La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2022 | FRANCE | N°22NT00067

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 octobre 2022, 22NT00067


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Par une demande enregistrée sous le n°1803736, M. E... I..., M. B... D... et Mme C... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'annuler la décision du maire de Saint-Malo du 25 juillet 2018 en tant qu'elle ne prévoit pas la réalisation de travaux préconisés par l'expert concernant le confortement du front de taille et la canalisation des eaux pluviales ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Saint-Malo de procéder aux travaux tels que définis dans le rapport

d'expertise du 21 mars 2018 dans un délai d'un mois à compter du jugement à interveni...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Par une demande enregistrée sous le n°1803736, M. E... I..., M. B... D... et Mme C... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'annuler la décision du maire de Saint-Malo du 25 juillet 2018 en tant qu'elle ne prévoit pas la réalisation de travaux préconisés par l'expert concernant le confortement du front de taille et la canalisation des eaux pluviales ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Saint-Malo de procéder aux travaux tels que définis dans le rapport d'expertise du 21 mars 2018 dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

II. Par une demande enregistrée sous le n°1804544, M. B... D..., M. E... I... et Mme C... H... ont demandé au même tribunal :

1°) d'annuler la décision du maire de Saint-Malo du 25 juillet 2018 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Malo à leur verser une indemnité totale de 205 268,80 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de dommages de travaux publics intervenus sur le mur d'enceinte de leur propriété ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Saint-Malo de procéder aux travaux tels que définis dans le rapport d'expertise du 21 mars 2018 dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

III. Par une demande enregistrée sous le n°1904391, le syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande aiguille à Saint-Malo a demandé à ce tribunal :

1°) de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser une indemnité totale de 205 268,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de dommages de travaux publics intervenus sur le mur d'enceinte de sa propriété ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Saint-Malo de procéder aux travaux tels que définis dans le rapport d'expertise du 21 mars 2018 dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n°s 1803736, 1804544, 1904391 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier et 3 juin 2022, le syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à Saint-Malo, M. B... D..., Mme C... H... épouse D... et M. E... I..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Saint-Malo du 25 juillet 2018 ;

3°) de condamner la commune de Saint-Malo à leur verser une indemnité totale de 226 080,34 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de Saint-Malo de procéder aux travaux préconisés par le rapport d'expertise du 21 mars 2018, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

* Sur la recevabilité de leur requête :

- les conclusions indemnitaires de leur requête d'appel sont recevables dès lors que le montant sollicité résulte seulement d'une actualisation de la somme demandée en première instance par référence à l'indice du coût de la construction ;

* Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a inexactement qualifié leur demande enregistrée sous le n°1803736 qui tendait à l'annulation de la décision du maire de Saint-Malo du 25 juillet 2018 en tant qu'elle refuse l'engagement immédiat des travaux à réaliser sur le front de taille appartenant à cette collectivité ainsi que des travaux de canalisation et non pas, comme l'a retenu le tribunal, de travaux sur le mur de la copropriété ;

- il a omis de se prononcer sur leur demande en tant qu'elle portait sur la réalisation de travaux de recueillement des eaux de ruissèlement ;

- il a dénaturé les conclusions de l'expert s'agissant des travaux à réaliser ;

- il a méconnu son office en statuant comme juge de l'excès de pouvoir pour apprécier la légalité de la décision du 25 juillet 2018 et non pas en tant que juge de plein contentieux ;

- le jugement apporte une réponse à leur note en délibéré alors qu'elle n'avait pas été communiquée à la partie adverse ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 juillet 2018 étaient irrecevables pour défaut d'intérêt à agir ;

- il a refusé de leur communiquer les dernières écritures de la commune de Saint-Malo dans les trois instances dont il était saisi ;

* Sur la légalité de la décision du 25 juillet 2018 :

- cette décision leur fait grief dès lors qu'elle révèle l'intention de la commune de ne pas réaliser les travaux tels que préconisés par l'expert judiciaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où, alors que la commune n'a jamais évoqué son intention de réaliser les travaux de recueillement des eaux pluviales, il est nécessaire de réaliser en urgence les travaux préconisés par l'expert judiciaire et la commune n'a pas tenu ses engagements de réaliser rapidement ceux destinés à conforter le front de taille, les programmes d'étude commandés par la ville étant inutiles ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure dès lors que la mission confiée à la société Géolithe avait pour objet de remettre en cause les conclusions de l'expert ;

* Sur la responsabilité de la commune de Saint-Malo :

- la responsabilité de la commune de Saint-Malo est engagée dès lors que les désordres constatés sur le mur d'enceinte de leur copropriété ont pour cause l'absence de travaux sur le front de taille et l'absence de réalisation sur la rue de la Chaussée d'une canalisation d'eau pluviale ; la dégradation du mur est ainsi imputable à un ouvrage public alors que le syndicat se présente comme tiers par rapport à cet ouvrage constitué du front de taille, que le dommage subi est anormal et spécial et qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre le dommage et l'ouvrage public ;

- le rapport établi par la société Géolithe n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire ;

* Sur la réparation des préjudices :

- la demande indemnitaire présentée par M. et Mme D... et M. I... est recevable ;

- les préjudices dont ils demandent réparation présentent un caractère certain ;

- le montant total des travaux portant sur le mur d'enceinte s'élève, selon l'expert, à la somme de 160 904 euros, qu'il convient de réactualiser eu égard à l'évolution de l'indice du coût de la construction, pour la porter à 181 715,54 euros ;

- du fait de la réalisation des travaux, ils subiront un préjudice de jouissance que l'expert a estimé à la somme de 1 200 euros ;

- la copropriété a dû souscrire un emprunt bancaire pour la réalisation des travaux pour un montant de 43 164,80 euros dont ils devront être dédommagés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2022, la commune de Saint-Malo, représentée par son maire en exercice, représentée par Me Mocaer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

* à titre principal :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que les conclusions indemnitaires, qui sont majorées par rapport à celles présentées en première instance, doivent être regardées comme des conclusions nouvelles en appel ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé irrecevable le recours pour excès de pouvoir des requérants enregistré sous le n°1803736 ;

- c'est également à bon droit que le tribunal administratif a jugé, dans l'instance enregistrée sous le n°1804544, que M. B... D..., Mme C... H... et M. E... I... ne disposaient pas d'un intérêt propre pour agir afin de solliciter la réparation de dommages affectant les parties communes de la copropriété, cet intérêt à agir appartenant au seul syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à Saint-Malo ;

- le tribunal administratif n'a commis aucune irrégularité dans ses attributions juridictionnelles, ni dans l'instruction des demandes dont il était saisi ;

* à titre subsidiaire :

- les conclusions présentées par les requérants pour solliciter l'annulation du courrier du maire du 25 juillet 2018 en tant qu'elle porte sur la réalisation des travaux préconisés par l'expert sont irrecevables dès lors que ce courrier ne présente pas un caractère décisoire et que les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir ;

- au surplus, la demande d'annulation de la décision du 25 juillet 2018 est mal fondée ;

- la demande indemnitaire est irrecevable tant en ce qu'elle émane des copropriétaires qui n'ont pas intérêt à agir qu'en ce qu'elle émane du syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à Saint-Malo, dont la requête est tardive compte tenu du caractère purement confirmatif de sa demande ; au surplus, elle est mal fondée.

Par une lettre du 23 juin 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, tiré de ce que les travaux dont la réalisation est demandée par les requérants à la commune de Saint-Malo sur le front de taille dépendant de son domaine privé étant destinés à assurer la préservation du mur de clôture de la copropriété, dans l'intérêt exclusif du syndicat de copropriétaires de l'immeuble situé 9 rue de La Grande Anguille, ne présentent pas le caractère de travaux publics et qu'en conséquence, le litige né de l'absence de réalisation de ces travaux, qui se rapporte à la gestion du domaine privé de la commune, relève de la compétence du juge judiciaire (Cf. Tribunal des conflits, 8 novembre 2021, Sté Camping du Cap du Roc c/ Comme de Sigean, n°4225 aux tables).

Par lettre du 7 juillet 2022, la commune de Saint-Malo a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public qui lui a été notifié.

Par lettre du 11 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à Saint-Malo et autres ont présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public qui leur a été notifié.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Marie, pour les requérants et celles de Me Mocaer, pour la commune de Saint-Malo, défenderesse.

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., M. D... et Mme H... épouse D... sont les copropriétaires en indivision d'une parcelle cadastrée section BO n°160, située 9 rue de la Grande Anguille à Saint-Malo, sur laquelle est implantée une malouinière. Cette copropriété est gérée par le syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Anguille à Saint-Malo. Le mur privatif en pierre, qui clôture la propriété, est implanté, au niveau de son angle Nord-Est, sur un terrain surmontant le front de taille d'une ancienne carrière de granit à ciel ouvert exploitée jusque dans les années 1940 et surplombe, en particulier, des logements appartenant à l'Office public de l'habitat (OPH) " Emeraude habitation ", situés rue Georges Gilles. A la suite du détachement d'un rocher en 2015, l'OPH a alerté, par un courrier du 21 mars 2017, la commune de Saint-Malo du risque d'effondrement du mur. La commune a alors engagé une procédure de péril imminent dans le cadre de laquelle elle a sollicité une expertise judiciaire qui a été confiée à M. G.... Cet expert, dans son rapport déposé le 19 avril 2017, a conclu, d'une part, à l'absence de péril imminent tout en relevant un risque de ruine à échéance non déterminée, et d'autre part, à la nécessité d'engager à brève échéance des travaux dont il précisait la nature. C'est dans ces conditions que la commune de Saint-Malo a saisi en référé le tribunal administratif de Rennes d'une nouvelle demande d'expertise en vue de déterminer les désordres affectant notamment le mur de la copropriété. M. A..., désigné en qualité d'expert, a remis son rapport le 21 mars 2018. Il a constaté une menace de ruine partielle du mur sur dix mètres linéaires et a préconisé à cette fin un certain nombre de travaux, et notamment des travaux de confortement du front de taille et de canalisation des eaux de pluie incombant à la commune de Saint-Malo.

2. Le 13 juin 2018, les copropriétaires, M. I..., M. D... et Mme H... épouse D... ont saisi la commune afin, d'une part, qu'elle réalise les travaux ainsi préconisés par le rapport d'expertise et, d'autre part, qu'elle les indemnise des préjudices résultant des travaux à réaliser sur le mur de la copropriété, y compris des frais bancaires et ainsi que du préjudice de jouissance qui en résultera. En réponse à cette demande, le maire de Saint-Malo leur a fait savoir, par un courrier du 25 juillet 2018, qu'il se préparait à lancer les études préalables aux travaux préconisés par l'expert, en ayant notamment missionné à cette fin la société Géolithe et qu'il rejetait la réclamation indemnitaire qu'il estimait surévaluée.

3. Par une première demande enregistrée sous le n° 1803736, les copropriétaires ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du maire de Saint-Malo du 25 juillet 2018 en tant qu'elle refuse l'engagement immédiat des travaux préconisés par l'expert de confortement du front de taille et de la canalisation des eaux pluviales et d'enjoindre à la commune de réaliser ces travaux. Par une seconde demande enregistrée sous le n°1804544, ils ont demandé au tribunal, outre l'annulation de cette décision, la condamnation de la commune à leur verser une somme totale de 205 268,80 euros en réparation des préjudices qu'ils imputent au défaut de réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire et l'injonction sous astreinte à la commune de réaliser les travaux en cause. Enfin, par une troisième demande enregistrée sous le n°1904391, le syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à Saint-Malo, après avoir saisi la commune de Saint-Malo d'une demande indemnitaire préalable, a repris à son compte, devant ce même tribunal, les conclusions indemnitaires et injonctives présentées par les copropriétaires dans l'instance précédente.

4. Par un jugement du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ces trois demandes. Le syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à Saint-Malo, M. I..., M. D... et Mme H... relèvent appel de ce jugement.

Sur le cadre juridique applicable et l'office du juge de la réparation :

5. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

6. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Les requérants font valoir que le tribunal administratif de Rennes s'est mépris sur son office en considérant que leur demande enregistrée sous le numéro 1803736 n'était pas un recours de plein contentieux mais un recours en excès de pouvoir tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2018 que les premiers juges ont rejeté pour défaut d'intérêt à agir au motif que la décision ne leur faisait pas grief. Si, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, leur demande de première instance n° 1803736 avait bien le caractère d'un recours de plein contentieux, il résulte des dispositions des articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis que le syndicat des copropriétaires peut seul agir pour assurer la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble lorsqu'un tiers à la copropriété porte atteinte aux parties communes sans causer de préjudice propre à un copropriétaire. Or, il résulte de l'instruction que les travaux préconisés par l'expert judiciaire que les copropriétaires demandaient au tribunal d'enjoindre à la commune d'exécuter, bien qu'ils aient trait au confortement du front de taille appartenant à la commune et au recueillement des eaux de pluie, avaient pour objet la réparation des dommages affectant le mur de clôture et donc les seules parties communes de la copropriété, dont les copropriétaires demandaient aussi à être indemnisés par leur demande n° 1804544. Alors qu'ils n'invoquent aucun préjudice personnel distinct de l'atteinte portée aux parties communes de l'immeuble, seul le syndicat des copropriétaires avait qualité pour agir en réparation de ces dommages. Il s'ensuit que leurs demandes, enregistrées sous les numéros 1803736 et 1804544, étaient irrecevables et que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre qu'elles aient été rejetées comme telles. En outre, la qualification opérée par les premiers juges de la demande de première instance enregistrée sous le n° 1803736, sans incidence sur l'issue du litige, n'est pas davantage de nature à affecter la régularité du jugement.

8. Si les requérants soutiennent que les premiers juges auraient dénaturé les conclusions de l'expert judiciaire en considérant que la commune n'a pas refusé d'exécuter les travaux préconisés par ce dernier, une telle circonstance, à la supposer même établie, a trait au bien-fondé du jugement et n'est ainsi pas une cause d'irrégularité du jugement de première instance.

9. Les requérants soutiennent enfin que dans chacune des instances dont était saisi le tribunal administratif de Rennes, les derniers mémoires produits par la commune de Saint-Malo ne leur ont pas été communiqués. Toutefois, ces mémoires n'ont eu, au regard des motifs retenus par les premiers juges, aucune influence sur l'issue du litige. Par suite, le tribunal administratif n'était pas tenu de les communiquer aux requérants. En outre, la circonstance que le tribunal a répondu à un argument de la note en délibéré qu'ils ont produite sans avoir communiqué préalablement cette note à la partie adverse n'est pas susceptible d'avoir lésé les requérants, et n'est dès lors pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

10. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier. Il y a lieu, par suite, de statuer sur les conclusions en réparation de la requête par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur l'action en réparation :

11. Il résulte de l'instruction que le mur de clôture de la malouinière présente des fissures sur environ dix mètres de long au Nord et à l'Est. Si le rapport d'expertise judiciaire établi par M. A... conclut que les désordres affectant le mur d'enceinte résultaient du mauvais état du front de taille et de l'absence totale de canalisation des eaux pluviales de la rue de la Chaussée, le rapport de cet expert comporte des erreurs relatives à la hauteur et à la composition géologique de ce front de taille fragilisant d'autant plus ces conclusions que l'expert a refusé la réalisation d'une étude de sols. A cet égard, l'expert M. G... retient pour sa part dans son expertise de 2017, réalisée de manière contradictoire après avoir pris connaissance de la précédente expertise, deux causes possibles des désordres du mur de clôture de la copropriété, soit " un tassement du terrain dû à un défaut de portance du sol possiblement en lien avec un défaut de conduite de ruissellement sur la surface bitumée du chemin ", soit " une poussée du terrain en soutènement due aux systèmes racinaires des végétaux " bordant la clôture à l'intérieur de la malouinière. Et il résulte du diagnostic de stabilité du mur réalisé en 2018 par le bureau d'étude Géolithe à la demande de la commune que les talus en contrebas du mur ne sont pas à l'origine des désordres du mur, qui pourraient résulter des arbres situés à proximité, d'un drainage défaillant du mur, de son ancienneté. Enfin, il résulte du rapport du bureau d'études Antéa, établi sur commande de la commune après examen de l'ensemble des études et expertises déjà réalisées, que l'origine des désordres affectant l'angle Nord-est du mur est multifactorielle en ce qu'elle tient au vieillissement de la maçonnerie, à l'absence d'entretien, à l'absence de drainage au niveau du soutènement, à la poussée du système racinaire des arbres situés dans la propriété à proximité du mur, au défaut de collecte des eaux de ruissellement le long du mur et enfin, au défaut de portance des terrains d'assise du mur reposant sur une zone de remblai meuble. Ce rapport précise que les facteurs prédominants sont les facteurs susceptibles de générer le mouvement de déversement, à savoir l'absence de drainage du mur de soutènement et les effets parasites liés aux arbres, les autres facteurs ayant pu contribuer à amplifier le phénomène. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les désordres affectant le front de taille et ceux affectant le mur d'enceinte de la copropriété n'est pas établie. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à demander réparation des dommages affectant le mur d'enceinte de la copropriété.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée par la commune de Saint-Malo, que les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Saint-Malo à raison des conséquences dommageables subies par le mur d'enceinte de la copropriété. Dès lors, ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Malo, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants la somme réclamée par la commune de Saint-Malo au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande Aiguille à

Saint-Malo et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Malo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires du 9 rue de la Grande aiguille à Saint-Malo, à M. B... D..., à Mme C... H... épouse D..., à M. E... I... et à la commune de Saint-Malo.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.

La rapporteure

J. F...Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00067
Date de la décision : 14/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-14;22nt00067 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award