La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2020 | FRANCE | N°18NT03258

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 02 juillet 2020, 18NT03258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1505706 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales non majorées mises

à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2009 (article 1er) et a prononcé la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1505706 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales non majorées mises à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2009 (article 1er) et a prononcé la réduction, en base, des suppléments de contributions sociales à hauteur de 25% (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 août 2018 et 24 janvier 2020, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la distribution de dividendes de 159 477 euros antérieure à la vente constitue une dette de la société ;

- la valeur de rachat des titres n'est pas sous-évaluée ; l'étude réalisée par le conseil de la société a fixé la valeur de titres à 18 800 euros ; cette valorisation a été confirmée par le cabinet In Extenso ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 27 février 2019 et 4 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... sont tous deux associés de la société par actions simplifiée (SAS) B..., spécialisée dans la production et la transformations d'oeufs. La SAS B... était l'associée unique de la société à responsabilité limitée (SARL) Ovobio. Cette société est spécialisée dans la transformation et la vente d'ovoproduits biologiques. La SARL Ovobio ne disposant d'aucun outil de production ni de salariés, l'ensemble de ses opérations sont réalisées en sous-traitance par la SAS B... dans le cadre d'une convention de prestation de services annuelle. Par un acte sous seing privé du 25 novembre 2009, la SAS B... a cédé à ses propres actionnaires, M. et Mme B..., la totalité des parts sociales de la SARL Ovobio, pour un montant de 18 800 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces de la SAS B... et d'un contrôle sur place de la SARL Ovobio, le service a remis en cause la valeur de cession des titres de la société Ovobio telle qu'elle figurait sur l'acte de cession du 25 novembre 2009. Après avoir évalué la valeur vénale de ces titres, il a estimé que la différence entre cette valeur vénale et le prix auquel ces titres avaient été cédés constituait un avantage occulte au profit des acquéreurs. Après que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu son avis à la demande de la SAS B..., le service a décidé, pour calculer la valeur vénale des titres cédés, de retenir non pas la valeur estimée par le vérificateur mais la moyenne des valeurs estimées par le cabinet CER qui avait été mandaté préalablement à la vente. L'insuffisance de prix a ainsi été évaluée à 81 543 euros. Cette somme a donc été regardée par le service comme un revenu distribué entre les mains de M. et Mme B... et a été imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Le service a assorti cette imposition de la majoration pour manquement délibéré. Après mise en recouvrement et rejet de leur réclamation, M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge, pour un montant total de 76 687 euros. Par un jugement n° 1505706 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales non majorées mises à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2009 (article 1er) et a prononcé la réduction, en base, des suppléments de contributions sociales à hauteur de 25% (article 2). M. et Mme B... relèvent appel de l'article 1er de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession, sans que cet avantage soit assorti d'une contrepartie.

3. La valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu'elle ressort des transactions portant, à la même époque, sur ces titres dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes habituelles d'évaluation des titres ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

4. Pour démontrer l'écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale de la société cédée, l'administration s'est fondée sur l'expertise réalisée à la demande de la SAS B... par le cabinet d'expertise comptable CER. Dans cette expertise, réalisée préalablement à la vente, le cabinet CER a calculé une valeur patrimoniale de 95 291 euros et une valeur issue de la rentabilité passée de 105 377 euros. Le cabinet a finalement décidé de retenir comme valeur d'évaluation la valeur issue de la rentabilité passée, soit 105 377 euros. Le service, pour estimer la valeur vénale de la société, ne s'est cependant pas fondé sur cette valeur, mais sur la moyenne des deux valeurs calculées par le cabinet, soit une valeur de 100 334 euros.

5. M. et Mme B... font d'abord valoir que, pour fixer la valeur des titres à 18 800 euros, ils se sont eux bien appuyés sur cette expertise du cabinet CER. Toutefois, si cette expertise mentionne le fait que la différence de 10 000 euros entre les deux évaluations réalisées peut correspondre à la valeur du fonds, elle ne mentionne à aucun moment la possibilité de retenir une telle valeur de valorisation. Au contraire, il ressort clairement de la synthèse de cette expertise que la valeur d'évaluation retenue est de 105 377 euros. Au demeurant, la valeur d'une société ne saurait être réduite à son seul fonds de commerce.

6. Pour tenter de remettre en cause le résultat de l'expertise du cabinet CER, pourtant réalisée à la demande de la société B..., M. et Mme B... font ensuite valoir que la valeur de 18 800 euros a été confirmée par l'étude réalisée, préalablement à la saisine de la commission départementale des impôts, par le cabinet In Extenso. Toutefois cette étude du cabinet In Extenso vise à critiquer la méthode retenue par le vérificateur et non celle retenue par le cabinet CER. De plus, si cette étude du cabinet In Extenso reproche au vérificateur de ne pas avoir tenu compte du fait que le gérant de la société Ovobio n'était pas rémunéré, cette critique ne saurait être transposée à l'expertise du CER dès lors qu'une rémunération fictive de 2 300 euros par mois a été prise en compte. Enfin, si cette étude du cabinet In Extenso mentionne le fait que la distribution de dividendes de 159 477 euros réalisée par la SARL Ovobio au profit de son associé unique, la SAS B..., constitue une dette financière devant venir en diminution de l'évaluation de la société, un tel argument ne saurait être retenu. En effet, l'évaluation d'une société à partir de sa rentabilité passée, qui consiste à mesurer la capacité d'une société à dégager des bénéfices, ne dépend aucunement du versement effectif ou non de dividendes à ses associés. L'étude réalisée par le cabinet In Extenso ne permet donc pas de remettre en cause le résultat de l'expertise réalisée par le cabinet CER. Au contraire, les résultats de l'étude du cabinet In Extenso confortent l'évaluation faite par le cabinet CER, puisque le cabinet In Extenso aboutit à une valeur de productivité de 102 200 euros, à une valeur par la marge brute d'autofinancement de 89 600 euros et une valeur par l'excédent brut d'exploitation de 82 000 euros.

7. Dans ces conditions, en se fondant sur la valorisation de la société émanant de l'expertise réalisée à la demande de la société elle-même par le cabinet CER, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale de la société cédée. Au demeurant, l'administration fait valoir à juste titre que la valeur de 18 800 euros apparaît manifestement disproportionnée au regard des données économiques de la société, qui dispose d'une marque propre, vend ses produits à 150 clients, a réalisé un chiffre d'affaires de 1,2 millions d'euros par an en augmentation de 50% sur la période 2004-2008, a réalisé un résultat après impôt de 33 000 euros en moyenne sur la même période, et a été en mesure de verser près de 160 000 euros de dividendes à son actionnaire unique du fait des bénéfices accumulés sur cette période.

8. Enfin, le fait que M. et Mme B... soient à la fois les bénéficiaires de la vente de la société Ovobio et les actionnaires de la société vendeuse constitue une présomption de l'intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a décidé d'imposer à l'impôt sur le revenu, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, le montant de 81 543 euros correspondant à la différence entre le prix convenu et la valeur vénale de la société.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette et la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. L'administration fait valoir que M. et Mme B..., qui étaient à la fois acquéreurs et actionnaires de la société cédante, ne pouvaient de bonne foi ignorer qu'une valorisation de la société Ovobio au prix de 18 800 euros, soit moins d'une année de bénéfice, était très inférieure à la valeur vénale de cette société. Ainsi, compte tenu des données économiques de la société Ovobio, et au regard des conclusions dépourvues d'ambiguïté de l'étude de valorisation réalisée par le cabinet CER à la demande de la société B..., c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales non majorées mises à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2009. Par conséquent, leur requête, y compris leurs conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Popse

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 18NT032582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03258
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP AVOCATS OUEST CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-02;18nt03258 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award