésor du fait du défaut d'acquittement par le redevable, dans le délai légal, des impositions au paiement desquelles il est tenu. Ainsi, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui de la contestation de leur application, y compris pour la part de ces intérêts excédant ceux qui auraient résulté de l'application du taux de l'intérêt légal.

33. L'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Il suit de là que M. C... ne peut utilement soutenir que le taux annuel de l'intérêt de retard devait être limité au taux annuel de l'intérêt légal.

Sur la majoration de 40 % en application du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts :

34. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".

35. Il résulte de l'instruction que M. C... n'a pas déposé dans le délai de trente jours la déclaration de résultats qu'il avait été invité à souscrire par les mises en demeure du 25 juillet 2013. Par suite, l'administration fiscale était fondée à appliquer au montant de l'impôt sur les sociétés la majoration de 40 % en application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts.

36. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bataille, président de chambre,

M. E..., président assesseur,

M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 juin 2020.

Le rapporteur,

J.-E. E...

Le président,

F. BatailleLe greffier,

M. Guérin

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00083
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DUBAULT BIRI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-11;18nt00083 ?
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