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26/05/2021 | FRANCE | N°20NT01567

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 mai 2021, 20NT01567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé le 26 septembre 2019 au tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'obtenir l'exécution du jugement n°1700224 du 19 juillet 2019 par lequel le même tribunal a enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Par une décision du 7 novembre 2019 le président du tribunal administratif a procédé a

u classement administratif de la demande sur le fondement de l'article R. 921-5 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé le 26 septembre 2019 au tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'obtenir l'exécution du jugement n°1700224 du 19 juillet 2019 par lequel le même tribunal a enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Par une décision du 7 novembre 2019 le président du tribunal administratif a procédé au classement administratif de la demande sur le fondement de l'article R. 921-5 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 12 décembre 2019, faisant suite à la contestation de cette décision de classement, le président du tribunal administratif de Nantes a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de M. D....

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans les sept jours à compter de la notification de sa décision, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1913590 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2020, M. A... D..., représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 février 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en exécution du jugement n°1700224 du 19 juillet 2019, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, versés à son profit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal administratif ne pouvait constater un non-lieu à statuer sur sa demande ; la circonstance qu'il a déposé, en octobre 2017, postérieurement à la demande de visa court séjour, une demande de visa de long séjour, n'est pas une circonstance nouvelle, dès lors que le ministre, qui en avait pourtant connaissance, ne l'a pas évoquée durant l'instance qui a donné lieu à l'injonction dont l'exécution est demandée ; l'interprétation de la prétendue volonté de M. D... aurait dû faire l'objet d'un débat contradictoire pendant l'instance relative à la décision de refus de visa de court séjour du 2 novembre 2016 et en tout état de cause ne pouvait être utilement discutée devant le tribunal administratif, sa demande ne portant que sur l'exécution de l'injonction de délivrance du visa de court séjour ;

- il est fondé à demander l'exécution du jugement n°1700224 du 19 juillet 2019 et d'enjoindre au ministre de lui délivrer un visa de court séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il se réfère au mémoire en défense de première instance et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 novembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 25 juillet 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises au Caire (Egypte) ont refusé de lui délivrer un visa de court séjour. Par un jugement n°1700224 du 19 juillet 2019, le tribunal a annulé la décision attaquée au motif que la commission avait commis une erreur d'appréciation en estimant que l'intéressé ne justifiait pas des ressources suffisantes pour financer son séjour en France. Il a par ailleurs enjoint au ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. D... le visa de court séjour sollicité dans le délai de deux mois. Le ministre de l'intérieur n'a pas contesté le jugement du tribunal administratif, qui est devenu définitif, notamment en ce qui concerne l'injonction prononcée.

2. Le tribunal administratif de Nantes a estimé que la demande d'exécution de son jugement du 19 juillet 2019 était devenue sans objet au motif que l'injonction qu'il avait prononcée ne saurait faire obstacle à ce que le ministre refuse de délivrer le visa sollicité en opposant un nouveau motif, tiré en l'espèce du risque de détournement de l'objet du visa caractérisé par le dépôt le 12 octobre 2017 d'une demande de visa de long séjour, lequel était inconnu de l'administration à la date de la décision initiale de refus de visa, en date du 25 juillet 2016. Pour les premiers juges, dès lors que la décision du ministre du 22 octobre 2019 se fonde sur des motifs de fait nouveaux et n'est contraire ni au dispositif du jugement du 19 juillet 2019 ni à ses motifs, le ministre de l'intérieur, qui n'était pas tenu de respecter une procédure contradictoire préalablement à cette nouvelle décision, était fondé à soutenir qu'il a exécuté ce jugement.

3. La nouvelle décision de refus de visa du ministre de l'intérieur du 22 octobre 2019 ne peut toutefois avoir eu pour conséquence de priver d'objet la demande de M. D..., laquelle ne visait qu'à obtenir l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2019 enjoignant au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité. Par ailleurs, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le refus du ministre est directement contraire au dispositif du jugement du 19 juillet 2019 et ne saurait dès lors être regardé comme ayant été pris pour son exécution. Enfin, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la demande de visa de long séjour de M. D... du 12 octobre 2017 ne pouvait être regardée comme étant inconnue de l'administration, dès lors que devait être prise en compte, non pas la date de la décision initialement attaquée, mais la date de son jugement du 19 juillet 2019. Cette circonstance pouvait ainsi être portée à la connaissance de la juridiction par le ministre au cours de l'instance, notamment afin de s'opposer à la demande d'injonction formulée par le requérant tendant à la délivrance du visa sollicité.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande dont ils étaient saisis était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes du 11 février 2020 doit, dès lors, être annulé comme irrégulier. Par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat ".

6. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.

7. D'autre part, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le jugement n°1700224 du 19 juillet 2019 par lequel le tribunal a enjoint au ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. D... le visa de court séjour sollicité dans le délai de deux mois, est devenu définitif. L'injonction prononcée par ce jugement n'est entachée d'aucune obscurité ou ambigüité. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de court séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en assortissant cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.

9. En second lieu, la demande tendant à ce que le montant de l'astreinte soit versé au requérant doit être rejetée dès lors que la présente instance n'a pas pour objet la liquidation d'une astreinte précédemment prononcée.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement de l'art L761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1913590 du 11 février 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. D... un visa de court séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de 'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT01567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01567
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GAFSIA NAWEL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-26;20nt01567 ?
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