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04/02/2022 | FRANCE | N°20NT04071

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 février 2022, 20NT04071


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ le code général des collectivités territoriales ;

­ le code de la voirie routière ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouvier représentant la commune de Concarneau.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... est propriétaire depuis le

8 juin 2001 d'un immeuble à usage d'habitation situé 13 rue des martins-pêcheurs sur le territoire de la commune de Concarneau. Le...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ le code général des collectivités territoriales ;

­ le code de la voirie routière ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouvier représentant la commune de Concarneau.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... est propriétaire depuis le 8 juin 2001 d'un immeuble à usage d'habitation situé 13 rue des martins-pêcheurs sur le territoire de la commune de Concarneau. Les 1er janvier, 11 février et 26 octobre 2014, trois inondations ont affecté sa propriété. A sa demande, le président du tribunal de grande instance de Quimper a ordonné une expertise le 11 février 2015. L'expert a rendu son rapport le 19 octobre 2016. Mme C... a saisi le juge civil pour obtenir réparation de son préjudice. Par un courrier du 6 décembre 2016, réitéré le 13 mars 2017, elle a également saisi la commune de Concarneau d'une demande d'indemnisation préalable de ses préjudices. La commune a rejeté sa demande par une décision du 4 avril 2017. Mme C... et la mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), venant aux droits de la société Filia MAIF, demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 novembre 2020 rejetant leur demande tendant à la condamnation de la commune de Concarneau à verser une somme de 40 696,62 euros à la société Filia MAIF et une somme de 26 952,21 euros à Mme C....

Sur la responsabilité de la commune de Concarneau :

2. Les requérantes soutiennent que la responsabilité de la commune de Concarneau, du fait des inondations subies sur la propriété de Mme C... constatées les 1er janvier, 11 février et 26 octobre 2014, est engagée tant sur le fondement de la responsabilité sans faute que sur celui de la responsabilité pour faute.

En ce qui concerne les inondations survenues les 1er janvier et 11 février 2014 :

S'agissant de la responsabilité sans faute :

3. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que la maison de Mme C..., qui comprend un sous-sol enterré, se situe en contrebas de la rue des martins-pêcheurs à Concarneau. En amont, se trouve, bordé par un talus, un terrain agricole sur lequel, au moment des faits, un chantier était en cours en vue de la création d'un lotissement de 55 lots, réalisé sous maîtrise d'ouvrage privée. Dans le cadre de ces travaux, une ouverture, pour permettre l'accès au chantier, a été réalisée face aux parties habitées. Ce terrain est séparé de la propriété de Mme C... par une voie communale, ouvrage public, qui comporte, du côté des constructions existantes, un caniveau destiné à l'évacuation des eaux de pluie de la chaussée.

5. Selon ce même rapport d'expertise, les inondations du sous-sol de la maison de Mme C... lors des épisodes pluvieux apparus à compte du 13 décembre 2013 ont eu pour cause le déversement d'eaux et de coulées de boue provenant du tènement voisin surplombant la propriété de l'intéressée et sur lequel le chantier était en cours. Les dommages survenus le 1er janvier 2014 sont dus à la rupture d'un talutage réalisé sur ce chantier, dont l'objet était de contenir les eaux sur le terrain d'assiette du projet de lotissement, qui a cédé sous la pression des eaux accumulées. S'agissant de l'inondation du 11 février 2014, elle a pour origine les eaux provenant de la voie de desserte du lotissement en cours de réalisation, créée en phase provisoire du chantier, qui se sont déversées par ruissellement sur la chaussée générant un encombrement des évacuations et dont la cause est un défaut d'anticipation en l'absence de réalisation préalable d'un réseau destiné à capter les eaux tombées en très fortes quantité lors des épisodes pluvieux précédents. Il s'ensuit que les eaux à l'origine de ces inondations proviennent, non pas des eaux tombées sur la voie publique, mais d'eaux provenant en quantité importante d'un fond supérieur privé qui ont traversé la voie pour venir ensuite inonder le sous-sol de la maison de Mme C.... Il ne résulte pas, en revanche, de l'instruction, alors que depuis le 8 juin 2001, date d'acquisition par Mme C... de sa maison, aucune déclaration d'inondation n'a été enregistrée, que le caniveau d'évacuation des eaux pluviales bordant la voie publique était, au regard des caractéristiques de cette voie, insuffisamment dimensionné, même en cas d'évènement pluvieux fort comme en l'espèce, pour assurer la collecte des eaux pluviales. En particulier, ce caniveau ne saurait avoir pour objet de canaliser les eaux de pluie et coulées de boue provenant d'un fond privé qui, en raison de leur quantité extrêmement importante, n'ont pu que traverser la voie. La circonstance que la commune de Concarneau a fait réaliser, après les inondations du 1er janvier 2014 et du 26 octobre 2014, des travaux devant la propriété de Mme C... et le curage du réseau d'eau pluviale ne saurait établir l'insuffisance ou le dysfonctionnement de l'ouvrage public dès lors que de tels travaux étaient destinés à prévenir tout nouveau dommage eu égard au risque présenté par l'écoulement des eaux issues du chantier en cours de réalisation.

S'agissant de la responsabilité pour faute :

6. En premier lieu, si les requérantes allèguent que la commune de Concarneau aurait manqué à son devoir d'information en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage sur les précautions à prendre en phase de chantier, elles n'excipent pas de l'illégalité de l'autorisation d'urbanisme délivrée par la commune pour procéder à la réalisation du lotissement dont il s'agit, ni ne précisent les dispositions du code de l'urbanisme qui auraient été méconnues. La seule circonstance que la commune a participé à des réunions de chantiers n'est pas de nature à établir qu'elle a reçu mission, par le maître d'ouvrage ou le maître d'œuvre, de leur apporter, en ces occasions, son assistance dans la mise en place du chantier. Au surplus, il n'est pas établi que le défaut d'information allégué présenterait un lien de causalité direct et certain avec les dommages subis par les requérantes dès lors, et ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, que le maître d'œuvre avait fait réaliser une étude hydrologique préalable de nature à attirer son attention dès lors qu'elle avait donné lieu à un avis réservé sur la capacité d'infiltration du sol par les eaux pluviales.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 141-1 du code de la voirie routière : " Les profils en long et en travers des voies communales doivent être établis de manière à permettre l'écoulement des eaux pluviales et l'assainissement de la plate-forme. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / (...) 5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ; (...) ".

8. Il ne résulte pas de l'instruction que la rue des martins-pêcheurs ne répondrait pas aux prescriptions techniques prévues à l'article R. 141-1 du code de la voirie routière. Au surplus, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les inondations du sous-sol de l'habitation de Mme C... ne sauraient, par elles-mêmes, établir que les profils de la rue auraient été réalisés en méconnaissance de ces dispositions, ni que les dommages subis par l'habitation de Mme C... auraient pour origine le défaut d'aménagement de la voie publique. De même, et pour le même motif, les requérantes ne sauraient invoquer la faute de la commune de Concarneau en tant que le maire, qui doit pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale, aurait fait preuve de carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police qu'il tient des dispositions du 5° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales : " Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : / (...) 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ; 4° Les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement. "

10. En se bornant à se prévaloir d'une méconnaissance de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales qui a notamment trait à la délimitation par les communes des zones de limitation d'imperméabilisation et de celles où doivent être prévues des installations pour la gestion des eaux pluviales et de ruissellement en cas de risque de pollution, les requérantes ne démontrent pas l'existence d'une carence de la commune dans ce cadre ni d'un lien entre cette éventuelle carence et les dommages dont elles se plaignent.

11. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de la commune de Concarneau à l'occasion des inondations survenues les 1er janvier et 11 février 2014.

En ce qui concerne l'inondation survenue le 26 octobre 2014 :

12. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges sans que leur décision soit sur ce point contestée, que ni Mme C..., ni la MAIF n'établissent avoir subi un préjudice résultant de l'inondation survenue le 26 octobre 2014. En appel, les requérantes n'apportent aucun élément nouveau. Dans ces conditions, à défaut d'établir un lien de causalité entre un éventuel préjudice et l'inondation survenue le 26 octobre 2014, elles ne sont pas davantage fondées à rechercher la responsabilité de la commune.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Concarneau, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Aux termes de l'article R 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

15. En l'absence de responsabilité de la commune de Concarneau à l'égard de

Mme C... et de la MAIF, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune les frais de l'expertise judiciaire.

16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Concarneau, qui n'est pas la partie tenue aux dépens dans la présente instance, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C... et de la MAIF une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Concarneau et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et de la MAIF est rejetée.

Article 2 : Mme C... et la MAIF verseront, ensemble, à la commune de Concarneau la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., à la mutuelle assurance des instituteurs de France et à la commune de Concarneau.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2022.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20NT04071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT04071
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LAURET PAUBLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;20nt04071 ?
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