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05/11/2020 | FRANCE | N°19NT00227

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 novembre 2020, 19NT00227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Clinique des Grainetières a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1604182 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 janvier 2019 et 28 février 2020, la SAS Clinique des Grainetières, repr

sentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette réducti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Clinique des Grainetières a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1604182 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 janvier 2019 et 28 février 2020, la SAS Clinique des Grainetières, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette réduction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vente de médicaments cytostatiques administrés dans le cadre d'un traitement ambulatoire n'entre pas dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 132 de la directive 2006/112/CE et doit donc être soumise à cette taxe ;

- la vente de ces médicaments est matériellement et économiquement dissociable de la prestation de soins principale.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 26 juillet 2019, 28 novembre 2019 et 14 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Clinique des Grainetières ne sont pas fondés et demande que les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts soient substituées comme base légale de l'imposition à celles 1° bis du 4 de ce même article 261.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Clinique des Grainetières, établissement hospitalier privé à but lucratif, est assujettie à la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts. Par une réclamation du 14 mars 2016, elle a demandé la réduction de la taxe sur les salaires qu'elle a acquittée au titre de l'année 2014, en faisant valoir que le rapport d'assujettissement pris en compte pour l'assiette de cette taxe devait être fixé à 0,90 et non à 0,93, comme initialement retenu. Par une décision du 24 octobre 2016, le directeur départemental des finances publiques du Cher a rejeté cette réclamation. La SAS Clinique des Grainetières a alors demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer cette réduction. Par un jugement n° 1604182 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La SAS Clinique des Grainetières relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts : " (...) L'assiette de la taxe est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations (...) le rapport existant, au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ".

3. Aux termes de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, applicable à compter du 1er janvier 2007, qui reprend l'article 13 A de la sixième directive du 17 mai 1977 : " 1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent : (...) b) l'hospitalisation et les soins médicaux, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ; ; / c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné (...) ". L'article 256 du code général des impôts prévoit que : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". L'article 261 du même code dispose que : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4. (...) / 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres de professions médicales et paramédicales réglementées (...) / 1° bis Les frais d'hospitalisation et de traitement, y compris les frais de mise à disposition d'une chambre individuelle, dans les établissements de santé privés titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de santé publique. ".

4. Il découle de l'arrêt Finanzamt Dortmund-West c. Klinikum Dortmund GmbH de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 mars 2014 qu'une livraison de biens de médicaments cytostatiques, prescrits et administrés à un patient dans le cadre d'un traitement ambulatoire contre le cancer par des médecins exerçant à titre indépendant au sein d'un hôpital ou d'un établissement de soins de santé privé, ne relève pas du champ d'application des dispositions du 1° bis de l'article 261 du code général des impôts, qui assurent la transposition de celles de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b, de la sixième directive du 17 mai 1977. Le 1° bis de l'article 261 concerne en effet exclusivement les soins médicaux délivrés au cours d'une hospitalisation et les opérations qui leur sont étroitement liées. Toutefois, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée d'une livraison de biens et, partant, la détermination du rapport d'assujettissement pour l'imposition à la taxe sur les salaires, trouve son fondement légal dans les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, prises pour assurer la transposition de l'article 13, A, paragraphe 1, sous c, sous réserve que la livraison soit matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux principale. Le ministre demande en conséquence que les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts soient substituées à celles 1° bis du 4 de ce même article 261. Il y a lieu de faire droit à cette demande dès que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver la société requérante d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

5. En l'espèce, d'une part, il est constant que l'oncologue détermine pour chaque patient, en concertation avec l'équipe médicale, un programme personnalisé de soins comprenant un protocole d'administration des médicaments. Ce programme fixe le calendrier prévisionnel des consultations, des examens médicaux, de l'administration des médicaments cytostatiques, ainsi que les modalités de surveillance et de prise en charge des effets secondaires en cours de traitement. Les médicaments, préparés par la pharmacie à usage intérieur de l'établissement, sont exclusivement administrés au patient par l'équipe médicale, sur prescription de l'oncologue et sous le contrôle étroit de ce dernier. Par suite, la livraison au patient des médicaments cytostatiques doit être regardée comme indispensable à la réalisation de la prestation de soins par l'oncologue. Il s'ensuit que la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé, d'une part, et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé, d'autre part, sont matériellement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie.

6. D'autre part, d'un point de vue économique, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de ses arrêts Aktiebolaget NN du 29 mars 2007 et Graphic procédé du 11 février 2010 que, pour apprécier si une livraison de biens et une prestation de services constituent une prestation unique, il convient de se placer du point de vue du consommateur moyen. En l'espèce, il est constant que le patient pris en charge dans le cadre d'un traitement ambulatoire contre le cancer par un médecin oncologue exerçant à titre libéral dans le cadre d'un établissement de santé privé à caractère lucratif ne supporte pas le coût des médicaments cytostatiques qui lui sont administrés dans le cadre des soins de chimiothérapie. Il en résulte que, du point de vue du patient, la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé sont économiquement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie, et ce alors même que les médicaments et les prestations de soins sont facturées par deux acteurs distincts.

7. Il résulte de ce qui précède que la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé, d'une part, et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé, d'autre part, sont matériellement et économiquement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie. Dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que la vente de ces médicaments ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 261 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé de modifier le rapport d'assujettissement pris en compte pour l'assiette de la taxe sur les salaires.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Clinique des Grainetières n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Clinique des Grainetières est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Clinique des Grainetières et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT002272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00227
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : ARCHERS LABRO ; ARCHERS LABRO ; SELARL ONELAW

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-05;19nt00227 ?
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