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04/12/2020 | FRANCE | N°20NT01631;20NT01632

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 décembre 2020, 20NT01631 et 20NT01632


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

1° La société Bonaud a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser la somme de 21 206,10 euros au titre du solde du décompte général du marché portant sur le lot n° 13 des travaux de création d'un pôle éducatif communal.

Par un jugement n° 1600690 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

2° La société Bonaud a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le titre de recette exéc

utoire n° 478 du 30 mai 2016 émis à son encontre par le maire d'HérouvilleSaintClair pour le re...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

1° La société Bonaud a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser la somme de 21 206,10 euros au titre du solde du décompte général du marché portant sur le lot n° 13 des travaux de création d'un pôle éducatif communal.

Par un jugement n° 1600690 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

2° La société Bonaud a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le titre de recette exécutoire n° 478 du 30 mai 2016 émis à son encontre par le maire d'HérouvilleSaintClair pour le recouvrement de la somme de 5 263,19 euros.

Par un jugement n° 1601202 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

1° Par une requête, enregistrée sous le n° 17NT02253 le 21 juillet 2017, la société Bonaud, représentée par Me B..., a demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600690 du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 ;

2°) de condamner la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser la somme de 21 206,10 euros TTC, majorée des intérêts au taux BCE majoré de 7 points à compter du 29 mars 2013, au titre du solde du décompte général du marché portant sur le lot n° 13 des travaux de création d'un pôle éducatif communal ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hérouville-Saint-Clair une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

-le jugement est irrégulier dès lors que sa demande de première instance était recevable ; en effet, elle a saisi le tribunal administratif de Caen d'un référé provision le 21 janvier 2014 puis a fait appel le 27 mai 2015 de l'ordonnance du 15 mai 2015 rejetant sa demande ; or, la saisine du juge des référés en vue du versement d'une provision dans les délais prévus par le CCAG-travaux vaut saisine du tribunal administratif au sens des dispositions de l'article 50.3.2 de ce CCAG ;

- la commune d'Hérouville-Saint-Clair a méconnu les dispositions de l'article 13.4.2. du CCAG travaux en ne notifiant pas le décompte général dans les 30 jours qui ont suivi la réception le 26 octobre 2013 de la mise en demeure d'établir ce décompte ;

- elle a dû procéder à des travaux supplémentaires rendus nécessaires en cours de chantier et distincts de ceux initialement prévus au marché, afin de rattraper une différence altimétrique des niveaux de support ; le devis portant sur ces travaux a été validé par le maître de l'ouvrage et par le maître d'oeuvre ; elle a en conséquence droit à leur paiement ;

- les retenues et pénalités opérées dans le décompte général sont injustifiées ;

- en tout état de cause, le solde du marché de base s'élève à la somme de 1 905,65 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2018, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, représentée par Me C..., a conclu au rejet de la requête et demandé qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Bonaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle faisait valoir que la demande de première instance était tardive dès lors que la société Bonaud avait effectivement saisi le tribunal administratif de Caen au-delà du délai de 6 mois prévu par les stipulations de l'article 50.3.3 du CCAG-Travaux et que les autres moyens soulevés par la société Bonaud n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 17NT02253 du 5 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Bonaud contre le jugement n° 1600690 du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017.

2° Par une requête, enregistrée sous le n° 17NT02250 le 21 juillet 2017, la société Bonaud, représentée par Me B..., a demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601202 du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 ;

2°) d'annuler le titre de recette exécutoire n° 478 du 30 mai 2016 émis à son encontre par le maire d'Hérouville-Saint-Clair pour le recouvrement de la somme de 5 263,19 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hérouville-Saint-Clair une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- sa demande de première instance était recevable, le décompte général n'étant pas devenu définitif ;

- le titre exécutoire du 30 mai 2016, notamment destiné à recouvrer des pénalités, ne pouvait pas être émis avant que le décompte général soit devenu définitif puisqu'il n'existait aucune créance liquide et exigible avant cette date.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2018, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, représentée par Me C..., a conclu au rejet de la requête et demandé qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Bonaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle faisait valoir que les moyens soulevés par la société Bonaud n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 17NT02250 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Bonaud contre le jugement n° 1601202 du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017.

Par une décision nos 425993-428251 du 10 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 17NT02253 du 5 octobre 2018 et l'arrêt n° 17NT02250 du 21 décembre 2018 et renvoyé ces affaires devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Procédure devant la cour après cassation :

1° Sous le n° 20NT01631, la société Bonaud, représentée par Me B..., maintient, par un mémoire enregistré le 29 juin 2020, ses conclusions présentées dans la requête n° 17NT02250, tendant notamment à l'annulation du jugement n° 1601202 du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 et à l'annulation du titre de recette exécutoire n° 478 du 30 mai 2016.

Elle maintient les moyens antérieurement soulevés.

Par un mémoire, enregistré le 17 septembre 2020, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, maintient ses conclusions présentées dans l'affaire n° 17NT02250 et porte à 3 000 euros la somme dont elle demande le versement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle maintient les moyens antérieurement soulevés et soutient en outre que le recours formé par la société Bonaud et tendant à la fixation du solde du marché était irrecevable compte tenu de caractère définitif du décompte général ainsi que de la décision du juge du référé provision.

Par une ordonnance du 22 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2020.

Un mémoire, enregistré le 19 octobre 2020, postérieurement à cette clôture, a été produit par la société Bonaud.

2° Sous le n° 20NT01632, la société Bonaud, représentée par Me B..., maintient par un mémoire, enregistré le 29 juin 2020, et un mémoire enregistré le 16 octobre 2020 non communiqué, ses conclusions présentées dans la requête n° 17NT02253, tendant notamment à l'annulation du jugement n° 1600690 du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 et à la condamnation de la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser la somme de 21 206,10 euros TTC, majorée des intérêts avec capitalisation, au titre du solde du décompte général du marché portant sur le lot n° 13 des travaux de création d'un pôle éducatif communal, et porte à 7 500 euros la somme dont elle demande le versement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle maintient les moyens antérieurement soulevés.

Par un mémoire, enregistré le 17 septembre 2020, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, maintient ses conclusions présentées dans l'affaire n° 17NT02253 et porte à 3 000 euros la somme dont elle demande le versement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle maintient les moyens antérieurement soulevés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune d'Hérouville-Saint-Clair.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 7 juillet 2010, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a confié à la société Bonaud le lot n° 13 " revêtement de sols souples " du marché de travaux portant sur la création d'un pôle éducatif, d'un montant global et forfaitaire de 143 071,50 euros HT. La société Bonaud a adressé à la commune d'Hérouville-Saint-Clair, le 26 octobre 2013, une mise en demeure de lui notifier le décompte général du marché et de procéder au paiement de la somme de 21 087,48 euros correspondant à ce qu'elle estimait lui être dû au titre du solde de ce marché. En l'absence de réponse, la société Bonaud a saisi, le 22 janvier 2014, d'une part, le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à ce qu'il enjoigne à la commune d'établir le décompte général du marché, d'autre part, le juge des référés du même tribunal, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser une provision de 21 087,48 euros. Toutefois, par ordre de service du 18 avril 2014, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a notifié à la société Bonaud le décompte général du marché, qui faisait apparaître, selon elle, un solde en défaveur de l'entreprise de 5 263,19 euros. La société Bonaud s'est alors désistée de sa première demande, mais, par un mémoire en réclamation reçu le 2 mai 2014, a contesté ce décompte. La demande de provision formée par la société Bonaud a été rejetée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 15 mai 2015, confirmée par une ordonnance du 10 mars 2016 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nantes, au motif que la créance dont elle se prévalait ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable. La société Bonaud a alors saisi, le 30 mars 2016, le tribunal administratif de Caen d'une demande au fond tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 21 087,48 euros. Par un jugement n° 1600690 du 8 juin 2017, ce tribunal a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive et par suite irrecevable. Parallèlement, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a émis, le 30 mai 2016, un titre de recettes exécutoire d'un montant de 5 263,19 euros à l'encontre de la société Bonaud. Celle-ci a fait opposition à ce titre exécutoire devant le tribunal administratif de Caen lequel, par un jugement n° 1601202 du 8 juin 2017, a rejeté sa demande. La société Bonaud a relevé appel de ces deux jugements. Ses appels ont été rejetés par deux arrêts du 5 octobre 2018 et du 21 décembre 2018 de la présente cour. Par une décision du 10 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ces arrêts et renvoyé les affaires devant la cour administrative d'appel de Nantes. Compte tenu de cette circonstance et de la connexité de ces deux affaires, il y a lieu d'y statuer par un seul et même arrêt.

Sur la requête n° 20NT01632 :

En ce qui concerne la régularité du jugement n° 1600690 du 8 juin 2017 :

2. Aux termes de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG Travaux), dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante jours après la date de remise au maître d'oeuvre du projet de décompte final par le titulaire ; - douze jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. / Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, dans les délais stipulés ci-dessus, le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. / Si le décompte général est notifié au titulaire postérieurement à la saisine du tribunal administratif, le titulaire n'est pas tenu, en cas de désaccord, de présenter le mémoire en réclamation mentionné à l'article 50.1.1. ".

3. Il résulte de ces stipulations que lorsque le pouvoir adjudicateur, mis en demeure de notifier le décompte général, s'abstient d'y procéder dans le délai de trente jours qui lui est imparti, le titulaire du marché peut saisir le tribunal administratif d'une demande visant à obtenir le paiement des sommes qu'il estime lui être dues au titre du solde du marché. Dans l'hypothèse où la personne publique notifie le décompte général postérieurement à la saisine du tribunal, le litige conserve son objet et il y a lieu pour le juge de le trancher au vu de l'ensemble des éléments à sa disposition, sans que le titulaire du marché soit tenu de présenter de mémoire de réclamation contre ce décompte.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " Il résulte de ces dispositions que le titulaire du marché peut obtenir du juge des référés qu'il ordonne au pouvoir adjudicateur le versement d'une indemnité provisionnelle et qu'il n'est pas tenu de saisir, par ailleurs, le juge du contrat d'une demande au fond. Dès lors, la saisine du juge des référés, sur le fondement des articles R. 541-1 et suivants du code de justice administrative, de conclusions tendant au versement d'une provision sur le solde du marché doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l'article 13.4.2 du CCAG Travaux.

5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la commune d'Hérouville-Saint-Clair, mise en demeure par la société Bonaud par lettre du 26 octobre 2013 de lui notifier le décompte général du marché, s'est abstenue d'y procéder dans le délai de trente jours qui lui était imparti par l'article 13.4.2 du CCAG Travaux. D'autre part, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a certes notifié le décompte général par ordre de service du 18 avril 2014, mais cette notification est intervenue après que la société Bonaud eut saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen, le 22 janvier 2014, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant au versement d'une provision sur le solde du marché. Dès lors que la saisine de ce juge était au nombre de celles mentionnées à l'article 13.4.2 du CCAG Travaux, la société Bonaud n'était pas tenue, pour contester le décompte général ainsi notifié, de présenter un mémoire en réclamation. Même en l'absence d'un tel mémoire, sa demande au fond présentée le 30 mars 2016 devant le tribunal administratif de Caen et tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 21 087,48 euros au titre du solde du marché était donc recevable. En estimant qu'elle était irrecevable faute d'avoir été présentée dans le délai de six mois suivant le rejet implicite du mémoire en réclamation reçu par la commune le 2 mai 2014, les premiers juges ont donc entaché leur jugement n° 1600690 du 8 juin 2017 d'irrégularité. Ce jugement doit, par conséquent, être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Bonaud devant le tribunal administratif de Caen sous le n° 1600690.

En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de première instance :

S'agissant des travaux supplémentaires :

7. En vertu de l'article 13.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 13 " revêtement de sols souples " : " Le ragréage des sols sera exécuté avec le nombre de passes suffisant pour obtenir une surface plane et lisse / Le produit de ragréage utilisé (...) sera de classe P3 ".

8. A l'appui de sa requête, la société Bonaud soutient qu'elle a dû réaliser, d'une part, une nouvelle chape de deux centimètres d'épaisseur destinée à rattraper un défaut de planéité ainsi que des différences altimétriques du support, et d'autre part, un ragréage de cette nouvelle chape, le tout en lieu et place du ragréage à l'aide d'un produit de classe P3 prévu par le CCTP. Elle ajoute que ces travaux, qui n'étaient pas prévus initialement, constituent des travaux supplémentaires et que, s'ils n'ont pas fait l'objet d'un avenant, ils lui ont été demandés en urgence par le maître d'ouvrage le 2 juillet 2012 qui a accepté son devis.

9. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces travaux sont décrits dans un devis de la société Bonaud du 28 juin 2012 comme consistant en la pose d'une " micro-chape " d'une épaisseur moyenne de deux centimètres et d'un primaire d'accrochage. Il n'est établi ni qu'ils présenteraient une consistance ou un objet distincts de la pose du ragréage décrit par le CCTP ni que la " micro-chape " mise en oeuvre par la société Bonaud comporterait des caractéristiques techniques supérieures au ragréage prévu contractuellement. Ainsi, les travaux en cause ne présentent pas le caractère de travaux supplémentaires. Leur prix est donc inclus dans celui, global et forfaitaire, du lot n° 13 du marché et la société Bonaud ne saurait prétendre au paiement de ces travaux pour un prix supérieur.

S'agissant des retenues opérées par le pouvoir adjudicateur :

10. En premier lieu, la société Bonaud soutient que les diverses retenues opérées par le pouvoir adjudicateur sont irrégulières compte tenu du délai écoulé entre la notification du projet de décompte final et celle du décompte général. Toutefois, ce moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires pour que la cour en apprécie la portée et le bien-fondé.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la commune a, dans le décompte général qu'elle a tardivement notifié, entendu réduire le prix global et forfaitaire hors taxes du lot n° 13 à concurrence d'une somme de 4 437 euros HT laquelle correspond, d'après un courrier du maître d'oeuvre du 12 juillet 2013, au prix de la reprise des " plinthes des circulations " par une société tierce. Pour contester cette réfaction, la société Bonaud se borne à soutenir que cette reprise des plinthes résulte d'un défaut de coordination du chantier, le maître d'oeuvre ayant, selon elle, " choisi de faire poser ces plinthes non traînées au sol, en contradiction avec le [document technique unifié (DTU)], mais de niveau avec les pavés de verre ".

12. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des comptes rendus des réunions de chantier des 6 et 13 août 2012, que la société Bonaud a reçu le 30 janvier 2012 des instructions techniques lui indiquant comment réaliser la jonction entre le sol souple qu'il lui incombait de poser et les " panneaux de pavés en verre ". Il n'est établi, au vu de l'instruction, ni que ces prescriptions techniques aient été contestées en temps utile, ni qu'elles aient été non-conformes au DTU " revêtement de sols plastique collé ", auquel l'article 13.1 du CCTP renvoyait. Or, alors que l'article 13.3 du CCTP du lot n° 13 prévoyait que les revêtements de sols devaient être posés suivant les plans de " repérage des sols " livrés par la maîtrise d'oeuvre, il est constant que la société Bonaud a réalisé les sols souples sans tenir compte de ces prescriptions techniques, imposant alors au titulaire du lot " menuiserie " de reprendre les plinthes en cause. Les surcoûts liés à cette reprise, d'un montant hors taxes de 4 437 euros, résultent donc d'une inobservation par la société Bonaud de préconisations techniques qui s'imposaient à elle. La commune était donc fondée à déduire du prix global et forfaitaire, hors taxes, du lot attribué à cette société une somme de 4 437 euros HT.

13. En troisième lieu, conformément à la proposition en ce sens, formulée par le maître d'oeuvre dans un courrier du 12 juillet 2013, la commune a estimé, dans le décompte général qu'elle a notifié, qu'en méconnaissance du CCTP, la société Bonaud n'avait pas réalisé un revêtement d'affichage dénommé " bulletin board " au niveau du hall et de l'accès à l'école maternelle. Pour sa part, la société Bonaud soutient que cette prestation ne figurait pas au CCTP de son lot.

14. Toutefois, d'une part, alors qu'une telle prestation, tenant à la pose de panneaux d'affichage de type " bulletin board ", était prévue à l'article 13.5 du CCTP du lot n° 13 et devait être réalisée suivant les plans, il n'est pas établi que les plans ne la prévoyaient pas dans le hall et la société Bonaud n'apporte aucune précision sur ce point. D'autre part, il ressort du procès-verbal des opérations préalables à la réception, réalisées le 12 octobre 2012, ainsi que de la liste des réserves mise à jour au 12 décembre 2012 par le coordinateur des travaux, que la société Bonaud avait effectivement omis de poser, dans le bâtiment C, un " bulletin board " sur les panneaux prévus à cet effet, au niveau de l'accès aux écoles maternelle et primaire. C'est donc à bon droit que, suivant la proposition qui lui avait été faite par le maître d'oeuvre, la commune a opéré une retenue d'un montant hors taxes, non contesté dans son quantum, de 1 050 euros au titre de cette non-façon.

15. En quatrième lieu, dans son décompte général, la commune a opéré une retenue d'un montant de 146,64 euros HT au titre de la " repose de matériels non reposés [par la société Bonaud] ". Si la société Bonaud conteste le bien-fondé de cette retenue, elle ne présente aucun élément probant ni n'invoque aucune circonstance précise pour en démontrer le caractère injustifié, alors que cette retenue a été effectuée conformément aux propositions formulées par le maître d'oeuvre dans un courrier du 12 juillet 2013.

16. En cinquième lieu, la société Bonaud conteste, en des termes peu circonstanciés, le bien-fondé de la " retenue pour charges de compte prorata " qui lui aurait été appliquée pour un montant de 360,37 euros HT. Toutefois, le décompte général établi par la commune n'intègre pas une telle retenue. D'ailleurs, son application n'a été revendiquée par la commune ni devant le tribunal administratif ni devant la cour. Ainsi, le moyen est inopérant.

17. En sixième lieu, la société Bonaud soutient que les pénalités pour absence à des réunions de chantier ne sont pas justifiées. Toutefois, alors que la société Bonaud ne conteste que, dans son principe, l'application des pénalités en cause, il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu de réunion de chantier n° 55 du 30 janvier 2012 ainsi que d'un courrier du maître d'oeuvre du 4 juillet 2012 que les représentants de la société Bonaud ont effectivement manqué une ou plusieurs réunions de chantiers.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la société Bonaud devant le tribunal administratif de Caen sous le n° 1600690 doit être rejetée.

Sur la requête n° 20NT01631 :

19. D'une part, aux termes de l'article 23 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 : " Les recettes comprennent (...) les produits résultant de conventions (...). / Les (...) produits mentionnés ci-dessus sont liquidés et recouvrés dans les conditions prévues par le code général des impôts, le livre des procédures fiscales, le code des douanes et, le cas échéant, par les autres lois et règlements ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. (...) ". Aux termes de l'article 28 de ce décret : " L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement. Il a force exécutoire dans les conditions prévues par l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales. (...) ". Aux termes de son article 117 : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° (...) d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité (...) ".

20. D'autre part, aux termes de l'article 13.4.2. du CCAG Travaux : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général ". Aux termes respectivement des articles 13.4.3. et 13.4.5. de ce même cahier : " A compter de la date d'acceptation du décompte général par le titulaire, selon les modalités fixées par l'article 13.4.4, ce document devient le décompte général et définitif, et ouvre droit à paiement du solde " et " Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l'article 13.4.4, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché ".

21. Il résulte des deux points précédents que, dès lors que le pouvoir adjudicateur établit un décompte général faisant apparaître un solde en la défaveur du titulaire du marché, la créance correspondant à ce solde est liquide. Cette créance du pouvoir adjudicateur sur le titulaire du marché ne devient cependant exigible qu'à compter de la date à laquelle le décompte général revêt un caractère définitif.

22. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a émis, le 30 mai 2016, un titre de recette exécutoire d'un montant de 5 263,19 euros à l'encontre de la société Bonaud afin d'obtenir le paiement du solde du marché, tel que fixé par le décompte général. Par un jugement n° 1601202 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté au fond l'opposition à ce titre exécutoire, formée par la société Bonaud, au motif que la créance de la commune était liquide et exigible eu égard au caractère définitif du décompte général.

23. Toutefois, le décompte général n'avait, à la date d'émission du titre contesté, pas encore acquis un caractère définitif, en raison de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus, et en particulier du caractère tardif de l'établissement du décompte général par la commune ainsi que de la saisine préalable, par la société Bonaud, du tribunal administratif de Caen en vue de la fixation du solde du marché. Ainsi, la créance correspondant au solde du marché n'était pas exigible à cette date et ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, donner lieu à l'émission d'un titre exécutoire.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Bonaud est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande tendant à l'annulation de ce titre.

Sur les frais liés au litige :

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir les conclusions présentées par les parties, en appel, dans les affaires n° 20NT01631 et n° 20NT01632, ainsi qu'en première instance, dans l'affaire n° 1600690, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600690 du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Bonaud devant le tribunal administratif de Caen sous le n° 1600690 est rejetée.

Article 3 : Le jugement n° 1601202 du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Caen, ainsi que le titre de recettes exécutoire d'un montant de 5 263,19 euros émis le 30 mai 2016 par la commune d'Hérouville-Saint-Clair à l'encontre de la société Bonaud, sont annulés.

Article 4 : Les conclusions présentées par les parties, en appel, dans les affaires n° 20NT01631 et n° 20NT01632, ainsi qu'en première instance, dans l'affaire n° 1600690, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bonaud et à la commune d'Hérouville-Saint-Clair.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

C. Rivas

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 20NT01631, 20NT01632

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01631;20NT01632
Date de la décision : 04/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP BALI COURQUIN JOLLY PICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-04;20nt01631 ?
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