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02/12/2022 | FRANCE | N°21NT01260

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 décembre 2022, 21NT01260


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SAS société touristique de La Trinité a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la commune de La Trinité-sur-Mer (Morbihan) à lui verser la somme de 2 892 958,72 euros, au titre de l'indemnisation de la part non amortie des biens de retour de la concession du casino de La Trinité-sur-Mer, et, d'autre part, d'annuler les titres exécutoires n°s 1086 et 1087 émis le 23 novembre 2018 pour le recouvrement de sommes d'un montant respectif de 62 475 euros et 603 500 euros.


Par un jugement n°s 1900152, 1901333 du 18 mars 2021, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SAS société touristique de La Trinité a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la commune de La Trinité-sur-Mer (Morbihan) à lui verser la somme de 2 892 958,72 euros, au titre de l'indemnisation de la part non amortie des biens de retour de la concession du casino de La Trinité-sur-Mer, et, d'autre part, d'annuler les titres exécutoires n°s 1086 et 1087 émis le 23 novembre 2018 pour le recouvrement de sommes d'un montant respectif de 62 475 euros et 603 500 euros.

Par un jugement n°s 1900152, 1901333 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de la SAS société touristique de La Trinité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021, la SAS société touristique de La Trinité, représentée par Me Sebag, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2021 ;

2°) de condamner la commune de La Trinité-sur-Mer à lui verser la somme de 2 892 958,72 euros, avec intérêts légaux à compter du 29 novembre 2018 et capitalisation de ces intérêts ;

3°) d'annuler les titres exécutoires n°s 1086 et 1087 du 23 novembre 2018 d'un montant respectif de 62 475 euros et 603 500 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Trinité-sur-Mer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait pas lui opposer un principe de non compensation ;

- elle a droit, dans le cas d'espèce de résiliation anticipée et ce quel que soit le motif d'arrêt de la délégation de service public avant son terme, à une indemnité égale au montant des investissements non amortis à la date du 1er novembre 2015, fin du dernier exercice comptable d'exploitation du casino, de 2 892 958,72 euros ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif rien ne permet d'établir qu'elle aurait renoncé à cette indemnité en cas de résiliation pour faute ;

- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018, qui a autorité de chose jugée, a réservé la question de l'indemnisation des biens de retours dépendant de l'existence ou non d'une valeur non amortie de ces biens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2021, la commune de La Trinité-sur-Mer, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la SAS société touristique de La Trinité une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS société touristique de La Trinité ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Sebag, pour la société touristique de La Trinité, et de Me Fekri pour la commune de la Trinité-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Trinité-sur-Mer a confié, par une convention conclue le 15 septembre 1999, l'exploitation d'un casino à la société Grand Casino de La Trinité-sur-Mer, devenue société touristique de La Trinité, pour une durée de dix-huit ans à compter de la date de l'autorisation d'ouverture. Le " cahier des charges pour l'exploitation des jeux " de la convention prévoyait notamment que le délégataire prendrait à sa charge les investissements nécessaires pour la réalisation d'un hôtel et d'un restaurant, de locaux de réunion, d'une salle polyvalente pour l'accueil de congrès et séminaires, d'un centre de remise en forme et d'une galerie d'arts plastiques. La société n'ayant pas rempli ses obligations, le conseil municipal de La Trinité-sur-Mer a, par une délibération du 17 septembre 2015, autorisé le maire à prononcer la déchéance du contrat conclu le 15 septembre 1999. Le 23 novembre 2018, la commune a émis à l'encontre de la société touristique de La Trinité, un titre exécutoire n°1086, d'un montant de 62 475 euros, correspondant aux redevances d'occupation sans titre, sur la période du 31 mai 2017 au 31 octobre 2018, du casino et de l'hôtel-restaurant construits dans le cadre de la convention du 15 septembre 1999, et un titre n°1087, d'un montant de 603 500 euros, faisant suite à la condamnation prononcée par un arrêt n° 17NT01468 de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018, condamnant la SAS touristique de La Trinité à verser à la commune une indemnité de 730 170 euros. Par une réclamation préalable du 29 novembre 2018, la société touristique de La Trinité a demandé à la commune de La Trinité-sur-Mer de l'indemniser à hauteur de la somme de 2 892 958,72 euros correspondant, selon elle, à la valeur non amortie des biens de retour de la concession. Sa demande ayant été rejetée, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes par deux requêtes tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de La Trinité-sur-Mer à lui verser la somme de 2 892 958,72 euros et, d'autre part, à l'annulation des titres exécutoires émis le 23 novembre 2018. Par un jugement n°s 1900152, 1901333 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ces demandes. La société touristique de La Trinité relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, lorsque la personne publique résilie une délégation de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.

3. Le document intitulé " cahier des charges de consultation relatif à la délégation de service public de casino ", qui présente un caractère contractuel dès lors qu'il prévoit notamment que " Le futur concessionnaire doit s'engager auprès de la commune de La Trinité-sur-Mer dans les conditions prévues dans le présent cahier des charges " stipule dans son article 10 que " Le retrait de l'autorisation ou son non-renouvellement auront pour conséquence l'annulation, de plein droit, du contrat de concession, des baux et autres conventions, sans aucune indemnité au profit du concessionnaire. ". Par ailleurs, à l'article 10 des modalités d'exploitation formulées le 10 juin 1999 dans son offre, la société Grand Casino de La Trinité-sur-Mer, devenue société touristique de La Trinité, a expressément pris acte de l'article 10 du cahier des charges de consultation et indiqué entendre s'y conformer. Cette offre est visée dans le cahier des charges de la délégation, qui précise que les engagements du délégataire s'imposent à lui, lequel cahier des charges prévoit à son article 9, en cas de faute grave du délégataire ou de non-respect d'une clause du contrat, la possibilité pour la commune de résilier la convention " aux torts exclusifs du délégataire ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les stipulations régissant les relations entre la société Grand Casino de La Trinité-sur-Mer, à laquelle a succédé la société requérante, et la commune de La Trinité-sur-Mer excluent toute indemnisation du concessionnaire en cas de résiliation du contrat de délégation de service public pour faute du délégataire, y compris avant le terme normal de la délégation, comme en l'espèce

5. La société touristique de La Trinité ne peut utilement se prévaloir à cet égard de l'autorité de chose jugée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 octobre 2018 qui s'est prononcé uniquement sur l'indemnisation de la commune pour les préjudices subis en raison des manquements de la société concessionnaire à ses obligations contractuelles, ledit arrêt rappelant en particulier que " La société délégataire ne pouvait donc pas s'abstenir de remplir ses obligations contractuelles, auxquelles elle a pourtant manqué, d'une part, en renonçant à réaliser le complexe hôtelier de 45 chambres prévu par l'article 7 modifié du cahier des charges, (...) d'autre part, en refusant à partir de 2011 d'honorer les obligations découlant des articles 5 et 6 du cahier des charges relatifs respectivement à la contribution au développement touristique de la station et à l'organisation d'une manifestation artistique annuelle, enfin, en fermant définitivement le casino et l'hôtel-restaurant situé 4-6 rue de Carnac le 30 juin 2015. Elle a ainsi commis des fautes de nature à justifier la résiliation de la convention de délégation en application de l'article 9 précité du cahier des charges. ". Par suite, au regard des stipulations citées au point 3, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnité égale au montant de ses investissements non amortis à la date du 1er novembre 2015, fin du dernier exercice comptable d'exploitation du casino.

6. En second lieu, outre que, comme il a été dit ci-dessus, la demande indemnitaire de la société touristique de La Trinité ne saurait prospérer, le principe de non-compensation des créances publiques s'oppose en tout état de cause à ce que la requérante puisse se prévaloir de ce que sa dette serait éteinte par imputation de sa prétendue créance indemnitaire sur les sommes mises en recouvrement par les titres exécutoires contestés émis le 23 novembre 2018. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de ces titres exécutoires.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS société touristique de La Trinité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Trinité-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société touristique de La Trinité demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société touristique de La Trinité une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de La Trinité-sur-Mer et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS société touristique de La Trinité est rejetée.

Article 2 : La société touristique de La Trinité versera la somme de 2 000 euros à la commune de La Trinité-sur-Mer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Trinité-sur-Mer et à la SAS société touristique de La Trinité.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01260
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SEBAG

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;21nt01260 ?
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