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16/10/2020 | FRANCE | N°20NT00194

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 octobre 2020, 20NT00194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Gilles a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise relative aux désordres affectant les voiries réalisées lors des travaux de d'aménagement de la phase n° 1 de la ZAC de l'île des Bois.

Par une ordonnance n° 1905090 du 6 janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande et a rejeté la dem

ande subsidiaire de complément d'expertise présentée par la société Infra Service.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Gilles a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise relative aux désordres affectant les voiries réalisées lors des travaux de d'aménagement de la phase n° 1 de la ZAC de l'île des Bois.

Par une ordonnance n° 1905090 du 6 janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande et a rejeté la demande subsidiaire de complément d'expertise présentée par la société Infra Service.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2020 et 22 septembre 2020, la société Infra Service, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 6 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de complément d'expertise présentée par la commune de Saint-Gilles ;

3°) subsidiairement, d'annuler ladite ordonnance du 6 janvier 2020 en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande d'expertise complémentaire ;

4°) subsidiairement, de limiter les opérations d'expertise à l'examen de la tranche conditionnelle de la phase 1 que l'expert définira.

Elle soutient que :

- les motifs fondant l'ordonnance n'ont pas été soulevés par la commune ; le motif retenu tenant à ce que la solidité de la voirie béton est compromise est infondé ; la généralisation affirmée à la phase 1 du phénomène de battement des dalles constaté en phases 2 et 3 ne ressort d'aucune pièce ; la demande d'expertise est inutile s'agissant des travaux de la tranche ferme de la phase 1 pour lesquels toute action est prescrite ;

- subsidiairement, il conviendrait de réformer l'ordonnance en ce qu'elle refuse le complément d'expertise acoustique sollicité alors que le rapport acoustique à l'origine de la procédure n'a pas été réalisé de manière contradictoire et souffre d'insuffisances.

Par des mémoires enregistrés les 6 mars et 30 juin 2020, la société Axa assurances Iard mutuelle, représentée par Me D... de la Maisonneuve, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 6 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de complément d'expertise présentée par la commune de Saint-Gilles ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Gilles une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'expertise présentée par la commune est prescrite : les travaux de la tranche ferme de la phase 1 ont été réceptionnés, sans réserve en rapport avec l'objet du litige, par un procès verbal du 25 mai 2009, et ceux de la tranche conditionnelle, qui ne comportent pas de dalles béton, l'ont été par un procès-verbal du 13 octobre 2009 ;

- la demande d'extension de l'expertise est inutile alors qu'il n'existe pas de lien entre les opérations d'expertise en cours pour les phases 2 et 3 de réalisation du lotissement et celles de la phase 1 ; il n'existe pas de litige né ou à venir pour la phase 1.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mars et 28 juillet 2020, la commune de Saint-Gilles, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la société Axa assurances Iard mutuelle et la société SPIE Ouest Centre.

Elle soutient que les moyens soulevés par les sociétés Infra service, Axa assurances Iard mutuelle et SPIE Ouest Centre ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2020, la société SPIE Ouest Centre, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 6 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande d'extension d'expertise présentée par la commune de Saint-Gilles ;

3°) subsidiairement, de prononcer sa mise hors de cause ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Gilles une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure d'expertise est inutile faute de preuve de l'existence des défauts affectant la voirie de la phase 1, ainsi qu'en atteste la première réunion d'expertise tenue le 24 juin 2020 ;

- la société exposante sera mise hors de cause dès lors que pour la phase 1 elle n'a été chargée que de la réalisation des réseaux souterrains qui ne sont pas inclus dans l'emprise de la chaussée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la commune de Saint-Gilles.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 8 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande d'expertise présentée par la société d'aménagement et de développement d'Ille-et-Vilaine (SADIV) en lien avec des désordres affectant la voirie en béton réalisée dans le cadre de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de l'Ile des Bois, dans ses phases 2 et 3, à Saint-Gilles. Il a désigné à cet effet un expert en la personne de M. C... G.... Si l'expertise concernait initialement la société Infra Service, en charge de la maitrise d'oeuvre de l'opération, et les sociétés STPB et SRAMP TP, par une ordonnance du 17 octobre 2018 du juge des référés du même tribunal, les opérations d'expertise ont été étendues aux sociétés Arcau, Atelier Villes et Paysages et Axa Assurances Iard Mutuelle. La commune de Saint-Gilles, venant aux droits de la SADIV, a ensuite sollicité, le 11 octobre 2019, devant le même tribunal, la réalisation d'une expertise portant sur les désordres affectant la voirie en béton réalisée dans le cadre de la phase 1 d'aménagement de la même ZAC. Par une ordonnance du 6 janvier 2020, dont les sociétés Infra Service, Axa Assurances Iard Mutuelle et SPIE Ouest Centre relèvent appel, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit aux demandes de la commune de Saint-Gilles, a indiqué que les opérations d'expertise se dérouleront en présence notamment de la société Infra Service, mandataire du groupement de maitrise d'oeuvre, de la société Axa France Iard, assureur de cette dernière, et de la société Spie Ouest-Centre, titulaire du lot n° 2 "réseaux divers" et du lot n° 5, et a rejeté les conclusions subsidiaires présentées aux fins d'extension de la mission d'expertise à des mesures acoustiques par la société Infra Service. Subsidiairement, la société Infra Service demande à la cour que l'ordonnance attaquée soit réformée d'une part en ce qu'elle refuse le complément d'expertise acoustique qu'elle a sollicité et, d'autre part, en ce qu'elle vise la tranche ferme de la phase 1 de réalisation de la ZAC. La société SPIE Ouest Centre demande, également à titre subsidiaire, de prononcer sa mise hors de cause.

Sur le bien-fondé de la demande d'expertise :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.

3. En premier lieu, l'expertise diligentée par l'ordonnance du 8 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes porte uniquement sur les désordres affectant la voirie en béton réalisée dans le cadre de l'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois, dans ses phases 2 et 3, sur le territoire de la commune de Saint-Gilles. En revanche l'instance engagée par la commune de Saint-Gilles devant le juge des référés du même tribunal, à l'origine de l'ordonnance contestée du 6 janvier 2020, porte sur la seule phase n° 1 de réalisation de la même ZAC et ne se présentait pas comme une demande d'extension de l'expertise engagée en 2018. Par suite, le moyen soulevé par la société Axa Assurances Iard Mutuelle tiré de la méconnaissance, par l'ordonnance du 6 janvier 2020, de l'article R. 532-3 du code de justice administrative relatif aux extensions d'expertise est inopérant.

4. En deuxième lieu, à l'appui de sa demande d'expertise présentée devant le tribunal administratif de Rennes relative à la phase n° 1 de l'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois, la commune de Saint-Gilles a notamment fait valoir que les opérations distinctes d'expertise en cours sur la voirie en béton réalisée dans le cadre des phases 2 et 3 de la même ZAC révélaient des désordres caractérisés par la survenance de nuisances sonores dans les habitats proches, lors du passage de véhicules sur la dalle béton servant de voirie. Elle se référait ainsi à une note de l'expert du 3 mai 2019, qu'elle a joint, faisant plus précisément état d'un battement des dalles en béton non goujonnées lors du passage des véhicules, de la présence de joints non colmatés sujets aux infiltrations ainsi que de fissurations de la dalle de béton parallèles aux joints et d'une possible désactivation de la couche de roulement. Par suite, la société Infra Service n'est pas fondée à soutenir qu'en faisant état de ces derniers éléments pour fonder la décision d'expertise le juge des référés se serait fondé sur des éléments non invoqués par la commune de Saint-Gilles.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les voiries réalisées lors de la phase n° 1 de l'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois, pour sa tranche ferme, ont été réceptionnés le 25 mai 2009. Or la commune de Saint-Gilles n'a sollicité du tribunal administratif de Rennes la désignation d'un expert que le 11 octobre 2019, soit après l'expiration du délai de l'action en garantie décennale. Par suite, les sociétés Infra Service, Axa assurances Iard mutuelle et SPIE Ouest centre sont fondées à soutenir qu'il ne pouvait être fait droit par le premier juge à la demande d'expertise présentée par la commune de Saint-Gilles pour la tranche ferme de la phase 1 des travaux d'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois en l'absence d'utilité.

6. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, d'une part, que les voiries réalisées dans le cadre de la tranche conditionnelle de la phase n° 1 ont été réceptionnées le 13 octobre 2009 et qu'ainsi, en ce qui concerne cette tranche conditionnelle, c'est dans le délai de l'action en garantie décennale que la demande d'expertise enregistrée au tribunal administratif de Rennes le 11 octobre 2019 a été présentée. D'autre part, au moins partiellement, ces voiries ont été réalisées selon le même principe constructif que celles des phases 2 et 3 de la même ZAC. Or, ainsi qu'exposé au point 3, l'expert missionné au titre de ces deux phases indique, sans qu'il y ait lieu de présager des suites juridiques qui pourraient y être données, que les désordres constatés trouvent leur origine dans la construction des voiries. De tels désordres sont dès lors susceptibles de se rattacher à un litige opposant la commune de Saint-Gilles aux entreprises, dont certaines sont différentes de celles des phases n° 2 et 3, qui ont concouru à la construction de la voirie de la tranche conditionnelle de la phase n° 1. Par suite, la mesure d'expertise décidée par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes pour cette tranche conditionnelle apparaît utile.

7. En cinquième lieu, à titre subsidiaire, la société Infra Service demande la réformation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle refuse le complément d'expertise acoustique sollicité en soutenant que le rapport acoustique à l'origine de la procédure engagée en 2018 n'a pas été réalisé de manière contradictoire et souffre d'insuffisances. Toutefois, d'une part, à la date de l'ordonnance attaquée l'expert annonçait la communication de son pré-rapport après plus d'un an d'expertise et, d'autre part, aucune nuisance sonore relevée par des riverains n'a encore été identifiée pour la phase 1, distincte des phases 2 et 3, de l'aménagement de la ZAC. Par suite, c'est à bon droit que les conclusions aux fins de complément d'expertise présentées par la société Infra Service ont été rejetées par l'ordonnance attaquée.

8. En dernier lieu, à titre subsidiaire, la société SPIE Ouest centre demande à être mise hors de cause dès lors que, au titre de la phase 1 d'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois elle n'était titulaire que du lot n° 2 " réseaux divers " et que ceux-ci n'ont pas été inclus dans l'emprise de la chaussée. Toutefois, d'une part, une telle affirmation n'est pas établie et, d'autre part, il résulte notamment du procès-verbal de réception de la tranche conditionnelle du 13 octobre 2019 que cette société était également titulaire d'un autre lot au contenu non précisé. Par suite, sa demande ne peut qu'être écartée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Infra Service, Axa assurances Iard mutuelle et SPIE Ouest Centre sont uniquement fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande d'expertise de la commune de Saint-Gilles pour la tranche ferme de la phase 1 d'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois.

Sur les frais d'instance :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les sociétés Axa assurances Iard mutuelle et SPIE Ouest Centre.

D E C I D E :

Article 1er : L'expertise confiée à M. C... G... par l'ordonnance n° 1905090 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 6 janvier 2020 est limitée, en tant qu'elle concerne la phase 1 de l'aménagement de la ZAC de l'Ile des Bois à Saint-Gilles, à la tranche conditionnelle.

Article 2 : L'article 1er de l'ordonnance n° 1905090 du 6 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Infra Service, à la commune de Saint-Gilles, à la société SPIE Ouest Centre, à la société STPB, à la société SN ECTP, à la société Cardin TP et à la société Axa assurances Iard mutuelle.

Une copie en sera communiquée pour information à M. C... G..., expert.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00194
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : MERABET NASSER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;20nt00194 ?
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