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25/06/2021 | FRANCE | N°20NT02472

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 25 juin 2021, 20NT02472


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de la construction et de l'habitation ;

­ l'arrêté interministériel du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'agence nationale de l'habitat ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont déposé,

le 12 mars 2012, sur le fondement du 2° du I de l'article R. 321-12 du code de la construction et de l'habitation, une demande ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de la construction et de l'habitation ;

­ l'arrêté interministériel du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'agence nationale de l'habitat ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont déposé, le 12 mars 2012, sur le fondement du 2° du I de l'article R. 321-12 du code de la construction et de l'habitation, une demande de subvention auprès de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), en vue de la réhabilitation complète d'un logement vacant, situé 1 Hôtel Vignette sur le territoire de la commune de Grosville (Manche), logement qu'ils s'engageaient à occuper personnellement pendant une période d'au moins six ans. Par une décision du 1er juin 2012, l'ANAH a décidé de leur octroyer une subvention de 25 438 euros. La demande de paiement de la subvention a été sollicitée par un courrier du 8 juillet 2014. La subvention a alors été intégralement versée. En raison d'une mutation professionnelle, M. et Mme B... ont vendu leur bien, le 13 juin 2016, à la société civile immobilière Hôtel Vignette. Par une décision du 24 avril 2018, la directrice générale de l'ANAH a procédé au retrait de la subvention et a ordonné le reversement par M. et Mme B... de la somme de 21 324 euros. Le recours gracieux formé par les intéressés a été rejeté par une décision du 9 novembre 2018. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 4 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de l'ANAH du 24 avril 2018 ainsi que de la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Sur la légalité de la décision de retrait et de reversement de subvention du 24 avril 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 321-4 du code de la construction et de l'habitation : " Une aide particulière peut être accordée au propriétaire qui s'engage à respecter des obligations définies par voie de convention. La convention, conforme à des conventions types prévues par décret, détermine notamment : a) Le cas échéant, les travaux d'amélioration qui incombent au bailleur ; b) Le montant maximum des loyers ; c) Les conditions d'occupation du logement et, le cas échéant, ses modalités d'attribution ; d) Sa durée, qui ne peut être inférieure à neuf ans si le propriétaire reçoit une aide pour réaliser des travaux d'amélioration, et à six ans dans le cas contraire ; e) Les conditions de sa révision et de sa résiliation ; f) Les pénalités encourues en cas de méconnaissance des engagements conventionnels. Le contrôle du respect de la convention est assuré par l'Agence nationale de l'habitat. (...) ". Aux termes de l'article R. 321-12 du même code : " " I. - L'agence peut accorder des subventions : (...) 2° Aux propriétaires ou à tout autre titulaire d'un droit réel conférant l'usage des locaux pour les logements qu'ils occupent eux-mêmes dans les conditions prévues à l'article R. 321-20 ; (...) " et de son article R. 321-20 : " I. - Pour les opérations et bénéficiaires mentionnés aux I et II de l'article R. 321-12, les locaux pour lesquels la subvention est accordée doivent être occupés pendant une durée et selon des critères déterminés par le règlement général de l'agence (...) ". L'article 15 D du règlement général de l'ANAH qui concerne notamment les propriétaires ou titulaires d'un droit réel d'un logement qu'ils s'engagent à occuper eux-mêmes à titre de résidence principale dispose : " Les logements pour lesquels la subvention est accordée doivent être occupés pendant une durée de six ans. Le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire peut autoriser, avec maintien de la subvention, que le logement ne soit pas occupé lorsque les bénéficiaires de la subvention invoquent des motifs d'ordre médical, familial ou professionnel. / L'autorisation peut être conditionnée à l'obligation de louer le logement à titre de résidence principale avec, le cas échéant, des engagements de location spécifique (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation : " (...) Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. Ce règlement prévoit une procédure de communication préalable et des éléments de calcul sur le montant du reversement et son actualisation indexée sur l'évolution de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. / Ces décisions sont prises à tout moment, avant ou après le versement du solde de la subvention ".

4. Enfin, aux termes de l'article 21 du règlement général de l'ANAH : " En cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH (articles R. 321-12 à R. 321-21 du CCH, engagements conventionnels, présent règlement général...), la décision de subvention sera retirée et tout ou partie des sommes perçues devra être reversé, en application du I de l'article R. 321-21 du CCH et dans les conditions précisées au présent article / (...) Préalablement à toute décision de retrait ou de reversement, un courrier est adressé à la personne intéressée pour l'informer de la mise en oeuvre de la procédure et l'inviter à présenter ses observations dans un délai qu'il fixe mais qui ne saurait excéder deux mois./ Il y a exonération de reversement en cas de mutation dans les cas suivants : (...) / d) Concernant les bénéficiaires et propriétaires occupants mentionnés au I (2° et 3°) de l'article R. 321-12 du CCH: - en cas de vente du logement subventionné, le reversement peut être prononcé sauf si les acquéreurs justifient, de façon expresse, du respect de l'ensemble des engagements réglementaires d'occupation fixés à l'article R. 321-20 du CCH et répondent aux conditions de ressources définies à l'article R. 321-12 ; (...) ".

En ce qui concerne la procédure suivie :

5. D'une part, M. et Mme B... soutiennent que la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que leur courrier du 26 août 2016 adressé à la délégation départementale de l'agence et sollicitant une dérogation au reversement de la subvention n'a pas été transmis au pôle de contrôle des engagements de l'ANAH centrale. Il résulte toutefois de l'instruction que la décision en litige du 24 avril 2018 a été prise après que la procédure contradictoire prévue à l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation et à l'article 21 du règlement général de l'ANAH ait été engagée. Ainsi, par un courrier du 27 mars 2018, l'ANAH a informé M. et Mme B... de la mise en oeuvre de la procédure de retrait et de reversement et les a invités à présenter leurs observations jusqu'au 16 avril 2018. Dans ces conditions, la circonstance invoquée par les requérants a été sans influence sur le sens de la décision et n'a pas privé les intéressés d'une garantie.

6. D'autre part, la durée de l'engagement pris par M. et Mme B... d'occuper personnellement pendant au moins six ans leur bien n'était pas expirée à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sauraient alléguer que cette décision serait tardive pour avoir été prise plus de deux ans après la vente de leur bien, une telle décision pouvant intervenir, en application des dispositions précitées de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation, " à tout moment, avant ou après le versement du solde de la subvention ".

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision contestée :

7. En premier lieu, l'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

8. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... se sont engagés, lorsqu'ils ont déposé le 12 mars 2012 leur demande de subvention pour des travaux de réhabilitation complète d'un logement vacant, " à occuper ce logement (...) à titre de résidence principale pour une durée minimale de six ans au plus tard dans le délai d'un an après la date de réception par la délégation de l'ANAH des pièces justifiant l'exécution des travaux ". Ils s'étaient également engagés à " aviser l'ANAH par écrit, après le dépôt du dossier et jusqu'au terme des engagements d'occupation indiquées ci-dessus de toutes modifications qui pourraient être apportées au droit de propriété (...) " et à " reverser à l'ANAH, en cas de non-respect des engagements ci-dessus le montant des subventions reçues ".

9. Il est constant que M. et Mme B... ont cédé le 13 juin 2016 l'immeuble pour lequel l'ANAH leur avait accordé la subvention à la société " Hôtel Vignette ". Les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent que la vente du logement entrait dans le cas de l'exonération de remboursement de la subvention prévue au d) de l'article 21 du règlement général de l'ANAH rappelé ci-dessus. Par suite, c'est sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que l'ANAH a pu décider, par sa décision du 24 octobre 2018, de procéder au retrait de la subvention qu'elle avait versée aux intéressés et de leur demander de procéder à un reversement partiel. Si les requérants soutiennent que lors d'une conversation téléphonique échangée le 21 janvier 2016 avec la déléguée locale de l'ANAH, cette dernière leur aurait assuré qu'en cas de mutation professionnelle, ils seraient libérés de leur engagement, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Au surplus, il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande du notaire effectuée le matin même de la vente à 11 h 01, le délégué de l'agence dans le département lui a précisé, par une réponse apportée à 12 h 04, que M. et Mme B... étaient engagés pour ce logement vis-à-vis de l'ANAH jusqu'au 7 octobre 2020 et qu'ils auraient à rembourser une partie de la subvention perçue après la vente. Il était également ajouté qu'il reviendra à " l'ANAH centrale (Paris) " d'instruire et de décider des conséquences de ce type de rupture d'engagement, les intéressés pouvant apporter toute précision sur la date de la vente et son motif. Il était enfin indiqué que les acquéreurs n'avaient aucun engagement vis-à-vis de l'ANAH. Par suite, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, les requérants étaient parfaitement informés, au moment de la vente, des conséquences de leur décision de vendre le bien.

10. En second lieu, aux termes de l'article 15-D du règlement général de l'ANAH : " (...) Les logements doivent être occupés dans le délai maximum d'un an qui suit la date de déclaration d'achèvement des travaux (...) ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " La réception de la demande de paiement par le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire en cas de délégation de compétence vaut déclaration d'achèvement de l'opération (...) " Enfin, selon l'article 22 du même règlement : " En cas de reversement de la subvention, en application de l'article R. 321-21 du CCH, la quote-part de subvention à reverser est calculée en tenant compte de la durée pendant laquelle les dispositions réglementaires et, le cas échéant, les engagements souscrits ont été respectés (...) / Le montant des sommes à reverser est établi prorata temporis sur la durée des engagements restant à courir à compter de la date de leur rupture (...) " ;

11. Il résulte de ces dispositions que pour apprécier la durée de l'engagement pris par les demandeurs à occuper leur logement pendant six ans, il y a lieu de tenir compte, comme date de début de cet engagement, de la date de déclaration d'achèvement des travaux et non, comme le soutiennent les requérants, de la date de souscription de leur engagement, ni de la date du paiement du premier acompte justifiant de travaux déjà réalisés par des entreprises, laquelle ne saurait justifier de l'achèvement des travaux. Si l'article 15-D prévoit que le logement peut être occupé dans le délai maximum d'un an qui suit la date de déclaration d'achèvement des travaux, l'ANAH, en retenant cette dernière date, a pris la donnée la plus favorable pour les requérants dans le calcul du montant de la subvention qu'ils doivent reverser. Au demeurant, dans la demande de paiement adressée à l'ANAH, les requérants ont attesté avoir pris connaissance de ce que leur engagement à occuper personnellement pendant six ans leur logement commençait à courir à la date de réception de cette demande. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit, et sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, que l'ANAH a pris en compte la date de la déclaration d'achèvement des travaux pour fixer le point de départ de la durée de leur engagement à occuper le logement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme que l'Agence nationale de l'habitat demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. et Mme B... soit mise à la charge de l'Agence nationale de l'habitat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Agence nationale de l'habitat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et à l'agence nationale de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZ

La greffière,

A. BRISSET

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02472
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP CREANCE FERRETTI HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-25;20nt02472 ?
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