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28/01/2022 | FRANCE | N°20NT03392

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 janvier 2022, 20NT03392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Simma a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er avril 2011 au 30 mars 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1803584 du 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 octobre 2020 e

t 30 mai 2021 la

SARL Simma, représentée par Me Morice-Chauveau, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Simma a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er avril 2011 au 30 mars 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1803584 du 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 octobre 2020 et 30 mai 2021 la

SARL Simma, représentée par Me Morice-Chauveau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur l'application de l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 aux opérations de cession de terrains à bâtir issues de la division d'un terrain acquis bâti par l'acheteur-revendeur ;

4°) à titre très subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait apporté une réponse aux questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 416727 du 25 juin 2020 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la transposition de l'article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 n'a été ni complète ni conforme dans la mesure où le législateur français n'a pas repris la condition même tenant à la notion d'achat et de revente ;

- l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 ne prévoit expressément aucune condition tenant à l'absence de transformation de l'immeuble entre l'achat et la revente ;

- il y a lieu d'attendre la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat le l5 juin 2020 ;

- il y a également lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait apporté une réponse à la question posée par la cour administrative d'appel de Lyon le 18 mars 2021.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 mai et 23 décembre 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Simma ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Simma, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé le 14 septembre 2011 à la cession d'un terrain à bâtir, situé sur le territoire de la commune de Saint-Michel-Chef-Chef, cadastrée BI 877, résultant de la division d'une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l'acquisition, une maison d'habitation. Elle a également cédé le 28 octobre 2011 deux terrains à bâtir, situés sur le territoire de la commune de La Plaine-sur-mer, cadastrés BI 244 et BI 245 résultant de la division d'une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l'acquisition, une maison d'habitation. Elle a appliqué à ces cessions de terrains à bâtir le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. L'administration a remis en cause ce régime d'imposition. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été ainsi mis à la charge de la société pour la période considérée. Par un jugement du 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la SARL Simma tendant à la décharge de ces rappels. La SARL Simma relève appel de ce jugement.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de cette directive, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

4. En premier lieu, si l'article 268 du code général des impôts implique que seules les opérations de vente d'un terrain à bâtir acheté comme tel, ou de vente d'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans acheté comme tel, peuvent bénéficier des modalités de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il prévoit, et que, corrélativement, l'opération de vente d'un terrain à bâtir acheté comme un immeuble bâti n'y ouvre pas droit et relève du régime de droit commun de la taxe, l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 n'ouvre la possibilité d'asseoir la taxe sur la valeur ajoutée sur la différence entre le prix de vente et le prix d'achat que dans la seule hypothèse de la livraison d'un bâtiment ou d'un terrain à bâtir acquis comme tel en vue de sa revente, lorsque l'assujetti n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition. Ainsi, les dispositions de l'article 268 se bornent à tirer les conséquences nécessaires, dans l'exercice de la faculté de transposition offerte aux Etats membres par l'article 392 de la directive, des dispositions précises et inconditionnelles de cet article. Dès lors, la SARL Simma n'est pas fondée à soutenir que la transposition en droit interne de l'article 392 de la directive du

28 novembre 2006 n'est ni complète ni conforme au motif que le législateur français n'a pas transposé dans l'article 268 du code général des impôts les notions d'achat et de revente.

5. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, soit que le bâtiment qui y était édifié ait fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur soit, comme en l'espèce, que le bien acquis ait fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment. C'est par suite à bon droit que l'administration a remis en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

6. Si la SARL Simma demande, à titre subsidiaire, qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait apporté une réponse aux questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 416727 du 25 juin 2020, toutefois, par son arrêt C-299/20 du 30 septembre 2021, rendu dans le cadre du régime de taxe sur la valeur immobilière applicable avant le 11 mars 2010, mais également applicable au régime actuel, la Cour de justice s'est prononcée sur cette question préjudicielle en considérant que l'article 392 de la directive de 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, notamment par l'effet d'une division parcellaire, des terrains à bâtir. Eu égard au contenu de cette réponse, la seconde demande de la SARL Simma tendant à ce que la cour sursoie à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne sur une question préjudicielle posée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon le 18 mars 2021, doit également être rejetée.

7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une nouvelle question préjudicielle, que la SARL Simma n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Simma est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Simma et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2022.

Le rapporteur

J.E. GeffrayLa présidente

I. PerrotLa greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03392
Date de la décision : 28/01/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : MORICE-CHAUVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-28;20nt03392 ?
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