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12/04/2021 | FRANCE | N°20NT00574

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 12 avril 2021, 20NT00574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 506 487,36 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant, d'une part, sa suspension pour une durée de six mois d'exercer quelque fonction auprès de mineurs ou pour exploiter les locaux accueillant des mineurs et participer à de tels accueils et, d'autre part, interdisant à M. C... d'exercer des fonctions

de directeur et d'animateur auprès des mineurs accueillis dans le cadre des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 506 487,36 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant, d'une part, sa suspension pour une durée de six mois d'exercer quelque fonction auprès de mineurs ou pour exploiter les locaux accueillant des mineurs et participer à de tels accueils et, d'autre part, interdisant à M. C... d'exercer des fonctions de directeur et d'animateur auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles, d'exploiter des locaux les accueillant et de participer à l'organisation des accueils, pour une durée de cinq ans à compter de la notification de l'arrêté, en vertu du premier alinéa de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles.

Par un jugement n° 1802149, 1802150 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 4 novembre 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il limite la condamnation de l'Etat à la somme de 1 000 euros ;

2°) de porter à la somme de 506 487,36 euros le montant de la condamnation de l'Etat en réparation des préjudices que lui ont causé les arrêtés des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 du préfet d'Ille et Vilaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ainsi qu'il en a été jugé la faute de l'Etat résultant de l'illégalité des décisions du préfet est établie au cas d'espèce ; subsidiairement la responsabilité sans faute est engagée pour risque professionnel dès lors qu'il agissait pour le compte d'un service public et qu'il a subi un dommage né d'une dénonciation calomnieuse d'un usager de ce service ;

- il sera indemnisé de son préjudice financier né de sa perte de salaire pour 6 487,36 euros et de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence consécutif pour 500 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association " La Big'Eden ", que M. C... présidait, a été autorisée à exploiter le lieu de vie du même nom situé à Lourmais (Ille-et-Vilaine) à compter du 8 juin 2007 pour l'accueil de mineurs en difficulté, âgés de 13 à 18 ans, au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le 10 décembre 2013, le département d'Ille-et-Vilaine a été destinataire d'une information sur des faits de violence exercés par M. C... sur un jeune confié à l'ASE et accueilli sur ce lieu de vie. Ces faits ont donné lieu à un dépôt de plainte et à un signalement auprès du procureur de la République. Par un courrier du 13 janvier 2014, le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine a également informé de ces faits le préfet de ce même département. Par un arrêté du 23 janvier 2014, visant tant l'article L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles que l'article L. 331-5 de ce code, le préfet a décidé la fermeture provisoire et immédiate de ce lieu de vie pour une durée de trois mois, en application de l'article L. 331-5 du code de l'action sociale et des familles. Par un jugement du 17 avril 2014, le tribunal correctionnel de Saint-Malo a condamné M. C... à deux mois de prison avec sursis pour des faits de violence et à l'indemnisation des préjudices du plaignant et de ses parents. Par un arrêté du 22 avril 2014, pris après une procédure contradictoire de contrôle administratif, le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine a prononcé la fermeture totale et définitive du lieu de vie à compter du 23 avril suivant, fermeture valant ainsi retrait de l'autorisation dont l'association bénéficiait, en application de l'article L. 313-18 du code de l'action sociale et des familles. Par un arrêté du 6 juin 2014, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris à l'encontre de M. C... une mesure de suspension d'exercer quelque fonction auprès de mineurs ou d'exploiter les locaux accueillant des mineurs et participer à de tels accueils pour une durée de six mois. Par un arrêté du 7 janvier 2015 pris après avis du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative du 9 décembre 2014, le préfet d'Ille-et-Vilaine, abrogeant son précédent arrêté du 6 juin 2014, a interdit à M. C..., pour une durée de cinq ans à compter de la notification de l'arrêté, d'exercer des fonctions de directeur et d'animateur auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles, d'exploiter des locaux les accueillant et de participer à l'organisation des accueils, en vertu du premier alinéa de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles. Par un arrêt du 27 avril 2016, la cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement du 17 avril 2014 du tribunal correctionnel de Saint-Malo et a renvoyé M. C... des fins de la poursuite. Par deux jugements n° 1400454 et n°s 1403612, 1501169 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 23 janvier 2014, 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine. Par deux courriers distincts du 9 janvier 2018, M. C... et l'association " La Big'Eden " ont demandé chacun réparation de leur préjudice au préfet d'Ille-et-Vilaine, lequel a refusé de faire droit à ces demandes par des courriers du 13 mars 2018. Par un jugement du 5 décembre 2019, dont M. C... relève seul appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par l'association " La Big'Eden ", prise en la personne de son liquidateur, a accordé à M. C... 1 000 euros au titre de son préjudice moral résultant de l'illégalité fautive des arrêtés des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015, 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. M. C... demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a écarté sa demande tendant à être indemnisé à hauteur de 6 487,36 euros au titre de salaires qui ne lui ont pas été versés par l'association " La Big'Eden " qui l'employait comme salarié et responsable du lieu de vie du même nom et en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice moral né de l'illégalité fautive résultant de l'intervention des arrêtés préfectoraux des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 à 1 000 euros alors qu'il sollicite 500 000 euros.

3. Les deux arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 qui ont interdit successivement à M. C..., pour une durée de 6 mois, puis de 5 ans, d'exercer des fonctions de directeur et d'animateur auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles, d'exploiter des locaux les accueillant et de participer à l'organisation de leur accueil ont été annulés pour un même motif de fond par un jugement n°s 1403612,1501169 du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Rennes, devenu définitif, et il est constant que leur illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors qu'ils reposaient sur des faits non établis, ainsi qu'en a jugé la cour d'appel de Rennes dans son arrêt du 27 avril 2016.

4. Il résulte toutefois de l'instruction que ces arrêtés ont été précédés d'un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 23 janvier 2014 décidant la fermeture provisoire du lieu de vie et d'accueil de mineurs en difficulté dénommé " La Big'Eden ", alors dirigé par M. C..., à la suite de la plainte, en décembre 2013, d'un mineur y résidant pour des faits de violence, d'un jugement du 14 avril 2014 du tribunal correctionnel de Saint-Malo condamnant M. C... à deux mois de prison avec sursis pour des faits de violence sur mineur par une personne chargée de mission de service public et à indemniser ce dernier, ses parents et le département d'Ille-et-Vilaine, ainsi que d'un arrêté du 22 avril 2014 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine décidant la " fermeture totale et définitive " de cet établissement à la suite de la remise d'un rapport de contrôle administratif conclu par " un avis défavorable à la poursuite de l'activité du lieu de vie ". Dans ces conditions, d'une part, il n'est pas établi par l'instruction que les pertes de salaires dont se prévaut M. C... résultent des arrêtés préfectoraux illégaux des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 alors que la fermeture du lieu de vie, à l'origine de la perte de son emploi salarié, est largement antérieure à ces arrêtés. D'autre part, si les deux arrêtés préfectoraux des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 ont causé un préjudice moral à M. C..., celui-ci était déjà significativement constitué à ces dates dès lors que l'intéressé avait perdu son emploi depuis plusieurs mois et que sa notoriété personnelle et professionnelle était défavorablement atteinte du fait notamment de la fermeture du lieu de vie qu'il dirigeait et du procès tenu en avril 2014, relatés par la presse locale. Si M. C... peut être regardé comme soutenant que les services de l'Etat ont organisé la venue de la presse lors de la fermeture du lieu de vie " La Big'Eden " ceci n'est pas établi par l'instruction et est sans lien avec les seuls arrêtés des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015 pour lesquels il demande l'indemnisation de son préjudice moral. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. C... au titre de sa perte de rémunération et celles tendant à la majoration de l'indemnisation de son préjudice moral ne peuvent qu'être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 1 000 euros l'indemnisation des préjudices dont il se prévalait du fait de l'illégalité des arrêtés préfectoraux des 6 juin 2014 et 7 janvier 2015.

Sur les frais d'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. C....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00574
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP GAFFET MADELENNAT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-12;20nt00574 ?
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