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03/12/2021 | FRANCE | N°20NT03080

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 décembre 2021, 20NT03080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme G... F..., agissant en leur nom propre, en leur qualité d'ayants droit de leur fille B..., ainsi qu'en celle de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) du Centre Bretagne à leur verser, d'une part, une somme de 70 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille B..., d'autre part, les sommes de 1 196 euros au titre de leurs préjudices patrimoniaux et de 20 000 euros cha

cun au titre de leur préjudice moral et enfin, une somme de 20 000 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme G... F..., agissant en leur nom propre, en leur qualité d'ayants droit de leur fille B..., ainsi qu'en celle de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) du Centre Bretagne à leur verser, d'une part, une somme de 70 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille B..., d'autre part, les sommes de 1 196 euros au titre de leurs préjudices patrimoniaux et de 20 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et enfin, une somme de 20 000 euros pour chacun de leurs deux enfants en réparation de leur préjudice moral, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande préalable.

Par un jugement n°1800960 du 3 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CH du Centre Bretagne à verser à M. et Mme F... une somme globale de 7 196,31 euros ainsi qu'une somme de 20 000 euros à chacun d'eux au titre de leur préjudice d'affection, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 21 novembre 2017 et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2020 et 18 mars 2021, M. C... F... et Mme G... F..., agissant en leur nom propre, en leur qualité d'ayants droit de leur fille B..., ainsi qu'en celle de représentants légaux de leurs enfants mineurs D... et E..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et associés, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 3 septembre 2020 en tant qu'il a limité le montant de leur demande d'indemnisation ;

2°) de condamner le centre hospitalier (CH) du Centre Bretagne à leur verser une somme globale de 70 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille B... F... ;

3°) de condamner le CH du Centre Bretagne à leur verser une somme de 50 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection ;

4°) de condamner le CH du Centre Bretagne à leur verser, en réparation du préjudice moral de leurs enfants, D... et E..., une somme de 20 000 euros pour chacun d'eux ;

5°) d'assortir ces sommes des intérêts à taux légal à compter de la réception de leur demande préalable ;

6°) mettre à la charge du CH du Centre Bretagne une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité pour faute du CH du Centre Bretagne à la suite de la prise en charge de Mme F... le 13 octobre 2014 et ayant conduit au décès de leur fille B... n'est pas contestée ;

- l'indemnisation à laquelle leur fille B... pouvait prétendre a été transmise à son décès dans le patrimoine de ses héritiers ; dans ces conditions, il sera alloué aux ayants droit de la victime, 20 000 euros au titre des souffrances endurées et 50 000 euros au titre de la perte de chance de survie ;

- en leur qualité de parents, ils ont subi des préjudices propres, en l'occurrence, un préjudice patrimonial pour un montant total de 1 196,31 euros, indemnisé intégralement par le tribunal administratif dans le jugement attaqué, ainsi qu'un préjudice d'affection qui devra être indemnisé pour chacun d'eux à hauteur de 50 000 euros ;

- le préjudice moral subi par leurs enfants, D... et E..., devra être indemnisé à hauteur de 20 000 euros pour chacun d'eux.

Par un mémoire enregistré le 19 février 2021, le centre hospitalier du Centre Bretagne, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Soubrié, représentant M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., alors âgée de 31 ans et enceinte de 37 semaines et 6 jours, a été admise, le 13 octobre 2004, à 5 heures du matin, au centre hospitalier de Pontivy, pour une rupture prématurée de la poche des eaux, sans contractions utérines associées. Un monitorage fœtal a alors été mis en place. Le lendemain, après avoir constaté plusieurs ralentissements du rythme cardiaque du fœtus, l'équipe médicale en charge de la parturiente a décidé de pratiquer une césarienne. A 17 heures 32, l'enfant B... F... est née et a été déclarée en état de mort apparente. Malgré la mise en œuvre de techniques de réanimation et d'une ventilation intra trachéale pendant une quarantaine de minutes, son décès a été prononcé le même jour à 18 heures 20.

2. Le 18 septembre 2014, M. et Mme F... ont présenté une réclamation indemnitaire préalable devant la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) de la région en leur nom propre et en tant qu'ayants droit de leur enfant B... ainsi qu'en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs D... et E.... A la demande de la CCI, deux expertises ont été réalisées, la première a été confiée aux professeurs Milliez et Bouillié, la seconde aux professeurs Devictor et Kayem. Par un avis rendu le 17 juin 2016, la commission a retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier et a invité son assureur à présenter une offre d'indemnisation aux requérants. Le 21 novembre 2016, les époux F... ont adressé au centre hospitalier une réclamation préalable d'indemnisation de leurs préjudices. Ils ont refusé l'offre que leur a adressée l'assureur de l'établissement le 21 décembre 2017. Le 27 février 2018, ils ont déposé une demande indemnitaire auprès du tribunal administratif de Rennes. Par un jugement du 3 septembre 2020, le tribunal administratif a retenu la responsabilité du centre hospitalier (CH) du Centre Bretagne, venu aux droits du centre hospitalier de Pontivy, et a condamné le centre hospitalier à verser à M. et Mme F... une somme globale de 7 196,31 euros ainsi qu'une somme de 20 000 euros à chacun d'eux au titre de leur préjudice d'affection. M. et Mme F... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de leur indemnisation. Le CH du Centre Bretagne ne conteste pas la responsabilité pour faute retenue à son encontre.

Sur les préjudices de la victime, l'enfant B... F... :

3. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en œuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers. Il n'en va, en revanche, pas de même du préjudice résultant de la perte de chance de survivre dès lors que cette perte n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise des professeurs Milliez et Bouillié, que les souffrances endurées par la jeune B... du fait d'une asphyxie fœtale négligée se sont produites in utero et ont duré environ 2 heures 30, entre

15 heures et 17 heures 32, heure de sa naissance. Si l'enfant a été déclarée en mort apparente et que des soins de réanimation ont été prodigués, il résulte toutefois de ce même rapport d'expertise, confirmé par celui réalisé par les professeurs Devictor et Kayem qui se sont fondés sur le rapport d'autopsie, que le décès a précédé la naissance. Ces souffrances ont créé un droit à réparation entré dans le patrimoine de l'enfant avant son décès et transmis à ses héritiers. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce préjudice en l'estimant à la somme de 6 000 euros.

5. En second lieu, il n'est pas établi, alors que le décès est survenu in utero, que l'enfant ait éprouvé une douleur morale du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite. Par ailleurs, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 que le " préjudice de vie abrégée " résultant pour la jeune B... de la perte de chance de survie, qui s'est constitué à son décès, n'a pu créer aucun droit à réparation susceptible d'avoir été transmis à ses ayants droit. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à demander réparation de ces chefs de préjudice.

Sur le préjudice propre de ses parents, M. et Mme F... :

6. En fixant à 20 000 euros le montant du préjudice d'affection subi par chacun des parents à la suite du décès in utero de la jeune B..., les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. Il y a donc lieu de confirmer cette somme.

Sur le préjudice des enfants D... et E... :

7. Les deux enfants des requérants, D... et E..., sont nés respectivement les 1er décembre 2005 et 11 décembre 2008 et n'étaient donc pas nés à la date du décès de leur sœur B.... Le préjudice moral dont il est demandé réparation en leur nom, n'est ainsi pas établi. Par suite, les requérants ne sauraient demander à ce que le centre hospitalier soit condamné à indemniser leurs enfants de ce chef de préjudice alors même que le centre hospitalier ne s'y opposait pas devant les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F..., au centre hospitalier du Centre Bretagne et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M Salvi président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDEL

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N°20NT03080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03080
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL COUBRIS, COURTOIS etASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;20nt03080 ?
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