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08/07/2022 | FRANCE | N°20NT03449

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 08 juillet 2022, 20NT03449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Atlantic Fiduciaire a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, ainsi que de l'amende y afférente, et la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1703572 du 3 juillet 2020, le tribunal

administratif de Nantes a déchargé la SAS Atlantic Fiduciaire des rappels de taxe su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Atlantic Fiduciaire a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, ainsi que de l'amende y afférente, et la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1703572 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SAS Atlantic Fiduciaire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison du refus de déduire la taxe mentionnée sur les factures émises par la société Ares Développement, ainsi que des intérêts de retard, pénalités et amende y afférents, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 novembre 2020 et 12 mai 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Atlantic Fiduciaire les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison du refus de déduire la taxe sur les factures émises par la société Ares Développement ainsi que les intérêts de retard, les pénalités et les amendes y afférentes ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme de 750 euros versée à la SAS Atlantic Fiduciaire au titre des frais irrépétibles en exécution de ce jugement ;

4°) de réformer le jugement attaqué en ce sens.

Il soutient que :

- M. A... doit être regardé comme le gérant de fait de la SAS Atlantic Fiduciaire ;

- il a par ailleurs facturé à cette société, par l'intermédiaire de la SARL Arès Développement, qui exerçait une activité de marchand de biens, des prestations de comptabilité fournies par lui auprès de clients ;

- la SAS Atlantic Fiduciaire ne pouvait ignorer, compte tenu du rôle de M. A... dans les deux sociétés, qu'elle participait à une opération de fraude ;

- les conditions de l'application du 4 de l'article 283 du code général des impôts étaient ainsi remplies pour justifier le refus de déduction par la SAS Atlantic Fiduciaire de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux quatre factures émises par la SARL Arès Développement ;

- en réponse à l'appel incident de la SAS Atlantic Fiduciaire : les dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues, les factures émises par la SARL CC Consultant étaient des factures de complaisance de sorte que la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant ne pouvait être déduite, le transfert par la SARL CC Consultant à la SAS Atlantic Fiduciaire d'une partie de sa clientèle est établi, aucun élément n'est apporté à l'appui de la contestation des provisions injustifiées, enfin les pénalités pour manquement délibéré et l'application de l'amende pour facture de complaisance sont justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2021 la SAS Atlantic Fiduciaire, représentée par Me de Montgolfier, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande, et à la décharge des impositions restant contestées ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés ;

- la procédure de vérification est irrégulière dans la mesure où la remise au vérificateur de la copie de fichiers a eu lieu avant l'envoi de l'avis de vérification ;

- la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre des cinq factures émises par la société CC Consultant n'était pas justifiée dès lors que ces factures correspondent à des prestations effectuées et que cette société a poursuivi son activité jusqu'à sa liquidation en octobre 2010 ;

- la valorisation de la clientèle qui a été transférée par la société CC Consultant à la SAS Atlantic Fiduciaire n'était pas justifiée et méconnaît l'article 211-3 du plan comptable général ; en effet il s'agissait de nouveaux clients ayant choisi la SAS Atlantic Fiduciaire ;

- elle remet en cause les reprises des provisions injustifiées par l'administration ;

- les pénalités appliquées ne sont pas justifiées.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident présentées par la SAS Atlantic Fiduciaire et relatives aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dès lors qu'elles constituent un appel principal qui a été présenté hors délai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le plan comptable général ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Atlantic Fiduciaire, dont l'objet est l'expertise comptable, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, en droits et pénalités, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Par un jugement du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SAS Atlantic Fiduciaire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été réclamés à raison du refus de déduire la taxe mentionnée sur les factures émises par la société Ares Développement, ainsi que des intérêts de retard, pénalités et amende y afférents, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SAS Atlantic Fiduciaire. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement attaqué en tant qu'il a accordé la décharge mentionnée ci-dessus et a mis à sa charge la somme de 750 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, tandis que, par la voie de l'appel incident, la SAS Atlantic Fiduciaire conteste le même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'appel principal du ministre :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions supplémentaires :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

3. Il résulte de l'instruction que la SARL Arès Développement, qui exerçait alors la seule activité de marchand de biens, a émis pendant la période du 1er juin au 1er octobre 2010 sept factures auprès de la SAS Atlantic Fiduciaire, qui représentaient un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductibles de 8 232 euros. Il n'est pas contesté que durant cette période la SARL Arès Développement ne disposait, en tout état de cause, pas de moyens propres pour proposer des prestations de comptabilité, de sorte que la convention de prestations de services avec la SARL Ares Développement pour la réalisation de missions d'assistance et de conseils dans le " domaine du personnel " et dans le " domaine financier et comptable " conclue le 19 février 2010 entre la SAS Atlantic Fiduciaire et la SARL Ares Développement restait sans effet. Il résulte également de l'instruction que M. A..., devenu officiellement gérant de cette dernière société en septembre 2010, y était déjà impliqué avant cette date, et que c'est lui qui a personnellement fourni les prestations comptables ayant fait l'objet des factures en litige. Ainsi, si les paiements de la SARL Ares Développement correspondaient à des prestations réellement effectuées, cependant le réel émetteur de ces prestations est demeuré masqué. Pour ces raisons, la SAS Atlantic Fiduciaire ne pouvait ignorer que les factures émises par la SARL Ares Développement, qui au surplus ne comportaient pas l'ensemble des mentions prescrites par le code général des impôts, étaient de complaisance. La déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à ces factures ne pouvait pas en conséquence être admise. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SAS Atlantic Fiduciaire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende afférente au motif que l'administration fiscale n'apportait pas la preuve lui incombant que la société contribuable savait ou ne pouvait ignorer l'existence de ces factures de complaisance.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SAS Atlantic Fiduciaire devant le tribunal et la cour.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...). ".

6. La SAS Atlantic Fiduciaire soutient que la procédure de vérification est irrégulière dès lors que le courrier du 2 mars 2013 par lequel le vérificateur a accusé réception d'une copie du fichier de ses écritures comptables est antérieur au 7 mars 2013, date de l'envoi de vérification. Toutefois, le 2 mars 2013 étant un samedi, la mention de cette date est une erreur de plume. En réalité, il y a lieu de lire le 2 avril 2013, soit après l'envoi de l'avis de vérification.

Sur l'appel incident de la SAS Atlantic Fiduciaire :

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident :

7. Les conclusions d'appel incident présentées par la SAS Atlantic Fiduciaire et relatives aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au soutien desquelles sont invoqués les moyens relatifs à la minoration d'actif et aux provisions injustifiées, sont irrecevables dès lors que, relatives à une imposition qui n'est pas concernée par l'appel principal formé par le ministre, elles constituent elles-mêmes un appel principal qui a été présenté le 26 février 2021, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

8. L'administration fait valoir l'existence d'un passif injustifié et de plusieurs factures de complaisance, la dissolution de la société CC Consultant, la gérance de fait exercée par M. A... et la volonté de dissimuler le rôle réel exercé par lui et de minorer le résultat fiscal. Elle démontre ainsi que la SAS Atlantic Fiduciaire ne pouvait ignorer que les manquements graves à ses obligations comptables lui permettaient de diminuer le montant de l'impôt. Ainsi, elle justifie l'intention d'éluder l'impôt par dissimulation des bases d'imposition, et apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un manquement délibéré justifiant la pénalité au taux de 40 % infligée à la société sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'amende de 50% en application des dispositions du 1° du I de l'article 1737 du code général des impôts :

9. La SAS Atlantic ne soulève à l'appui des conclusions dirigées contre cette amende aucun moyen spécifique.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander la réformation du jugement attaqué, et que la SAS Atlantic Fiduciaire n'est quant à elle pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande, de sorte que les conclusions présentées par elle devant la cour, de même que les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de première instance :

11. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué implique nécessairement la restitution de la somme de 750 euros mise à la charge de l'Etat en première instance. Il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à ce que soit ordonnée la restitution de cette somme.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°1703572 du tribunal administratif de Nantes du 3 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Sont remis à la charge de la SAS Atlantic Fiduciaire les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison du refus de déduire la taxe mentionnée sur les factures émises par la société Ares Développement, ainsi que les intérêts de retard, pénalités et amende y afférents.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées devant la cour par la SAS Atlantic Fiduciaire sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Atlantic Fiduciaire et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

Le rapporteur

J.E. B...La présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03449
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL AVOFISC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-08;20nt03449 ?
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