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15/11/2022 | FRANCE | N°21NT01514

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 novembre 2022, 21NT01514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation l'a licencié à la fin de son stage et a prononcé son licenciement, d'annuler l'avis rendu par le conseil d'administration de l'université de ..., siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, en date du 8 novembre 2019, de le réintégrer en sa qualité de maître de conférence stagiaire.

Par un jugem

ent n° 2000730 du 8 avril 2021 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation l'a licencié à la fin de son stage et a prononcé son licenciement, d'annuler l'avis rendu par le conseil d'administration de l'université de ..., siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, en date du 8 novembre 2019, de le réintégrer en sa qualité de maître de conférence stagiaire.

Par un jugement n° 2000730 du 8 avril 2021 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. B... représenté par Me Brand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a mis fin à son stage ;

3°) d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a prononcé son licenciement ;

4°) d'annuler l'avis rendu par le conseil d'administration de l'université de ..., siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, en date du 8 novembre 2019 ;

5°) de le réintégrer en sa qualité de maître de conférence stagiaire ;

6°) de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

7°) d'ordonner le maintien de sa rémunération à compter du 1er mars 2020 ;

8°) de mettre à la charge de l'université de ... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance des droits de la défense ;

- la décision et l'avis attaqués sont insuffisamment motivés ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- l'université a confondu comportement fautif relevant de la sanction disciplinaire et insuffisance professionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2021 l'université de ... conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions dirigées contre l'avis du conseil d'administration sont irrecevables et qu'aucun moyen dirigé contre la décision attaquée n'est fondé.

Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a produit un mémoire en défense le 17 octobre 2022 qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, en son article 6 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été nommé maître de conférence stagiaire à l'université de ... par arrêté du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en date du 12 septembre 2018. Il a été affecté au sein de l'institut universitaire de technologie (IUT) afin de dispenser des cours de gestion aux étudiants de première et de deuxième années au département " gestion des entreprises et administrations " (GEA). Par arrêté du 6 février 2020, le ministre de de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a refusé de le titulariser M. B... à la fin de son stage et a prononcé son licenciement. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de l'avis du 8 novembre 2019 rendu par le conseil d'administration de l'université de ..., siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'avis du 8 novembre 2019 rendu par le conseil d'administration de l'université de ... :

2. Aux termes de l'article 32 du décret du 6 juin 1984 : " Les maîtres de conférences sont nommés en qualité de stagiaire pour une durée d'un an par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Ils bénéficient, au cours de cette période de stage, d'une formation visant l'approfondissement des compétences pédagogiques nécessaires à l'exercice du métier, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Cette formation peut tenir compte de leur parcours antérieur et être accompagnée d'un tutorat. Le directeur de chaque service ou composante délivrant la formation du stagiaire établit un avis sur le suivi de la formation, transmis au conseil académique ou à l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation préalablement à la délivrance de l'avis conforme mentionné au cinquième alinéa du présent article. (...). A l'issue du stage prévu au premier alinéa, les maîtres de conférences stagiaires sont soit titularisés, soit maintenus en qualité de stagiaires pour une période d'un an, soit réintégrés dans leur corps d'origine, soit licenciés s'ils n'ont pas la qualité de fonctionnaire. (...) Pour la mise en œuvre des deux alinéas précédents, les décisions du président ou du directeur de l'établissement sont prononcées conformément à l'avis du conseil académique ou de l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, siégeant dans tous les cas en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés. (...) L'avis défavorable du conseil académique ou de l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation est communiqué dans les huit jours de son adoption au maître de conférences stagiaire ou à l'agent contractuel qui peut, dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle il en a reçu notification, saisir le conseil d'administration siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs d'un rang au moins égal. Le conseil d'administration entend l'intéressé à sa demande. L'avis du conseil d'administration ainsi saisi se substitue à celui du conseil académique ou de l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation. Tout avis défavorable est motivé. Les décisions de titularisation ou de maintien en qualité de stagiaire sont prononcées par arrêté du président ou du directeur de l'établissement. Le licenciement des maîtres de conférences stagiaires est prononcé par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ".

3. Il résulte de ces dispositions que les décisions de licenciement des maîtres de conférences nommés en qualité de stagiaire sont prises par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et que l'avis du conseil d'administration siégeant en formation retreinte aux enseignants-chercheurs, saisi par le stagiaire, n'est qu'une décision préparatoire ne faisant pas grief. Ainsi, l'avis en date du 8 novembre 2019 du conseil d'administration siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, préalable à la décision du ministre, ne peut être regardé comme un acte faisant grief susceptible comme tel d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort et en entachant son jugement d'irrégularité que le tribunal administratif de Caen a rejeté ces conclusions comme irrecevables.

En ce qui concerne l'arrêté du 6 février 2020 du ministre de l'enseignement supérieur :

S'agissant de la motivation de cet arrêté :

4. Si la nomination dans un corps en qualité de fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. Il en résulte que la décision refusant, au terme du stage, de le titulariser, n'a pour effet, ni de refuser à l'intéressé un avantage qui constituerait pour lui un droit, ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue, de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits. Par suite, l'arrêté de licenciement en litige, justifié par l'insuffisance professionnelle de l'intéressé et qui n'a pas le caractère d'une sanction, n'était pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré d'un défaut de motivation de cet arrêté ne peut donc qu'être écarté. Par ailleurs, l'avis préparatoire du conseil d'administration en formation restreinte, qui doit être motivé en application des dispositions de l'article 32 du décret du 6 juin 1984 dès lors qu'il est défavorable et dont la régularité peut être contestée à l'appui de la demande d'annulation de l'arrêté intervenu dans ses suites, comportait la mention des textes applicables et, contrairement à ce qui est allégué, des développements factuels précis relatifs aux griefs retenus de " positionnement fonctionnel incorrect ", " comportements inadaptés ", " investissement inexistant dans les activités de recherche du laboratoire de rattachement ", " absence d'intégration dans l'équipe pédagogique et de recherche ". Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris sur la base d'un avis insuffisamment motivé doit également être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la procédure devant le conseil d'administration :

5. Le requérant peut utilement se prévaloir de l'irrégularité de l'avis du conseil d'administration de l'université de Caen alors même que celui-ci ne constitue qu'une décision préparatoire de l'arrêté contesté, insusceptible de recours.

6. En premier lieu, M. B... a été informé par une lettre du 18 octobre 2019 de son audition, à sa demande, par le conseil d'administration en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, le 18 novembre 2019 et a été entendu à sa demande. S'il fait valoir qu'il n'a pas pu être assisté d'un conseil à cette occasion, il n'allègue ni même établit, d'une part, en avoir été empêché et, d'autre part, cette circonstance n'entache pas la procédure d'illégalité, dès lors que ni les dispositions précitées de l'article 32 du décret du 6 juin 1984, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni même aucun principe, le licenciement en cause ne résultant pas de griefs disciplinaires, ne prévoient la possibilité de se faire assister par un défenseur de son choix au cours de cette audition.

7. En second lieu, si le requérant soutient que les principes d'impartialité ou le principe du contradictoire auraient été méconnus lors de la séance du conseil d'administration, la seule circonstance dont il se prévaut, sans l'assortir du moindre élément factuel ou juridique, que la directrice de l'IUT, avant le début de la séance, se serait entretenue une trentaine de minutes avec les membres du conseil d'administration, n'est pas par elle-même de nature à faire naître un doute sur l'impartialité du conseil d'administration, dès lors qu'il n'est pas contesté que seuls les membres qui ont assisté à l'ensemble de la séance ont participé au vote, ni que cet entretien aurait eu une influence sur le sens du vote du conseil d'administration en formation restreinte. Dans ces conditions, le moyen tiré du manquement au principe d'impartialité ou de méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé :

8. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.

9. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

10. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

11. Pour apprécier la manière de servir de M. B... durant son stage et son aptitude à exercer ses fonctions en qualité de maître de conférence, le conseil d'administration siégeant en formation restreinte a relevé que l'intéressé avait un " positionnement fonctionnel incorrect ", des " comportements inadaptés ", que son " investissement [était] inexistant dans les activités de recherche du laboratoire de rattachement ", et a constaté une " absence d'intégration dans l'équipe pédagogique et de recherche ". D'abord, il ressort des pièces du dossier, en particulier des témoignages produits, nombreux, circonstanciés, que M. B... a rencontré des difficultés d'intégration qui ont concerné ses relations avec ses collègues de travail (maître de conférence, ATER), les personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers de service, sociaux et de santé (BIATOSS), en l'occurrence des secrétaires administratives et les étudiants. Ensuite, si M. B... a fait valoir en première instance qu'il avait entre 2018 et 2019 publié quatre articles, il ressort des pièces du dossier que la plupart de ces publications sont antérieures à la période de stage, et, par cette seule allégation, il n'apporte aucun élément de nature à établir sa participation aux activités du laboratoire auquel il était rattaché alors que le directeur du laboratoire de rattachement indique qu'aucune interaction entre lui-même et M. B... n'est venue confirmer l'existence d'une activité de recherche de la part de l'intéressé. Dans ces circonstances, eu égard aux fonctions qui sont celles d'un maître de conférence au sein d'une équipe de recherche, la décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ayant prononcé la fin de son stage et refusant de le titulariser n'a pas été prise pour des motifs disciplinaires et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'université ..., le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... ne peuvent dès lors être accueillies. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier le versement à l'université de ... de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'il a supportés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'université de ... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Une copie sera adressée à l'université de ....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

T. C...

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01514
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : BOUTHORS-NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-15;21nt01514 ?
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