La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2021 | FRANCE | N°20NT01706

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 mai 2021, 20NT01706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du choletais a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner in solidum la Société Ingénierie Nature et Technique (SINT) et la société Naldeo à lui verser les sommes de 500 000 euros, 54 269,06 euros, et 20 000 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, au titre, respectivement, des travaux de reprise des désordres affectant la station d'épuration construite à Vezins, des préjudices consécutifs et du trouble de jouissance de l'ouvra

ge, et de mettre à la charge des mêmes sociétés, in solidum, les frais d'expertis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du choletais a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner in solidum la Société Ingénierie Nature et Technique (SINT) et la société Naldeo à lui verser les sommes de 500 000 euros, 54 269,06 euros, et 20 000 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, au titre, respectivement, des travaux de reprise des désordres affectant la station d'épuration construite à Vezins, des préjudices consécutifs et du trouble de jouissance de l'ouvrage, et de mettre à la charge des mêmes sociétés, in solidum, les frais d'expertise judiciaire, augmentés des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1710985 du 8 avril 2020, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Naldeo à verser à la communauté d'agglomération du Choletais une indemnité de 207 883,71 euros au titre des désordres affectant la station d'épuration de Vezins, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2017 et capitalisation, ainsi que 9 913,98 euros au titre des frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juin et 12 octobre 2020, la société Naldeo, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la communauté d'agglomération du Choletais ;

3°) avant dire droit de procéder à une mesure d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Choletais la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la faute retenue par le tribunal n'est pas établie : le désordre et le dysfonctionnement allégués de la station ne sont pas établis ; l'installation en zone inondable ne pouvait être identifiée au regard de l'étude de la société Coulais de 2004 ; au regard de la perméabilité des sols en surface, l'étude préliminaire de la société SINT prenait en compte l'ETP décadaire et aucune erreur de calcul de dimensionnement n'est établie alors que la société Phytorem a validé l'implantation de la bambouseraie ; la réalité du désordre n'est pas aujourd'hui établie alors que les bambous se sont développés ; la faute de la communauté d'agglomération est établie pour avoir imposé la réalisation de travaux de décapage des terres alors qu'elle avait connaissance des risques liés à leur réalisation, au regard du développement des bambous ; il n'incombait pas à la société Pöyry de réaliser une étude hydrogéologique, alors que la communauté d'agglomération connaissait le caractère inondable du site ; alors que seule la société Phytorem pouvait expliquer les conséquences de l'implantation de bambous en zone inondable, celle-ci a validé leur implantation ; la communauté d'agglomération a participé à son préjudice également en gérant de manière inadaptée l'irrigation après la mise en oeuvre de l'ouvrage, puis par un arrosage insuffisant l'été suivant et en tondant les pousses de bambous cherchant à se développer ; le préjudice de jouissance a été indemnisé à tort dès lors que la communauté d'agglomération a, par son inaction après le dépôt du rapport d'expertise, maintenu l'exploitation dans des conditions anormales ; eu égard à l'évolution favorable de la bambouseraie, il n'est pas établi que les travaux de reprise demandés seraient justifiés, notamment s'agissant du terrassement pour 11 000 m3 alors que les solutions préconisées par l'expert sont maximales ;

- les conclusions d'appel incident présentées par la communauté d'agglomération seront rejetées ; le tribunal administratif n'a pas méconnu son office en retenant l'existence d'une plus-value mais a uniquement tiré les conséquences de ses constatations ; il existe bien en l'espèce une plus-value pour la communauté d'agglomération au regard des travaux de reprise demandés ;

- un expert sera désigné afin essentiellement de décrire l'état de développement des bambous et leur évolution au regard des éléments figurant au rapport d'expertise du 18 avril 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 septembre 2020 et 27 octobre 2020, la communauté d'agglomération du Choletais, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Naldeo ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en portant à 600 000 euros toutes taxes comprises (TTC) le montant mis à la charge de la société Naldeo au titre des désordres affectant la station d'épuration de Vezins ;

3°) de mettre à la charge de la société Naldeo une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au titre de ses conclusions d'appel incident : le jugement est irrégulier en ce qu'il limite le montant du préjudice de la communauté d'agglomération au motif d'une prétendue plus-value apportée à l'ouvrage, moyen qui n'avait pas été soulevé en défense et qui n'est pas d'ordre public ; sauf à méconnaitre son droit à réparation intégrale, les travaux de transformation du sol existant afin de réparer le préjudice subi, par la replantation de bambous, ne s'assimilent pas à une plus-value ; son préjudice indemnisable est de 500 000 euros HT (600 000 euros TTC) conformément aux calculs de l'expert et, à tout le moins de 300 000 euros HT (400 000 euros TTC) si une plus-value liée aux transformations du sol devait être retenue ;

- subsidiairement, le jugement sera confirmé dès lors que les moyens soulevés par la société Naldeo ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2020, la Société d'Ingénierie Nature et Technique (SINT), représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la société Naldeo et les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du Choletais ;

2°) subsidiairement, de limiter sa part de responsabilité à 26 % et de condamner la société Naldeo à la garantir à hauteur de 39 % de toute éventuelle condamnation ;

3°) en tout état de cause, de limiter à 93 530,22 euros le montant des travaux réparatoires, de laisser 25 % de ce coût à la charge de la communauté d'agglomération du choletais et de rejeter toute demande indemnitaire présentée par cette communauté au titre de ses préjudices consécutifs ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du choletais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la société Naldeo et les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du choletais seront rejetées dès lors que les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, si le jugement devait être réformé pour retenir la responsabilité de la société SINT, la société Naldeo devrait la garantir de toute condamnation à hauteur de 39 % ; la responsabilité de la communauté d'agglomération dans l'origine du désordre sera reconnue pour 25 % du coût des travaux de reprise ; elle propose une solution alternative répondant au désordre de manière pérenne pour un coût limité de 93 530,22 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Naldeo, et de Me B..., représentant la communauté d'agglomération du Choletais.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2004, la communauté d'agglomération du Choletais a lancé une opération de construction d'une station d'épuration sur le territoire de la commune de Vezins, mettant en oeuvre une filière de traitement combinant successivement trois filtres plantés de roseaux, trois lagunes et une bambouseraie d'une surface d'environ un hectare. Par un acte d'engagement signé le 6 avril 2004, elle a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à un groupement composé de la Société d'Ingénierie Nature et Technique (SINT), spécialisée dans l'ingénierie de l'assainissement, et du bureau d'études Beture-Cerec, auquel s'est substituée la société Pöyry Environnement, mandataire du groupement, aux droits de laquelle est venue la société Naldeo, après sa radiation du registre du commerce et des sociétés le 5 avril 2013. Les études de sols préalables ont été confiées à la société d'ingénieurs-conseils Coulais Consultants, spécialisée dans l'ingénierie géotechnique. Le lot n° 2 correspondant à la réalisation de la bambouseraie a été attribué à la société Phytorem, par un acte d'engagement signé le 23 mai 2006. Cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 3 novembre 2016. La réception du lot n° 2 est intervenue en 2008. Au cours de la première année de fonctionnement, la moitié des bambous a dépéri, empêchant l'ouvrage d'atteindre les performances épuratrices attendues et la capacité maximale prévue. Par une requête, enregistrée le 22 mars 2012, la communauté d'agglomération du Choletais a demandé au juge des référés d'ordonner une expertise. L'expert, nommé par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 18 juin 2012, a rendu son rapport le 18 avril 2013. Le 12 décembre 2017 la communauté d'agglomération du Choletais a demandé au même tribunal, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, subsidiairement, sur le terrain de leur responsabilité contractuelle, de condamner les sociétés SINT et Naldeo à réparer, à hauteur de 574 269,06 euros, les conséquences préjudiciables des désordres affectant la bambouseraie de la station d'épuration de Vezins, outre les frais d'expertise. Par un jugement du 8 avril 2020, la société Naldeo a été condamnée à verser à la communauté d'agglomération du Choletais une indemnité de 207 883,71 euros au titre de la responsabilité contractuelle en raison des désordres affectant la station d'épuration de Vezins, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2017 et capitalisation, ainsi que 9 913,98 euros au titre des frais d'expertise. La société Naldeo relève appel de ce jugement et la communauté d'agglomération du Choletais présente des conclusions d'appel incident tendant à la réformation de ce jugement afin de porter à 600 000 euros toutes taxes comprises (TTC) la somme mise à la charge de la société Naldeo.

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne la responsabilité de la maitrise d'oeuvre :

2. La responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Par ailleurs, aux termes de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976, applicable au présent marché : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. / A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre sont considérées comme acceptées. / La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. ".

3. En premier lieu, il résulte d'une part de l'instruction que dès la mise en service de la station d'épuration de Vezins le dépérissement rapide de nombreux bambous a eu un effet négatif sur les possibilités d'infiltration de l'eau en sous-sol et l'évapotranspiration qui étaient attendues. Ainsi les eaux traitées ont présenté des niveaux résiduels de phosphore et d'azote supérieurs aux objectifs prescrits par l'arrêté préfectoral autorisant l'exploitation de la station d'épuration et, en conséquence, il a été impossible de traiter une quantité supérieure d'eaux usées, notamment afin de permettre l'urbanisation croissante de la commune de Vezins. Ainsi les constats effectués en 2013 par l'expert désigné à la demande de la communauté d'agglomération du Choletais par le président du tribunal administratif de Nantes établissent clairement la persistance encore à cette date des désordres affectant le fonctionnement de la bambouseraie du fait du dépérissement des végétaux. Par ailleurs, des courriers du 13 juin 2017, 31 mai 2018, 16 mai 2019 et 6 juillet 2020 du service eau environnement forêt de la direction départementale des territoires de Maine-et-Loire indiquent que la performance du système d'assainissement du secteur de Vezins demeure encore non conforme à la réglementation locale. La production de quelques photographies de la bambouseraie prises en 2020 par la société Naldeo, soit plus de dix ans après la réception du lot n° 2 du marché, n'est pas de nature à contredire utilement les autres pièces du dossier sur l'existence du désordre cité. Pour le même motif la réalisation d'une mesure d'expertise pour vérifier l'état de développement des bambous en 2021 est inutile. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Naldeo, au 22 juillet 2009, date à laquelle elle a proposé à la communauté d'agglomération du Choletais la levée des réserves du lot n° 2 concernant l'état des bambous, le désordre lié au dépérissement de ces végétaux et au défaut de fonctionnement normal de la bambouseraie de la station d'épuration, indépendamment de ses causes, était constitué et a d'ailleurs perduré.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les opérations préalables à la réception du lot n° 2, relatif à la réalisation de la bambouseraie, sont intervenues le 31 octobre 2007 et ont donné lieu à des réserves portant sur le mauvais état constaté des bambous justifiant la réalisation d'un bilan portant sur ces végétaux. Par un procès-verbal du 22 juillet 2009 la société Pöyry, mandataire du groupement de maitrise d'oeuvre, chargée notamment de l'élément de mission d'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception (AOR), a proposé la levée de ces réserves et, en l'absence d'opposition de la maitrise d'ouvrage dans le délai imparti par l'article 41.3 cité du CCAG travaux, la réception définitive des travaux sans réserve est alors intervenue. Or, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, à la date de cette levée des réserves, la bambouseraie présentait toujours des dysfonctionnements caractérisés par le dépérissement des bambous en raison de la trop grande présence d'eau à leurs pieds, de nature à priver la station de sa pleine capacité épuratoire. Dans ces conditions, la société Naldeo, venue aux droits de la société Pöyry, n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité au titre d'un défaut de conseil n'est pas engagée alors que par ses actions elle n'a pas mis à même la communauté d'agglomération du Choletais de s'opposer à la réception de cette partie de l'ouvrage.

5. En troisième lieu, si la société Naldeo soutient qu'il n'existe aucun désordre en lien avec la qualité des flux d'entrée et de sortie d'eau de la station, une telle affirmation est sans incidence sur le présent litige dès lors que la communauté d'agglomération du Choletais n'a pas présenté de conclusions sur ce fondement en première instance comme en appel et que le jugement attaqué n'engage pas la responsabilité de la société requérante à ce titre.

6. En dernier lieu, eu égard au fondement de l'engagement de la responsabilité de la société Naldeo mentionné au point 4, les conditions dans lesquelles la société Phytorem en charge du lot n° 2 portant sur la réalisation de la bambouseraie a conçu et mis en oeuvre cette partie de l'ouvrage sont sans incidence sur la responsabilité incombant à la requérante.

En ce qui concerne la faute du maître d'ouvrage :

7. En premier lieu, la société Naldeo soutient que les désordres à l'origine de l'engagement de sa responsabilité trouvent leur origine dans une faute commise par la communauté d'agglomération du Choletais lors du déroulement des travaux, dès lors que cette dernière a décidé que les travaux de décapage des sols devant accueillir la bambouseraie se feraient en novembre 2006. Il résulte du rapport d'expertise que les conditions de réalisation de ces travaux de décapage du terrain d'implantation de la bambouseraie ont en effet contribué à son imperméabilisation, nuisible au bon épanouissement ultérieur des bambous, indépendamment de l'implantation ultérieure d'un dispositif de goutte-à-goutte, dès lors que l'interruption qui a suivi des travaux jusqu'au printemps a contribué à l'engorgement en eau du terrain du fait des intempéries hivernales et de la migration de fines vers les parties ainsi décapées et excavées. Cependant l'instruction n'établit pas que la maitrise d'oeuvre aurait informé la communauté d'agglomération du Choletais des conséquences de la réalisation de ces travaux en début d'hiver sur la vitalité ultérieure des bambous. Inversement, le compte-rendu de chantier du 2 novembre 2006 établit que la société Pöyry a " constaté ... que l'état du terrain devrait permettre aux engins de réaliser le décapage de la terre végétale " et ne fait état d'aucun avertissement adressé à la maitrise d'ouvrage sur les conséquences de ce décapage pour le bon fonctionnement de l'installation. La circonstance que la communauté d'agglomération du Choletais disposerait de services techniques compétents en matière de terrassement ou d'agronomie est à cet égard sans incidence eu égard au contenu de la mission de maitrise d'oeuvre qui avait été contractuellement confiée à la société Pöyry.

8. En deuxième lieu, si l'expert relève que la communauté d'agglomération du Choletais n'a pas remis à la maitrise d'oeuvre une étude prévue relative aux fluctuations de la nappe d'eau présente en sous-face du terrain devant supporter la bambouseraie, l'instruction n'établit pas qu'un tel manquement serait de nature à exonérer la société Pöyry, même partiellement, de sa responsabilité dès lors que le terrain d'assiette du projet souffre principalement et structurellement d'une imperméabilisation qui accroit les rétentions d'eau, de nature à limiter le développement attendu des racines des bambous, et donc leur pouvoir épuratif. L'expert souligne ainsi que si, dès l'origine du projet, la maitrise d'oeuvre a privilégié un système d'épuration reposant sur des végétaux, le cahier des charges du marché élaboré par la société Pöyry pour le lot concernant la bambouseraie s'est révélé inadéquat dès lors que ses auteurs ont adopté une valeur minimale admissible de perméabilité totalement inadaptée à l'implantation d'une bambouseraie sur un tel terrain. Il relève également que l'étude de faisabilité géotechnique réalisée par la société Coulais consultants en 2004, dont la société Pöyry disposait, lui indiquait que les relevés effectués sur le site attestaient de cette difficulté, susceptible de compromettre le projet. Ainsi les éléments dont disposait la maitrise d'oeuvre devaient à tout le moins la conduire à s'interroger sur la pertinence même de la localisation du projet et une simple observation du site durant l'hiver 2006/2007, après décapage et avant la réalisation de la bambouseraie, aurait permis de constater la présence de la remontée d'eaux de sous-face.

9. En troisième lieu, la saisine de la juridiction par la communauté d'agglomération du Choletais seulement plusieurs années après le dépôt du rapport d'expertise ne caractérise pas une situation où la personne publique aurait contribué à son propre préjudice alors qu'aucune majoration du désordre n'est établie après le dépôt du rapport d'expertise.

10. En quatrième lieu, s'il est établi que dans les premiers mois de fonctionnement de la station d'épuration la bambouseraie a souffert d'un approvisionnement en eau excessif du fait du mauvais réglage du goutte-à-goutte destiné à irriguer les végétaux en temps de sécheresse, il ressort du rapport d'expertise que ce dérèglement a été rapidement corrigé et qu'en tout état de cause il ne peut expliquer le dépérissement durable observé des bambous dont la cause tient à l'inadaptation du sol. Il en va de même s'agissant des conditions d'irrigation de la bambouseraie l'été suivant.

11. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la tonte malencontreuse de pousses de bambous par les services de la communauté d'agglomération aurait été à l'origine des dépérissements observés des bambous, qui trouvent leur origine dans les entraves rencontrées à leur développement racinaire du fait de l'inadaptation du sol.

12. Il résulte des cinq points précédents qu'aucune faute de la communauté d'agglomération du Choletais n'est de nature à exonérer la société Naldeo de sa responsabilité.

En ce qui concerne l'indemnisation du maitre d'ouvrage :

13. En premier lieu, le jugement attaqué alloue notamment à la communauté d'agglomération du Choletais une somme de 20 000 euros à titre de réparation de son préjudice de jouissance résultant du fait que depuis sa création en 2007 la station d'épuration de Vezins ne fonctionne qu'au tiers de sa capacité et que, dans ces conditions, elle ne satisfait pas aux obligations réglementaires préfectorales en matière de rendements épuratoires d'azote et de phosphore. Toutefois, d'une part, pour les motifs exposés au point 9, la seule circonstance que la communauté d'agglomération du Choletais a attendu plusieurs années après le dépôt du rapport d'expertise avant de chercher à être indemnisée de ce préjudice n'établit nullement qu'elle a contribué à la réalisation du désordre à l'origine du préjudice indemnisable cité. D'autre part, sous réserve des règles de prescription, elle n'était pas tenue par un délai avant de saisir la juridiction de sa demande indemnitaire. Par suite, c'est à bon droit et sans se contredire que les premiers juges ont accordé à la communauté d'agglomération du Choletais l'indemnisation susmentionnée de son préjudice de jouissance.

14. En second lieu, le jugement condamne la société Naldeo à verser à la communauté d'agglomération du Choletais diverses sommes pour un total de 187 883,71 euros à titre de travaux réparatoires et de frais de maîtrise d'oeuvre subséquents relatifs à la bambouseraie. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société Naldeo, le seul maintien des espèces de bambous qui ont survécu aux problèmes de rétention d'eau, alors même qu'ils seraient complétés par la plantation de nouveaux bambous de la même espèce, n'est pas de nature à répondre de manière pérenne aux désordres constatés. Du reste, en dépit du fait que certains bambous auraient survécu, le désordre est toujours présent plus de dix après la réception des travaux. Par suite, la contestation de l'indemnisation allouée par les premiers juges à ce titre ne peut qu'être rejetée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Naldeo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la communauté d'agglomération du Choletais une indemnité de 207 883,71 euros au titre des désordres affectant la station d'épuration de Vezins.

Sur les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du Choletais :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

16. Le jugement attaqué fait droit, en son point 14, à la demande indemnitaire présentée par la communauté d'agglomération du Choletais au titre de son préjudice né du coût des travaux de reprise résultant des désordres affectant la bambouseraie de la station d'épuration de Vezins, à hauteur de 170 883,71 euros et, en son point 15, pour une somme de 17 000 euros au titre des frais d'étude et de maitrise d'oeuvre subséquents. Il écarte cependant en son point 13 l'indemnisation des travaux d'amendement du sol et de mise en oeuvre d'un étage drainant en sous-sol de la bambouseraie dès lors que, ces travaux n'étant pas prévus dans le marché initial, ils s'analysent comme une plus-value apportée à l'ouvrage. Il n'est pas contesté qu'une telle appréciation au regard de la demande présentée repose sur les pièces constitutives de l'instruction. Par suite, alors même que les parties défenderesses en première instance n'avaient pas soulevé cet argument en réponse à la demande de la communauté d'agglomération, il appartenait aux premiers juges de l'opposer, une telle appréciation, dans le cadre de l'évaluation de l'indemnité due à la collectivité demanderesse, ne révélant par ailleurs pas l'existence d'un moyen relevé d'office. Il s'ensuit que la communauté d'agglomération du Choletais n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier en raison de la qualification de plus-value, et du rejet de sa demande d'indemnisation sur ce point, du coût des travaux d'amendement du sol et de mise en oeuvre d'un étage drainant en sous-sol de la bambouseraie.

En ce qui concerne l'existence d'une plus-value :

17. En premier lieu, si les travaux de reprise nécessitent la réalisation de prestations qui n'étaient pas mentionnées dans le marché initial et qui apportent à l'ouvrage une amélioration par rapport aux prévisions du marché, la plus-value en résultant doit être déduite du montant de l'indemnisation due au maître d'ouvrage, même si la réalisation de ces prestations est le seul moyen de remédier aux désordres.

18. Au titre de la réparation des désordres affectant la bambouseraie le jugement attaqué retient qu'il convient d'indemniser la communauté d'agglomération de l'arrachage des bambous existants, de la plantation de nouveaux végétaux partiellement similaires et du remplacement de la barrière à rhizomes. Cependant, les travaux également préconisés par l'expert consistant en un amendement du sol par un matériau drainant et la réalisation d'un étage drainant en sous-sol de la nouvelle bambouseraie n'étaient pas prévus par le marché initial. Par suite, alors même qu'ils seraient indispensables pour remédier aux désordres, ils s'analysent comme une amélioration par rapport aux prévisions du marché et la communauté d'agglomération du Choletais n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait droit à une indemnisation aux titre de tels travaux.

19. En second lieu, si le montant de l'indemnisation allouée par les premiers juges au titre de la replantation des bambous et des frais d'études et de maitrise d'oeuvre est inférieure à celle proposée par l'expert, il demeure que la juridiction n'est pas tenue par les propositions de ce dernier. Au cas d'espèce, le jugement attaqué se réfère à un devis présent au dossier émanant d'une entreprise paysagiste proposant un arrachage des bambous existants et leur remplacement pour un montant inférieur à celui de l'expert, majoré de frais d'étude et de maitrise d'oeuvre. Ces montants n'étant pas davantage précisément contestés devant la cour, les conclusions subsidiaires de la communauté d'agglomération du Choletais tendant à obtenir une revalorisation de son indemnisation à ce titre doivent être rejetées.

20. Il résulte des points 16 à 19 que les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du Choletais doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par chacune des parties.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Naldeo est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération du Choletais sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la communauté d'agglomération du Choletais et la société Ingénierie Nature et Technique sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Naldeo, à la communauté d'agglomération du Choletais et à la société Ingénierie Nature et Technique.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01706
Date de la décision : 19/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL ARMEN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-19;20nt01706 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award