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25/03/2022 | FRANCE | N°21NT02046

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 mars 2022, 21NT02046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 29 195 euros en réparation des préjudices découlant de sa prise en charge médicale.

Par un jugement n°1901965 du 1er juin 2021 le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 17 189 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet et 23 déce

mbre 2021, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Fabre demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 29 195 euros en réparation des préjudices découlant de sa prise en charge médicale.

Par un jugement n°1901965 du 1er juin 2021 le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 17 189 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet et 23 décembre 2021, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Fabre demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2021 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre;

2°) de rejeter comme irrecevable la demande présentée par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

4°) subsidiairement, de ramener à 14 761 euros le montant de la somme pouvant être mise à sa charge.

Il soutient que :

- à titre principal, la demande présentée par M. A... est forclose dès lors que la lettre du 27 décembre 2015 s'analyse comme une réclamation indemnitaire préalable ; la lettre du centre hospitalier du 31 mars 2016 a fait courir les délais de saisine de la juridiction administrative et la lettre du 21 juin 2019 présente un caractère confirmatif ne rouvrant pas les délais de recours contentieux ;

- à titre subsidiaire, la somme allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel permanent doit être ramenée à de plus justes proportions et le préjudice lié à une incidence professionnelle ne peut être constaté ; les autres chefs de préjudice peuvent être confirmés.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Loison, conclut :

1°) au rejet de la requête,

2°) par la voie de l'appel incident à la condamnation du centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 26 995 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier public du Cotentin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande est recevable ;

- la responsabilité du centre hospitalier est engagée à son égard et une somme de 26 995 euros doit lui être versée en réparation de ses préjudices.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Rousseau, représentant le centre hospitalier du Cotentin.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été admis au centre hospitalier public du Cotentin pour une cure chirurgicale bilatérale du canal carpien. Deux interventions chirurgicales ont été pratiquées les 10 et 24 octobre 2014. L'électromyogramme réalisé le 27 mars 2015 a mis en évidence une atteinte motrice sévère du court abducteur du pouce à droite. L'intervention chirurgicale effectuée le 27 mai 2015, a conduit à constater une section de la branche thénarienne. Une intervention avec transfert de tendon de l'index vers le pouce a dû être réalisée le 13 juin 2016. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier public du Cotentin à lui verser la somme de 25 195 euros en réparation des préjudices découlant de sa prise en charge médicale. Par un jugement du 1er juin 2021, dont le centre hospitalier public du Cotentin relève appel, le tribunal a mis à la charge de ce dernier le versement à

M. A... C... la somme de 17 189 euros. M. A..., par la voie de l'appel incident, demande que la somme mise à la charge du centre hospitalier soit portée à celle de 26 995 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier public du Cotentin à la demande présentée devant le tribunal :

2. En vertu de l'article R. 421-1 et du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative alors applicable, la personne qui a saisi une collectivité publique d'une demande d'indemnité et qui s'est vu notifier une décision expresse de rejet dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour rechercher la responsabilité de la collectivité devant le tribunal administratif. La notification de cette décision ne fait pas courir le délai de recours contentieux si elle ne comporte pas la mention que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois et si elle ne comporte pas l'indication relative aux dispositions de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique prévoyant que ce délai est suspendu en cas de saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation. Ce délai commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l'expert ou de l'ordonnance du juge des référés rejetant la demande d'expertise.

3. En l'espèce, dans sa réclamation préalable du 22 décembre 2015, le conseil de

M. A..., après avoir rappelé que la branche thénarienne du canal carpien de la main droite avait été sectionnée a indiqué que son client " est bien fondé à engager la responsabilité contractuelle (du centre hospitalier) d'autant que celui-ci n'a pas été informé d'un quelconque risque lié à cette intervention ". Cette réclamation a été expressément rejetée par une lettre du centre hospitalier du 31 mars 2016 assortie de la mention des délais et voies de recours ouverts à son encontre. Le rapport de l'expert désigné par une ordonnance du 24 août 2016 qui a été établi le 27 novembre 2017 a été communiqué aux parties le même jour et a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux dont disposait l'intéressé. M. A... a, le 25 avril 2019, saisi l'établissement public d'une seconde réclamation préalable, fondée sur la faute liée à la mauvaise réalisation du geste chirurgical et a saisi d'une requête le tribunal administratif le 26 août 2019.

4. En dépit du caractère ambigu de ses termes, la réclamation du 22 décembre 2015 doit être regardée comme n'ayant été présentée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle du centre hospitalier et ne faisait pas obstacle à ce que M. A... pût, dans le respect des règles de prescription des créances publiques, y compris après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du rapport de l'expert, présenter une nouvelle réclamation préalable reposant sur une cause juridique distincte tenant à la faute médicale commise par le centre hospitalier.

5. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier public du Cotentin, tirée de ce que la demande présentée le 25 avril 2019 serait confirmative de la demande du

22 décembre 2015 ne peut être accueillie.

Sur la responsabilité du centre hospitalier public du Cotentin :

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que, lors de l'intervention chirurgicale du 24 octobre 2014, la branche thénarienne du canal carpien de la main droite de M. A... a été sectionnée. Ce geste présente un caractère fautif de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier public du Cotentin.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

7. Afin de remédier aux complications présentées par M. A... deux interventions chirurgicales ont été réalisées les 27 mai et 13 juin 2015 au cours desquelles l'intéressé a subi un déficit fonctionnel temporaire total pouvant être réparé par le versement d'une somme de

30 euros

8. En dehors même de toute complication, l'intéressé aurait supporté un déficit partiel d'une durée de 15 jours au cours desquels des soins infirmiers devaient lui être donnés. Dans ces conditions, la période de déficit fonctionnel temporaire en lien avec la complication chirurgicale s'étend, hors les deux journées des 27 mai et 13 juin 2015, du 8 novembre 2014 jusqu'à la consolidation de l'état de santé de M. A... constatée le 1er novembre 2016. Ce déficit fonctionnel, évalué par l'expert à 10 %, pourra être réparé par le versement de la somme de 1200 euros

9. Le déficit fonctionnel permanent résultant des difficultés fonctionnelles de la main droite de M. A... a été évalué par l'expert à 8 %. Compte tenu de l'âge de 36 ans de l'intéressé au jour de sa consolidation, en lui allouant la somme de 10 000 euros en réparation de ce chef de préjudice, les premiers juges en ont fait une équitable appréciation.

10. Alors même que M. A..., qui occupait des fonctions de maraîcher, était à la date des faits sans emploi, les difficultés fonctionnelles de sa main droite sont de nature à rendre plus difficile son retour à l'emploi. Il y a lieu d'allouer à l'intéressé la somme de 3 000 euros en réparation de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

11. Les souffrances endurées par M. A... du fait de la section de la branche thénarienne ont été estimées par l'expert à 1/7. En lui allouant en réparation de ce poste de préjudice la somme de 4 000 euros, il en a été fait une équitable appréciation par les premiers juges.

12. M. A... présente du fait des interventions chirurgicales de reprise des 27 mai et

13 juin 2015 des cicatrices sur la main et le poignet. Ce préjudice, évalué par l'expert à 0,5/7 peut être réparé par le versement de la somme de 500 euros.

13. Enfin, M. A... ne justifie pas davantage que devant les premiers juges du préjudice d'agrément qu'il invoque tenant à l'impossibilité de se présenter utilement aux épreuves du permis de conduire moto.

14. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier du Cotentin n'est pas fondé demander l'annulation du jugement rendu le ler juin 2017 par le tribunal administratif de Caen en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et que M. A... est fondé à demander la réformation du jugement attaqué afin que la somme de 17 189 euros qui a été mise à la charge du centre hospitalier du Cotentin par le jugement attaqué soit être portée à celle de 18 730 euros.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu en l'espèce de laisser à la charge du centre hospitalier public du Cotentin les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 11 décembre 2017.

16. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin, partie perdante à l'instance, le versement de la somme de

1 500 euros à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier d'une somme au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier public du Cotentin est rejetée.

Article 2 : La somme de 17 189 euros mise à la charge du centre hospitalier public du Cotentin est portée à 18 730 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1901965 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier public du Cotentin versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier public du Cotentin, à

M. B... A... et à la Mutualité sociale agricole des Côtes normandes.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02046
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET FABRE SAVARY FABBRO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-25;21nt02046 ?
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