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11/03/2022 | FRANCE | N°20NT00742

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 mars 2022, 20NT00742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les Villas Fleuries a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2013 à 2015 et de lui accorder un sursis de paiement.

Par un jugement n° 1802239 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne le sursis de paiement (article 1er) et a prononcé la décharge solli

citée (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les Villas Fleuries a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2013 à 2015 et de lui accorder un sursis de paiement.

Par un jugement n° 1802239 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer en ce qui concerne le sursis de paiement (article 1er) et a prononcé la décharge sollicitée (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février 2020 et 29 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Les Villas Fleuries les rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 33 541 euros en droits et 3 060 euros en pénalités.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a estimé que les opérations réalisées par la SARL Les Villas Fleuries pouvaient être assujetties au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts ;

- il n'y a pas lieu de surseoir à statuer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2021, la SARL Les Villas Fleuries, représentée par Me Da Costa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés et qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat dans sa décision du 25 juin 2020 n° 416727 et par la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 18 mars 2021 n° 19LY00501.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Brasnu,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Les Villas Fleuries, spécialisée dans la promotion immobilière, a acquis par acte du 20 novembre 2012 un ensemble immobilier composé d'une maison et d'un terrain, situé 26 rue des Cinq Noyers à Châteauneuf-sur-Loire. Après avoir obtenu un permis d'aménager pour la création d'un lotissement, la société a vendu entre 2013 et 2015 trois parcelles de terrain à bâtir issues de cette propriété, et a appliqué à la revente de ces terrains le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts. La société a également acquis, par acte du 23 juin 2014, une maison d'habitation avec son terrain, située 33 rue de l'abbé Visage à Vitry-aux-Loges. Elle a par la suite vendu, au cours des années 2014 et 2015, trois parcelles de terrain à bâtir issues de cette propriété et a également appliqué le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que la vente de ces terrains ne pouvait pas relever de ce régime particulier de taxation sur la marge et aurait dû faire l'objet d'une taxe sur la valeur ajoutée calculée sur le prix de revient total des biens immobiliers. Après mise en recouvrement des rappels de taxe découlant de ce contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des impositions contestées. Par un jugement du 5 novembre 2019, le tribunal a fait droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".

4. Il résulte de ces dispositions légales, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les terrains à bâtir cédés par la SARL Les Villas Fleuries faisaient partie, au moment de leur acquisition, d'une seule et même unité foncière supportant une maison d'habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d'immeuble bâti, et non de terrains à bâtir. Dans ces conditions, et en application des principes énoncés au point 4, la société ne pouvait se placer, pour vendre ces terrains, sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le fait de procéder à la vente d'un terrain à bâtir issu d'une acquisition portant sur un immeuble bâti ne faisait pas obstacle à l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et a déchargé, pour ce motif, la société des impositions en litige.

6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens éventuels soulevés devant le tribunal administratif et devant la cour. Toutefois, en l'espèce, aucun autre moyen n'a été soulevé.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

8. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SARL Les Villas Fleuries sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1802239 du 5 novembre 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 33 541 euros en droits et de 3 060 euros en intérêts de retard établis pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 sont remis à la charge de la SARL Les Villas Fleuries.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Les Villas Fleuries tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SARL Les Villas Fleuries.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

Le rapporteur

H. BRASNULa présidente

I. PERROTLa greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT007422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00742
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL DA COSTA-DOS REIS-SILVA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;20nt00742 ?
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