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01/06/2021 | FRANCE | N°19NT04066

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 juin 2021, 19NT04066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., puis Mme C... E... reprenant l'instance engagée par mari décédé le 21 janvier 2015, ont demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'annuler la décision du ministre des armées du 3 novembre 2014.

Par un jugement n° 14/00019 du 4 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2019 devant la cour d'appel de Rennes, transférée à la

cour devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., puis Mme C... E... reprenant l'instance engagée par mari décédé le 21 janvier 2015, ont demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'annuler la décision du ministre des armées du 3 novembre 2014.

Par un jugement n° 14/00019 du 4 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2019 devant la cour d'appel de Rennes, transférée à la cour devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 mars 2020 et 9 juin 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes du 4 juin 2019 ;

2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale aux fins d'évaluer le taux d'invalidité de son mari décédé, pour la période de 2012 à 2015, au regard du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes en date du 28 février 2014 et du lien de causalité existant entre la légionellose et l'affection rénale dont il était atteint et de dire s'il existe un lien de causalité entre le cancer de l'estomac qu'il a développé et la légionellose ou la greffe rénale qu'il a subie ou leurs traitements ;

3°) d'annuler la décision du 3 novembre 2014 et de lui reconnaître un taux d'invalidité de 100 % au titre de l'insuffisance rénale pour la période du 9 septembre 2013 au 21 janvier 2015 ;

4°) de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des effets secondaires des traitements anti-rejets, comprenant la gêne fonctionnelle subie et l'atteinte générale à son état de santé ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la reconnaissance par le tribunal des pensions militaires d'invalidité, dans son jugement du 28 février 2014, du lien de causalité entre la légionellose et l'affection rénale de son mari constitue un élément de fait nouveau postérieur à la décision du 4 mars 2011 ; cette circonstance obligeait le ministère des armées à réexaminer son taux d'invalidité sur la période triennale 2012 / 2015 ; la décision du 3 novembre 2014, qui n'est pas similaire à la précédente pour cette période, n'est dès lors pas purement confirmative et ouvre donc droit à contestation ;

- l'expertise sollicitée est nécessaire dès lors que le ministre n'a pris en compte ni les effets secondaires de la greffe rénale que son mari a subis et la gêne fonctionnelle qui en est résultée, ni l'aggravation de son état de santé depuis 2013 ;

- la décision contestée est fondée sur l'expertise du 20 décembre 2011 et ne tient pas compte de celle réalisée le 23 octobre 2013 ; elle fixe un taux d'invalidité de 40 % au titre de l'insuffisance rénale chronique en considérant que la greffe rénale subie le 5 janvier 2010 a amélioré l'état de santé de son mari sans tenir compte du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité du 28 février 2014 qui a reconnu le lien de causalité entre la légionellose et l'insuffisance rénale de son mari ; les effets secondaires imputables à la greffe rénale, elle-même imputable à l'insuffisance rénale terminale, auraient dû être évalués et pris en compte y compris en ce qui concerne le traitement anti-rejet qui lui était administré ; les effets néfastes de ce traitement constituent une gêne fonctionnelle et une atteinte générale à son état de santé ; il ne lui a notamment pas permis de suivre de chimiothérapie néo-adjuvante pour traiter le cancer de l'estomac qu'il a développé à la suite de cette greffe et de ces traitements et qui constitue une aggravation de la légionellose qu'il a contractée dans le cadre de l'exercice de ses fonctions en mai 2004 ; les traitements et soins mis en place en 2014 attestent des souffrances physiques et psychiques de son mari ; au vu du guide-barème des invalidités les affections cancéreuses sont indemnisées à hauteur de 100 % pendant leur phase évolutive ; il devait donc bénéficier de ce taux pour la période du 9 septembre 2013 au 21 janvier 2015.

Par des mémoires, enregistrés les 13 février, 26 mai et 18 juin 2020, la ministre des armées, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 9 mai 1959, était premier maître dans la marine nationale depuis 1975. Il a accompli une mission militaire à la Réunion du 5 mai au 3 juin 2004, à l'occasion de laquelle il a contracté la légionellose. Le 10 novembre 2006, l'intéressé a été rayé des contrôles de l'armée. Par une décision du 9 juillet 2007, une pension militaire d'invalidité au taux global de 55 % lui a été attribuée pour la période du 27 février 2006 au 26 février 2009, au titre d'une altération modérée de ses fonctions rénales évaluée à 30 % et d'un état anxio-dépressif secondaire à une détresse respiratoire évalué à " 30 % + 5 ". Le 27 juillet 2009, sa pension a été revalorisée au taux global de 65 % pour la période du 27 février 2009 au 26 février 2012, le taux de l'infirmité rénale étant alors porté à 40 %. Le 1er septembre 2009, M. E... a sollicité la révision de sa pension d'invalidité pour aggravation de l'insuffisance rénale chronique modérée dont il était atteint. Le 5 janvier 2010, il a bénéficié d'une transplantation rénale mais a été astreint, à compter de cette date, à suivre un traitement anti-rejet strict présentant de nombreux effets secondaires. Par une décision du 4 mars 2011, le ministre chargé de la défense a rejeté sa demande de révision. Parallèlement, et compte tenu de l'échéance qui arrivait à son terme, M. E... a sollicité le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité pour les trois années suivantes. Le 29 novembre 2012, le taux d'invalidité total de 65 %, qui lui avait été précédemment accordé, a été maintenu pour la période du 27 février 2012 au 26 février 2015. Par un jugement du 28 février 2014, le tribunal des pensions militaires d'invalidité a cependant infirmé la décision ministérielle du 4 mars 2011 et alloué à l'intéressé une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 100 % pour la période du 1er septembre 2009 au 30 août 2012 pour " insuffisance rénale terminale en conséquence d'une insuffisance rénale modérée consécutive à une légionellose ". Le 27 octobre 2014, M. E..., dont l'état de santé s'était sérieusement dégradé, a sollicité auprès du service chargé des pensions militaires l'exécution de ce jugement. Par une décision du 3 novembre 2014, une pension au taux global de " 100 % + 3° " lui a été attribuée au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 en exécution de la décision judiciaire. Cette pension prenait en compte l'insuffisance rénale de l'intéressé évaluée à 100 % ainsi que son état anxio-dépressif évalué à 30 %. Par cette même décision, le ministre a rappelé que pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015 sa pension serait calculée sur la base d'un taux global de 65 %, dont 40 % au titre de l'affection rénale. Le 17 novembre 2014, M. E... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes. Mme E..., qui a repris l'instance au décès de son mari intervenu le 24 janvier 2015, relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande.

2. Dans son jugement du 4 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a jugé que pour le calcul du taux global de " 100 % + 3° " retenu pour la période du 1er septembre 2009 au 30 août 2012 l'administration avait pris en compte l'invalidité allouée au titre de son état anxio-dépressif. Il a par ailleurs considéré que la demande des intéressés relative à la sous-évaluation du taux de 40 % de l'infirmité " insuffisance rénale " pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015 était irrecevable dès lors que la décision du 3 novembre 2014 ne faisait, sur ce point, que confirmer celle du 29 octobre 2012, qui n'avait pas été contestée dans le délai de recours. Le tribunal a ajouté que les requérants auraient tout au plus été recevables à invoquer des moyens de légalité externe à l'encontre de cette décision, ce qu'ils ne faisaient pas en contestant le taux de 40 % retenu au titre de l'insuffisance rénale pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015.

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du 9 juillet 2007 que l'atteinte à la fonction rénale dont M. E... a souffert a été, à compter de cette date, reconnue imputable à la légionellose contractée dans l'exercice de ses fonctions. Par suite, son épouse n'est pas fondée à soutenir que le lien de causalité entre la légionellose et l'affection rénale retenu par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes dans son jugement du 28 février 2014 constituerait un élément nouveau. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, l'administration a toujours pris en compte le taux d'invalidité de l'état anxio-dépressif pour le calcul du taux global de la pension militaire allouée à M. E..., y compris pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 au titre de laquelle il a bénéficié d'un complément de pension de " 3° ", correspondant à un taux d'invalidité de 30 %. De même, les décisions des 9 juillet 2007, 27 juillet 2009 et 3 novembre 2014 attestent de la prise en compte de l'évolution de la pathologie rénale de son mari.

4. Mme E... conteste la décision du 3 novembre 2014, en ce qu'elle rappelle, que pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015, le taux de sa pension militaire d'invalidité a de nouveau été fixé à 65 % sur la base d'une infirmité rénale ramenée à 40 %. Il ressort cependant des pièces du dossier que la décision du 29 novembre 2012 renouvelant les droits à pension de l'intéressé pour cette même période n'a pas été contestée devant le tribunal qui n'était saisi que de la légalité de la décision du 4 mars 2011 se rapportant à la période antérieure. En outre, le jugement dont les termes sont rappelés au point 2, s'est limité à reconnaître le droit à l'intéressé à percevoir une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 100 % pour la période du 1er septembre 2009 au 30 août 2012 pour " insuffisance rénale terminale en conséquence d'une insuffisance rénale modérée consécutive à une légionellose ", sans conférer à cette infirmité et à la pension allouée un caractère définitif. Ainsi que le soutient la ministre des armées, la décision du 3 novembre 2014 est, sur ce point, purement confirmative. Il s'ensuit, que la requérante ne peut utilement soutenir que le taux de la pension militaire d'invalidité de son mari au titre de la période triennale 2012 à 2015 aurait dû être réexaminé sur la base de ce jugement et de l'expertise réalisée en 2013.

5. Par ailleurs, dès lors que la décision du 29 novembre 2012 est devenue définitive, à défaut d'avoir été contestée, et que celle du 3 novembre 2014 présente pour la période du 1er septembre 2012 au 26 février 2015, un caractère purement confirmatif, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sur pièces sollicitée par Mme E... pour évaluer les effets secondaires des traitements consécutifs à la greffe rénale dont son mari a bénéficié en janvier 2010 ainsi que les divers préjudices qui en ont découlés, et dont au demeurant le ministre ne conteste ni la réalité, ni l'étendue.

6. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision du 29 novembre 2012 ainsi que celle du 3 novembre 2014 la confirmant, aurait réduit à 40 % le taux d'invalidité pour altération modérée de la fonction rénale de son mari pour tenir compte de la transplantation rénale dont il a bénéficié en 2010, ni que les effets secondaires de cette greffe, du traitement anti-rejet associé et de la gêne fonctionnelle qui en est résultée, n'auraient pas été pris en compte dans le cadre de ces décisions. De même, les circonstances, qu'à compter de l'année 2013, l'état de santé de son mari n'a cessé de se dégrader, que les trois cancers qu'il a développés ont présenté un caractère évolutif et que les traitements et soins mis en place au cours de l'année 2014 lui ont occasionné de réelles souffrances physiques et psychiques, sont sans incidence sur la légalité de la décision du 3 novembre 2014 en ce qu'elle concerne la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012, seule contestable.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à ce que la décision du 3 novembre 2014 soit annulée et à ce que le taux de la pension militaire d'invalidité attribuée à son mari soit fixé à 100 % au titre de l'insuffisance rénale pour la période du 9 septembre 2013 au 21 janvier 2015 ne peuvent qu'être rejetées. Pour les mêmes motifs, l'intéressée n'est pas fondée à solliciter la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des effets secondaires du traitement anti-rejet auquel son mari a été astreint, de la gêne fonctionnelle subie et de l'atteinte générale à son état de santé qui en est résultée.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04066
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET JEAN-CHRISTOPHE BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-01;19nt04066 ?
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