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15/11/2022 | FRANCE | N°21NT01088

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 novembre 2022, 21NT01088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du ministre de la défense du 24 mai 2017 refusant de lui attribuer une pension militaire d'invalidité et à ce qu'il lui soit accordé une pension militaire d'invalidité au taux de 35%.

Par un jugement n° 1902700 du 19 février 2021 le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision et a accordé à M. C... une pension d'invalidité de victime civile de guerre au taux de 35% à compter du 17 mars 2015.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2021 et le 7...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du ministre de la défense du 24 mai 2017 refusant de lui attribuer une pension militaire d'invalidité et à ce qu'il lui soit accordé une pension militaire d'invalidité au taux de 35%.

Par un jugement n° 1902700 du 19 février 2021 le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision et a accordé à M. C... une pension d'invalidité de victime civile de guerre au taux de 35% à compter du 17 mars 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2021 et le 7 décembre 2021, le ministre des armées, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C....

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas précisé, dans son dispositif, l'intitulé de l'infirmité reconnue au taux de 35% ;

- la nature de l'infirmité n'est pas précisée ;

- il n'a pas été tenu compte par le tribunal des données médicales à la date de la demande de pension ;

- le taux de 35% retenu n'est pas justifié ;

- le lien de causalité entre l'assassinat du père du requérant et son état psychologique n'est pas démontré.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 septembre 2021 et le 22 novembre 2021 M. C... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, en son article 6 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a sollicité, le 17 mars 2015, une pension militaire pour des troubles psychologiques survenus à la suite de l'assassinat de son père le 21 avril 1958 à ...(...). Le ministre de la défense a rejeté sa demande le 24 mai 2017. M. C... a été regardé par le tribunal administratif de Caen comme demandant l'annulation de cette décision et que lui soit concédée une pension de victime civile de guerre à un taux de 35 %. Le ministre des armées relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 24 mai 2017 et a accordé à M. C... une pension de victime civile de guerre d'invalidité au taux de 35 % à compter du 17 mars 2015.

Sur les conclusions d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes ayant subi en ... entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre ..., bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre ..., ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant : / 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ; / 2° De maladies contractées du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 121-5 de ce même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ".

3. D'une part, il résulte de l'instruction que M. C... souffre depuis au moins 1972 de troubles psychiques pour lesquels il a été hospitalisé en ... et pour lesquels il est suivi régulièrement en France, où il vit depuis 1987, comme cela est établi par les différents certificats médicaux produits. Le tribunal du contentieux de l'incapacité de Caen a, le 26 juin 2006, pour ces troubles de la personnalité avec forme de paranoïa, délires interprétatifs à teneur persécutive, troubles de l'adaptation et probables troubles post-traumatiques, fixé à 70 % le taux d'incapacité de M. C.... Le psychiatre expert qui l'a examiné le 13 janvier 2020 dans le cadre d'une expertise ordonnée par le tribunal des pensions a conclu, à l'issue d'un examen psychique de l'intéressé, que celui-ci souffrait d'une psychose paranoïaque consécutive au traumatisme vécu en 1958. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de police judiciaire établi le 1er juillet 1958 que, le 21 avril 1958, le père de M. Ouanouche, président de la délégation spéciale de D..., a été abattu de trois coups de feu, dans un champ jouxtant sa demeure, par des indépendantistes algériens venus le chercher de force chez lui, alors qu'il prenait son repas avec son épouse et ses enfants. Si le psychiatre expert qui a examiné M. C... le 13 décembre 2016 a dénié le caractère post-traumatique de ses symptômes et a retenu le concernant des troubles atypiques de l'humeur, il résulte des termes mêmes de cette expertise qu'elle est fondée de façon erronés sur le caractère hypothétique de l'assassinat du père de l'intéressé en 1958. Dans ces conditions, M. C... apporte la preuve d'un lien de causalité direct et déterminant entre l'assassinat de son père et son état psychique sans que le ministre puisse soutenir que la nature de l'infirmité serait imprécise ou qu'il aurait fallu tenir compte de l'état médical de M. C... au moment de sa demande de pension, lequel, eu demeurant, comme il a été dit, était déjà suffisamment établi et corrélé avec l'assassinat de son père.

4. D'autre part, si le ministre soutient que le taux de 35% retenu ne serait pas justifié et que ce taux a été fixé à 20 % par l'expertise réalisée le 13 décembre 2016, il résulte de l'instruction que le psychiatre expert qui a examiné M. C... le 13 janvier 2020 a fixé son taux d'invalidité à 35 % pour la pathologie psychiatrique de l'intéressé en indiquant notamment que " l'examen psychiatrique de M. C... objective ce jour une psychose paranoïaque consécutive au traumatisme vécu en 1958 " alors que, ainsi que dit précédemment, l'expertise du 13 décembre 2016 reposait sur des éléments de faits erronés, relatifs notamment à l'assassinat du père de M. C.... Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément contraire, le taux d'invalidité lié à aux troubles psychiques de M. C... imputables à l'assassinat de son père, sans que le ministre ne puisse sérieusement soutenir que cette qualification est imprécise compte tenu notamment de l'expertise médicale du 13 janvier 2020, doit être fixé à 35 %.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 24 mai 2017 et a accordé à M. C... une pension de victime civile de guerre d'invalidité au taux de 35% à compter du 17 mars 2015.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

T. B...

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01088
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : CANTOIS MAYAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-15;21nt01088 ?
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