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08/04/2022 | FRANCE | N°21NT00228

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 avril 2022, 21NT00228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'enjoindre, sous astreinte, au recteur de l'académie de Rennes de procéder à une reconstitution de sa carrière ;

2°) de condamner, sous astreinte, l'Etat à lui verser dans le délai d'un mois :

- la somme de 94 046 euros au titre de son préjudice financier résultant de la perte de traitement du 1er septembre 2012 au 31 août 2016 et des conséquences matérielles résultant de l'illégalité des décisions de refus d'exa

men de ses demandes de mutation au titre des années

2012-2013 et 2013-2014 ;

- la somme corresp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'enjoindre, sous astreinte, au recteur de l'académie de Rennes de procéder à une reconstitution de sa carrière ;

2°) de condamner, sous astreinte, l'Etat à lui verser dans le délai d'un mois :

- la somme de 94 046 euros au titre de son préjudice financier résultant de la perte de traitement du 1er septembre 2012 au 31 août 2016 et des conséquences matérielles résultant de l'illégalité des décisions de refus d'examen de ses demandes de mutation au titre des années

2012-2013 et 2013-2014 ;

- la somme correspondant à la différence entre les traitements qu'elle a perçus à compter du 1er septembre 2016 et ceux qu'elle aurait dû percevoir sur la base des échelons dont elle réclame le bénéfice rétroactif ;

- la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- et la somme de 20 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.

Par un jugement n° 1802168 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 8 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2021, Mme A... B..., représentée par Me Routtier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 décembre 2020 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 8 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de faire droit à sa demande devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le préjudice

de carrière, la perte de traitement et les troubles dans les conditions d'existence présentent un lien de causalité direct et certain avec les décisions illégales refusant d'examiner ses demandes de mutation ; elle est, par conséquent, fondée à solliciter le rétablissement rétroactif au grade de maître contractuel 7ème échelon entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2015 et au 8ème échelon à compter du 1er septembre 2015 et qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

- du fait de l'illégalité de ces décisions, elle est également fondée à solliciter la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 90 376 euros résultant de la perte de traitement qu'elle aurait pu sérieusement espérer percevoir entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2016 et des conséquences matérielles en résultant s'élevant à la somme totale de 20 000 euros ;

- elle a subi un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 40 000 euros soit 10 000 euros par an ;

- elle a également subi d'autres préjudices résultant de l'illégalité fautive de ces décisions tenant à des difficultés familiales nécessitant la consultation d'un conseiller conjugal et un traitement psychothérapeutique pour son mari et ses enfants et des honoraires d'avocat.

Par un mémoire, enregistré le 29 avril 2021, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 20 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté pour Mme B..., a été enregistré le 29 décembre 2021, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel ;

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public ;

- et les observations de Me Carle, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a exercé dans l'académie de Lyon en qualité de maître contractuel de l'enseignement privé sous contrat d'association. A compter du 1er septembre 2011, elle a été placée, à sa demande, en position de congé parental jusqu'au 31 août 2013. Elle a demandé sa mutation au sein de l'académie de Rennes à compter de la rentrée scolaire du 1er septembre 2011 afin de rejoindre son mari affecté, pour raisons professionnelles, en Bretagne depuis le 12 septembre 2011. Cette demande n'ayant pas abouti, elle l'a renouvelée pour les années scolaires 2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016. Sa mutation a été finalement acceptée pour l'année scolaire 2016-2017. Dans le cadre de cette procédure, Mme B... a sollicité et obtenu chaque année auprès de son académie d'origine une disponibilité pour suivre son conjoint, qui a été reconduite jusqu'au 31 août 2016. Par un jugement du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions par lesquelles le recteur de l'académie de Rennes s'est abstenu d'examiner la demande de mutation dans le département d'Ille-et-Vilaine, pour l'année scolaire 2012-2013 et a refusé de prendre en compte la même demande déposée pour l'année 2013-2014. Après que sa réclamation préalable formée le 19 décembre 2017 a été implicitement rejetée par le recteur de l'académie de Rennes, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'enjoindre à ce dernier de procéder à une reconstitution de sa carrière et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des refus illégaux d'examiner ses demandes de mutation. Par un jugement du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a limité à 8 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'État. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Mme B... demande la condamnation de l'État à réparer les préjudices résultant du refus illégal d'examiner ses demandes de mutation au titre des années scolaires 2012-2013 et 2013-2014.

3. S'agissant de la demande de mutation présentée au titre de l'année 2012-2013, le tribunal administratif de Lyon, aux termes de son jugement du 18 mai 2016 devenu définitif, a constaté qu'elle n'avait pas été transmise par la commission diocésaine au recteur qui n'avait, dans ces conditions, pu l'examiner. Par ailleurs, s'agissant de la demande de mutation pour l'année 2013-2014, le tribunal a annulé le refus opposé à l'intéressée en raison du vice de procédure dont était entaché l'examen de la demande de mutation de Mme B.... Les irrégularités ainsi constatées sont de nature à engager la responsabilité de l'État.

4. Lorsqu'un requérant sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision qu'il conteste, il appartient au juge du plein contentieux de déterminer la nature de cette irrégularité procédurale puis de rechercher si compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité, la même décision aurait pu être prise dans le cadre d'une procédure régulière. En l'espèce, en l'absence de tout vice de procédure, le recteur d'académie aurait été amené à procéder à l'examen des demandes de mutation de Mme B.... Par suite, cette dernière est fondée à demander réparation des préjudices qu'elle allègue sous réserve qu'ils présentent un lien de causalité direct et certain avec la faute retenue.

5. En premier lieu, Mme B... demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 90 376 euros représentant la perte de traitement qu'elle aurait subie entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2016.

6. Toutefois, il est constant que durant à cette période, Mme B... a été placée à sa demande en position de disponibilité afin de pouvoir rejoindre son mari en Bretagne. En particulier, et contrairement à ce qu'elle soutient, il ne résulte pas du courrier du recteur de l'académie de Lyon du 2 octobre 2013, qui n'a que pour seul objet de régulariser sa situation au regard de la rentrée scolaire de septembre 2013 alors que l'intéressée n'avait toujours pas fait connaître sa décision malgré plusieurs demandes en ce sens faites par l'administration, qu'il avait pour effet de l'obliger à se mettre en disponibilité pour raison familiale. En revanche, ainsi que le soutient le recteur, sans être utilement contesté, Mme B... n'a présenté aucune demande de réintégration qui aurait été refusée par l'administration. Dans ces conditions, la perte de traitement qu'elle a subie ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec les refus de mutation illégaux qui lui ont été opposés mais comme résultant de son choix de demander une mise en disponibilité pour convenances personnelles. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être qu'écarté.

7. En deuxième lieu, les factures présentées par Mme B... concernant l'intervention d'un conseiller conjugal et les traitements psychothérapeutiques suivis par ses enfants ne sont pas, à elles seules, de nature à établir le lien de causalité avec la faute retenue contre l'administration tenant à l'illégalité des refus de mutation pour les années 2012-2013 et 2013-2014. Il en est de même s'agissant de la circonstance que la requérante n'a pas été en mesure de mener à bien un projet de vente ou de location d'une maison en Bretagne alors qu'il résulte des pièces du dossier que l'intéressée vivait à l'époque des faits à Rennes avec sa famille et de la circonstance que sa consommation de tabac a été multipliée par quatre durant cette période. Par suite, faute pour Mme B... d'établir un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité des décisions prises par l'administration dans les conditions rappelées ci-dessus et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle prétend avoir subis, la requérante n'est pas fondée à en demander réparation. Pour le même motif, elle ne saurait également solliciter le remboursement des factures du conseiller conjugal et du psychothérapeute.

8. En troisième lieu, si, ainsi qu'il résulte notamment du certificat médical établi le 3 septembre 2017, Mme B... a connu une période de stress et un syndrome anxio-dépressif que l'intéressée a imputé à l'échec de son recours juridictionnel devant le juge des référés à la suite du refus de son changement d'affectation, les premiers juges, en fixant à 8 000 euros le montant du préjudice moral, n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions tendant à ce que la réparation de ce chef de préjudice soit portée à 40 000 euros.

9. En dernier lieu, si Mme B... demande le remboursement des honoraires d'avocat d'un montant de 1 000 euros qu'elle a exposés pour présenter sa demande de première instance devant le tribunal administratif de Rennes, ces frais ont été, en tout état de cause, indemnisés par les premiers juges qui ont mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'annulation, par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2016, des décisions du recteur de l'académie de Rennes refusant de prendre en considération la demande de mutation de maître contractuel extérieur à l'académie de Rennes pour l'année scolaire 2012-2013 et refusant implicitement cette mutation pour l'année scolaire 2013-2014, n'impliquait pas la reconstitution rétroactive de la carrière de Mme B... qui se trouvait en situation de disponibilité. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentée par la requérante ne peuvent être que rejetée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité son indemnisation à 8 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au recteur de l'académie de Rennes.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDEL

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00228
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARLU ANTOINE CARLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-08;21nt00228 ?
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