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25/03/2022 | FRANCE | N°20NT03620

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 mars 2022, 20NT03620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Toffolutti a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat, à titre principal, à lui verser la somme de 1 225 874, 15 euros HT, soit 1 471 048, 98 euros TTC avec intérêts moratoires ou à titre subsidiaire, la somme de 1 013 686, 36 euros HT soit la somme de 1 216 423, 63 euros TTC avec intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1701112 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société Toffolutti la somme de 33 600 euros

, avec intérêts à compter du 27 mai 2017 et capitalisation des intérêts.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Toffolutti a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat, à titre principal, à lui verser la somme de 1 225 874, 15 euros HT, soit 1 471 048, 98 euros TTC avec intérêts moratoires ou à titre subsidiaire, la somme de 1 013 686, 36 euros HT soit la somme de 1 216 423, 63 euros TTC avec intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1701112 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à la société Toffolutti la somme de 33 600 euros, avec intérêts à compter du 27 mai 2017 et capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 novembre 2020 et le 19 octobre 2021, la société Toffolutti, représentée par Me Donval, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1701112 du tribunal administratif de Caen du 23 septembre 2020 en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 225 874, 15 euros HT soit 1 471 048, 98 euros TTC avec intérêts moratoires au taux de 7, 05 % à compter de la réception du projet de décompte final, et capitalisation de ces intérêts à compter du 27 mai 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 013 686, 36 euros HT soit 1 216 423, 63 euros TTC, avec intérêts moratoires au taux de 7, 05 % à compter de la réception du projet de décompte final, et capitalisation de ces intérêts à compter du 27 mai 2017 ;

4°) à titre très subsidiaire, de désigner un expert ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de six mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'articulation entre l'application des stipulations de l'article 19.1.1 du CCAG et la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage ;

- elle doit être indemnisée des conséquences du décalage dans le démarrage des travaux de la tranche ferme et de l'immobilisation de ses moyens pendant l'automne-hiver 2012/2013 :

o les stipulations de l'article 19.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) ne peuvent lui être opposées :

* il existait en effet une phase de préparation ; ces stipulations ne peuvent être opposées à la fois pour la période de préparation et pour le délai de réalisation des travaux ; ces stipulations ne concernent que le démarrage des prestations prévues au marché ; en raison du rapide commencement d'exécution avec la phase de préparation, la date de démarrage des travaux ne peut être retenue pour apprécier le délai prévu par les stipulations de l'article 19.1.1 du CCAG ;

* à supposer que les stipulations de l'article 19.1.1 du CCAG visent à la fois la période de préparation et celle d'exécution des travaux, la date utile de démarrage des travaux est postérieure de plus de six mois à la notification du marché alors que les travaux ne pouvaient pas en outre être utilement commencés, l'Etat ayant suspendu la phase de préparation et les données d'implantation ne lui ayant pas été communiquées ; contractuellement la période d'exécution des travaux et la période de préparation ne devaient pas être concomitantes ; la date de démarrage des travaux ne pouvait être antérieure au 10 juillet 2012, faisant obstacle à l'application des stipulations de l'article 19.1.1 du CCAG pour lui refuser toute indemnisation ;

* les stipulations de l'article 19.1.1 du CCAG ne peuvent exonérer le maître d'ouvrage de sa responsabilité contractuelle pour faute lorsqu'il met à la disposition de son co-contractant les emprises du chantier avec retard ;

o cette demande est fondée, à titre principal, sur la responsabilité contractuelle pour faute de l'Etat à la fois en qualité de maître d'ouvrage et de maître d'œuvre ; le report du démarrage des travaux est dû à la libération tardive des emprises et à la transmission tardive des données d'implantation, elles-mêmes dues à l'affaissement de l'ouvrage des " Terres Armées " en février 2012 :

* l'ordre de service de démarrage des travaux des phases 0 et 1 de la tranche ferme a été notifié tardivement le 11 juin 2012 ;

* l'ordre de service de démarrage de la période de préparation ayant été notifié le 12 janvier 2012 avec une date effective de démarrage au 18 janvier, pour une durée de 90 jours, cela constitue un retard de 55 jours ;

* son droit à indemnisation ne peut être remis en cause par l'application des stipulations de l'article 3.2.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), dès lors que l'ouvrage des " Terres Armées " qui s'est affaissé n'est pas étranger au marché et qu'elle n'a pas été raisonnablement informée de l'aléa ;

* les données d'implantation lui ont été remises tardivement, ce qui a empêché le début de la phase 0 malgré l'ordre de service prescrivant le démarrage des travaux au 11 juin 2012 ; l'Etat n'a pas demandé l'intervention d'un géomètre pour les relevés nécessaires à l'implantation des ouvrages avant le 5 juin 2012 en méconnaissance de l'article 4.2.1.1 du CCTP ; en raison du temps d'exploitation des données, elle n'a pu débuter les travaux du délai 0 que le 10 juillet 2012, soit un retard de 29 jours ;

* le démarrage des travaux devait immédiatement succéder à l'achèvement de la période de préparation en application notamment de l'article 3.3 de l'acte d'engagement ; cet enchainement contractuel permettait la réalisation des travaux avant la période hivernale, laquelle rend impossible la réalisation de travaux de terrassement y compris lorsque le seuil des intempéries réputées normalement prévisibles n'est pas atteint ; les prescriptions du marché n'étaient pas adaptées à des travaux de terrassement durant la période hivernale ; elle n'est aucunement à l'origine du démarrage tardif des travaux ; l'Etat ne lui a pas permis de bénéficier d'une période continue de travaux au cours d'une saison propice à la réalisation des terrassements ; elle a dû demander l'arrêt du chantier de la phase 0 dès le 9 octobre 2012 en raison de l'état hydrique du terrain ;

* l'Etat s'est abstenu d'ajourner les travaux, l'empêchant de mobiliser ses moyens sur d'autres chantiers alors qu'elle était dans l'impossibilité de travailler sur le chantier pendant la période automne/hiver ; elle doit être indemnisée de la période de sept mois de prolongation :

o cette demande est fondée à titre subsidiaire sur l'existence de sujétions imprévues ; le report du démarrage des travaux au mois de juin 2012 s'explique exclusivement par l'affaire de l'ouvrage d'art " Terres Armées ", soit une difficulté matérielle, imprévisible pour elle et extérieure ; l'inquiétude et l'ampleur des précautions montrent le caractère exceptionnel de l'événement ;

o en ce qui concerne les préjudices et le lien de causalité, elle a été contrainte d'immobiliser son matériel et son personnel pendant une durée de sept mois du 24 septembre 2012 au 12 avril 2013 :

* elle sollicite une indemnisation à titre principal de 560 468, 68 euros HT ;

* à titre subsidiaire, elle sollicite une indemnisation à hauteur de 58 715, 77 euros HT, correspondant aux immobilisation consécutives au retard de 22 jours dans la transmission des données d'implantation ;

* à titre très subsidiaire, elle sollicite une expertise judiciaire ;

- elle doit être indemnisée de l'augmentation des prestations de nettoyage qu'elle a dû effectuer :

o elle a été contrainte d'effectuer, en application de l'article 4.1.5 du CCTP, des prestations de nettoyage supplémentaires au regard des quantités de terres et de matériaux plus importantes que celles mentionnées dans le devis estimatif ;

o le différentiel est établi des décomptes mensuels validés par le maître d'œuvre et du décompte final validé par le maître d'ouvrage ; le calcul du maître d'ouvrage est effectué en euros et non en unités, comme le sien ; elle doit être indemnisée à hauteur de 46 767, 21 euros HT ;

o à défaut une expertise judiciaire peut être ordonnée ;

- elle doit être indemnisée des frais supplémentaires résultant de l'entretien de pistes d'exploitation et de la mobilisation de deux dumpers supplémentaires lors de la réalisation des travaux dans la zone du dalot :

o il s'est avéré nécessaire de créer un ouvrage hydraulique supplémentaire non prévu par le marché ; le maître d'ouvrage a pris tardivement, le 16 mai 2013, la décision nécessaire de commande de l'ouvrage, stoppant les travaux dans la zone pendant environ 4 mois ; les travaux du dalot ont été annulés le 11 juin 2013 ; elle a subi de ce fait des contraintes d'organisation nouvelles ;

o indépendamment de l'article 4.4.6 du CCAP, l'Etat a reconnu que les conséquences de l'annulation des travaux dans la zone du dalot ouvraient droit à indemnisation et lui a déjà accordé une indemnisation à hauteur de 24 354, 47 euros HT ; en outre, l'événement est porté avec suffisamment de précisions dans le journal de chantier ;

o en ce qui concerne le préjudice et le lien de causalité, elle doit être indemnisée à hauteur de 17 155, 62 euros HT ; elle a dû entretenir des pistes d'exploitation non destinées à la circulation des engins entre le 24 juin et le 1er juillet 2013 pour un coût quotidien de 8 994, 04 euros HT ; en raison du caractère étroit de la piste d'exploitation, elle a dû affecter deux dumpers supplémentaires pendant 6 jours correspondant au travaux d'assainissement dans la zone pour un montant de 8 161, 58 euros HT ;

- elle doit être indemnisée des conséquences de la modification du phasage des travaux :

o en cours d'exécution de la tranche ferme, l'Etat a modifié le phasage contractuel des travaux en lui imposant de réaliser le phase 5 en même temps que la phase 0 ce qui a engendré des coûts supplémentaires, notamment de mobilisation d'un géomètre expert, de chef d'équipe et conducteur de travaux, et de nettoyage, dont seule une partie a été indemnisée par le maître d'ouvrage ; les stipulations des articles 3.2 et 3.3 de l'acte d'engagement prévoyaient explicitement le démarrage de la phase 5 après l'achèvement de la phase 0 ;

o il n'est pas établi que ce nouveau phasage lui aurait permis de réaliser des économies ;

o elle doit être indemnisée à hauteur de 28 106, 96 euros HT et de 12 371, 30 euros pour les frais supplémentaires de nettoyage ;

o à titre subsidiaire, une expertise judiciaire peut être ordonnée ;

- elle doit être indemnisée des conséquences de l'allongement du délai d'exécution :

o le maître d'ouvrage a mal estimé ses besoins, entrainant un dépassement de la masse initiale des travaux de plus de 15 %, un allongement de la durée d'exécution de la tranche ferme de 8 mois hors intempéries, et de la tranche conditionnelle de deux mois et demi, et une résiliation du marché pour un motif d'intérêt général ; l'allongement des délais résulte d'une faute de l'Etat, qui a modifié le projet, demandé des travaux supplémentaires et mal estimé les quantités nécessaires ;

o elle a été indemnisée des travaux mais pas de l'impact de l'augmentation de la durée des travaux sur les postes forfaitaires, l'Etat ayant limité l'indemnisation de ces postes à 15, 5 % des surcoûts exposés ; elle doit obtenir l'indemnisation du préjudice subi proportionnellement aux allongement et non à l'augmentation de la masse des travaux ; elle doit être indemnisée à hauteur de 88 400, 39 euros HT ;

o à titre subsidiaire, une expertise judiciaire peut être ordonnée ;

- elle doit être indemnisée des conséquences de l'arrêt des travaux de la phase 7-2, dont l'emprise n'était pas sur la propriété de l'Etat :

o elle a été contrainte d'immobiliser son personnel et une partie de son matériel pour ces travaux prescrits par ordre de service du 8 avril 2014 et suspendus le 26 mai 2014 ; plusieurs décisions contradictoires ont été prises pendant cette période, la laissant dans l'incertitude ; ces immobilisations sont la conséquence de la mauvaise définition de l'emprise sur la VC4 ;

o l'Etat a accepté d'indemniser l'immobilisation du personnel mais seulement la moitié de l'immobilisation du matériel et a refusé de prendre en charge les transferts d'engins ; elle doit être indemnisée à hauteur de 14 853, 94 euros HT correspondant à ces deux derniers préjudices ; la réduction de moitié de l'indemnisation de l'immobilisation du matériel n'est pas justifiée ; le coût des transferts d'engins est rémunéré par le prix forfaitaire 101 ;

o à titre subsidiaire, une expertise judiciaire peut être ordonnée ;

- elle doit être indemnisée de la perte d'amortissement des frais généraux pendant une année :

o l'arrêt de la phase 7-2 le 26 mai 2014 n'étant pas définitif, elle n'a appris qu'en mars 2015 l'arrêt définitif de ses prestations, puis la résiliation du marché pour un motif d'intérêt général le 26 mai 2015 ; la position de l'Etat sur la reprise du chantier n'était pas claire en 2014-2015 ;

o elle n'a pas pu affecter sa capacité de production à de nouveaux marchés pendant cette période et a connu une baisse de ses résultats comptables ; elle doit être indemnisée du préjudice lié à la non-couverture de ses charges fixes du fait de l'impossibilité de réaliser le chiffre d'affaires prévu sur les prestations restantes de son marché, soit 446 475, 54 euros HT ; les frais ont été calculés sur la base des prestations non réalisées ;

o à titre subsidiaire, elle doit être indemnisée à hauteur de 223 237, 77 euros HT, correspondant à la perte d'amortissement des frais généraux sur une durée de six mois, temps moyen d'obtention d'un marché de même ampleur ;

o à titre subsidiaire, une expertise judiciaire peut être ordonnée ;

- elle doit être indemnisée de la réalisation de métrés des quantités exécutées, demandés par le maître d'oeuvre :

o l'Etat ne conteste pas avoir commandé la prestation supplémentaire de réalisation manuelle des métrés en découpage géométrique ; ces travaux supplémentaires doivent être rémunérés quelle que soit leur utilité ;

o elle doit être indemnisée à hauteur de 9 276, 70 euros HT, correspondant à la mobilisation d'un géomètre sur une durée supplémentaire de 39 jours ;

o à titre subsidiaire, une expertise judiciaire peut être ordonnée ;

- elle doit être indemnisée de la perte de bénéfice subie du fait de la résiliation de son marché pour un motif d'intérêt général :

o l'Etat doit être condamné sur le fondement de la responsabilité sans faute et en application des stipulations de l'article 46.4 du CCAG Travaux ;

o elle doit être indemnisée à hauteur de 14 360, 10 euros HT, sur la base des prestations retirées ;

o à titre subsidiaire, elle doit être indemnisée à hauteur de 10 945, 57 euros HT, correspondant à 5 % des travaux restants autorisés ;

o elle ne saurait se voir opposer l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif le 24 novembre 2017 dès lors que le tribunal administratif n'a analysé ni l'application de la responsabilité sans faute, ni l'application de l'article 46.4 du CCAG Travaux ;

- à titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un expert pour déterminer le montant de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation relative au décalage dans le démarrage des travaux de la tranche ferme et l'immobilisation des moyens durant l'automne et l'hiver 2012-2013 :

o les stipulations combinées de l'article 19.1.1 du CCAG Travaux et des articles 3.1 et 3.2 de l'acte d'engagement s'opposent à l'indemnisation de la société Toffolutti ; tant l'ordre de service de démarrage de la période de préparation du marché que l'ordre de service de démarrage des travaux ont été notifiés dans les six mois suivant la notification du marché ; les premiers travaux (mise en place du chantier et installation de la signalisation provisoire) ont été effectués à partir du 11 juin 2012 ;

o les premiers juges, qui se sont prononcés sur la responsabilité contractuelle de l'Etat, n'étaient pas tenus de répondre à l'argumentation relative à la non mise à disposition des zones d'intervention qui ne constituait pas un moyen mais un argument à l'appui du moyen tiré de la notification tardive du démarrage des travaux ;

o les sujétions imprévues relèvent d'un régime de responsabilité sans faute et ne pouvaient être intégrées par les premiers juges au régime de responsabilité pour faute ;

o aucune stipulation contractuelle ni aucun principe n'exigeait que le début d'exécution des travaux succède immédiatement à la période de préparation ; le planning prévisionnel de l'entreprise ne figure pas au nombre des pièces contractuelles du marché ; le moyen tiré de l'absence de réunions en méconnaissance de l'article 1.1.4 du CCTP n'a pas été soulevé devant les premiers juges ; ces stipulations ne prévoient pas la tenue de réunions préalables au chantier ; s'agissant de la transmission des données d'implantation, la société Toffolutti n'aurait pu démarrer les travaux de dégagement des emprises avant le 18 juin 2022, 22 jours avant la date de démarrage effectif des travaux ;

o la société Toffolutti est responsable du démarrage tardif des travaux puisqu'elle n'a pas envoyé les documents nécessaires à leur démarrage durant la phase de préparation ; sa faute est de nature exonératoire ;

o même si les travaux de la phase 0 avaient débuté en avril 2012, immédiatement après la période de préparation, ils n'auraient pas été terminés avant les périodes automnale et hivernale ;

o à supposer un démarrage tardif du chantier, les sujétions sont prises en compte par l'article 3.2.1 du CCAP ;

o s'agissant de l'invocation des sujétions d'exécution :

* le moyen n'est pas dirigé contre le jugement ;

* elles ne peuvent être indemnisées en application de l'article 3.2.1 du CCAP, dès lors que les intempéries n'ont pas dépassé les valeurs prévues, les seuils s'appliquant quelle que soit la saison ;

o s'agissant de l'invocation de sujétions imprévues :

* le moyen n'est pas dirigé contre le jugement ;

* l'affaissement des parements végétalisés de l'ouvrage de " Terre Armée " n'est pas la cause du retard dans le démarrage du chantier ;

* en tout état de cause, les conditions des sujétions imprévues ne sont pas réunies ; l'affaissement ne présentait pas de danger pour la structure de l'ouvrage et ne revêtait pas un caractère exceptionnel ; l'aléa n'était pas imprévisible et rentrait dans le champ d'application de l'article 3.2.1 du CCAP ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation relative à l'augmentation du forfait propreté, la société Toffolutti n'apporte pas d'éléments pour remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ont rehaussé les quantités retenues par le maître d'œuvre ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation des travaux dans la zone du dalot :

o la société Toffolutti n'apporte pas d'éléments pour remettre en cause l'appréciation des premiers juges ;

o par accord amiable, l'Etat a proposé à la société Toffolutti de l'indemniser à hauteur de 26 354, 47 euros en raison des études menées pour le dalot, de l'indemnisation de l'annulation de sa fabrication et de l'arrêt et la reprise des travaux dans la zone concernée ;

o la société Toffolutti ne peut prétendre à une indemnisation, en application de l'article 4.4.6 du CCAP ; aucun des aléas liés à l'entretien de pistes d'exploitation et de l'utilisation de deux dumpers supplémentaires n'a été mentionné dans le journal de chantier ;

o la société Toffolutti ne justifie pas de la mobilisation des deux dumpers supplémentaires ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation liée à la modification du phasage des travaux :

o l'Etat a accepté d'indemniser la société Toffolutti à l'amiable de la modification du planning et de la mobilisation d'un géomètre ; l'accord amiable n'implique pas un droit à indemnisation pour la totalité des préjudices allégués ;

o la société Toffolutti n'établit pas l'existence d'un préjudice lié à la modification du phasage des travaux ;

o les articles 3.2 et 3.3 de l'acte d'engagement n'excluent pas un chevauchement partiel des tranches ferme et conditionnelle du marché qui sont indépendantes ; il n'y a pas eu de demande de modification de la prestation ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation liée à l'allongement du délai d'exécution :

o les premiers juges se sont prononcés sur l'argumentation tirée de la mauvaise évaluation de ses besoins par l'Etat ;

o il n'y a pas de liens entre l'augmentation des prestations et l'allongement de la durée d'exécution du contrat, ni entre ces modifications et l'indemnisation demandée par la société Toffolutti ; les décisions de poursuivre ont prévu d'augmenter le montant du marché dans le respect du CCAP ;

o la société Toffolutti n'établit pas en quoi l'indemnisation déjà accordée, à hauteur de 31 062 euros HT pour la tranche ferme et de 10 484 euros HT pour la tranche conditionnelle, serait insuffisante ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation liée à l'arrêt des travaux de la phase 7-2, l'indemnisation accordée à ce titre à la société Toffolutti au titre de l'immobilisation du personnel et à hauteur de 50 % du coût d'immobilisation du matériel l'a été à titre amiable ; la société Toffolutti n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation liée à la perte d'amortissement des frais généraux, le préjudice n'est pas établi ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation au titre des métrés, la société Toffolutti n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges ;

- en ce qui concerne la demande d'indemnisation relative à la perte de bénéfice consécutive à la résiliation du marché :

o l'indemnité prévue par l'article 46.4 du CCAG Travaux est calculée sur la base du montant du marché initial et non le montant résultant de l'application de l'article 15 du CCAG ; le montant prévu par l'article 46.4 du CCAG ayant été dépassé, la société Toffolutti n'avait pas droit à une indemnisation en cas de résiliation prononcée pour un motif d'intérêt général ;

o dans son jugement du 24 novembre 2017, revêtue de l'autorité de la chose jugée, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Toffolutti visant à obtenir l'indemnisation du préjudice lié à la résiliation du marché ; le juge a implicitement mais nécessairement écarté la responsabilité sans faute de l'Etat.

Par une ordonnance du 3 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Donval, représentant la société Toffolutti.

Considérant ce qui suit :

1. L'Etat, représenté par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Basse-Normandie, a fait paraitre en août 2011 un avis d'appel public à la concurrence en vue de la réalisation du tronçon n° 2 de la déviation de Loucelles lors de la mise aux normes autoroutières de la route nationale (RN) 13 de l'axe Caen-Cherbourg entre Bretteville-l'Orgueilleuse et la déviation de Bayeux. Le marché comportait une tranche ferme comprenant la réalisation de travaux de terrassement, assainissement, chaussées et équipements de sécurité de la section courante de la RN 13, de l'échangeur du " silo ", d'un itinéraire de substitution entre la RN 13 initiale et la VC 4, l'assainissement de l'échangeur de la Corneille et des bassins, et une tranche conditionnelle, comprenant la réalisation d'un itinéraire de substitution entre la VC 4 et le nord de l'échangeur de la Corneille, la VC 4, des bretelles de l'échangeur du " Silo ", des chemins, des bassins et la démolition des anciennes voies. L'Etat exerçait la maîtrise d'œuvre de l'opération, par l'intermédiaire de la direction interdépartementale des routes nord-ouest. Par un acte d'engagement du 30 septembre notifié le 29 décembre 2011 à l'entreprise, le marché a été confié à la société anonyme (SA) Toffolutti pour un montant total de 11 051 170, 75 euros TTC, soit 9 163 065, 03 euros TTC pour la tranche ferme et 1 888 105, 72 euros pour la tranche conditionnelle.

2. Un ordre de service du 1er juin 2012 a invité la société Toffolutti à débuter les travaux de la tranche ferme du marché à compter du 11 juin suivant. Une décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement du 11 décembre 2012, notifiée le 23 avril 2013, a par ailleurs décidé d'affermir la tranche conditionnelle n° 1 du marché confié à la société Toffolutti. Un ordre de service du 12 septembre 2013 a invité la société Toffolutti à démarrer les travaux des phases 7-1 (bretelle, 1, 3 et 4 de l'échangeur du silo) et 7-4 (bassins 4 et D) de la tranche conditionnelle des travaux. Un ordre de service équivalent pour la phase 7-2 de la tranche conditionnelle a été émis le 8 avril 2014. L'exécution des travaux a cependant pris du retard, et les 5 février 2013, 15 octobre 2013 et 10 mars 2014, l'Etat a pris des décisions de prolongation des délais d'exécution partiels de certaines phases. Une première décision du 26 juin 2014 a également prolongé le délai d'exécution de la tranche conditionnelle. Une seconde décision du 29 décembre 2014 a, de nouveau, prolongé le délai d'exécution de cette tranche. Par ailleurs, des décisions de poursuivre les travaux jusqu'à des montants supérieurs à celui du marché initial ont été prises les 27 décembre 2013, 23 mai 2014 et 23 juillet 2014. Les travaux de la tranche ferme ont été réceptionnés par une décision du 12 décembre 2014 avec effet au 7 avril 2014, avec quelques réserves. Enfin, par une décision du 19 mai 2015, le DREAL a prononcé la résiliation du marché confié à la société Toffolutti pour un motif d'intérêt général. La demande de la société Toffolutti dirigée contre cette décision de résiliation a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 24 novembre 2017, devenu définitif.

3. Par un courrier du 25 avril 2016, la société Toffolutti a adressé à l'Etat un projet de décompte final pour un montant total TTC de 14 627 014, 44 euros, intégrant notamment des règlements complémentaires imputés à des pertes d'amortissement et de bénéfice à hauteur de 1 693 918, 50 euros TTC. Le décompte de liquidation définitif établi par l'Etat maître d'ouvrage a été envoyé ultérieurement à la société Toffolutti par un courrier du 7 décembre 2016. Ce décompte de liquidation faisait apparaitre au crédit de la société titulaire du marché un montant de 10 899 176, 71 euros HT et un solde restant à verser à la société Toffolutti de 136 155, 43 euros TTC, ne faisant que très partiellement droit aux demandes de son ancienne co-contractante. La société Toffolutti a contesté ce décompte de liquidation par un mémoire du 21 décembre 2016, portant refus de signer le décompte et demandes de paiements complémentaires. Par un protocole transactionnel des 20 mars et 7 avril 2017, l'Etat s'est engagé à verser à la société une somme complémentaire de 5 095, 22 euros TTC au titre de prestations, réalisées et constatées, qui n'avaient pas été intégrées dans le décompte de liquidation. Les autres sommes en litige étaient expressément exclues du protocole par une mention de la société Toffolutti. Cette dernière a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser, à titre principal, la somme de 1 471 048, 98 euros TTC ou à titre subsidiaire, de 1 216 423, 63 euros. La société Toffolutti relève appel du jugement du 23 septembre 2020 du tribunal administratif de Caen en tant que ce jugement n'a condamné l'Etat qu'à lui verser la somme de 33 600 euros avec intérêts et n'a pas fait droit à la totalité de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble de l'argumentation de la société requérante, ont écarté, aux points 3 à 8 de leur jugement, le moyen tiré de l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'Etat maître d'ouvrage en raison du décalage dans le démarrage des travaux de la phase 0, en prenant en compte l'application des stipulations de l'article 19.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG Travaux), applicables au présent marché en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et qui ont donc vocation à régir les conditions d'engagement de la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage. Ils ont, par ailleurs, considéré que le préjudice invoqué par la société Toffolutti en lien avec ce décalage dans le démarrage des travaux du début de la tranche ferme n'était pas établi. Le jugement est ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, suffisamment motivé et la société Toffolutti n'est pas fondée à soutenir qu'il serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les prestations supplémentaires :

5. L'article 10.1.1 du CCAG Travaux, issu de l'arrêté du 8 septembre 2009, stipule que : " 10.1. Contenu des prix : / 10.1.1. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer au titulaire une marge pour risques et bénéfice. Toutefois, les prix sont indiqués dans le marché hors taxe à la valeur ajoutée (TVA). / A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux, que ces sujétions résultent notamment : / - de l'utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ; / - de phénomènes naturels ; / - de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature, ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations ; / - des coûts résultant de l'élimination des déchets de chantier ; / - de la réalisation simultanée d'autres ouvrages. / Les prix sont réputés avoir été établis en considérant qu'aucune prestation n'est à fournir par le maître de l'ouvrage (...) 10.2. Distinction entre prix forfaitaires et prix unitaires : / Les prix sont soit des prix forfaitaires soit des prix unitaires. Est prix forfaitaire tout prix qui rémunère le titulaire pour un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un ensemble déterminé de prestations défini par le marché et qui soit est mentionné explicitement dans le marché comme étant forfaitaire, soit ne s'applique dans le marché qu'à un ensemble de prestations qui n'est pas de nature à être répété. (...) / 10.4. Variation dans les prix : / 10.4.1. Les prix sont réputés fermes, sauf dans les cas où la réglementation prévoit des prix révisables ou si les documents particuliers du marché prévoient de tels prix et qu'ils comportent une formule de révision des prix. (...) ". L'article 8.4.1 du CCAP ne déroge aux stipulations de l'article 10.1.1 du CCAG qu'en prévoyant des facilités accordées par le maître d'ouvrage pour l'installation des chantiers de l'entreprise.

S'agissant des prestations supplémentaires de nettoyage :

6. Aux termes de l'article 4.1.5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) applicable au marché en cause : " (...) / L'entrepreneur devra prendre toutes les dispositions utiles pour maintenir le chantier ainsi que les voies publiques en bon état de propreté. Pour cela, l'entrepreneur sera tenu de procéder immédiatement au balayage et au nettoyage avec arrosage sous pression des voies publiques si nécessaire. / L'entrepreneur devra prendre toutes les dispositions nécessaires de façon à ce qu'aucune pollution (hydrocarbure, huile hydraulique, huile moteur, produits toxiques, etc ...) ne s'infiltre dans le sol dans la zone d'installation de chantier ou de stockage des engins de chantier. Pour cela, il devra rendre cette zone étanche. Si cette zone s'avérerait polluée, l'entrepreneur devra extraire et faire dépolluer les sols à ses frais ".

7. Il résulte de l'instruction que les prestations de nettoyage du chantier faisaient contractuellement l'objet d'une rémunération forfaitaire, pour un prix 174 F dans le bordereau de prix de 12 880 euros pour la tranche ferme et 174 C de 5 000 euros pour la tranche conditionnelle. Il résulte également de l'instruction que, dans son décompte final établi le 7 décembre 2016 (article 2-3-4), l'Etat a admis une augmentation générale des coûts forfaitaires, incluant selon le tableau présenté les coûts de maintien de la propreté aux abords du chantier, à hauteur de 15,5 %. Par ailleurs, les premiers juges ont considéré, d'une part, qu'en raison de l'augmentation de plusieurs ouvrages de nature diverse, les coûts des moyens mis en œuvre pour garantir la propreté aux abords du chantier avaient augmenté et, d'autre part, que l'augmentation des natures d'ouvrage en cause pouvait être imputée à une mauvaise estimation de ses besoins initiaux par la personne publique. Enfin, le tribunal administratif a évalué à 28 000 euros HT, soit 33 600 euros TTC, le préjudice subi par la société Toffolutti du fait de l'augmentation des prestations de nettoyage, en prenant pour base la multiplication par quatre des déblais mis en dépôt et de la végétalisation des talus. En se bornant à relever une prétendue discordance entre l'évaluation effectuée par le maître d'ouvrage en euros et la sienne propre effectuée en unités, la société appelante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la juste appréciation de son préjudice effectuée par les premiers juges.

S'agissant des prestations supplémentaires dans la zone du dalot :

8. L'article 4-4.6 du CCAP applicable au marché stipule que : " L'entrepreneur devra tenir quotidiennement à jour un journal de chantier dans les conditions prescrites à l'article 2.2.7.5 du fascicule 2 du CCTP. (...) / L'entrepreneur ne sera pas recevable à présenter une quelconque réclamation ou demande de prolongation de délai qui s'appuierait sur un fait - serait-il exact - qui n'aurait pas été mentionné au journal de chantier ".

9. Il résulte de l'instruction, notamment des différents comptes rendus de réunions de chantier, qu'au début de l'année 2013, il a été envisagé de mettre en place un ouvrage hydraulique de type dalot à travers un remblai en fond de vallée dans la vallée de la Thue. Il a été demandé en avril 2013 à la société Toffolutti de prévoir la mise en place de cette canalisation, d'en fournir une estimation des travaux et une note de calcul. Néanmoins, il résulte également de l'instruction que lors de la réunion de chantier du 11 juin 2013, la mise en place du dalot a été annulée en raison de l'incidence trop forte de celle-ci sur le planning des travaux. Dans le décompte final du marché de la société Toffolutti, l'Etat a accepté de verser à cette dernière la somme globale de 26 354, 47 euros HT, correspondant au coût des études réalisées par la société appelante à la suite des demandes du maître d'œuvre (5 784, 42 euros), à l'indemnisation de l'annulation de la fabrication due par la société Toffolutti à son fournisseur (9 087, 79 euros HT) et à un délai d'exécution supplémentaire de deux jours (11 482, 26 euros HT).

10. La société Toffolutti demande l'indemnisation de deux prestations supplémentaires en faisant valoir d'une part qu'en raison de l'impossibilité pour les engins de chantier de traverser la zone où il était envisagé de construire un dalot, elle a dû entretenir des pistes d'exploitation dont elle évalue le coût HT à 8 994,04 euros, et d'autre part, que du fait du caractère étroit de ces pistes empêchant les engins de chantier de se croiser, elle a dû affecter deux dumpers supplémentaires au chantier pendant six jours pour éviter un ralentissement trop important de la construction, coût évalué à 8 161, 58 euros. Néanmoins, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'examen des comptes rendus de réunions et du journal de chantier tenu par la société Toffolutti qui ne mentionne en juin 2013 aucune difficulté particulière de ce type, que la société aurait dû effectivement entretenir des pistes d'exploitation pour permettre aux engins de contourner la zone de réalisation du dalot. En particulier, les comptes rendus de chantier de mai et juin 2013 ne font état que de la transformation du fossé d'une piste d'entretien, sans qu'il soit établi ni qu'il s'agirait de la piste d'entretien invoquée par la société appelante, ni à supposer qu'il s'agisse de celle-ci, que ce remplacement d'un fossé bétonné par un fossé végétalisé aurait entrainé un surcoût. Par ailleurs, il ne résulte pas des mêmes documents qu'au cours des mois mai et juin 2013, deux des six dumpers qui ont été effectivement affectés au chantier entre le 24 juin et le 1er juillet 2013 l'auraient précisément été en raison de difficultés de circulation rencontrées sur les pistes d'entretien. Il résulte de tout ce qui précède que la société Toffolutti n'est pas fondée à soutenir que l'Etat doit être condamné à lui verser la somme complémentaire de 17 155, 62 euros HT au titre de surcoûts dans la zone de ce dalot.

S'agissant de la réalisation de métrés :

11. Aux termes de l'article 8-2 du CCAP applicable au marché : " (...) Les plans de projet des ouvrages seront établis par le maître d'œuvre et remis gratuitement au titulaire, hormis les plans d'exécution, les procédures d'exécution, les dimensionnements et les notes de calcul concernant les études d'exécution complémentaires " Terrassements - Assainissement - Chaussées - Bassins - Drainages " qui seront établis par le titulaire. / Ces documents seront fournis en 3 exemplaires pour examen, dont un sous forme de de fichier informatique dans les formats et caractéristiques suivants : / - Les plans seront remis sous le format dwg, dxf pour Autocad version 2008 (...) / Le titulaire a parfaitement pris connaissance de l'ensemble des pièces techniques sur la base desquelles il a élaboré son offre. / Il admet que l'ensemble des études complémentaires, permettant la parfaite réalisation des travaux, procédera des études d'exécution à sa charge (...) ".

12. La société Toffolutti indique que conformément aux stipulations du CCAP, elle avait remis au maître d'œuvre les plans des études d'exécution en format informatique grâce au logiciel " Autocad ". Elle soutient néanmoins que l'Etat, maître d'œuvre, lui a demandé de justifier l'exactitude des surfaces calculées par ce logiciel, et qu'elle n'a pu s'acquitter de cette demande qu'en faisant effectuer, par un opérateur géomètre, une opération manuelle de découpage en formes géométriques de chaque zone des plans. Elle évalue à 39 jours de travail, la durée de cette opération manuelle et demande l'allocation d'une somme supplémentaire de 9 276, 70 euros HT, sur la base d'un coût quotidien d'un opérateur géomètre de 220 euros. Néanmoins, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, l'article 8-2 du CCAP applicable au marché mettait expressément à la charge du titulaire du marché l'ensemble des études complémentaires nécessitées par la parfaite réalisation des travaux. Par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des comptes rendus de réunion de chantier ou du journal de chantier sur lesquels ne figure aucune remarque de la société Toffolutti, que la demande formulée par le maître d'œuvre aurait effectivement exigé l'emploi d'un opérateur géomètre supplémentaire ni la durée de son travail. De plus, l'article 5.14 du CCTP, intitulé " Contrôle des quantités de produits et matériaux mises en œuvre ", prévoit à la charge de l'entreprise des modalités de contrôle dans lesquelles les modalités de justification dites " manuelles " des quantités utilisées et exécutées doivent être regardées comme incluses. Il suit de là que la société Toffolutti n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 9 276, 70 euros HT au titre de la vérification manuelle des métrés.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat dans la conduite des travaux :

13. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie que ces difficultés sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.

S'agissant du décalage dans le démarrage des travaux :

14. L'article 3 de l'acte d'engagement du marché en cause, intitulé " Délai d'exécution du marché " stipule que : " 3-1. Période de préparation/ Le délai de la période de préparation de chacune des tranches part de la date fixée par l'ordre de service prescrivant de commencer la période de préparation de la tranche considérée. / Ce délai n'est pas compris dans la période d'exécution, et par dérogation à l'article 28.1 du CCAG, est fixé comme suit : / Tranche Ferme : 90 jours / Tranche Conditionnelle : 30 jours (...) / A chaque fois qu'un recouvrement ou un chevauchement partiel entraine l'application d'un délai global, ce délai est toujours calculé sur la base des délais propres à chaque tranche. / Toutefois le délai global de préparation ne pourra être inférieur à 30 jours. / 3-2. Délai d'exécution des travaux / Le délai d'exécution des travaux de chacune des tranches part de la date fixée par l'ordre de service prescrivant de commencer les travaux de la tranche considérée. Il est fixé comme suit : / Tranche Ferme : 13 mois / Tranche Conditionnelle 1 : 5 mois : (...) A chaque fois qu'un recouvrement ou un chevauchement partiel entraine l'application d'un délai global, ce délai est toujours calculé sur la base des délais propres à chaque tranche ".

15. Par ailleurs, l'article 19.1.1 du CCAG Travaux, à laquelle aucune stipulation propre au marché ne déroge, stipule que : " 19.1.1. Le délai d'exécution du marché comprend la période de préparation définie à l'article 28.1 et le délai d'exécution des travaux défini ci-dessous. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre la période de préparation. / Le délai d'exécution des travaux est celui imparti pour la réalisation des travaux incombant au titulaire, y compris le repliement des installations de chantier et la remise en état des terrains et des lieux. Un ordre de service précise la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution des travaux. /En dehors des cas de tranches conditionnelles, le titulaire ne peut se prévaloir d'aucun préjudice si la date, fixée par ordre de service, pour le début de la période de préparation lorsqu'il en existe une, ou de début d'exécution des travaux n'est pas postérieure de plus de six mois à celle de la notification du marché ".

16. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 2012//008-1, le maître d'œuvre a ordonné le commencement de la période de préparation de la tranche ferme du marché au 18 janvier 2012. Conformément aux stipulations de l'acte d'engagement du marché, cette période de préparation devait durer 90 jours. Par ailleurs, le commencement de la période d'exécution des travaux a été fixée au 11 juin 2012 par un ordre de service du 1er juin précédent. Conformément aux stipulations de l'acte d'engagement, la période d'exécution des travaux de la tranche ferme devait durer treize mois. Il résulte néanmoins de l'instruction qu'en raison d'intempéries, les travaux ont dû être suspendus entre octobre 2012 et avril 2013. La société Toffolutti demande à être indemnisée des coûts résultant de l'immobilisation de ses moyens pendant cette période.

17. En premier lieu, il résulte de la combinaison des stipulations de l'article 3 de l'acte d'engagement, qui exclut la phase de préparation du chantier de la période d'exécution de celui-ci, et de l'article 19.1.1 du CCAG " Travaux " qu'aucune faute contractuelle ne peut être imputée à l'Etat si la date de commencement des travaux fixée par ordre de service n'est pas postérieure à un délai de six mois à compter de la notification du marché en cause, à l'exclusion de la date de commencement de la phase de préparation du chantier. Il est constant que le marché confié à la société Toffolutti lui a été notifié le 29 décembre 2011. Dans ces conditions, la date de commencement des travaux fixée par ordre de service au 11 juin 2012 n'a pas été fixée postérieurement au délai de six mois à compter de la notification du marché prévu par l'article 19.1.1 du CCAG Travaux. La société Toffolutti n'est donc pas fondée à soutenir que l'Etat aurait commis une faute en émettant tardivement l'ordre de service de commencement des travaux de la tranche ferme.

18. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société appelante, il ne résulte d'aucune pièce contractuelle que la période d'exécution des travaux de la tranche ferme devait immédiatement succéder à la fin de la période de préparation. En particulier, l'article 3.3 de l'acte d'engagement invoqué par la société Toffolutti ne prévoit qu'un ordre d'enchainement des phases et leurs délais respectifs, sans aucune indication sur l'articulation entre la phase de préparation et la phase d'exécution. Si ce même article présente un tableau planning des différentes phases, il n'apporte aucune indication sur cette même articulation et précise seulement que chacune des phases de travaux récapitulées dans le tableau ne peut démarrer qu'à compter de la date précisée par un ordre de service. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment des comptes rendus des réunions de chantier des 25 janvier et 8 février 2012 que le début des travaux de la tranche ferme était envisagé à compter du 18 avril 2012 mais que ce début était conditionné par le fait que la société titulaire du marché produise l'ensemble des documents, prévus par l'article 8-1 du CCAP, qu'elle devait produire pendant cette période, tels que par exemple le visa des plans et demandes d'agréments, les procédures d'exécution, le Schéma d'Organisation et de Suivi et de l'Élimination des Déchets (SOSED), le Plan de Respect de l'Environnement (PRE), le Plan Assurance Qualité (PAQ) et les Plans Particuliers de Sécurité et de Protection de la Santé (PPSPS). Or il résulte de l'instruction, notamment des comptes rendus de réunions de chantier des mois de juin et juillet 2012 que la société Toffolutti a tardé à produire nombre des documents exigés, en ne fournissant certains, devant normalement être produits avant le démarrage des travaux, que postérieurement à l'ordre de service ordonnant le commencement des travaux. Dans ces conditions, la société Toffolutti n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait commis une faute en ne faisant pas démarrer la phase d'exécution des travaux de la tranche ferme immédiatement après la phase de préparation de ceux-ci.

19. En troisième lieu, l'article 4.2.1.1 du CCTP, inclus dans la partie " Travaux préalables aux terrassements " stipule que : " (...) Avant l'ouverture du chantier, il sera procédé contradictoirement à une reconnaissance des lieux. / A compter de la date de l'OS de démarrage de la période de préparation, les documents suivants seront notifiés à l'Entrepreneur : / . un plan des repères géométriques des axes des voies, / . le listing du calcul d'implantation des points fondamentaux, des points d'axe des voies à construire, / . les listings des profils en travers du projet espacés de 20 m ". L'article 4.2.1.2 du même CCTP stipule que : " Avant l'ouverture des travaux, il sera procédé à la reconnaissance contradictoire sur le terrain et à la remise à l'Entrepreneur des bornes supports des sommets de la polygonale et des bornes d'emprise pour la zone intéressant les travaux, objet du marché. Cette reconnaissance donnera lieu à l'établissement d'un Procès-Verbal qui sera établi par le Maître d'œuvre, signé par l'Entrepreneur et notifié à ce dernier (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 4.2.1.3 du CCTP " Piquetage général " : " (...) L'Entrepreneur disposera d'un délai de quinze (15) jours calendaires à compter de la notification des documents définis à l'article 4.2.1.1 pour signaler toutes erreurs éventuelles dans les plans et profils notifiés du projet (...) / Dans le délai de quinze (15) jours calendaires à compter de la notification des documents définis à l'article 4.2.1.1, l'Entrepreneur établira, à partir de ces documents généraux, un plan de piquetage général ou épure d'implantation pour chaque voie à construire (...) / Le Maître d'œuvre disposera alors d'un délai de quinze (15) jours calendaires, pour viser le document. Les travaux ne pourront commencer qu'une fois que les vérifications auront été faites par le Maître d'oeuvre, ce qui signifiera la levée du point d'arrêt. Les plans ainsi visés par le Maître d'oeuvre, seront notifiés à l'Entrepreneur avant le début des travaux ".

20. La société Toffolutti invoque le fait que les travaux de la tranche ferme n'auraient pu effectivement débuter avant le 10 juillet 2012 dès lors que l'Etat ne lui aurait transmis les données d'implantation que tardivement en méconnaissance des stipulations de l'article 4.2.1.1 du CCTP. Conformément au CCTP, les documents nécessaires à l'implantation et à la réalisation du piquetage général par l'entreprise titulaire du marché devaient être transmis à compter de l'ordre de service concernant le début de la phase de préparation du chantier tandis que l'ensemble des échanges entre l'entreprise et le maître d'œuvre concernant l'épure d'implantation ou le piquetage général devaient être achevés au plus tard à la date de début des travaux. Il résulte par ailleurs de l'instruction, notamment des comptes rendus de réunions de chantier de juin 2012 que les documents d'épure d'implantation n'ont été transmis que le 25 juin 2012, postérieurement au début des travaux, à la société Toffolutti, qui avait d'ailleurs émis une réserve en ce sens par un courrier du 11 juin 2012. Néanmoins, si l'Etat a transmis tardivement ces documents en méconnaissance des prescriptions contractuelles résultant du CCTP, il ne résulte aucunement de l'instruction que le décalage du démarrage de la phase d'exécution des travaux au 12 juin 2012 aurait été la conséquence de ce retard, alors qu'ainsi qu'il a été rappelé précédemment, la société Toffolutti a elle-même produit très tardivement nombre de documents qu'elle devait produire avant le commencement des travaux. Par ailleurs, la société appelante n'établit pas la nécessité du délai supplémentaire qu'elle invoque entre la date à laquelle les documents d'épure d'implantation lui ont été remis par le maître d'œuvre, le 25 juin 2012, et la date de début effectif des travaux qu'elle invoque, le 10 juillet 2012. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du rapport du maître d'œuvre sur la réclamation de la société Toffolutti, que contrairement à ce que soutient cette dernière, les travaux avaient débuté sur le site dès le 11 juin 2012 avec la mise en place de la signalisation temporaire, les aménagements des accès de chantier et le défrichement. Dès lors, la société appelante n'établit aucunement le lien de causalité entre la remise tardive par l'Etat des données relatives à l'implantation de l'ouvrage et le préjudice qu'elle invoque tenant à l'immobilisation de ses moyens à compter d'octobre 2012 en raison des intempéries.

S'agissant de la modification du phasage des travaux :

21. Il résulte de l'instruction, notamment des stipulations de l'acte d'engagement, que la tranche ferme des travaux devait se composer de sept phases différentes, dont une phase 0 devant durer 10 mois et une phase 5 devant durer 2 mois. Ce même document contractuel présentait également un tableau planning duquel il ressortait que la phase 0 était prévue pour durer entre les mois 1 et 10 du chantier tandis que la phase 5 devait intervenir pendant les mois 11 et 12. Néanmoins, il précisait également que chaque phase des travaux devait débuter à compter de l'ordre de service correspondant, en prévoyant explicitement la possibilité du chevauchement partiel ou total de deux phases. Il résulte de l'instruction que la phase 0 a débuté au mois de juin 2012 et a dû, en raison d'intempéries, être suspendue entre octobre 2012 et avril 2013. Par ailleurs, il est constant que la phase 0 des travaux n'était pas achevée lorsque le maître d'œuvre a ordonné, par un ordre de service du 19 septembre 2013, le commencement des travaux de la phase 5 " raccordement de la déviation, profilage chaussées sud côté ouest et mise en service ". La société Toffolutti demande l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du chevauchement partiel de l'exécution des phases 0 et 5 des travaux, et qui seraient relatifs à des frais supplémentaires de personnel (géomètre, chef d'équipe et conducteur de travaux) et de nettoyage. Néanmoins, la société appelante n'a émis aucune réserve à l'ordre de service du 19 septembre 2013 ni fait apparaitre dans aucun journal de chantier ou compte-rendu de réunion que la modification de l'ordonnancement des travaux par l'Etat lui créait un préjudice. Il résulte, en outre, de l'analyse effectuée par le maître d'œuvre sur la contestation de la société Toffolutti, non utilement contredite sur ce point, que plusieurs avantages pour l'entreprise ont découlé du nouvel ordonnancement des travaux, en particulier que la nouvelle organisation a permis à la société Toffolutti de réaliser les enrobés de manière continue, que le point d'accès du chantier pour les camions alimentant la mise en œuvre des enrobés était plus favorable au regard des distances de transport et que les prestations de nettoyage ont été diminuées du fait du transit possible des matériaux sur l'axe circulable et non plus sur des itinéraires de substitution. Dès lors, et alors qu'il résulte de l'instruction que l'Etat a accepté d'indemniser à hauteur de 9 514, 56 euros HT les frais supplémentaires de géomètre de la société et à hauteur de 1 621, 80 euros HT les éventuels autres préjudices subis par la société Toffolutti du fait de la modification du planning d'ordonnancement des travaux, cette dernière n'établit pas, en lien avec cette modification du planning, l'existence d'un préjudice supérieur à celui que l'Etat a accepté de prendre en compte dans le décompte définitif du marché.

S'agissant de l'allongement du délai d'exécution des travaux :

22. Il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement, que les travaux de la tranche ferme devaient durer 13 mois à compter de l'ordre de service fixant au 11 juin 2012 le début des travaux. La réception de la tranche ferme est intervenue au 7 avril 2014 par une décision du 12 décembre 2014, une décision de prolongation de cette tranche étant intervenue le 10 mars 2014. Il résulte par ailleurs de l'acte d'engagement que les travaux de la tranche conditionnelle devaient quant à eux durer 5 mois. Trois décisions de prolongation des travaux de cette tranche sont intervenues les 10 mars 2014, 26 juin 2014 et 29 décembre 2014. Il résulte enfin de l'instruction que, dans le décompte général du marché, l'Etat a accepté d'indemniser l'augmentation des coûts forfaitaires subis par la société Toffolutti du fait de l'allongement de l'exécution des deux tranches de travaux, à hauteur de 31 062 euros HT pour la tranche ferme et 10 481, 41 euros HT pour la tranche conditionnelle. Pour évaluer ainsi l'augmentation des coûts forfaitaires (installation de chantier, laboratoire de chantier, mesures environnementales, propreté, études d'exécution, contrôle externe...) subie par la société Toffolutti du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux, l'Etat a pris en compte l'augmentation du coût total du marché, s'élevant initialement à 9 240 109, 32 euros HT et augmenté par la dernière décision ayant cet objet d'un montant supplémentaire de 1 431 210 euros HT. Ayant déterminé une augmentation de la masse des travaux du marché d'environ 15, 5 %, l'Etat a ainsi, dans le décompte définitif, accepté d'indemniser l'entreprise co-contractante à hauteur de 15, 5 % des coûts forfaitaires au titre de chacune des tranches, ferme et conditionnelle. A l'appui de ses écritures en appel, la société Toffolutti demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser, pour un montant supérieur, de l'augmentation de ses coûts forfaitaires du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux. Cependant, en se bornant à soutenir que ce préjudice particulier devrait être calculé proportionnellement à l'allongement de la durée d'exécution des travaux et non à l'augmentation de la masse des travaux, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les coûts forfaitaires auraient été exposés de manière égale tout au long de cet allongement, la société appelante n'établit pas avoir subi un préjudice supérieur à celui que l'Etat a accepté d'indemniser dans le cadre du décompte définitif du marché.

S'agissant de l'arrêt puis du report des travaux de la phase 7-2 :

23. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un ordre de service du 8 avril 2014, l'Etat a ordonné à la société Toffolutti de débuter, dès réception de l'ordre, les travaux de la phase 7-2 de la tranche conditionnelle du marché, relatifs au raccordement de l'itinéraire de substitution (IS) Est à la voie communale (VC) 4 et au reprofilage de cette dernière. Dès le 17 avril 2014, l'entreprise a fait remarquer l'impossibilité pour elle d'exécuter les travaux puisqu'une partie de la nouvelle emprise de la VC 4 se situait sur une propriété privée. Les travaux de la phase 7-2 sont demeurés en suspens, l'Etat ayant demandé à la société Toffolutti l'exécution de nouvelles études en vue du déplacement de l'axe de la voie puis ayant renoncé à cette option. Par un ordre de service du 26 mai 2014, l'Etat a annoncé l'annulation des travaux de la phase 7-2 de la tranche conditionnelle et leur report à une date ultérieure non précisée. La société Toffolutti demande une indemnisation supérieure à celle déjà accordée par l'Etat des préjudices résultant pour elle de l'immobilisation de son personnel et de ses matériels pendant cette période d'avril et mai 2014, ainsi que du coût de déplacement de ses engins.

24. Il résulte de l'instruction, que l'Etat a accepté d'indemniser l'entreprise de certains préjudices résultant pour elle de l'arrêt des travaux de la phase 7-2 de la tranche conditionnelle en l'indemnisant en premier lieu, d'études complémentaires demandées par le maître d'œuvre pour le déplacement de l'axe de la VC 4, en deuxième lieu, du coût du maintien d'une base de vie, au demeurant postérieurement à mai 2014, et en dernier lieu, du coût de l'immobilisation sur le chantier pendant la période du 11 avril 2014 au 14 mai 2014 de personnels et d'engins de chantier. Il résulte également de l'instruction, notamment de la comparaison du mémoire accompagnant le projet de décompte de la société Toffolutti et du mémoire accompagnant le décompte général établi par l'Etat, que ce dernier a pris en compte, sans les remettre aucunement en cause, les montants relatifs aux coûts d'immobilisation des salariés et des engins avancés par la société Toffolutti pour indemniser cette dernière de la totalité du coût d'immobilisation de ses salariés et de la moitié du coût des engins immobilisés sur le chantier, en raison de l'absence d'usure de ces derniers inutilisés pendant un mois. Pour contester l'appréciation de son préjudice par l'Etat, la société Toffolutti se borne à réclamer la condamnation du maître d'ouvrage à verser l'intégralité des coûts quotidiens d'utilisation des engins de chantier qu'elle n'avait pas alors affecté à d'autres chantiers, sans aucunement remettre en cause la circonstance qu'en l'absence d'utilisation, l'usure de ces engins n'avait pu qu'être plus limitée et sans remettre utilement en cause la méthode de calcul utilisée par l'Etat. Par ailleurs, si elle demande une indemnisation supplémentaire au titre du coût de déplacement de certains engins de chantiers vers d'autres chantiers, elle n'apporte aucun élément pour établir l'existence même de ce préjudice, alors que le déplacement de ses engins depuis le chantier de Loucelles vers d'autres chantiers n'a été qu'avancé par la suspension de la phase 7-2 de la tranche conditionnelle à partir du mois d'avril 2014.

25. En second lieu, il est constant que, postérieurement à l'ordre de service du 26 mai 2014, les travaux d'exécution de la phase 7-2 de la tranche conditionnelle n'ont jamais été repris. Il en va de même des travaux d'autres phases de la tranche conditionnelle qui n'avaient pas été achevés, malgré notamment une décision de prolongation du 29 décembre 2014. La société Toffolutti soutient que la position de l'Etat n'était pas claire entre mai 2014 et mai 2015 et qu'elle n'a donc pu réaffecter tous ses moyens de production à d'autres chantiers et demande, dès lors, l'indemnisation du préjudice résultant pendant cette période de la perte d'amortissement de ses frais généraux. Il y a lieu néanmoins de rejeter cette demande d'indemnisation, en l'absence d'argumentation et justification nouvelles, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 29 de leur jugement.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

S'agissant de sujétions imprévues :

26. Ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties, même si, s'agissant d'un marché à prix unitaires, leur indemnisation par le maître d'ouvrage n'est pas subordonnée à un bouleversement de l'économie du contrat.

27. La société Toffolutti soutient que le décalage du début de la phase d'exécution des travaux de la tranche ferme au mois de juin 2012 sont la conséquence de l'effondrement d'un ouvrage d'art en février 2012 et doit être regardé comme une sujétion imprévue ouvrant droit à indemnisation à son profit. Néanmoins, il ne résulte aucunement de l'instruction, à supposer que l'effondrement de l'ouvrage puisse revêtir un caractère imprévisible, que le démarrage des travaux de la tranche ferme en juin 2012 soit exclusivement la conséquence de cet événement alors qu'ainsi qu'il a été dit aux points 18 et 20 la société Toffolutti a elle-même remis tardivement au maître d'œuvre nombre de documents qui devaient être remis avant le démarrage des travaux. Par ailleurs, il ne résulte aucunement de l'instruction que l'évènement qualifié par la requérante de sujétion imprévue revêtirait le caractère exceptionnel que doit avoir une telle sujétion et que le fait que le démarrage des travaux de la tranche ferme soit intervenu au mois de juin 2012 aurait en lui-même rendu l'exécution de ceux-ci significativement plus onéreuse pour la société Toffolutti.

S'agissant de la responsabilité du fait de la résiliation du marché pour motif d'intérêt général :

28. L'article 46 du CCAG travaux, dans sa rédaction applicable, stipule que : " (...) 4. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité, dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. / Le titulaire doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois compté à partir de la notification de la décision de résiliation ". Par ailleurs, l'article 10 du CCAP applicable au marché stipule que " (...) Dans le cas où le pouvoir adjudicateur résilie pour motif d'intérêt général, le pourcentage d'indemnisation prévu au premier alinéa de l'article 46.4 du CCAG est fixé à 5 % ".

29. Contrairement à ce que soutient la société Toffolutti, l'indemnité résultant des stipulations de l'article 46.4 du CCAG, due par le maître d'ouvrage en cas de résiliation du marché pour un motif d'intérêt général, n'est pas systématiquement égale à 5 % du montant des travaux restant à exécuter mais à 5 % de la différence entre le montant initial HT du marché et le montant HT non révisé des prestations déjà reçues à la date de la résiliation. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le marché litigieux a été conclu pour un montant HT de 9 240 109, 32 euros tandis que les prestations reçues s'élevaient, selon la dernière décision de poursuivre du 23 juillet 2014, à la somme, supérieure, de 10 671 310, 32 euros HT. Le montant des prestations reçues au moment de la résiliation étant supérieur au montant initial du marché, la société Toffolutti n'est pas fondée à obtenir le versement d'une indemnité sur le fondement des stipulations du premier alinéa de l'article 46.4 du CCAG. Par ailleurs, en se bornant à demander l'indemnisation de son bénéfice manqué sur les travaux restant à exécuter à la date de la résiliation de son marché conclu avec l'Etat, la société Toffolutti n'établit pas que seraient restés à sa charge des frais et investissements engagés pour l'exécution du marché, strictement nécessaires à son exécution et non pris en compte dans le décompte établi par l'Etat.

30. Il résulte de tout ce qui précède que la société Toffolutti n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 33 600 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat.

Sur les frais du litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Toffolutti demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Toffolutti est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Toffolutti et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la région Normandie.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.

La rapporteure,

M. BÉRIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT03620

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03620
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-25;20nt03620 ?
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